6 Infections bactériennes
Impétigo
L’impétigo est une infection superficielle de la peau, courante et très contagieuse. Elle est provoquée par Streptococcus pyogenes, Staphylococcus aureus ou une combinaison de ces deux bactéries.
L’impétigo bulleux et l’impétigo non bulleux constituent deux manifestations cliniques de la maladie.
Staphylococcus aureus est la cause d’environ 80 % des cas, et Streptococcus du groupe A, de 20 à 30 %.
Anamnèse
L’impétigo peut se manifester après une blessure cutanée mineure telle qu’une piqûre d’insecte ou des lésions de dermatite atopique ou d’une autre dermatose ; il se développe souvent sur une peau normale.
Les enfants étant en contact les uns avec les autres ont un taux plus élevé d’infection.
Les staphylocoques responsables peuvent coloniser le nez qui sert alors de réservoir pour l’infection cutanée.
Les climats chauds et humides ainsi que la mauvaise hygiène prédisposent à cette infection.
Manifestations cutanées
Impétigo bulleux
Des bulles à toit très fin peuvent évoluer du transparent à l’opaque. Les bulles s’effondrent rapidement et forment un anneau avec une croûte centrale mince, plate et de couleur miel.
Les lésions s’agrandissent et deviennent souvent coalescentes. L’érythème environnant est minimal. Une croûte épaisse se forme dans les lésions présentes pendant plus longtemps.
Des lésions sont observées à tous les stades d’évolution. Des adénopathies modérées sont possibles.
Impétigo non bulleux (croûteux)
Les vésicules ou les pustules se rompent, dévoilant une base rouge et humide. Il se forme une bordure décollée, arrondie, les lésions s’agrandissent.
La croûte fermement adhérente est jaune miel à brune ; elle s’épaissit tandis que la lésion s’étend en périphérie avec peu d’érythème environnant.
Des lésions satellites apparaissent au-delà de la périphérie.
Manifestations non cutanées
Les manifestations systémiques sont peu fréquentes.
Les lésions sont généralement asymptomatiques et indolores.
Une glomérulonéphrite aiguë a une incidence inférieure à 2 à 5 % ; en présence de certaines souches, le taux varie entre 10 et 15 %.
Le rhumatisme articulaire aigu n’a pas été rapporté comme complication de l’impétigo.
L’infection par Staphylococcus aureus est courante ; elle comporte des complications potentiellement graves chez les personnes atteintes du virus de l’immunodéficience humaine. Il y a couramment récidive après traitement.
Examens de laboratoire
Les cultures des lésions indiquent la présence de Staphylococcus aureus (pour l’impétigo bulleux, habituellement phage de groupe II,
type 71) ou des streptocoques du groupe A (le plus habituellement de sérotype M). Les streptocoques du groupe B peuvent être la cause de l’impétigo du nouveau-né. L’information sur la sensibilité est utile, étant donné l’incidence croissante de la résistance aux antibiotiques et la présence de Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline.
Évolution et pronostic
La maladie est autolimitée. Cependant, si elle n’est pas traitée, elle peut s’étendre et durer pendant des semaines ou des mois. Les complications systémiques sont rares.
L’ecthyma (lésions cutanées plus profondes avec infection dermique) peut résulter d’une infection chronique et non traitée d’impétigo. Il se manifeste plus couramment sur la jambe. Il y a un risque accru de pyodermite, de folliculite, de cellulite, de lymphadénite et d’ecthyma chez les porteurs de Staphylococcus aureus ou de streptocoques du groupe A.
Traitement
Pour des infections limitées et localisées d’impétigo non bulleux dû à Staphylococcus aureus (non résistant à la méticilline) ou
Streptococcus pyogenes, la mupirocine topique à 2 % est utilisée trois fois par jour pendant 10 jours. Il faut éviter une utilisation prolongée en raison de l’apparition possible de résistances.
L’acide fusidique en crème est utilisé avec succès contre l’impétigo.
Pour des infections étendues, particulièrement pour l’impétigo bulleux, on administre des antibiotiques oraux antistaphylococciques. En pédiatrie, on administre amoxicilline plus acide clavulanique, 20 mg/kg/jour en trois fois par jour pendant 10 jours. La résistance des staphylocoques à l’érythromycine est un problème.
En cas d’impétigo récidivant, un foyer occulte de Staphylococcus aureus est recherché ; les sites les plus courants sont les narines. Ils sont trouvés moins couramment dans le périnée, les aisselles ou entre les orteils.
La récidive peut être stoppée avec la mupirocine topique appliquée sur les narines deux fois par jour pendant 5 jours. Ce traitement est renouvelé mensuellement pendant plusieurs mois afin d’éliminer le portage nasal de Staphylococcus aureus.
Discussion
Staphylococcus aureus colonise provisoirement les narines de 20 à 40 % des personnes en bonne santé, ainsi que la peau des individus atopiques.
L’impétigo bulleux est principalement une maladie staphylococcique due au phage de groupe II, type 71. Il est présent plus souvent chez les jeunes enfants et les nouveau-nés.
L’impétigo non bulleux était autrefois considéré comme étant principalement une maladie streptococcique. Cependant, les staphylocoques sont isolés à partir de la plupart des lésions d’impétigo bulleux et non bulleux.
Une toxine épidermolytique produite au cours de l’infection, le plus couramment par des
Considérations pédiatriques
staphylocoques du groupe phage II, provoque un clivage intraépidermique au-dessous ou à l’intérieur de la couche granuleuse. Le résultat en est la formation de bulles dans le cas de l’impétigo bulleux.
Le psoriasis en gouttes est une conséquence rare de l’impétigo.
Cellulite infectieuse
La cellulite est une infection du derme et des tissus sous-cutanés, caractérisée par la fièvre, l’érythème, l’œdème et la douleur.
Anamnèse
La douleur et une hypersensibilité localisées apparaissent quelques jours avant le début des manifestations cliniques.
Les populations les plus à risque sont les personnes souffrant de diabète, de cirrhose, d’insuffisance rénale, de malnutrition et d’infection par le virus de l’immunodéficience humaine. Les patients qui ont un cancer et sont traités par chimiothérapie ou ceux qui consomment des drogues par voie intraveineuse et de l’alcool ont également un risque accru.
La cellulite infectieuse se manifeste typiquement près des plaies chirurgicales et traumatiques (par exemple morsures, brûlures, abrasions, lacérations et ulcères).
Elle peut se développer sur une peau apparemment normale ou aux emplacements d’autres dermatoses.
Des récidives se manifestent si des anomalies anatomiques locales compromettent la circulation veineuse ou lymphatique (c’est-à-dire dermite de stase chronique).
Le pavillon de l’oreille et la partie inférieure des jambes sont particulièrement sujets à la récidive.
Manifestations cutanées
Une lésion préexistante telle qu’un ulcère ou une érosion peut être le point d’entrée pour l’agent infectieux.
Le pied d’athlète peut constituer un état de prédisposition courant à la cellulite des membres inférieurs.
Une plaque rouge extensive, œdématiée, sensible ou douloureuse, mal délimitée, peut couvrir une zone plus ou moins grande.
La palpation provoque une douleur, mais rarement une crépitation.
Il peut se former des vésicules, des bulles, une hémorragie, une nécrose ou des abcès.
Une lymphadénopathie régionale se manifeste parfois ; une lymphangite et une adénite sont courantes en cas d’infection par Streptococcus pyogenes.
Les récidives aux jambes peuvent altérer le drainage lymphatique, provoquant un lymphœdème chronique des jambes.
L’étape finale après des infections répétées de la jambe inclut une fibrose cutanée, un lymphœdème et un épaississement épidermique. Cela est connu sous le nom d’éléphantiasis nostras.
Examens de laboratoire
Il peut y avoir une hyperleucocytose faible à modérée et un taux de sédimentation érythrocytaire légèrement élevé.
La cellulite infectieuse est le plus souvent provoquée par un streptocoque du groupe A ainsi que par Staphylococcus aureus. Beaucoup d’autres bactéries peuvent causer une cellulite infectieuse. Les organismes moins couramment en cause incluent Erysipelothrix rhusiopathiae (érysipéloïde) chez les personnes manipulant des poissons, des volailles, de la viande, des carcasses, Aeromonas hydrophilia après avoir nagé en eau douce, l’espèce Vibrio après avoir nagé en eau salée ou avoir été exposé à des fruits de mer crus et mouillés, Pasteurella multocida après morsure ou égratignure provoquée par un animal.
La culture de la lésion est une source d’information plus fiable que les cultures à partir de ponctions à l’aiguille.
Traitement
La surélévation du membre atteint aide au drainage et accélère la guérison.
Le traitement empirique avec des antibiotiques visant les staphylocoques et streptocoques est approprié. Il est en effet difficile de distinguer cliniquement les infections streptococciques et staphylococciques.
Une pénicilline pénicillinase-résistante telle que la dicloxacilline, à 500 à 1000 mg par voie orale, est administrée toutes les 6 heures.
Amoxicilline–acide clavulanique 875/125 mg par voie orale, deux fois par jour, ou 500/125 mg trois fois par jour (dose adulte).
Céphalosporine de première génération telle que la céfalexine, 250 à 500 mg quatre fois par jour.
Dose initiale de 500 mg d’azithromycine puis 250 mg du 2e au 5e jour, ou clarithromycine 500 mg toutes les 12 heures.
Le temps moyen de guérison après le début du traitement est de 12 jours.
La plupart des cas s’améliorent quand le patient suit un traitement antibiotique oral simple. Les cas ne réagissant pas nécessitent une réévaluation. Il faut alors envisager l’administration d’antibiotiques par voie intraveineuse.
Les infections graves peuvent exiger une hospitalisation et l’administration d’antibiotiques par voie intraveineuse. Traitement empirique en intraveineux avec couverture des streptocoques du groupe A et de Staphylococcus aureus par 1 g de céfazoline toutes les 8 heures ou 2 g de nafcilline toutes les 4 à 6 heures.
La cellulite à clostridium anaérobie est le plus couramment provoquée par Clostridium perfringens et parfois par d’autres Clostridia spp. La douleur, le gonflement des tissus mous et la toxicité systémique sont des caractéristiques évidentes. La présence de gaz peut être reconnue à la palpation ou visible par radiographie. Le traitement se compose de doses élevées de pénicilline par voie intraveineuse en plus de l’exploration chirurgicale rapide et du débridement des tissus dévitalisés.
La prophylaxie antimicrobienne prolongée peut être efficace contre la récidive quand le système lymphatique est déficient. Elle peut être poursuivie pendant des mois ou des années en utilisant l’érythromycine (250 mg deux fois par jour) ou le phénoxyméthyle de pénicilline (250–500 mg deux fois par jour).
Cellulite bactérienne secondaire à des blessures préexistantes, des traumatismes ou des lésions cutanées
Dans les cas d’eczéma et de lacérations, les organismes infectieux sont typiquement le Staphylococcus aureus ou les streptocoques du groupe A.
Les escarres de décubitus infectées sont souvent malodorantes et nécrotiques, et sont compliquées par une fièvre et un endolorissement accrus. Les organismes les plus couramment présents sont ceux de la flore intestinale mixte (Gram négatif, streptocoques et anaérobies).
L’infection des brûlures est plus généralement causée par Pseudomonas aeruginosa, d’autres Gram négatif, Staphylococcus aureus et Candida.
La cellulite infectieuse postchirurgicale peut être causée par les micro-organismes Gram négatif, et compliquée par la déhiscence et l’infection de la blessure. Un traitement antibiotique est recommandé contre Staphylococcus aureus, les streptocoques du groupe A et les bacilles Gram négatif.
La cellulite gangreneuse implique une nécrose étendue du tissu sous-cutané et de la peau sus-jacente. Il s’agit d’une forme de cellulite progressant rapidement et le plus couramment provoquée par des streptocoques du groupe A. Une telle gangrène streptococcique se manifeste le plus généralement à l’emplacement du traumatisme. Un érythème douloureux est suivi d’œdème, de bulles et de nécrose. Il peut être compliqué par la progression rapide d’une bactériémie et d’un choc infectieux. La prise en charge rapide est indispensable.
Les infections chez les sujets diabétiques ayant des ulcères de jambe nécessitent une couverture par un spectre large. Il faut envisager une céphalosporine parentérale et un aminoside, ou de la clindamycine et un aminoside.
Traiter les infections provenant des morsures de chien et de chat avec de l’amoxicilline–acide clavulanique par voie orale 875/175 mg deux fois par jour pendant 7 à 10 jours, ou 125/500 mg trois fois par jour ; une alternative est la doxycycline par voie orale 100 mg deux fois par jour pendant 10 jours. Les céphalosporines sont moins efficaces.
Conseils et recommandations
Le pied d’athlète interdigital peut constituer une porte d’entrée pour la cellulite des membres inférieurs. Les cultures effectuées à partir de prélèvements sur les espaces interdigitaux peuvent révéler les bactéries pathogènes.
La cellulite infectieuse est caractérisée par l’érythème, l’œdème et la douleur. Les patients ayant une cellulite de la jambe ont souvent une lésion préexistante telle qu’un ulcère ou une érosion pouvant servir de point d’entrée pour les micro-organismes infectieux.
Le traitement empirique contre la cellulite infectieuse doit permettre une bonne couverture de Staphylococcus aureus.
Considérations pédiatriques
La cellulite du pavillon de l’oreille peut être causée par l’infection par l’espèce Pseudomonas ou par des staphylocoques et des streptocoques. Lors d’une infection, il peut y avoir une altération permanente du système lymphatique, prédisposant le patient aux récidives d’érysipèle. Les poussées récidivantes sont provoquées par des manipulations de la peau ou même par le plus léger traumatisme.
Érysipèle
L’érysipèle est une forme aiguë et inflammatoire de cellulite qui diffère d’autres types de cellulite par son caractère superficiel et la participation lymphatique importante.
Il est plus superficiel et atteint le derme et la partie supérieure du tissu sous-cutané. Les limites sont plus nettement délimitées par rapport à la peau normale que dans le cas de la cellulite classique.
Les micro-organismes pathogènes les plus courants sont les streptocoques du groupe A. Une infection par streptocoques du groupe B s’observe chez les nouveau-nés.
L’infection peut commencer sur une lésion de la peau provoquée par un traumatisme, une plaie chirurgicale, un ulcère ou une morsure, ou une infection fongique superficielle. Le site d’entrée n’est pas toujours identifié.
Plus fréquent chez les nourrissons, les petits enfants et les personnes âgées.
Manifestations cutanées
La zone la plus couramment atteinte est le bas de la jambe. D’autres sites courants sont le visage, le bras et le haut de la cuisse. Chez le nouveau-né, la peau périombilicale est une zone couramment atteinte.
Une ou plusieurs taches rouges, sensibles et fermes, augmentent rapidement de taille pour former une plaque brillante tendue, rouge vif, chaude, nettement délimitée et uniformément surélevée, avec un contour irrégulier et enflé (peau d’orange).
La couleur devient foncée et très érythémateuse. Des vésicules peuvent apparaître en périphérie et sur la surface.
Le prurit, les brûlures, l’endolorissement et la douleur peuvent être modérés ou sévères.
Des stries rouges de lymphangite, parfois douloureuses, peuvent se prolonger en direction des zones ganglionnaires.
Des infections répétées peuvent altérer le drainage lymphatique, prédisposant le patient à davantage d’infection et à un lymphœdème permanent. Cette succession d’événements se manifeste le plus généralement à la partie inférieure des jambes, chez les patients souffrant de stase et d’ulcérations de cause veineuse. Des atteintes répétées peuvent aussi survenir sur la peau des régions génitales.