4. Mécanique du corps à l’usage du thérapeute manuel*

Chapitre 4. Mécanique du corps à l’usage du thérapeute manuel*



Plan du chapitre




Catégorie 1 : matériel,30


Catégorie 2 : positionnement du corps,32


Catégorie 3 : exécution de la manœuvre de massage,39


Résumé,43

Objectifs du chapitre
Après avoir terminé ce chapitre, l’étudiant doit être capable de réaliser les éléments suivants.




1. Définir les concepts clés de ce chapitre.


2. Expliquer l’importance de la hauteur et de la largeur de la table pour la production efficace d’une force.


3. Comparer l’utilisation d’une force interne et d’une force externe pour exercer une pression.


4. Expliquer l’importance du lubrifiant pour l’application de la force.


5. Comparer et opposer les mérites respectifs de se pencher dos rond et de se pencher en fléchissant les membres inférieurs.


6. Discuter le concept d’alignement du centre du corps pour la production d’une force.


7. Discuter la relation entre la position du pied et la production d’une force.


8. Énumérer et discuter les trois positions des pieds.


9. Discuter de l’importance de la posture du cou et de la tête.


10. Expliquer l’importance de l’alignement des articulations pendant l’exécution d’un massage.


11. Discuter l’importance de la production proximale de forcepar rapport à la production distale.


12. Discuter l’importance de la direction de la force d’une manœuvre de massage.


13. Discuter l’importance d’utiliser un contact large sur le patient, par rapport à un contact restreint.


14. Expliquer pourquoi un contact en double appui constitue une aide.






Introduction



Comprendre et appliquer les fondamentaux d’une bonne mécanique du corps est simple. Il nous faut appliquer les lois de la physique à notre corps. Les mêmes lois physiques qui régissent tout phénomène physique, incluant la lune et les étoiles, gouvernent les forces produites par notre corps et celles auxquelles il est soumis. Si nous travaillons selon ces lois de la physique, nous sommes en mesure de produire de plus grandes forces avec moins de fatigue, de travailler sur nos patients sans effort et d’imposer moins de contraintes à notre corps. Mais si nous ne tenons pas compte des lois de la physique, il nous sera plus fatigant de produire la puissance nécessaire à notre travail et notre corps subira plus de contraintes susceptibles de nous blesser.

Malheureusement, dans le monde de la thérapie manuelle, on n’accorde pas assez d’attention à l’étude de la mécanique du corps. Le résultat, c’est que de nombreux jeunes diplômés, tout comme les thérapeutes établis, n’ont souvent pas les moyens de travailler les tissus profonds sans muscler le massage au prix d’un effort excessif. Au lieu de travailler plus intelligemment, ils travaillent plus dur, avec pour résultat un grand nombre de lésions. Nombre de ces lésions obligent des thérapeutes, par ailleurs compétents et efficaces, à abandonner prématurément ce domaine. En outre, de nombreux thérapeutes quittent le métier non pas à cause de blessures manifestes, mais en raison du surmenage physique engendré par le côté physique de la pratique régulière du massage. Prodiguer un massage et s’adresser aux tissus peut être une tâche éprouvante, particulièrement si c’est fait avec une mauvaise technique !

Le but de ce chapitre est de proposer un ensemble de 10 directives destinées à créer les conditions d’une mécanique du corps respectueuse de la santé. Le respect d’une bonne mécanique du corps est constamment important ; mais il devient crucial quand on effectue un travail sur des tissus profonds, ce qui exige une production de pression plus élevée et en plus grande quantité. Pour cette raison, ces directives sont particulièrement recommandées aux praticiens de thérapie corporelle qui pratiquent de façon régulière un travail sur les tissus profonds. Bien que ce chapitre ne traite pas tous les aspects et facettes de la mécanique du corps à l’usage des praticiens de thérapie corporelle, il fournit un nombre conséquent de bases essentielles. Aussi important qu’il soit de suivre les règles et directives, restez conscients que la thérapie corporelle n’est pas seulement une science, mais que c’est aussi un art. Par conséquent, les directives qui suivent doivent être intégrées au style personnel du thérapeute.


Catégorie 1 : matériel



Directive n° 1 : diminuer la hauteur de la table


La hauteur de la table est sans doute le facteur numéro un qui détermine l’efficacité de la production de la force du thérapeute. La hauteur adaptée de la table est déterminée par une combinaison de facteurs, dont les suivants :




o taille du thérapeute


o taille du patient


o installation du patient sur la table (décubitus, procubitus, latérocubitus)


o technique employée

Quand il s’agit de produire et d’exercer une force avec moins d’effort, la table doit être basse. Baisser la table permet au thérapeute d’utiliser le poids de son corps pour engendrer de la force. Le poids est simplement la mesure de la force qu’exerce la pesanteur sur la masse. Étant donné que la pesanteur est une force externe qui ne se fatigue jamais, pourquoi ne pas en tirer avantage ?

Quand un thérapeute produit une force pour travailler sur un patient, cette force peut être produite de deux façons, de manière interne à l’intérieur du corps par les muscles, ou de manière externe à partir de la pesanteur. La production d’une force interne par la musculature exige un effort de notre part et peut être fatigante. Cependant, la production de force par la pesanteur ne demande aucun effort. Si le but est de produire une force avec le minimum d’effort possible, il est souhaitable d’exploiter la pesanteur autant que possible. Mais la pesanteur n’agit pas horizontalement, ni en diagonale. Elle ne s’exerce que verticalement, ou vers le bas. Par conséquent, elle n’est utile que si le poids du corps du thérapeute est littéralement au-dessus du patient. Cela suppose que le patient soit placé au-dessous du thérapeute ; d’où la nécessité d’une table basse.






Bien qu’il n’y ait pas de hauteur de table idéale, la règle, pour un travail en profondeur, est que le dessus de la table ne soit pas plus haut que le bord supérieur de la patella (articulation du genou) du thérapeute.













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Figure 4-1
Illustration d’un thérapeute travaillant sur une patiente, la table étant positionnée à différentes hauteurs. Sur chaque photo, la flèche bleue représente la force qui passe du membre supérieur du thérapeute jusqu’à la patiente, et la flèche verte verticale représente la composante due à la pesanteur (la flèche verte horizontale représente la force du poids du corps du thérapeute qui est perdue parce qu’elle n’est pas strictement verticale). Remarquez que le vecteur de la composante verticale est moindre quand la table est haute (A), et est supérieur quand la table est basse (C). Idéalement, si la ligne de force du thérapeute est presque purement verticale comme en C, presque toute la force peut être délivrée par la pesanteur, et la musculature du thérapeute a peu d’effort à fournir. Une bonne recommandation pour déterminer la hauteur de table adaptée au travail tissulaire 4 en profondeur est que le dessus de votre table ne soit pas plus haut que le bord supérieur de la patella (l’articulation du genou).


Quand on exerce une pression profonde en s’appuyant sur le patient, il est important que le thérapeute conserve une position d’autosoutien. Cela veut dire que, même si le thérapeute s’appuie sur le patient, si celui-ci bouge ou si le thérapeute a besoin d’interrompre sa pression sur le patient, il doit pouvoir rapidement cesser de s’appuyer dessus, retrouver son équilibre et être en mesure de soutenir à nouveau son corps. Travailler à partir d’une position d’autosoutien permet de conserver le contrôle et l’équilibre du thérapeute, augmentant ainsi l’efficacité de la séance autant que le confort du patient. Cet autosoutien peut être conservé grâce à un appui solide et stable des membres inférieurs (cela sera abordé de façon plus approfondie dans la directive n° 5).





Pour essayer chez vous le principe de la hauteur de la table, placez un pèse-personne sur une chaise ou une table de massage, à des hauteurs variées. À chaque hauteur, appuyez-vous simplement sur le pèse-personne et lisez la force que vous exercez dessus (figure 4-2). Si le pèse-personne est suffisamment bas pour que vous soyez directement au-dessus, notez combien de pression vous pouvez produire sans effort en vous appuyant passivement dessus. Essayez de reproduire le même chiffre avec un effort musculaire, quand le pèse-personne se trouve sur une surface plus haute. La différence d’effort requis est la différence de travail que le thérapeute doit fournir. Multipliez cela par le nombre de minutes ou d’heures que le thérapeute travaille par semaine/ mois/année et vous apprécierez l’effet cumulatif qu’a une table positionnée trop haut.








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Figure 4-2
Démonstration d’une méthode facile, utilisant un pèse-personne ordinaire, pour déterminer l’effort nécessaire pour exercer une force dans le corps d’un patient, à différentes hauteurs de table. C’est en plaçant la balance plus bas et simplement en s’appuyant dessus qu’on obtient la plus grande pression avec le moins d’effort.


En plus de la hauteur de la table, il faut tenir compte de sa largeur. Plus elle est large, plus il est difficile au thérapeute de positionner le poids de son corps au-dessus du patient. Si le patient se tient au milieu de la table, il est plus éloigné du thérapeute. Pour cette raison, quand on veut utiliser le poids du corps, une table étroite est ppréférable.


Table élévatrice électrique


Quand on travaille sur une table en position basse, il faut tenir compte d’un autre facteur. Si on veut une pression profonde, une table basse est idéale. Mais, quand on veut appliquer une pression légère, il est réellement plus facile de travailler sur une table haute. Une pression légère demande moins d’effort si vous vous tenez plus droit et exercez la pression avec des manœuvres plus proches de l’horizontale. Dans ce scénario, si la table est en position basse, vous devez soit vous pencher pour aller plus bas, soit élargir l’appui des membres inférieurs pour amener le haut du corps au niveau du patient. De ces deux choix, l’élargissement de l’appui est préférable. Mais cela exige plus d’effort que de se tenir simplement debout redressé. C’est la raison pour laquelle la hauteur idéale de la table variera pendant la séance thérapeutique, en fonction du type de travail que l’on fait. La solution à ce dilemme, pour tous ceux qui combinent travail en profondeur et travail en superficie de façon régulière, est d’utiliser une table élévatrice électrique. Bien que beaucoup, dans la profession de thérapeute corporel, considèrent les tables électriques comme extravagantes, de mon point de vue, elles sont indispensables. Pouvoir changer la hauteur de la table au cours de la séance, simplement en appuyant sur une pédale, permet d’exercer une pression plus profonde avec moins d’effort sur une table basse, et vous permet également de vous tenir plus droit pendant un travail plus léger, sur une table positionnée plus haut. Cela assure de meilleures séances thérapeutiques pour le patient, en même temps que des séances plus respectueuses de la santé et moins fatigantes pour le thérapeute. Sur le long terme, les bénéfices d’une table électrique compensent largement l’inconvé- nient du supplément de dépense lors de l’achat initial.


Directive n° 2 : utiliser moins de lubrifiant


Pour les praticiens de thérapie corporelle débutants, la quantité de lubrifiant utilisée représente souvent une partie du problème. L’intérêt d’employer un lubrifiant est de permettre aux mains du thérapeute de glisser sur la peau du patient sans friction excessive. Mais, plus on met de lubrifiant, plus la pression du thérapeute se transforme en glissade et dérapage sur la peau du patient au lieu d’une pression à l’intérieur des tissus du patient. La recommandation générale pour le lubrifiant est d’en employer la plus petite quantité nécessaire au confort du patient. Toute quantité supérieure à cela diminue l’efficacité de la pression exercée à l’intérieur du patient. Outre la quantité de lubrifiant, le type de lubrifiant est lui aussi susceptible de faire une différence. Généralement, les lubrifiants à base d’huile ont tendance à entraîner plus de glissement et, pour le travail des tissus profonds, se montrent moins efficaces que les lubrifiants à base d’eau.


Catégorie 2 : positionnement du corps



Directive n° 3 : se pencher correctement


Bien que la posture corporelle idéale pour exercer une pression profonde, avec le maximum d’efficacité, soit de vous positionner directement au-dessus du patient et d’exercer la force directement vers le bas, cette posture n’est habituellement pas réalisable sans un peu de flexion. La manière dont le thérapeute se fléchit est extrêmement importante, parce que la flexion a tendance à créer des déséquilibres de la posture, qui exigent un effort de maintien, et elle impose des contraintes au corps du thérapeute. Les postures en flexion peuvent se diviser en deux catégories générales : le penché dos rond et le penché membres inférieurs fléchis.






Hausser les épaules ou ne pas hausser les épaules ?



Mais récemment, j’ai commencé à remarquer que mes épaules étaient souvent en position haute pendant que je travaillais sur des patients. Cela m’a troublé, parce que je me sentais détendu pendant que je massais. Néanmoins, je me suis dit qu’avoir les épaules hautes ne pouvait pas être bien, aussi je les ai abaissées et ai continué le massage. Mais, rapidement, je me suis à nouveau retrouvé avec les épaules en l’air. Un doute commença à s’introduire dans mon esprit, tout en restant dans l’ombre. De temps à autre, j’y pensais pendant une minute ou deux, mais je n’ai jamais dit à quelqu’un que hausser les épaules pouvait être bien. C’est au cours d’un séminaire sur les tissus profonds, à Tucson, en Arizona, alors que je faisais une démonstration de la posture/mécanique correcte du corps, qu’un participant particulièrement futé me prit au piège avec cette question : « Est-il toujours mauvais de travailler avec les épaules en élévation ? » Je fus un peu choqué de m’entendre répondre « Non ». C’était la première fois que je disais cela à voix haute. Cela paraissait hérétique et je suis sûr qu’à l’instant nombre de lecteurs hochent la tête et se demandent comment j’ai pu dire ça.

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Apr 23, 2017 | Posted by in MÉDECINE COMPLÉMENTAIRE ET PROFESSIONNELLE | Comments Off on 4. Mécanique du corps à l’usage du thérapeute manuel*

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