5 Psoriasis et autres maladies papulosquameuses
Psoriasis
Il s’agit d’une maladie courante, chronique, inflammatoire ; c’est une génodermatose qui apparaît être la conséquence d’un fonctionnement anormal des lymphocytes T.
La peau, les ongles et les articulations peuvent être atteints.
Il existe plusieurs formes cliniques distinctes.
La maladie se manifeste le plus couramment sous forme de plaques squameuses sur les coudes, les genoux et le cuir chevelu.
Anamnèse
La prévalence dans le monde est estimée entre 1 et 3 % de la population.
L’étiologie n’est pas complètement connue.
Il existe des facteurs héréditaires ainsi que plusieurs facteurs déclenchants d’origine environnementale.
Les hommes et les femmes sont également atteints.
Les apparentés au premier degré présentent un risque plus élevé de développer un psoriasis.
La maladie peut survenir à tout âge, le plus souvent avant 20 ans, avec un nouveau pic de fréquence à la fin de la cinquantaine.
La survenue précoce d’un psoriasis généralisé indique une évolution clinique plus instable, plus sévère et plus chronique.
Lorsqu’il s’est manifesté, le psoriasis est susceptible de suivre une évolution inexorable, avec des phases d’extension et de régression.
L’ampleur et la sévérité de la maladie varient considérablement.
Les facteurs environnementaux, y compris le traitement, influencent l’évolution et la sévérité.
Les facteurs aggravant le psoriasis incluent l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine, un traumatisme physique (phénomène de Koebner), des infections (streptocoque et Candida), des médicaments (lithium, β-bloquants, antimalariques ainsi que l’arrêt des corticoïdes) et l’hiver.
L’impact psychosocial peut être grave.
Un tiers des patients présentent une atteinte des ongles.
Le rhumatisme psoriasique (facteur rhumatoïde absent) se rencontre chez 5 à 8 % de la population psoriasique. L’apparition peut précéder, accompagner ou suivre les manifestations cutanées.
Manifestations cutanées
Psoriasis en plaques
Manifestation la plus courante.
Papules squameuses rouges, nettement définies, qui fusionnent pour former des plaques stables, rondes à ovales.
La maladie atteint typiquement les zones convexes (coudes et genoux), le cuir chevelu et la région sacrée.
Le visage, les paumes et les plantes ne sont pas habituellement atteints dans cette forme.
La couleur rouge profond, intense est une manifestation caractéristique présente uniformément dans les lésions non traitées.
Les squames sont adhérentes, blanc argenté et montrent des points de saignement lorsqu’elles sont enlevées (signe d’Auspitz).
Les squames peuvent devenir extrêmement denses, particulièrement sur le cuir chevelu.
Psoriasis en gouttes
Il s’agit d’une forme instable, associée à l’apparition soudaine sur le tronc d’innombrables papules monomorphes, psoriasiformes, de 2 à 5 mm de diamètre avec des squames argentées.
Cette maladie est souvent associée à une pharyngite streptococcique du groupe A, à des infections virales et, moins souvent, à l’arrêt des corticoïdes systémiques.
Psoriasis pustuleux localisé (pustulose palmoplantaire)
Psoriasis inversé (intertrigineux)
Il s’agit d’une forme rare se manifestant dans les grands plis, en particulier inguinaux, axillaires et sous-mammaires.
On observe des plaques lisses, rouges et nettement définies, avec macération superficielle, avec odeur forte.
Des candidoses associées sont plus couramment observées chez les patients diabétiques et dans les cas d’utilisation de corticoïdes topiques.
Psoriasis pustuleux généralisé
Il s’agit d’une forme rare et grave exigeant une attention médicale immédiate.
Il peut être associé à de la fièvre et des douleurs.
Les patients atteints se plaignent de frissons et de malaise.
Il peut être lié à la prise de médicaments.
Les pustules stériles sont localisées ou diffuses et se manifestent souvent par poussées, avec des pustules anciennes suivies d’une fine desquamation et d’une nouvelle poussée de pustules.
Psoriasis érythrodermique
Cette forme rare et grave exige une attention médicale immédiate.
Il y a un érythème sur la totalité du corps avec des frissons et des douleurs cutanées.
Psoriasis des ongles
Les signes cliniques sont variés et liés aux zones de la matrice de l’ongle qui sont atteintes.
On peut observer une érosion, une onycholyse (décollement de l’ongle de son lit), des débris sous-unguéaux, un signe de la tache d’huile et une dystrophie de l’ongle.
L’examen des ongles permet de confirmer le diagnostic de psoriasis lorsque les signes cutanés sont ambigus ou absents.
Atteinte des articulations
Il existe plusieurs aspects cliniques distincts, mais avec une recherche du facteur rhumatoïde négative.
La forme oligoarticulaire asymétrique est la plus courante, affectant 70 % des personnes ayant une arthrite psoriasique
La forme interphalangienne distale affecte 10 % des patients ayant une arthrite psoriasique, souvent avec des modifications locales de l’ongle.
La polyarthrite psoriasique symétrique ressemble dans sa présentation à l’arthrite rhumatoïde.
La forme mutilante affecte 5 % des patients ayant une arthrite psoriasique et apparaît de manière précoce.
La spondylarthrite affecte 20 % des patients ayant une arthrite psoriasique ; elle est invalidante.
Examens de laboratoire
Une biopsie au punch montre une hyperacanthose (épaississement de l’épiderme) avec papillomatose, une hyperkératose avec conservation des noyaux dans la couche
cornée (parakératose), un infiltrat de neutrophiles dans l’épiderme (microabcès de Munro).
Dans le cas du psoriasis en gouttes, il faut confirmer la présence d’une pharyngite streptococcique par un titrage de l’antistreptolysine O ou une culture pharyngienne.
Dans le cas du psoriasis inversé, effectuer un examen mycologique pour chercher une infection candidosique associée.
Dans les cas sévères et rebelles, rechercher une infection par le virus de l’immunodéficience humaine.
Diagnostic différentiel
La dermite séborrhéique atteint le visage plus souvent que le psoriasis, mais ces deux affections ne sont pas mutuellement exclusives sur le cuir chevelu
L’eczéma dysidrosique (aux mains et pieds) est plus vésiculeux que le psoriasis pustuleux localisé.
Une teigne (cuir chevelu) et une onychomycose (ongles) doivent être exclues par un examen à l’hydroxyde de potassium.
Une candidose peut se superposer au psoriasis inversé ; un examen mycologique doit être effectué
Le pityriasis rosé est autolimité. Rechercher le médaillon initial, la collerette de squames ou la distribution des lésions en arbre de Noël.
Pustulose exanthématique aiguë généralisée ; il y a une histoire pertinente de prise médicamenteuse.
Traitement
Les trois catégories de traitement, traitement topique, photothérapie ou traitement systémique, peuvent être combinées ou alternées.
Traitement topique
Corticoïdes topiques
Les corticoïdes topiques en monothérapie procurent un soulagement rapide mais provisoire.
Utiliser les corticoïdes topiques forts pour obtenir le contrôle de l’irritation, particulièrement en association avec d’autres topiques comme le tazarotène.
Ce sont les meilleurs agents de réduction de l’inflammation et du prurit.
Les petites plaques chroniques peuvent être traitées par des corticoïdes en intralésionnel, en prenant soin d’éviter l’atrophie.
Les corticoïdes deviennent moins efficaces lorsqu’ils sont utilisés en continu et le risque d’effets secondaires augmente avec l’utilisation prolongée.
Les effets secondaires à long terme incluent l’atrophie et les télangiectasies. Ils sont utilisés au mieux par cycles de traitements courts, par exemple deux fois par jour pendant 7 à 14 jours avec une pause de 7 à 14 jours.
Le gel ou la crème de tazarotène est appliqué uniquement sur les lésions.
Traitement topique du cuir chevelu
Il est difficile et long de traiter le cuir chevelu. Le but est de procurer un soulagement des symptômes et/ou une amélioration esthétique. Il faut motiver et encourager le patient.
Les squames doivent d’abord être enlevées pour faciliter la pénétration des médicaments.
Les squames superficielles peuvent être enlevées avec une préparation salicylée.
Les gels de corticoïdes pénètrent les cheveux et les squames.
Traitement topique des ongles
Il est difficile de traiter les ongles. Par conséquent, le but du médecin est de procurer un soulagement des symptômes et une amélioration de l’esthétique.
La solution de clobétasol et le gel de tazarotène peuvent être utiles s’ils sont
appliqués à la région postérieure au repli unguéal ; cela nécessite plusieurs mois de traitement.
L’administration d’un corticoïde injectable en intralésionnel dans le lit de l’ongle est douloureuse, mais offre souvent une amélioration temporaire.
Photothérapie
Ultraviolets B
C’est un traitement très efficace ; la lumière ultraviolette peut être utilisée en combinaison avec le traitement topique. Une minorité de patients ne réagissent pas, et même peuvent, rarement, s’aggraver.
Les ultraviolets B sont typiquement administrés trois à cinq fois par semaine.
Les effets secondaires sont la brûlure, le vieillissement prématuré de la peau et le cancer de la peau.
La forme à bande étroite est plus efficace que celle à bande large, mais est moins facilement disponible.
Le laser Excimer (308 nm) est comparable à la forme à bande étroite et probablement plus efficace. Il n’est cependant pas amplement disponible.
Psoralène combiné avec les ultraviolets A
Le psoralène combiné avec les ultraviolets A doit être administré trois fois par semaine jusqu’au blanchiment cutané. Le traitement est ensuite espacé.
Les patients prennent le psoralène photosensibilisant 2 heures avant l’exposition.
C’est une méthode efficace de contrôle du psoriasis.
Ce traitement est indiqué pour le contrôle des symptômes du psoriasis en plaques, sévère, rebelle et invalidant.
Les effets secondaires incluent l’intolérance gastro-intestinale au médicament, les coups de soleil, l’héliodermie, la cataracte et le risque accru de cancer de la peau.
Traitement systémique
Les patients atteints de psoriasis couvrant plus de 10 % de la surface du corps ou qui sont très gênés doivent envisager la possibilité d’un traitement systémique. Celui-ci est compliqué et mieux géré par un dermatologue.
Méthotrexate
Le méthotrexate est efficace dans les cas instables de psoriasis pustuleux généralisé ou érythrodermique, ainsi que dans les cas d’atteinte chronique importante en plaques.
Il est efficace sur le rhumatisme psoriasique.
Il peut être administré par voie orale, ou injectable.
Administrer jusqu’à une dose de 12,5 à 22,5 mg par semaine.
Donner 1 mg d’acide folique par semaine, mais pas le même jour que le méthotrexate.
Un suivi strict est nécessaire ; surveiller la formule sanguine complète et le fonctionnement du foie.
Faire attention aux interactions médicamenteuses, en particulier avec les salicylates, les agents anti-inflammatoires non stéroïdiens, l’association triméthoprime–sulfaméthoxazole, les pénicillines.
Les effets secondaires incluent nausée, anorexie, asthénie, aphtes, leucopénie, thrombocytopénie, fibrose hépatique, cirrhose. Utiliser avec précaution chez les personnes âgées ou les patients présentant une insuffisance rénale.
Ciclosporine (Néoral®)
La ciclosporine est efficace pour les cas de psoriasis inflammatoire sévère.
Le dosage est de 3 à 5 mg/kg par jour.
Diminuer les doses après obtention du contrôle.
Il est nécessaire d’effectuer une surveillance étroite de la tension artérielle, de l’hémogramme complet, ainsi que des taux de créatinine, de magnésium et de cholestérol/triglycérides.
Diminuer la dose si la créatinine augmente de 30 % au-dessus du niveau basal.
Prendre garde aux interactions médicamenteuses et alimentaires qui peuvent modifier l’absorption.
Les effets secondaires incluent l’hypertension et la néphrotoxicité.
Acitrétine (Soriatane®)
Très efficace contre le psoriasis pustuleux et érythrodermique et modérément efficace contre le psoriasis palmoplantaire.
Utile en combinaison avec la PUVA ou avec les ultraviolets B.
Commencer avec une dose de 10 à 25 mg par jour.
Les effets secondaires limitent le traitement chez de nombreux patients, même s’ils restent souvent modérés. Ces effets incluent la tératogénicité, la peau sèche, la peau amincie, les myalgies, les arthralgies, l’hypertension intracrânienne, la dépression, la chute de cheveux, l’hépatite, la pancréatite et un niveau élevé de cholestérol/triglycérides.
Agents biologiques
Notre connaissance croissante de la physiologie des cellules T et des interactions cellulaires a permis une reconsidération des protéines humaines spécifiques impliquées dans le fonctionnement des cellules T.
Ces nouvelles formes de thérapies immunomodulatrices interagissent avec des cibles moléculaires spécifiques dans
les processus inflammatoires médiés par les cellules T. Elles exercent un effet anti-inflammatoire.
L’étanercept (Enbrel®) est un anti-TNFα (tumour necrosis factor-α) hybridé à la branche Fc de l’immunoglobuline G humaine. Administré par voie sous-cutanée, il se lie au facteur α-soluble de nécrose tumorale, inhibant ainsi son effet pro-inflammatoire.
L’adalimumab (Humira®) est un inhibiteur de TNF qui se fixe au TNFα, le protégeant de l’activation des récepteurs de TNF. Il est fabriqué à partir d’un anticorps monoclonal humain. L’infliximab (Remicade®) est un anticorps monoclonal chimérique (humain et murin), administré par voie intraveineuse toutes les 8 semaines qui se lie au facteur α de nécrose tumorale et inhibe l’effet pro-inflammatoire de ce dernier.
L’ustekinumab (Stelara®) est un anticorps monoclonal contre l’IL-12 et l’IL-23 humaines qui inhibe les sous-groupes de lymphocytes T impliqués dans le psoriasis en plaques. Après avoir débuté le traitement, la dose est administrée toutes les 12 semaines.