51: Diabète

Chapitre 51 Diabète



Le décollement de rétine tractionnel est une des complications graves de la rétinopathie diabétique proliférante et une des causes de cécité au cours de la rétinopathie diabétique. Il est la conséquence de plusieurs phénomènes :






Le pronostic de ces décollements de rétine tractionnels s’est considérablement amélioré grâce aux progrès de la chirurgie rétinovitréenne, mais il reste encore sombre dans certains cas graves de proliférations fibrovasculaires très évolutives à haut risque de complications postopératoires.



Physiopathologie du décollement de rétine tractionnel au cours de la rétinopathie diabétique proliférante


Le cortex vitréen postérieur constitue le support indispensable au développement de la néovascularisation et le décollement postérieur du vitré est à l’origine des complications de cellci. Le vitré des patients diabétiques présente des altérations biochimiques secondaires au diabète [33]. La liaison du glucose aux groupes amine-є du collagène (essentiellement sur la lysine et l’hydoxylysine) mène à la formation de produits de glycation avancés (AGE) dans le vitré à l’origine de liaisons entre fibrilles de collagène [46]. Ces modifications biochimiques induites par le diabète provoquent des altérations structurelles du vitré [45,48], sa liquéfaction et une synérèse précoce. Le décollement postérieur du vitré est ainsi plus précoce et plus fréquent chez les patients diabétiques [19,45]. Ces anomalies du vitré influencent l’évolution de la rétinopathie diabétique, en particulier la néovascularisation.


Le cortex vitréen est le support de la néovascularisation prérétinienne [11,24,50,56]. Une étude histologique réalisée par Faulborn et al. a, en effet, montré que les fibres vitréennes du cortex vitréen postérieur étaient intimement interconnectées et incorporées dans le tissu néovasculaire nouvellement formé [17]. Les études histologiques des proliférations fibrovasculaires prélevées au cours des vitrectomies pour complications de la rétinopathie diabétique proliférante démontrent dans la plupart des cas la présence de collagène de type II [43]. En l’absence de contact du cortex vitréen postérieur avec la rétine, aucune néovascularisation prérétinienne ne se développe [3,49].


Le décollement de rétine tractionnel du diabétique est la conséquence des tractions induites par le décollement du vitré, d’une part, et de la contraction des proliférations fibrovasculaires d’autre part. Le développement des néovaisseaux prérétiniens à la surface de la rétine et dans le cortex vitréen postérieur aboutit à la constitution de zones d’adhérences vitréorétiniennes solides. En l’absence de décollement postérieur du vitré, aucune complication de la néovascularisation n’est observée. En revanche, le décollement partiel du vitré, favorisé par la liquéfaction précoce du vitré induite par le diabète, provoque une traction sur les néovaisseaux, entraînant leur saignement voire un décollement de la rétine (fig. 51-1 et 51-2). De plus, les adhérences vitréorétiniennes constituées par les proliférations néovasculaires préviennent la constitution d’un décollement postérieur du vitré complet, ce qui amplifie le phénomène de traction antéropostérieure [49]. Le risque de survenue et l’importance du décollement de rétine tractionnel dépendent du moment de la survenue du décollement du vitré par rapport au développement de la néovascularisation et de l’importance des proliférations fibrovasculaires. Les néovaisseaux associés à une importante composante fibreuse induisent des adhérences vitréorétiniennes fortes : leur contraction peut conduire à la constitution d’un décollement de rétine étendu.




Le développement de la néovascularisation s’accompagne d’une prolifération fibreuse, favorisée par le passage de cytokines sériques, de cellules inflammatoires et de myofibroblastes dans le vitré [41]. Plusieurs facteurs de croissance sont impliqués dans ce processus : le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor), le TGFβ (Transforming Growth Factor), l’HGF (Hepatocyte Growth Factor), le PDGF (Platelet-Derived Growth Factor) et le CTGF (Connective Tissue Growth Factor) [26]. Ce dernier serait responsable du développement de la fibrose. Les myofibroblastes présents dans ces proliférations favoriseraient leur contraction.


L’adhérence du cortex vitréen postérieur à la limitante interne de la rétine est maximale au niveau d’une zone comprenant la papille, la fovéa et les arcades vasculaires temporales [18,44], à l’intérieur des limites de la poche de Shimizu (vitreous pocket) [25]. En conséquence, au niveau de cette zone s’exerce la plus forte traction lors du décollement postérieur du vitré. Cette forte adhérence vitréorétinienne associée à la traction qui s’y exerce contribue à expliquer la forme en « C » de la prolifération fibrovasculaire sur la papille et le long des arcades vasculaires temporales souvent observée dans les rétinopathies diabétiques proliférantes (fig. 51-1et 51-5). À la traction vitréorétinienne antéropostérieure peuts’ajouter une composante tractionnelle tangentielle liée à la contractionde la prolifération fibrovasculaire, conduisant au maximumau décollement de rétine en « dessus de table », ou table-top(fig. 51-3).




Aspects cliniques



image DÉCOLLEMENT DE RÉTINE PAR TRACTION



SIGNES CLINIQUES


Le décollement de rétine par traction, lorsque les milieux sont clairs, est diagnostiqué par l’examen ophtalmoscopique (fig. 51-4 à 51-6). La vision peut être normale lorsque la macula n’est pas décollée.





Lorsqu’il existe une hémorragie du vitré empêchant l’examen du fond d’œil, une échographie doit être réalisée à la recherche d’un décollement maculaire (fig. 51-7).



Lorsque la rétraction est majeure, le décollement de rétine peut prendre à un aspect en « dessus de table » (table-top), où la rétine sus-maculaire et la rétine sous-maculaire sont soudées l’une à l’autre par la fibrose au-dessus de la macula (fig. 51-8 et 51-9).




Il est important d’apprécier en préopératoire le degré de décollement périphérique du vitré.


Le décollement de rétine par traction est parfois difficile à différencier d’un rétinoschisis. En effet, Lincoff a identifié deux types d’élévation tractionnelle de la rétine pouvant être observés au cours de la rétinopathie diabétique proliférante : le rétinoschisis et le décollement de rétine tractionnel [31]. Tous deux sont le plus souvent associés et sont dus à la traction exercée sur la rétine par la contraction du vitré et la prolifération fibrovasculaire. Lincoff, dans une série de deux cents yeux présentant une élévation tractionnelle de la rétine, a identifié un rétinoschisis certain dans trente-neuf (19,5 %) yeux et un rétinoschisis probable dans quatre-vingt-cinq (42,5 %) yeux [31]. Le diagnostic différentiel entre rétinoschisis et décollement de rétine tractionnel n’est pas toujours aisé.


L’OCT permet maintenant facilement la distinction entre ces deux entités [23]. Le rétinoschisis apparaît comme une cavité hyporéflective localisée dans les couches externes de la rétine (fig. 51-10) à limite supérieure irrégulière. Le décollement de rétine tractionnel apparaît, lui, comme une cavité hyporéflective, à limite supérieure nette et régulière, correspondant à la couche des photorécepteurs soulevée ; cette cavité est optiquement vide et aucun signal n’est visible à la surface de la couche de l’épithélium pigmentaire. lami a montré la fréquence du rétinoschisis [23] (94 %des yeux, avec un décollement de rétine tractionnel dans seulement 35 % des yeux)




ÉVOLUTION SPONTANÉE


Le décollement de rétine par traction est le plus souvent extramaculaire. Il peut rester longtemps stable. L’incidence de l’extension à la macula est de 13 % (dans la Diabetic Retinopathy Vitrectomy Study) à 14 % à un an, 21 % à deux ans et 23 % à trois ans [10,14].


L’extension du décollement tractionnel à la macula, le plus souvent progressive (fig. 51-4 et 51-11), constitue une indication chirurgicale urgente.



L’examen par OCT permet de diagnostiquer des soulèvements infracliniques.



INDICATIONS CHIRURGICALES ET RÉSULTATS DE LA CHIRURGIE


Le décollement de rétine tractionnel avec atteinte ou menace maculaire est une indication formelle et rapide à la chirurgie. Un décollement de rétine tractionnel diagnostiqué à l’échographie devant une hémorragie du vitré est également une indication à la chirurgie.


En revanche, la présence de proliférations fibrovasculaires le long des arcades vasculaires temporales, sans décollement de rétine associé, n’est pas une indication à la vitrectomie. Enfin, les décollements tractionnels maculaires de longue durée, supérieure à un an, ne sont plus des indications à la chirurgie, les espoirs d’amélioration fonctionnelle étant très faibles (fig. 51-12) [47].



Les résultats fonctionnels après chirurgie pour décollement de rétine tractionnel sont moins bons qu’en cas d’hémorragie intravitréenne ; une amélioration de l’acuité visuelle est observée dans 60 % à 80 % des cas, avec une acuité supérieure ou égale à 0,2 dans 20 % à 58 % des cas (tableaux 51-I et 51-II). L’existence d’une hémorragie du vitré, la présence d’une rubéose irienne ou d’une cataracte importante, l’absence de photocoagulation panrétinienne préalable sont des facteurs de mauvais pronostic fonctionnel [52].


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Jun 3, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 51: Diabète

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