50: Clinique des victimes de violences sexuelles


Clinique des victimes de violences sexuelles



Les conséquences cliniques des agressions sexuelles uniques sont très différentes de celles des agressions sexuelles répétées parfois anciennes. Une agression sexuelle unique entraîne généralement un état de stress posttraumatique (ESPT). Les agressions sexuelles répétées entraînent des troubles de la régulation des affects, mais aussi des effractions narcissiques et des troubles identitaires qui affectent profondément la personnalité des victimes.


Nous abordons successivement :




Fréquence


Les statistiques de la violence sexuelle révélée sont moins pertinentes que les enquêtes rétrospectives compte tenu de l’importance du chiffre noir, mais les études longitudinales le sont davantage lorsqu’elles s’appuient sur des cohortes d’enfants suivis pendant des années. On aurait pu attendre que l’étude Elfe, première étude longitudinale française depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte prenne en compte la maltraitance et ses conséquences, ce n’est étrangement pas le cas ou la preuve que les violences sexuelles subies dans l’enfance, véritable problème de santé publique quant à leurs conséquences sur la santé et la société, sont l’objet d’un puissant déni.



• L’Office national de la délinquance révèle que les services de police et de gendarmerie enregistrent moins de 10 000 plaintes pour violences sexuelles chez les adultes de 18 à 75 ans pour plus de 200 000 cas, soit moins de 5 % de plaintes.


• Il paraît difficile de connaître le chiffre noir de la maltraitance infantile parce qu’on ne peut interroger les jeunes enfants, notamment en raison de la législation en vigueur, ce que conteste Anne Tursz (Tursz, 2010), qui réclame un outil pour étudier la maltraitance et ses conséquences.


• On peut cependant se référer à des enquêtes rétrospectives réalisées sur des échantillons non représentatifs de la population générale.


• Une enquête (Halpérin et al., 1996) réalisée auprès de 1 116 adolescents âgés de 13–15 ans, tirés au sort dans 68 classes de 17 écoles publiques de Genève, elles-mêmes tirées au sort a montré que 11,5 % des 548 garçons avaient eu au moins un événement qualifié par eux « abus sexuel », et 33,5 % des 568 filles; dans la majorité des cas, il s’agissait d’une agression sexuelle sans contact génital ou anal, mais 2,2 % des garçons et 12,6 % des filles avaient subi une agression sexuelle (sans pénétration); les viols touchaient 1,1 % des garçons et 4,5 % des filles; un tiers des adolescents sexuellement agressés l’avaient été à plusieurs reprises et 46,5 % avaient subi leur première agression sexuelle avant l’âge de 12 ans; les agresseurs sexuels étaient connus des victimes dans deux tiers des cas; il s’agissait d’un membre de la famille pour 20,5 % des filles et 6,3 % des garçons.


• L’enquête « Contexte de la sexualité en France » (Bajos, 2008) réalisée à l’initiative de l’Agence nationale de recherche sur le sida, a été menée, par téléphone, par l’Inserm et l’Institut national d’études démographiques en 2006 auprès de 6 824 femmes et 5 540 hommes âgés de 18 à 69 ans. Les résultats montrent que 8,8 % des femmes et 2,8 % des hommes interrogés déclarent avoir subi au moins un rapport ou une tentative de rapport sexuel forcé avant l’âge de 18 ans. Ces violences durant l’enfance et l’adolescence se produisent le plus souvent en famille, à l’école ou dans des groupes de pairs. Parmi les femmes de plus de 40 ans déclarant au moins une violence sexuelle survenue avant l’âge de 18 ans, 27 % incriminent directement leur père, beau-père ou une personne de la famille, et 31 % des personnes connues d’elles.


• L’enquête « Événements de vie et santé » de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Lopez, 2013), dont l’objectif est de mieux connaître les liens entre la violence vécue et l’état de santé de la population, a été réalisée entre novembre 2005 et février 2006 auprès d’un échantillon de 10 000 adultes âgés de 18 à 75 ans. Les premiers résultats ont montré une surexposition des femmes aux violences sexuelles (11 % des femmes contre 3 % des hommes), ainsi qu’une précocité des violences subies (parmi les 11 % de femmes déclarant avoir subi au moins une fois des violences sexuelles, 40 % ont subi une première violence sexuelle durant l’enfance). Au total, 0,4 % des hommes (17/4 328) et 2,7 % (154/5 625) des femmes enquêtés déclarent avoir subi des violences sexuelles de manière durable avant l’âge de 20 ans sans avoir été repérés et pris en charge. Parmi les femmes déclarant avoir subi des violences sexuelles répétées avant l’âge de 20 ans, 25 % déclarent qu’il s’agissait de rapports sexuels forcés (75 % d’attouchements, 36 % de tentatives de rapports sexuels forcés – certaines femmes ayant déclaré plusieurs types de violences différents). Parmi les femmes déclarant avoir subi des rapports sexuels forcés, 25 % ont été prises en charge durant l’enfance par une mesure de protection (placement ou milieu ouvert). Quatre des 17 hommes ayant déclaré avoir subi des violences sexuelles de manière durable avant l’âge de 20 ans, déclarent qu’il s’agissait de rapports sexuels forcés (5 tentatives et 11 attouchements).



Conséquences personnelles sur l’état de santé


Les conséquences sociales et personnelles des violences sexuelles subies dans l’enfance ont fait l’objet de multiples études rétrospectives.


L’Observatoire de la violence de Seine Saint-Denis (Pelcovitz et al., 1997) a centré son étude sur un échantillon de 1 566 jeunes filles âgées de 18 à 21 ans résidant, travaillant ou étudiant en Seine Saint-Denis. Cette enquête sur les comportements sexistes et les violences envers les filles (CSVF) étudie les violences subies au cours des 12 derniers mois et pendant toute la vie dans différents lieux : espace public, famille, travail, études. Elle étudie également les conséquences des violences sexuelles et autres maltraitances subies dans l’enfance sur la santé et les problèmes sociaux ultérieurs : ce sont ces données qui nous intéressent ici. Les violences subies pendant l’enfance au cours de la vie entière sont résumées dans le tableau 50.I.



Les conséquences sur l’état de santé des jeunes filles qui ont subi ces violences dans l’enfance sont résumées dans le tableau 50.II. Il est remarquable de noter que les violences sexuelles et autres maltraitances multiplient par 3 le nombre de maladies chroniques. Elles multiplient pratiquement par 4 les tentatives de suicide, et les comportements sexuels à risque (rapports non protégés, grossesses non désirées et avortements). Il apparaît dans cette étude que, malgré ses effets délétères sur la santé, avec 85 % de mauvaise autoévaluation de leur état de santé, les victimes de maltraitances de cet échantillon consultent moins les médecins que le reste de la population.



Felliti et ses collaborateurs (1998) ont étudié les relations entre l’exposition aux traumatismes infantiles (agressions sexuelles et maltraitance) et certains troubles sur un échantillon de 9 508 répondants soit 70,5 % des 13 494 personnes ayant bénéficié d’un bilan médical récent qui ont accepté de répondre à une enquête concernant 68 questions recensant sept catégories d’actes de maltraitance. Le risque de présenter des troubles ou des maladies sont significativement plus élevés chez les sujets qui ont subi au moins quatre actes de maltraitances. Les résultats sont résumés dans le tableau 50.III.



Beaucoup d’autres études déterminent que les antécédents de maltraitance infantile sont, à l’âge adulte, associés à :


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May 10, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 50: Clinique des victimes de violences sexuelles

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