6: Amblyopie

CHAPITRE 6


Amblyopie




I


DÉFINITION ET CLASSIFICATIONS DES AMBLYOPIES



Comment expliquer au(x) parent(s) ce qu’est une amblyopie ? Comment l’expliquer à l’enfant également, car il ou elle veut savoir même à quatre ou cinq ans pourquoi il ou elle va voir si souvent un docteur et pourquoi on le tracasse avec la mise en place d’un pansement, si joli ou si coloré soit-il!


Se référer à notre dictionnaire Bailly et évoquer une « vision » image « faible » image ne va pas vraiment éclairer le patient. On peut tenter d’effrayer les parents en faisant le parallèle entre leur enfant amblyope et un borgne, afin de les inciter à (mieux) faire le traitement par occlusion… Un amblyope serait un borgne fonctionnel : une telle définition serait certes simpliste mais efficace.


Définir une amblyopie est malaisé car l’amblyopie est une pathologie développementale complexe aux multiples facettes. Tous les amblyopes ne sont pas identiques, de par l’étiologie de leur amblyopie, de par la sévérité ou la légèreté de leur affection. L’amblyopie est une maladie dont la conséquence première est une vision anormale mais, pour autant — ce qu’il faut comprendre pour le faire comprendre —, ce n’est pas une maladie de l’œil. C’est une « maladie du cerveau » ou, plutôt, une maladie des connexions neuronales, c’est-à-dire une maladie de l’intégrateur visuel, le récepteur étant normal. Il ne faut pas trop effrayer les parents qui vont croire que le cerveau du bambin est anormal, sans pour autant minimiser la pathologie car il faut la traiter avec force.



Amblyopie fonctionnelle versus amblyopie organique


Dans la problématique de définition et de classification de l’amblyopie, on va distinguer l’amblyopie fonctionnelle de l’amblyopie organique. Elles se définissent en opposition l’une par rapport à l’autre, et tout ce qui n’est pas une amblyopie fonctionnelle est une amblyopie organique, et inversement, à l’instar de la prose et des vers du Bourgeois Gentilhomme…


Dans ce cadre, l’amblyopie fonctionnelle est définie comme une baisse de la vision d’un œil par rapport à l’autre alors qu’il n’est retrouvé aucune anomalie anatomique de l’œil ou des voies visuelles [1].Il existe trois causes à cette amblyopie fonctionnelle : l’anisométropie, le strabisme, la privation visuelle — nous y reviendrons dans la section suivante : « Pourquoi un œil devient amblyope ? ». Rappelons :



Dans l’amblyopie organique, inversement, il existe une anomalie de l’œil ou des voies visuelles, c’est-à-dire une perturbation de la transmission, de la perception ou de l’intégration du message visuel.


Ceci est bien schématique et trop simple, tant il est vrai, par exemple, que dans la cataracte congénitale unilatérale on retrouve un phénomène de privation de l’image (caractère fonctionnel) mais aussi une anomalie anatomique (caractère organique). Après traitement se surajoutent souvent un strabisme (déviation de l’œil opéré) et une anisométropie — du fait de la problématique du calcul d’implant chez un tout petit enfant dont l’œil n’a pas atteint la taille adulte, de sorte que si on rendait l’œil opéré emmétrope au moment de l’intervention avec un implant de 30 δ à 40 δ, il serait à terme fort myope ; mais, à l’inverse, sous-corriger la puissance de son implant à 25 δ à 30 δ le rendrait immédiatement très hypermétrope…; et nous n’évoquons pas, en outre, le problème de la presbytie immédiate et précoce induite par l’implantation monofocale, ce qui a encouragé certains à employer des implants multifocaux mais dont l’efficacité chez le petit enfant reste un sujet de controverse.


Les amblyopies organiques sont, dans la définition francophone, les amblyopies induites par une anomalie organique/anatomique de l’œil ou des voies visuelles. On y inclut les pathologies rétiniennes au niveau cellulaire (rétinopathies pigmentaires, par exemple), dans lesquelles le fond d’œil peut être initialement (sub)normal, de même que les pathologies du nerf optique. Pour autant, on l’a vu, les phénomènes amblyopigènes sont souvent multiples car il existe de façon surajoutée une problématique « fonctionnelle » telle qu’on la définissait plus haut : suppression dans la cataracte congénitale ou dans tout ce qui entraîne une opacité des milieux, anomalies palpébrales (ptosis, hémangiome, autres), anisométropie séquellaire (astigmatisme cornéen, problématiques réfractives de la cataracte, etc.), strabisme associé d’un œil amblyope pour une raison « organique ».


Ainsi, finalement, on pourrait modifier la définition : l’amblyopie est toujours fonctionnelle et, parfois, une part organique se surajoute (et/ou est un des mécanismes expliquant la part fonctionnelle). On pourrait également supprimer la définition de l’amblyopie organique ou de l’amblyopie mixte (fonctionnelle et organique), en disant que l’amblyopie « organique » est toujours mixte.


De plus, il faut souligner la différence de terminologie entre les francophones et les anglophones — si l’auteur de ces lignes était polyglotte, il aurait tenté d’analyser les subtilités de définitions dans d’autres langues ; nous nous contenterons de la langue de Shakespeare qui s’opposera à celle de l’auteur de notre Bourgeois Gentilhomme que nous évoquions plus haut. Von Noorden rappelle la définition de l’amblyopie fonctionnelle outre-Atlantique [8] : il s’agit d’une diminution de la vision du fait d’une privation visuelle ou bien du fait d’une anomalie de l’interaction binoculaire — dans laquelle nous autres francophones pouvons ranger à la fois l’amblyopie strabique et l’amblyopie anisométropique puisque, dans ce cas, l’interaction binoculaire est perturbée non pas par une déviation angulaire motrice mais par l’asymétrie de l’image, l’une étant nette et l’autre floue… Citons la définition in extenso de von Noorden : « Decrease of visual acuity by pattern vision deprivation or abnormal binocular interaction for which no causes can be detected by the physical examination of the eye. » Par opposition, l’amblyopie organique est celle des « patients with loss of vision in one eye caused by retinal damage that is not detectable with the ophtalmoscope », c’est-à-dire de patients dont la baisse de vision est due à des lésions rétiniennes non détectables à l’ophtalmoscope ; ces lésions sont plus loin définies comme « subtle, sub-ophtalmoloscopic morphologic changes », c’est-à-dire discrètes, infra-ophtalmoscopiques. Il faut rappeler que cette définition de von Noorden est ancienne, son magnifique ouvrage datant de 1974, c’est-à-dire à une époque qui ne connaissait pas la tomographie en cohérence optique ou l’électrorétinogramme multifocal, lesquels outils permettent désormais de faire le diagnostic de ces baisses d’acuité visuelles à fond d’œil « normal ». il faudrait donc désormais oublier le terme d’organic amblyopia qui ne correspond plus à une réalité dans la langue anglaise. En français, ce terme devrait peut-être aussi être abandonné, car il correspond en fait à une amblyopie « fonctionnelle » mais de cause organique/anatomique puisque, comme souligné plus haut, toute amblyopie est fonctionnelle ; ceci est confirmé par le fait que finalement l’ancienne définition francophone d’« amblyopie fonctionnelle » est l’équivalent à celle anglophone d’« amblyopia ».


Une notion temporelle devrait également être ajoutée à la définition de l’amblyopie, ce qui permet ainsi d’intégrer la problématique développementale et celle de la période sensible du développement visuel car, sinon, la cataracte adulte serait aussi une cause d’amblyopie puisqu’elle entraîne une baisse de vision par privation.




Nous sommes conscients de la lourdeur de la définition qui veut finalement intégrer toutes les amblyopies : fonctionnelle et mixte (anciennement « organique »), mono- et bi(n)oculaires, etc. Il est plus facile d’expliquer aux parents, qu’on soit dans un cadre « fonctionnel » ou « anatomique », que l’amblyopie est une anomalie des connexions entre l’œil et le cerveau ou encore une paresse d’un œil. Mais si l’œil ne voit pas, mettons des lunettes, s’interroge le parent…




Dans certains cas d’amblyopie organique, on est proche de la malvoyance, par exemple en cas de pathologie bilatérale, comme dans l’albinisme oculaire ; c’est pourquoi il a été proposé de rapprocher notre « amblyopie organique » du « visual impairment » (déficience visuelle) ; cela ne nous semble pas tout à fait exact et on sera, dans ces cas de déficience visuelle, dans le cadre de l’amblyopie bi-oculaire, ou bilatérale (cf. infra).





Amblyopie monoculaire versus amblyopie binoculaire


L’amblyopie est la baisse de la fonction visuelle d’un œil par rapport à l’autre, c’est-à-dire qu’il existe une asymétrie entre la vision d’un œil et la vision de l’autre, ce qui sous-tend une notion de compétition de l’information sensorielle en provenance d’un œil par rapport à l’autre. Ceci va correspondre en fait à une amblyopie monoculaire et le terme « amblyopie » est largement synonyme d’« amblyopie monoculaire ». Dans l’amblyopie monoculaire, la fonction visuelle d’un œil est normale, alors que la fonction visuelle de l’autre œil est anormale. De fait, l’acuité visuelle est asymétrique. Rappelons qu’il y a asymétrie de l’acuité visuelle dès lors qu’une différence est retrouvée… si on la cherche : il ne suffit pas d’avoir 10/10 des deux yeux pour ne pas être amblyope car, si un des deux yeux a 16/10, il est une réalité que l’œil qui n’a que 10/10 est amblyope, relativement à son compère.


À l’opposé de l’amblyopie monoculaire est définie l’amblyopie binoculaire qui ne correspond pas à une baisse de vision des deux yeux, mais à l’absence de vision binoculaire normale, laquelle peut être définie par un résultat au test TNO égal ou inférieur à 30 secondes d’arc. L’amblyopie binoculaire est la conséquence d’une altération très précoce de l’expérience visuelle, dans la première année de vie, qui a entre autres comme conséquence l’absence de maturation normale des neurones de la couche II/III du cortex, qui n’acquièrent pas la propriété de binocularité et demeurent des neurones monoculaires. C’est le cas dans le strabisme précoce ou dans la cataracte congénitale précoce survenant dans la première année de vie. Il existe également une amblyopie binoculaire si l’amblyopie monoculaire est profonde, c’est-à-dire si l’acuité visuelle de l’œil amblyope ne dépasse pas 1/10. Enfin, en cas d’amblyopie bilatérale/bi-oculaire moyenne à profonde, il existe une amblyopie binoculaire associée.



Amblyopies bilatérales/bi-oculaires


Il existe des cas d’altérations précoces de l’expérience visuelle bilatérales curables, par exemple une cataracte bilatérale, une opacité de cornée bilatérale comme dans l’anomalie de Peters, ou incurables et dans ce cas évolutives ou non, par exemple l’albinisme oculaire (non évolutif) ou la rétinopathie pigmentaire (évolutive). Les amétropies fortes sont curables bien entendu par la correction optique mais, pour autant, la vision peut plafonner après correction ; il s’agit d’une amblyopie réfractive, possible dès lors que la myopie est supérieure à 6 δ, que l’hypermétropie est supérieure à 4 δ, que l’astigmatisme est supérieure à 2 δ. Les nystagmus sont de grands pourvoyeurs d’amblyopies bilatérales, qu’ils soient primitifs ou secondaires à une pathologie organique (nystagmus sensoriel).





Pathologie curable

Dans les cas curables, après chirurgie bilatérale de la cataracte, selon la précocité de celle-ci et selon le moment de l’intervention et l’importance ou non des complications possibles en postopératoire (du fait en particulier des réactions inflammatoires plus fréquentes chez l’enfant et la possibilité même de cataracte secondaire correspondant à une réelle régénération de cellules et masses cristalliniennes), l’acuité visuelle des deux yeux peut ne pas être normale et plafonner. Il existe alors une amblyopie bilatérale, symétrique ou non. L’amblyopie bilatérale asymétrique est fréquente après greffe de cornée bilatérale dans l’anomalie de Peters. Dans ces cas, la greffe de cornée peut être retardée après l’âge de six mois, car elle est plus périlleuse avant cet âge et difficile techniquement du fait de la taille de l’œil, ce qui engendre une longue privation visuelle chez le nourrisson ; le chirurgien doit faire la part des choses entre ce risque d’amblyopie et le risque de l’intervention trop précoce ; pour la greffe de cornée éventuelle du second œil, elle ne doit pas être trop précoce après le premier œil pour deux raisons : il est plus sage d’attendre que tous les fils du premier œil soit enlevés avec un greffon fonctionnel et, par ailleurs, la réaction inflammatoire et antigénique induite par la greffe peut être délétère pour l’œil controlatéral si la procédure est trop précoce ; mais il est vrai aussi que le pronostic fonctionnel de la greffe du second œil (en l’absence de tout problème de rejet ou d’infection) sera compromis par un trop long délai entre les deux greffes. Ces problèmes sont complexes et c’est ce qui a conduit des équipes américaines à proposer d’emblée des kératoprothèses dans les anomalies de Peters, avec malheureusement un préjudice esthétique majeur et un risque d’infection et de rejet tardif inacceptables, sans parler de la difficulté de faire une réfraction objective sur une kératoprothèse…




Degrés d’amblyopie


L’amblyopie est une pathologie de la différence. C’est une pathologie de l’asymétrie. De fait, l’expérience visuelle anormale d’un œil va entraîner une baisse de vision de celui-ci, et la profondeur de l’amblyopie sera définie selon la fonction visuelle d’un œil par rapport à l’autre. Mais l’expérience visuelle anormale bilatérale (symétrique ou non) va induire également une baisse de vision des deux yeux, avec ou sans différence.


Il faut donc définir l’amblyopie relative et l’amblyopie absolue.


Rappelons que, même si l’usage de la notation décimale peut être autorisé, il est fondamental de se référer à l’échelle logarithmique quand on définit et traite une amblyopie car :



– dans la définition, les différentiels de vision entre les deux yeux correspondent aux lignes de LogMAR ;


– au cours du traitement de l’amblyopie, la progression initiale qui peut sembler faible en acuité décimale est significative en échelle logarithmique [2] : ainsi, si on passe de 0,10 à 0,20 en décimale, on a franchi trois lignes logarithmiques, ce qui est mieux que de passer de 0,40 à 0,63 (deux lignes logarithmiques) (tableau 6-I).



Il convient toujours de tester les fortes acuités visuelles. Si un œil a 10/10 et l’autre 20/10, il existe une amblyopie.




En ce qui concerne l’amblyopie binoculaire, on rappelle que la vision binoculaire normale est de 30 secondes d’arc ou moins — seul le test TNO peut déterminer cette vision binoculaire normale, puisque le test de Wirt ne teste que 40 secondes d’arc maximum (test des losanges : de 800″ à 40″ ; test des animaux : 400″, 200″ ou 100″ ; test de la mouche 3 000’’) et que le test de Lang de type I correspond à 1 200″ pour le chat, 600″ pour l’étoile et 550″ pour la voiture.


Chiffrer l’amblyopie est fondamental et il faut se souvenir du handicap social qu’une baisse de vision uni- ou bilatérale peut engendrer. Il faut au moins 5/10 en binoculaire pour conduire, si les deux yeux ont plus de 1/10, en France pour un permis B. Pour la conduite des poids lourds, cette limite monte à 8/10. Certaines professions requièrent des aptitudes visuelles minimales monoculaires ou bi(n)oculaires (armée, police, etc.).


Enfin et ceci concerne en particulier les amblyopies bilatérales, l’Organisation mondiale de la santé définit les degrés de malvoyance suivants :



Le lecteur s’est rendu compte que seule l’acuité visuelle de loin est présente dans les définitions de l’amblyopie, ce qui parfois n’est pas pertinent, car un amblyope profond peut avoir une vision de près correcte (avec agrandissement ou pas) : ceci est fondamental dans la prise en charge de la malvoyance et les conseils d’orientation scolaire. Une amblyopie bilatérale profonde n’empêche pas toujours une scolarité normale, comme dans certains nystagmus qui ont une mauvaise vision de loin mais qui préservent une vision de près suffisante. Il faut le faire comprendre aux parents, aux médecins scolaires et aux équipes des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), le cas échéant.



Autres facettes de l’amblyopie


La fonction visuelle ne se limite pas à l’acuité visuelle et il existe, en cas d’amblyopie monoculaire, une altération des autres fonctions visuelles : vision des couleurs, fonction de sensibilité aux contrastes [7], etc. Ces anomalies sensorielles s’accompagnent d’anomalies motrices, tant on sait que la fonction visuelle est sensorielle et motrice. Rendons hommage au professeur Quéré et au docteur Delplace qui ont si bien montré ces anomalies des saccades et des poursuites de l’œil amblyope par leurs travaux en électro-oculographie [5, 6], poursuivis bien plus tard par d’autres en vidéo-oculographie [3].


L’amblyopie motrice est une particularité du strabisme précoce, non obligatoire c’est-à-dire inconstante dans ce type de strabisme. Il existe dans le strabisme précoce une convergence des yeux qui entraîne une fixation croisée. L’enfant adopte alors une position de torticolis et l’œil demeure en adduction lorsqu’il est fixateur. Il n’y a pas de risque d’amblyopie si le torticolis est alternant et, avec le temps, le champ moteur du regard s’élargit de telle sorte que l’œil fixateur atteint la position primaire. Dans les cas où cet élargissement du champ moteur ne se produit que sur un œil, il y a un risque de maintien de cette position bloquée d’un œil en adduction et de dominance dite motrice de l’autre œil, l’œil dominé ayant par définition une amblyopie motrice, qu’il faut traiter par l’occlusion et/ou l’atropinisation de l’œil dominant voire, maintenant, par une injection de toxine botulique.






CONCLUSION


Comment expliquer simplement aux enfants et aux parents ce qu’est une amblyopie quand il n’est déjà pas toujours facile pour « celui qui sait ou est censé savoir » de donner une définition claire ? Les amblyopies sont multiples : monoculaires ou bi-oculaires/bilatérales ; monoculaires ou binoculaires ; fonctionnelles ou mixtes — puisque les amblyopies organiques ont toujours une part fonctionnelle — ; strabiques, anisométropiques et/ou de privation… C’est pourquoi notre définition globale est complexe : l’amblyopie est une diminution plus ou moins sévère de la fonction visuelle, après correction optique, du fait d’une altération précoce de l’expérience visuelle le plus souvent asymétrique, par privation d’une image et/ou perturbation du lien binoculaire par strabisme et/ou anisométropie, avec ou sans anomalie anatomique de l’œil ou des yeux et/ou des voies visuelles retrouvée.


Le degré de l’amblyopie et sa régression due au traitement doivent être évalués selon une échelle logarithmique qui montre mieux aux parents les progrès au début du traitement d’une amblyopie moyenne ou profonde, ce qui les encourage.


Mieux définir la maladie pour le soignant permet au patient (ou au moins ses parents) de mieux comprendre la maladie, ce qui permet à la fois de mieux comprendre le traitement mais aussi de mieux l’entreprendre, puisque ce sont les parents qui sont les acteurs majeurs du traitement.


Les amblyopies sont un ensemble de pathologies du développement secondaires à une expérience visuelle anormale dans les premières années de vie. La cause organique ou anatomique ayant été traitée au mieux si elle est présente et si cela est possible, la part fonctionnelle due à des connexions entre l’œil et le cerveau, plus lentes ou moins performantes (il faut réveiller les synapses endormies !) sera alors traitée avec énergie.




BIBLIOGRAPHIE



1. Audren, F. Physiopathologie de l’amblyopie fonctionnelle et de l’amblyopie organique. Cahiers de Sensorio-Motricité. Nantes: A & J Péchereau éditeurs, FNRO Éditions, 2009; 75–87.


2. Cordonnier, M. Mesure de l’acuité visuelle. Nantes: A & J Péchereau éditeurs, FNRO Éditions, 2009; 29–40.


3. Niechwiej-Szwedo, E, Kennedy, SA, Colpa, L, Chandrakumar, M, Goltz, HC, Wong, AM. Effects of induced monocular blur versus anisometropic amblyopia on saccades, reaching, and eye-hand coordination. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2012; 53:4354–4362.


4. Péchereau, A. Principes du traitement de l’amblyopie. In: L’amblyopie. XXXIIe Colloque de Nantes (2007). Nantes: A & J Péchereau éditeurs, FNRO Éditions; 2009:87–96.


5. Quéré, M-A. Abnormal ocular movements in amblyopia. Trans Ophthalmol Soc U K. 1979; 99:401–406.


6. Quéré, M-A, Delplace, M-P. Les incomitances des ésotropies fonctionnelles. Ann Ocul (Paris). 1972; 205:533–548.


7. Repka, MX, Kraker, RT, Beck, RW, Cotter, SA, Holmes, JM, Arnold, RW, Astle, WF, Sala, NA, Tien, DR, Pediatric Eye Disease Investigator Group. Contrast sensitivity following amblyopia treatment in children. Arch Ophthalmol. 2009; 127:1225–1227.


8. Von Noorden, G. Binocular vision and ocular motility, 6th ed. St Louis: Mosby, 2002.



II


POURQUOI UN ŒIL DEVIENT-IL AMBLYOPE ?



L’amblyopie, dont la signification selon son étymologie grecque est une « vue » image « faible » (αμβλεια), est fondamentalement la cause d’une asymétrie entre l’image perçue/transmise/intégrée en provenance d’un œil par rapport à l’autre. Nous reviendrons sur ces notions de perception, de transmission et d’intégration de l’information sensorielle. Il est déjà parfois malaisé d’expliquer à un parent ce qu’est l’amblyopie de leur enfant et le praticien est parfois pris au dépourvu quand il tente d’expliquer les problématiques d’une amblyopie « mixte » — par exemple, une cataracte congénitale unilatérale opérée, donc organique, mais aussi fonctionnelle puisque, bien entendu, cet œil atteint a un strabisme, un nystagmus pourquoi pas, et une anisométropie puisqu’il a été implanté à l’âge de trois mois avec un calcul d’implant difficile puisque l’œil atteint sa taille adulte entre deux et trois ans… Nous nous éloignons de notre sujet, certes, mais il n’est pas forcément plus facile d’expliquer une simple amblyopie strabique. Or, il est fondamental de comprendre pourquoi un œil devient amblyope, afin de le faire comprendre, car si la pathologie est bien comprise, le traitement sera d’autant mieux conduit.


L’amblyopie monoculaire, c’est une vision plus faible d’un œil par rapport à l’autre : la réponse simple qu’on peut donner à un patient ou à ses parents qui s’interroge sur ce qu’est cette « amblyopie » qu’il va falloir « rééduquer », c’est que les connexions entre l’œil et la partie du cerveau qui intègre le message visuel ne sont pas normales/parfaites. En somme, le récepteur (la caméra vidéo) fonctionne, mais les câbles sont défectueux… L’auteur est bien conscient du raccourci qu’il fait, mais cela peut aider les parents. Ils vont poser une seconde question : « Pourquoi mon enfant est amblyope ? » ; il va falloir répondre que ce câblage se met en place pendant une période de croissance/de maturation qui se poursuit jusqu’à six, huit, dix ans après la naissance. Pendant cette période de maturation de la vision, l’altération de l’expérience visuelle perturbe le développement harmonieux, équilibré et symétrique de la vision d’un œil par rapport à l’autre, et la plasticité cérébrale qui existe a alors un effet négatif et délétère. Mais il faut précisément profiter de cette plasticité cérébrale encore présente pour utiliser ses effets positifs et traiter l’amblyopie, de façon efficace, énergique et déterminée, tout en évitant de parler de « rééducation de l’amblyopie », expression affreuse qui ramène à une notion de « tare » terrible, de fardeau, qu’il va en plus falloir traiter par le « fardeau » de l’occlusion (burden en anglais : voir « the burden of subsequent amblyopia therapy » évoqué par des auteurs du PEDIG [1] — car soyons conscients de certains présupposés de ces études, à savoir dévaloriser l’utilisation du traitement efficace de l’amblyopie qu’est l’occlusion.) Bref, il faut parler de traitement ou de thérapeutique de l’amblyopie, dont nous allons revenir maintenant sur les causes.



Compétition interoculaire


Un œil devient amblyope car l’information sensorielle qui parvient à un œil est perturbée, ceci de façon asymétrique. En revanche, la transmission et la perception de l’information sensorielle sont initialement normales.


Il faut distinguer trois mécanismes amblyopigènes (fig. 6-1) :




En cas de privation monoculaire, il existe une privation de contraste. C’est ce qui se passe dans la cataracte congénitale unilatérale (ou dans le ptosis complet, par exemple) (fig. 6-2). Une des deux images ne parvient pas à la rétine.



En cas d’anisométropie, une des deux images est nette, alors que l’autre (la réfraction n’étant pas corrigée) est floue, avec privation des hautes fréquences spatiales (fig. 6-3).



Enfin, en cas de strabisme, les deux axes visuels n’étant pas alignés, il existe deux images non superposées. Pour éviter la diplopie, il existe une suppression d’une image (sous-tendue par une modification de la balance entre des neurones excitateurs et des neurones inhibiteurs, avec mise en jeu de neurotransmetteurs également inhibiteurs ou excitateurs) et, lorsque cette suppression affecte toujours l’image en provenance du même œil, en l’absence d’alternance du strabisme, une amblyopie s’installe (fig. 6-4).



Ces trois mécanismes basiques sont bien sÛr intriqués, l’amblyopie pouvant induire une anisométropie (myopisation de l’œil amblyope) ou le strabisme (strabisme sensoriel), l’anisométropie pouvant induire un strabisme. Nous évoquions en introduction la problématique de la cataracte congénitale unilatérale opérée. Prenons l’exemple d’une anomalie de Peters bilatérale, ayant eu une greffe de cornée bilatérale, avec asymétrie du résultat réfractif du fait d’une kératométrie différente des cornées ; dans ce cas existent un strabisme, une anisométropie, une amblyopie binoculaire avec un œil amblyope relativement à l’autre (fig. 6-5 et 6-6).




Ainsi, dans l’amblyopie mixte, il existe une intrication de ces mécanismes. Rappelons que ce que nous définissons comme une amblyopie mixte, c’est la conjonction d’une amblyopie fonctionnelle — strabique, anisométropique, de privation « simple » comme un ptosis complet — et une anomalie organique oculaire, curable ou pas… Une cataracte peut être opérée certes, mais ne restitue pour autant pas un œil ad integrum puisqu’il existe la problématique chez l’enfant de l’implant et de l’absence d’accommodation qui perturbe de façon conséquente l’équilibre entre les deux yeux. La cataracte congénitale est une cause d’amblyopie à la frontière entre le fonctionnel et l’organique. D’autres anomalies correspondent plus précisément à la définition anglo-américaine stricte de l’« organic amblyopia » — que rappelle von Noorden : « loss of vision in one eye caused by retinal damage that is not detectable with the ophthalmoscope » [11] — et que nous appelons en Europe plutôt les baisses d’acuité visuelles inexpliquées, mais qui, grâce aux progrès de définitions des méthodes d’imagerie anatomique et fonctionnelle de la rétine, peuvent avoir une explication trouvée. Parallèlement, ces « amblyopies organiques » correspondent parfois plutôt à des cas de malvoyance ou mauvaise vision d’étiologie variée : aniridie, albinisme, tropie nystagmique…



Développement normal et pathologique de la vision


La complexité du cerveau des mammifères supérieurs est telle que celui-ci n’a pas achevé sa maturation à la naissance. L’être humain, considéré comme le mammifère supérieur le plus évolué, parachève son développement après la naissance. Au plan visuel, les structures impliquées dans la vision poursuivent leur développement. Ici on ne parle pas de l’œil en soi, mais du corps géniculé latéral dorsal, petite structure nichée dans l’hypothalamus, et des cortex visuels, c’est-à-dire pas uniquement le cortex visuel primaire, mais toutes les structures corticales dédiées à la vision, soit un quart au moins du cerveau… Le cerveau en développement est un enchevêtrement d’axones et de neurones non organisés et non structurés. Il existe d’ailleurs une exubérance d’axones et de terminaisons synaptiques qui n’ont pas encore régressé. Au cours du développement, des connexions précises se mettent en place. Un jardin à la française vient remplacer un jardin anglais…


Ce développement visuel a lieu pendant une période précise après la naissance. Ce sont Hubel et Wiesel qui ont défini la période sensible ou période critique du développement visuel, montrant que les neurones du cortex visuel primaire ont des propriétés précises, par exemple de sélectivité à l’orientation ou de binocularité, et que ces propriétés ne sont pas innées mais acquises pendant une période définie en postnatal. De plus, une altération précoce de l’expérience visuelle perturbe ce processus normal de développement. Enfin, si on induit expérimentalement une altération précoce de l’expérience visuelle mais qu’on rétablit ensuite une expérience visuelle normale avant une certaine date, il peut y avoir une réversibilité des altérations des propriétés neuronales lésées. Hubel et Wiesel ont dénommé cette période de temps la « period of susceptibility » du développement visuel, puis « critical period » et « sensitive period » 59, 13].


La correspondance avec l’humain est l’existence d’une maturation visuelle (sensorielle et motrice) pendant les premières années de la vie, un enfant atteignant par exemple une acuité visuelle de 10/10 entre quatre et six ans, de même que ses poursuites verticales ne sont plus saccadiques vers dix ans… En cas d’expérience visuelle anormale, il existe un risque d’amblyopie jusqu’à six ans environ. L’amblyopie est réversible si elle est bien traitée jusqu’à six, huit à dix ans. : il est difficile de préciser une date de fin de la période sensible du développement visuelle car il demeure toujours une plasticité cérébrale, même à l’âge adulte.


Il n’existe pas une période sensible du développement visuel mais plusieurs, dépendant au plan fondamental de la propriété visuelle étudiée et du type de neurone visuel étudié. Schématiquement, plus l’intégration perceptive est complexe, plus la période sensible est longue [3]. Lorsqu’on représente une courbe schématique de la période sensible du développement visuel, le plus souvent en cloche, son début est imprécis et elle ne se termine pas (fig. 6-7)…




Conséquences d’une altération précoce de l’expérience visuelle


Comme évoqué plus haut, l’amblyopie est la conséquence de l’absence d’image ou du flou d’une image ou encore de la présence de deux images.


Les conséquences en termes d’amblyopie de ces altérations précoces de l’expérience visuelle sont variables :



Plus l’altération de l’expérience visuelle est précoce, plus les dommages sont importants. De fait, en cas par exemple de cataracte congénitale survenue dans la première année de vie, le risque d’amblyopie est majeur si la privation visuelle est longue, ce qui est souvent difficile à évaluer car la cataracte peut avoir été partielle non obturante puis s’être majorée, ou bien présente depuis plusieurs mois mais découverte tardivement du fait de la leucocorie ou d’un strabisme sensoriel. C’est pourquoi, dans ces cas, l’intervention chirurgicale doit être le plus précoce possible, programmée au moment du diagnostic de cataracte congénitale obturante amblyopigène, et le traitement de l’amblyopie être le plus énergique qui soit. Si, dans le strabisme précoce, le risque d’amblyopie monoculaire est modéré (de l’ordre d’un cas sur quatre) ; en revanche, l’amblyopie binoculaire, c’est-à-dire l’absence de vision binoculaire normale, est constante, rendant cette pathologie « incurable » au plan sensoriel [10] ; en cas de cataracte congénitale unilatérale survenue dans la première année de vie, la vision binoculaire demeure également le plus souvent anormale, même si l’amblyopie monoculaire n’est pas sévère.


Les bases fondamentales de ces altérations précoces du développement visuel correspondent à des connexions neuronales anormales et/ou à des synapses non fonctionnelles. Les réseaux neuronaux impliqués dans la vision ont une architecture précise. Cette architecture se modèle pendant la période sensible du développement visuelle, avec des connexions exubérantes juvéniles qui régressent et des connexions nouvelles normales qui se forment. En cas d’altération précoce de l’expérience visuelle et en l’absence de traitement adéquat, il existe d’abord une non-fonctionnalité des synapses entre neurone : le traitement de l’amblyopie va tendre à les rendre de nouveau fonctionnelles. Avec le temps et en l’absence de traitement, les connexions anormales demeurent, avec une architecture anatomique fixée et irréversible. Ces mécanismes sont sous-tendus par l’intervention de neuromédiateurs agissant sur la croissance ou la régression neuronale [4] (fig. 6-8).




CONCLUSION





BIBLIOGRAPHIE



1. Cotter, SA, Pediatric Eye Disease Investigator Group, Edwards, AR, Wallace, DK, Beck, RW, Arnold, RW, Astle, WF, et al. Treatment of anisometropic amblyopia in children with refractive correction. Ophthalmology. 2006; 113:895–903.


2. Barrett, BT, Bradley, A, McGraw, PV. Understanding the neural basis of amblyopia. Neuroscientist. 2004; 10:106–117.


3. Daw, NW, Fox, K, Sato, H, Czepita, D. Critical period for monocular deprivation in the cat visual cortex. J Neurophysiol. 1992; 67:197–202.


4. Hensch, TK. Critical period regulation. Annu Rev Neurosci. 2004; 27:549–579.


5. Hubel, DH, Wiesel, TN. Binocular interaction in striate cortex of kittens reared with artificial squint. J Neurophysiol. 1965; 28:1041–1059.


6. Hubel, DH, Wiesel, TN. Effects of monocular deprivation in kittens. Naunyn Schmiedebergs Arch Exp Pathol Pharmakol. 1964; 248:492–497.


7. Hubel, DH, Wiesel, TN. Receptive fields of single neurones in the cat’s striate cortex. J Physiol. 1959; 148:574–591.


8. Hubel, DH, Wiesel, TN. Shape and arrangement of columns in cat’s striate cortex. J Physiol. 1963; 165:559–568.


9. Hubel, DH, Wiesel, TN. The period of susceptibility to the physiological effects of unilateral eye closure in kittens. J Physiol. 1970; 206:419–436.


10. Péchereau, A. Strabisme chez l’enfant. Rev Prat. 2003; 53:1827–1833.


11. Von Noorden, G. Binocular vision and ocular motility, 6th ed. St Louis: Mosby, 2002.


12. Wiesel, TN, Hubel, DH. Effects of visual deprivation on morphology and physiology of cells in the cats lateral geniculate body. J Neurophysiol. 1963; 26:978–993.


13. Wiesel, TN, Hubel, DH. Extent of recovery from the effects of visual deprivation in kittens. J Neurophysiol. 1965; 28:1060–1072.



III


TRAITEMENT




Principes


F. Audren


L’amblyopie fonctionnelle est définie par une baisse d’acuité visuelle d’origine corticale. Elle peut être réfractive, strabique ou mixte. La nécessité du traitement de l’amblyopie ne se discute pas, car elle est responsable de handicap visuel majeur en cas de pathologie ophtalmologique de l’œil non amblyope (traumatisme, dégénérescence maculaire liée à l’âge). Les principes du traitement reposent sur les notions de période critique (traitement précoce), de synchronisation (correction optique) et de commutation (gestion du temps de fixation par chaque œil). Les moyens du traitement sont la correction optique, l’occlusion, les pénalisations optiques. Le traitement repose sur une phase d’attaque par une occlusion totale de l’œil amblyope jusqu’à obtention de l’isoacuité, puis une phase d’entretien qui peut reposer sur l’occlusion ou les pénalisations optiques ou les filtres. Le seul cas où l’occlusion totale n’est pas indiquée est l’amblyopie réfractive pure sans strabisme (anisométropie modérée, avec vision binoculaire normale, sans microstrabisme). La durée totale d’un traitement d’amblyopie est justifiée par le risque de récurrence qui existe jusqu’à l’âge de dix ans. Le principal problème des traitements et la principale cause d’échec sont la mauvaise observance. Le rôle des parents dans le traitement est essentiel.



image FAUT-IL TRAITER L’AMBLYOPIE FONCTIONNELLE ?


L’amblyopie fonctionnelle a trois causes : la déprivation monoculaire, les anomalies réfractives, le strabisme [5] (cf. fig. 6-1). Les amblyopies de privation sont rares et représenteraient au plus 3 % du total des amblyopies : elles sont le fait d’amblyopies mixtes, organiques et fonctionnelles — anomalie de la voie visuelle responsable d’une amblyopie organique, avec une part fonctionnelle ajoutée — ; on peut leur rapprocher les amblyopies de privation « pures » compliquant les ptosis (sans strabisme), qui sont exceptionnelles. Les amblyopies réfractives et strabiques sont largement majoritaires : réfractives dans 17 % à 37 % des cas, strabiques dans 24 % à 57 % des cas, ou mixtes (association d’anomalies réfractives et strabiques) dans 24 % à 35 % des cas [43, 55, 70].


On estime généralement la prévalence de l’amblyopie fonctionnelle comprise entre 0,5 % et 3,5 % chez l’enfant [16, 30, 67, 69]. Dans la population adulte, elle est d’environ 3 % (acuité visuelle inférieure ou égale à 20/40) [4, 68], avec une acuité visuelle inférieure ou égale à 20/80 chez 38 % des amblyopes. L’amblyopie fonctionnelle est la cause la plus fréquente de baisse d’acuité visuelle unilatérale entre les âges de vingt ans et soixante-dix ans [4, 32, 62].


May 31, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 6: Amblyopie

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