19: La loi, la société et le strabique

CHAPITRE 19


La loi, la société et le strabique




Aspect médico-Iégal


Ch. Rémy


Notre société est fondée sur des codes, civil, pénal, du travail, de la Sécurité sociale, déontologique, de la route…, ensemble de lois qui régit notre vie en commun. Ces codes prévoient l’établissement de contrats ou accords passés entre parties basés sur des règles qui ont évolué successivement vers des règlements puis des réglementations. Il existe différents types de contrats, tels que vente, travail, mariage, assurance. Le contrat médical est un contrat de type particulier qui régit les rapports entre le médecin et son patient.



image LE CONTRAT MÉDICAL


Il comporte quatre éléments.



CAUSE JUSTE ET MORALE


L’acte médical doit rester conforme aux données de la morale et de la science (art. 1147, Code de procédure civile), réalisé sans faute, négligence ou imprudence, précipitation, faute par omission, défaut de maîtrise technique, maladresse, défaut de prévention, technique imprudente.


Le médecin, qui a prononcé le serment d’Hippocrate, est lié au secret médical, ainsi que son personnel ; il doit faire le bien et non le mal, pas de prosélytisme, ne pas entrer dans la vie privée des patients.


L’objet sera licite : le médecin doit respecter la morale en vigueur dans la société où il exerce, se conformer à cette morale, respecter l’éthique, suivre le code de déontologie ; ces trois mots, morale, éthique et déontologie, étant d’ailleurs synonyme :



La publicité médicale est interdite et passible de sanction (Ordre des médecins, tribunaux) (cf. Annexe, le serment d’Hippocrate).




CONSENTEMENT LIBRE ET ÉCLAIRÉ


Le devoir d’information est légal et obligatoire. Son absence a été source de nombreux procès et, pour pallier cette lacune, le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) a établi des fiches informatives qui font autorité, fiches que le patient devra lire et signer. Le médecin conservera ces fiches d’information signées.


Tout acte médical, diagnostique ou thérapeutique, doit être expliqué au patient ; les avantages et inconvénients sont exposés. Certes, le patient n’a pas suivi les années de formation médicale nécessaires à l’exercice de la médecine, mais le médecin expliquera en termes simples, le plus objectivement possible ce qu’il va faire, sans chercher à influencer la décision du patient.


L’information doit être claire, loyale et intelligible, prouvée par écrit, signée par le patient, éventuellement complétée par une lettre au médecin traitant.


Cette question est délicate et la jurisprudence a évolué en la matière :



Ces dispositions rencontrent des difficultés en cas de refus d’un traitement de la part d’un malade, le médecin devant respecter la volonté de la personne ; elles ont leur limite en cas d’urgence (loi du 4 mars 2002), d’impossibilité d’informer et en cas d’exception thérapeutique, lorsque le pronostic vital est engagé à court terme, lorsque le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté (coma).


En cas de non-traitement, le médecin doit apporter la preuve de l’information conformément à l’article 1111-4 du Code de la santé publique.


Le patient peut exprimer sa volonté, par exemple, de refus d’une transfusion (témoins de Jéhovah).


Il est des cas où il est impossible d’informer : découverte d’un cancer lors d’une chirurgie (Cour de cassation, 22 mai 2001).


L’exception thérapeutique correspond à la nécessité de ne pas aggraver l’état du patient par une information catastrophique.


L’information au sujet des alternatives thérapeutiques est mentionnée à l’article L. 1111-2 (« autres solutions possibles ») : un autre traitement n’aurait pas entraîné la complication ?


Le risque est-il fréquent ou prévisible ? Qu’est-ce qu’un risque fréquent : moins de 2 % ?


Les risques graves exceptionnels doivent être mentionnés car ils peuvent modifier la décision du patient (Cour de cassation, 7 octobre 1998).


Les risques inconnus, non décrits dans la littérature, conduisent à l’aléa thérapeutique (ou accident médical).


Il est des risques imprévisibles, comme un choc anaphylactique après antibiothérapie.


Le médecin doit prouver qu’il a fourni l’information : article 1353 du Code civil.


Une revue de la littérature sur les complications est souvent nécessaire pour compléter l’expertise. Le médecin peut s’exonérer en invoquant le cas de forme majeure.




image DOSSIER MÉDICAL


Le dossier médical est rédigé sur papier, c’est le dossier ouvert, sur un imprimé préétabli ou dossier fermé, sur format informatique, comportant l’observation, les courriers et les examens paracliniques.


Il comprend ainsi deux parties :



– les éléments objectifs résultants des différents examens pratiqués (champ visuel, OCT, potentiels évoqués visuels…) ;


– les éléments subjectifs correspondant à l’interprétation du médecin : autrefois, ces derniers avaient valeur d’« œuvre littéraire » et restaient la propriété du médecin ; mais, depuis la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 et le décret n° 2002-637 du 29 avril 2002, le patient a libre accès à son dossier qu’il pourra faire communiquer au médecin de son choix, à un service hospitalier ou aux médecins-conseils des caisses d’assurance maladie, mais non aux compagnies d’assurances ou dans le cadre d’une expertise privée ; seul un certificat remis en mains propres à l’intéressé « pour faire valoir ce que de droit » et averti des risques qu’il encourt à divulguer certaines informations, sera fourni par le médecin traitant ; nous sommes à la limite du secret médical, les compagnies d’assurances excluant de leurs garanties certains états antérieurs qui n’auraient pas été signalés.


Le patient, le médecin et l’établissement de soins sont ainsi les copropriétaires d’un patrimoine commun. Le médecin et l’établissement, qui établissent et conservent le dossier, n’en sont pas les propriétaires mais les dépositaires ou les détenteurs. Le droit du malade n’est pas un droit de propriété mais un droit d’accès et un droit de communication. Le médecin a, s’il le souhaite, la possibilité de tri du dossier pour ne communiquer que les copies des documents objectifs.



image RESPONSABILITÉ MÉDICALE


Le médecin peut être appelé à rendre des comptes de son activité devant son Ordre départemental, voire national, la justice civile (tribunal de grande instance) ou pénale (tribunal correctionnel, cour d’assises).


Il ne faut pas verser dans la paranoïa et voir en tout patient un procédurier potentiel dès qu’il franchit le seuil d’un cabinet de consultation.


L’« américanisation » de notre société a conduit à une augmentation des procédures à l’encontre des médecins ; la probabilité d’avoir un procès est actuellement de 100 % en ophtalmologie, certains praticiens les collectionnant.


L’exigence des patients est amplifiée par une information médiatique souvent trompeuse et édulcorée.


Il faut veiller à ce que les soins soient diligents, attentifs, consciencieux, conformes aux données acquises de la science médicale, ainsi que le demanderont les missions d’expertise médicale judiciaire en responsabilité.


Trois périodes sont à envisager :



Le médecin peut être poursuivi pour erreur de diagnostic, insuffisance de moyens d’exploration, méconnaissance d’une pathologie dont l’évolution aura été préjudiciable au patient. L’incompétence est assimilée à une négligence (art. 40, Code de déontologie). Enfin, rappelons que notre spécialité est subordonnée à l’obligation de moyen mais non de résultat.



image MISE EN CAUSE DU PROFESSIONNEL DE SANTÉ


Dans la majorité des cas, il s’agit d’une déception d’un patient à qui on a trop promis ou qui n’a pas compris.


Parmi les principales causes de procédures en ophtalmologie, nous citerons :



La mise en cause en sensorimotricité est plus rare ; nous pouvons citer :



Il est important de distinguer l’aléa thérapeutique, qui n’est pas fautif, de la perte de chance qui l’est.


Le cas de force majeure ne sera invoqué, pour exonérer une responsabilité médicale, que si la cause du dommage présente un caractère irréductible, imprévisible, imparable et extérieur.


L’aléa thérapeutique, ou accident médical, se définit comme une complication indépendante de la volonté du médecin, parfois connue ou inconnue ; ainsi, une divergence après intervention chirurgicale d’ésotropie ne constitue pas une faute mais relève de l’aléa thérapeutique.


Dans l’aléa thérapeutique, il y a donc une responsabilité sans faute.


Les dommages, s’ils atteignent une certaine valeur (loi du 4 mars 2002, à effet au 5 septembre 2001 : si IPP supérieure à 24 %, ITT supérieure à six mois, si infection nosocomiale menant à une IPP supérieure à 25 %), sont pris en charge par la collectivité : dans ce cas, les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CRCI) évaluent les dommages après expertise, et l’office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) les indemnisent.


La réparation de l’aléa relève du décret du 4 avril 2003 relatif au seuil de gravité.


La perte de chance relève de la responsabilité fautive. Dans ce cas, le médecin n’a pas mis en place tous les moyens propices à guérir son patient victime d’une complication (par exemple, retard de la prise en charge d’une endophtalmie après cataracte). Toute la difficulté de l’expertise réside dans le chiffrage de ce pourcentage.


Ainsi l’« art médical » balance entre risque et avantage des traitements lourds (fibrinolyse dans une occlusion de l’artère centrale de la rétine, hémodilution en cas d’occlusion veineuse.).


Les complications iatrogènes et nosocomiales (iatros, médecin ; nosos, maladie ; comein, soigner) sont soumises au régime des infections nosocomiales :


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May 31, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 19: La loi, la société et le strabique

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