Chapitre 6. Étirements
Plan du chapitre
Techniques de base des étirements : étirement statique contre étirement dynamique, 61
Techniques approfondies d’étirement : technique du fixé-étiré, 62
Techniques approfondies d’étirement : techniques du contracté-relâché et de la contraction de l’agoniste, 65
Conclusion, 68
Objectifs du chapitre
Après avoir terminé ce chapitre, l’étudiant doit être capable de réaliser les éléments suivants.
1. Définir les concepts clés de ce chapitre.
2. Décrire la relation entre une ligne de tension et l’étirement.
3. Exposer le but et le bénéfice des étirements et décrire pourquoi on fait un étirement.
4. Expliquer comment on peut trouver les étirements en raisonnant au lieu de mémoriser.
5. Décrire la relation entre d’une part le cycle douleur contracture–douleur et le réflexe d’étirement, d’autre part la résistance à l’étirement.
6. Expliquer à quel moment l’étirement doit être fait, en particulier en rapport avec un entraînement physique de routine.
7. Comparer et opposer l’étirement statique et l’étirement dynamique.
8. Expliquer comment et pourquoi on pratique la technique d’étirement du fixé-étiré.
9. Décrire comment réaliser les techniques d’étirement par contracté-relâché, contraction de l’agoniste et contracté-relâché-contraction de l’agoniste.
10. Expliquer les similitudes et les différences entre l’étirement par contracté-relâché et l’étirement par contraction de l’agoniste.
Présentation
Introduction
Pour mieux comprendre les étirements, de façon que nous puissions les appliquer cliniquement, pour le plus grand bénéfice de nos patients, examinons d’abord les fondements de l’étirement, en posant les cinq questions suivantes et en y répondant. Qu’est-ce que l’étirement ? Pourquoi étirer ? Comment trouver la façon d’étirer les muscles ? Avec quelle force faut-il étirer ? À quel moment pratiquer les étirements ? Après, nous pourrons examiner les types de techniques d’étirement à la disposition du patient et du thérapeute/ entraîneur.
1. Qu’est-ce que l’étirement ?
Défini simplement, l’étirement est une méthode de thérapie corporelle physique qui allonge et agrandit les tissus mous. Ces tissus mous peuvent être des muscles et leurs tendons (appelés globalement des unités myofasciales), des ligaments et/ou des capsules articulaires. Quand nous effectuons un étirement sur notre patient, nous employons le terme de tissu cible pour décrire le tissu que nous voulons étirer (ou muscle cible quand nous voulons étirer spécifique ment un muscle ou un groupe musculaire). Pour produire un étirement, le corps du patient est mobilisé dans une position qui crée une ligne de tension qui tire sur les tissus cibles, et leur impose un étirement (figure 6-1). Si l’étirement est efficace, les tissus seront allongés.
Figure 6-1 |
2. Pourquoi étirer ?Bonus
On fait des étirements parce que les tissus mous sont susceptibles d’accroître leur tension et de devenir raccourcis et contractés. Les tissus mous raccourcis et contractés résistent à l’allongement et limitent la mobilité de l’articulation qu’ils croisent. Le mouvement spécifique qui est limité sera celui du segment corporel (au niveau de l’articulation) qui se dirige dans la direction opposée à l’emplacement des tissus raides. Par exemple, si le tissu raide se situe à la partie postérieure de l’articulation, le mouvement antérieur du segment corporel dans cette articulation sera limité, et si le tissu raide se trouve en avant de l’articulation, c’est le mouvement postérieur du segment corporel qui sera limité (figure 6-2).
Figure 6-2 |
La tension d’un tissu peut être décrite comme sa résistance à l’étirement.
Comme énoncé, un tissu raccourci et contracté peut être décrit comme ayant une plus grande tension. Il existe deux types de tension musculaire, la tension passive et la tension active. Tous les tissus mous peuvent présenter une tension passive accrue. La tension passive est la conséquence d’une augmentation des adhérences fasciales qui, à la longue, s’installent dans les tissus mous.
En plus de cette tension passive, les muscles sont susceptibles de présenter une tension active accrue. La tension active se produit quand les éléments contractiles d’un muscle (les filaments d’actine et de myosine) se contractent sous l’effet du mécanisme de glissement des filaments, créant une force de traction vers le centre du muscle. Si un tissu mou présente une augmentation de tension, qu’elle soit passive ou active, cette tension accrue rend le tissu plus résistant à l’allongement. Les étirements sont donc conçus pour allonger et agrandir ces tissus, dans l’espoir de restaurer l’amplitude complète et la mobilité du corps.
Les muscles sont classiquement considérés comme étant les seuls tissus capables de produire une tension active. Cependant, des recherches récentes ont montré que les tissus conjonctifs fibreux contiennent fréquemment des cellules appelées myofibroblastes, issus des fibroblastes que l’on trouve normalement dans les tissus conjonctifs fibreux. Les myofibroblastes contiennent des protéines contractiles capables de se contracter activement. Bien qu’en quantité inférieure à ce que contient le tissu musculaire, les myofibroblastes du tissu conjonctif sont susceptibles d’être présents en nombre suffisant pour exercer une influence biomécanique quand on évalue la tension active de ce tissu conjonctif.
3. Comment trouver la façon d’étirer les muscles ?
Trouver comment étirer un muscle est réellement très facile. Rappelez-vous simplement les actions que vous avez apprises pour le muscle cible, puis faites l’inverse d’une ou de plusieurs de ses actions. Comme les actions d’un muscle sont celles que fait le muscle quand il se raccourcit, alors l’étirement et l’allongement du muscle devraient être obtenus en faisant faire au patient le contraire des actions du muscle. De façon élémentaire, si un muscle fléchit une articulation, l’extension de cette articulation doit l’étirer. Si le muscle est abducteur d’une articulation, l’adduction de cette articulation doit l’étirer. Si un muscle est rotateur médial d’une articulation, la rotation latérale de cette articulation doit l’étirer. Si un muscle a plus d’une action, alors l’étirement optimal doit tenir compte de toutes ses actions.
Si le tissu cible à étirer n’est pas un muscle mais plutôt un ligament ou une zone de capsule articulaire, on peut là aussi découvrir comment les étirer en réfléchissant au lieu d’apprendre par cœur. Une des façons de faire cela est de penser le ligament ou la zone de la capsule articulaire comme s’il s’agissait de muscles. Représentez-vous ce que serait leur action si c’étaient des muscles, puis faites l’action antagoniste de cette action. Encore plus simple, mobilisez le segment corporel du patient dans cette articulation, vers la direction qui s’éloigne du côté de l’articulation où le ligament ou la zone de la capsule articulaire se situent. Par exemple, si le tissu cible est un ligament situé en avant de l’articulation de la hanche, mobilisez simplement la cuisse du patient vers l’arrière, dans l’articulation de la hanche (ou faites une rétroversion du bassin dans la hanche), pour l’étirer. Faire cela marchera pour la plupart des ligaments et des fibres de la capsule articulaire, sauf pour celles qui sont disposées horizontale ment dans le plan transversal. Pour étirer celles-ci, il faut faire une rotation dans le plan transversal.
Par exemple, si le muscle à étirer est le trapèze supérieur droit, étant donné que ses actions sont l’extension, l’inclinaison latérale droite et la rotation gauche du cou et de la tête dans les articulations vertébrales, l’étirement du trapèze supérieur droit exige une flexion, une inclinaison latérale gauche et/ou une rotation droite de la tête et du cou dans les articulations vertébrales.
Quand un muscle a de nombreuses actions, il n’est pas toujours nécessaire de faire toutes les actions opposées. Mais il arrive que ce soit souhaitable ou nécessaire. Si le trapèze supérieur droit est assez raide, faire une simple flexion dans le plan sagittal peut suffire à l’étirer. Mais si un étirement plus important est nécessaire, alors l’inclinaison gauche dans le plan frontal et/ou la rotation droite dans le plan transversal pourraient être ajoutées, comme le montre la figure 6-3.
Figure 6-3 |
Même si, pour étirer le muscle, on n’exploite pas tous les plans dans lesquels il agit, il reste important d’être conscient de toutes les actions du muscle, sinon on risque de commettre une erreur en l’étirant. Par exemple, si on étire le trapèze supérieur droit par une flexion et une inclinaison latérale gauche de la tête et du cou du patient, il importe de ne pas laisser la tête et le cou tourner à gauche, car cela permettrait au trapèze supérieur droit de se détendre et la tension de l’étirement serait perdue. De surcroît, étant donné que le trapèze supérieur droit fait également l’élévation de la scapula droite dans l’articulation scapulothoracique, il importe de s’assurer que la scapula droite est abaissée ou, au moins, de ne pas lui permettre de s’élever pendant l’étirement ; à défaut, la tension de l’étirement sera perdue, là aussi.