5: Pathologies pulmonaires et diaphragme

Chapitre 5


Pathologies pulmonaires et diaphragme



5.1


Conduite à tenir devant la découverte d’une malformation pulmonaire




Introduction et classification


Les malformations bronchopulmonaires fœtales sont un groupe hétérogène de lésions qui peuvent se manifester de façon variable. La difficulté à classer ses lésions en prénatal est illustrée par le nombre de papiers traitant de ce sujet dans les 20 dernières années [13], Comme l’écrit C. Langston : « L’échographie n’était pas encore utilisée quand les définitions et classifications des malformations congénitales des poumons ont été élaborées » [3]. La classification originale de Stocker a été transposée aux malformations adénomatoïdes (MAKP) diagnostiquées en prénatal [4]. Cette classification est basée sur des données anatomopathologiques postopératoires ou post-mortem et a été modifiée en 2002 [5]. Les lésions sont maintenant classées en Congenital Pulmonary airway malformation (CPAM) en cinq types et en fonction de la structure anatomique dont elles sont issues : trachée, bronche, bronchiole, canal alvéolaire, acinus distal. Cette nouvelle classification n’est pas applicable au diagnostic prénatal. Les anomalies à l’examen anatomopathologique, en particulier les anomalies histologiques, ne peuvent pas être transposées avec ce qui est détecté et analysé à l’échographie en prénatal. En 2004, Achiron et al. [6] ont tenté d’établir une classification échographique des lésions prénatales en séparant les différents éléments anatomiques des poumons impliqués dans les malformations, parenchyme, vascularisation artérielle, drainage veineux. Cette classification repose sur des analyses échographiques et sur l’utilisation du Doppler et non plus sur des analyses anatomopathologiques. Bien qu’originale, cette classification est peu utilisée en pratique [7]. Il n’existe donc pas de classifications bien définies des malformations bronchopulmonaires de diagnostic prénatal. En pratique, cela ne pose pas de problème ; tout dépend du but poursuivi. Si le but est de faire le diagnostic d’une malformation et de mettre en place une surveillance, l’échographie suffit et le diagnostic histologique sera fait en post-natal. Si le but est d’améliorer notre connaissance de l’histoire naturelle de ces pathologies, il faut étudier plus précisément et à l’aide d’outil moléculaire la corrélation pré et post-natale de ces lésions. Il faut également garder à l’esprit que certaines MP correspondent à la coexistence de plusieurs anomalies hisologiques, comme par exemple MAKP et séquestration [8].



Prise en charge prénatale


Le diagnostic prénatal permet grâce à l’échographie de mettre en évidence certaines malformations bronchopulmonaires. Même si le diagnostic précis de ces malformations n’est pas toujours possible, l’évaluation et la prise en charge sont communes à la plupart des lésions. Le diagnostic prénatal permet surtout d’évaluer le caractère isolé ou non de la MP, son pronostic, de surveiller l’évolution et d’optimiser la prise en charge périnatale. Le diagnostic est le plus souvent fait à l’échographie du 2e trimestre. La découverte d’une malformation pulmonaire au premier trimestre reste exceptionnelle. Cependant, la malformation peut passer inaperçue et n’être diagnostiquée que lors d’une échographie réalisée pour une autre indication ou lors d’une complication comme l’apparition d’un hydramnios.


Lors de la découverte d’une MP, le bilan sera le même que pour toutes autres malformations. Une échographie morphologique complète doit être réalisée afin de rechercher des anomalies associées. Les anomalies du caryotype sont exceptionnellement associées aux MP si celles-ci sont isolées. La réalisation d’une amniocentèse sera à discuter au cas par cas en fonction du souhait des parents et de la qualité du dépistage de la trisomie 21 réalisé en début de grossesse. L’évaluation du pronostic de ces MP repose sur l’existence d’anomalies morphologiques ou chromosomiques associées et sur l’évolution à l’échographie. La surveillance échographique sera réalisée de façon bimensuelle le plus souvent à la recherche de signes d’aggravation qui sont essentiellement l’apparition d’un hydramnios, une déviation médiastinale, un aplatissement ou une inversion de la courbure de la coupole diaphragmatique du côté de la lésion, d’une anasarque. L’apparition d’une anasarque marque un tournant dans l’évolution d’une pathologie prénatale. Il est le reflet d’une compression médiastinale importante à laquelle s’ajoute une insuffisance cardiaque. Le pronostic est alors réservé et dépend des possibilités thérapeutiques. Le premier signe de mauvaise tolérance de la MP est l’installation plus ou moins rapide d’un hydramnios. Si l’apparition est rapide, l’hydramnios peut être mal toléré par la mère et entraîner une menace d’accouchement prématuré (MAP). Il arrive que la MP soit découverte lors d’une consultation pour MAP. Les autres signes d’anasarque sont un hydrothorax uni- ou bilatéral, une ascite et un œdème sous-cutané en pélerine ou généralisé qui est évalué par la mesure de l’épaisseur de l’œdème préfrontal. L’évolution vers l’anasarque est rare, mais grève le pronostic, elle doit être recherchée à chaque échographie. Un enfant qui naît en anasarque de façon prématurée a peu de chance de survie. Un traitement in utero est possible dans certains cas et sera détaillé dans les paragraphes suivants.


L’échographie permet la surveillance de la plupart des lésions. Dans certains cas où le diagnostic entre une lésion de bon pronostic (MAKP) et une lésion de moins bon pronostic (sténose bronchique proximale) est difficile, il est possible d’avoir recours à l’IRM prénatale.


Le diagnostic prénatal permet d’organiser la prise en charge périnatale des enfants porteurs de MB. Dans la grande majorité des cas, une simple surveillance est nécessaire et un accouchement dans une maternité de proximité est possible si la surveillance peut être organisée. La décision de transfert in utero de la patiente en niveau 3 (présence de réanimation néonatale) et dans un hôpital comportant un service de chirurgie pédiatrique sera prise en fonction de la taille de la lésion, de la persistance d’une déviation cardiaque et/ou médiastinale ou de l’existence d’une complication. Il faut savoir que certaines lésions hyperéchogènes peuvent « disparaître » à l’échographie au troisième trimestre mais être toujours présentes au scanner post-natal. La déviation de la pointe du cœur permet le plus souvent de suspecter la persistance de la malformation.


On a vu qu’il peut être difficile de classer les lésions en prénatal, cependant en pratique les informations nécessaires sont : la malformation est-elle plutôt kystique ou solide ? La malformation présente-t-elle une vascularisation propre d’origine systémique ? Certaines malformations sont plus fréquentes comme les MAKP ou les séquestrations. La prise en charge et la surveillance répondent quasiment aux mêmes règles quelle que soit la pathologie.



Malformations adénomatoïdes kystiques des poumons


Les malformations adénomatoïdes kystiques des poumons (MAKP) sont dans la grande majorité des cas des malformations isolées. Elles peuvent être associées à une hernie de coupole diaphragmatique. La classification de Adzick [9] permet de classifier les lésions kystiques en trois groupes en fonction de la taille des kystes, type I gros kystes (> 5 mm de diamètre) (figure 5.1), type II association de gros et petits kystes (figure 5.2), type III microkystes (figure 5.3). Il n’existe pas dans ces cas de vascularisation anormale de la masse qui est vascularisée par la vascularisation pulmonaire normale. En pratique, les lésions macrokystiques ne posent pas les mêmes problèmes que les microkystiques. Toutes les lésions peuvent soit rester stables (50 %), soit grossir (20 %), soit régresser (20 %), soit disparaître (10 %). Le taux de survie associé à ces malformations est de 90 %. Il a déjà été mentionné qu’une lésion peut disparaître à l’échographie du fait de modifications de l’échogénicité de la lésion tout en étant toujours présente. Dans tous les cas, une surveillance à la recherche des signes de mauvaise tolérance est à mettre en place. Soit la lésion est découverte de façon systématique et la fréquence des échographies de surveillance est adaptée à la taille de la lésion. Les lésions de type I compressives peuvent être surveillées parfois de façon hebdomadaire. Soit la lésion est d’emblée compressive et un drainage est indiqué. Il n’y a jamais d’indication à simplement ponctionner un ou plusieurs kystes. Le diagnostic est échographique et le liquide ponctionné se reforme dans les 24 heures. Le seul drainage efficace est la mise en place d’un drain de dérivation kysto-amniotique. Ce geste permet également d’effondrer la paroi de plusieurs kystes et de les drainer dans le même temps. Le bon positionnement du cathéter sera contrôlé de façon hebdomadaire car il peut se boucher ou migrer. La pose précoce (avant 21 SA) de ces drains doit être minutieuse car des séquelles à type de déformations de la paroi thoracique ont été décrites [10].





Les lésions de type II seraient plus souvent associées à des séquestrations [8], elles sont moins fréquentes que les types I ou III et semblent d’évolution le plus souvent favorable.


Les lésions de type III peuvent occuper un hémi thorax et être compressives. Il est difficile de localiser précisément la lésion mais en pratique cela n’a pas d’importance. Comme il l’a été mentionné au chapitre précédent, ces lésions peuvent régresser dans environ 20 % de cas. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ces régressions mais il n’existe pas, en prénatal, de signe échographique permettant de prédire l’évolution de ces lésions dans un sens ou dans l’autre. Cependant, un des diagnostics différentiels des MAKP de type III et l’atrésie bronchique dont le pronostic est défavorable lorsque l’atrésie est proximale. Cette entité est peu décrite en prénatal car le diagnostic est rarement fait [11]. Plus l’atrésie est proximale et plus le diagnostic sera fait tôt. Les quelques cas décrits en prénatal font état de lésions échographiques ressemblant à des MAKP III de grande taille qui ne régressent pas, souvent associées à une anasarque. Il n’y a pas de possibilité de drainage in utero. La présence d’un petite zone kystique hypoéchogène en regard du hile pulmonaire correspond probablement à la zone de la bronche en amont de l’occlusion (figure 5.4).



L’embryogenèse de ces lésions est mal connue et plusieurs hypothèses ont été avancées. Certains auteurs suggèrent que l’atrèsie ou la sténose bronchique serait un élément responsable du développement des MAKP [3, 12, 13] et d’autres malformations pulmonaires [14]. Langston décrit la possibilité d’une séquence malformative basée sur le niveau, le degré et le moment de l’obstruction des voies aériennes au cours du développement pulmonaire comme un possible mécanisme commun à l’apparition des diverses malformations pulmonaires [3]. Kunisaki et al. [15] ont même suggéré que les examens anatomopathologiques devraient inclure la recherche systématique d’une sténose bronchique dans les pièces anatomiques postopératoires. Ces examens devraient inclure une microdissection ± bronchographie à la recherche de ces lésions qui passent inaperçues si elles ne sont pas cherchées précisément. Ils expliquent la prévalence élevée de ces lésions dans leur série par la qualité des examens anatomopathologiques. Meizner décrit une lésion hyperéchogène transitoire qu’il attribue à un bouchon de mucus qui aurait obstrué une bronche [16].


En dehors du traitement par dérivation des lésions de type I, il existe peu de solutions thérapeutiques pour ces fœtus. Certaines équipes peuvent être amenées à discuter une interruption de grossesse avec un couple dont le fœtus serait porteur d’une très importante malformation de type II ou III avec anasarque pour laquelle le drainage serait inefficace. Cependant, certaines de ces lésions peuvent régresser, même tardivement en cours de grossesse et même s’il existe une anasarque. Il faut rester prudent dans ce type d’indication en absence de retentissement maternel. En cas d’atrésie bronchique proximale diagnostiquée, l’IMG est en revanche possible en l’absence de traitement post-natal satisfaisant. Certaines équipes anglo-saxonnes proposent une chirurgie in utero à utérus ouvert en cas de lésions avec anasarque et retentissement maternel. La présence d’une anasarque fœtale peut être responsable d’un syndrome en miroir qui entraîne chez la mère des signes de prééclampsie. La chirurgie in utero à utérus ouvert n’est pas réalisée en France en raison de la lourdeur de ces interventions et des risques majeurs de prématurité pour l’enfant et de morbidité pour la mère [17].



Séquestrations pulmonaires


La séquestration est associée à une vascularisation systémique et communique rarement avec le système bronchique. Le drainage de cette malformation se fait par une veine systémique ou par les veines pulmonaires. Ces lésions sont asymtomatiques à la naissance dans 80 % des cas. Contrairement aux MAKP, les séquestrations sont associées à une autre malformation dans 40 % des cas. Une échographie morphologique à la recherche de ces anomalies est indispensable. Il faut également rechercher une autre malformation pulmonaire ou une hernie de coupole diaphragmatique. La réalisation d’une amniocentèse pour caryotype est là aussi à discuter au cas par cas et sera plutôt réservée aux patientes n’ayant pas bénéficié d’un dépistage adéquat de la trisomie 21 ou aux fœtus présentant un syndrome polymalformatif.


L’aspect échographique est celui d’une masse hyperéchogène, sans kyste le plus souvent systématisée, de contour mieux définis que les MAKP, le plus souvent à la base, rarement au sommet (figure 5.5). La séquestration peut être sus- ou sous-diaphragmatique ; en revanche, il ne sera pas possible de déterminer en prénatal si la lésion est intra- ou extralobaire. En cas de lésion sous-diaphragmatique, le diagnostic différentiel ne sera pas toujours facile à faire avec certaines pathologies de la surrénale. La visualisation d’un pédicule vasculaire signe le diagnostic mais il existe des formes mixtes. Le pédicule peut provenir de l’aorte sus- ou sous-diaphragmatique. Dans ce dernier cas, le pédicule remonte et peut traverser le diaphragme. Il faut s’attacher à rechercher le pédicule sur une coupe longitudinale du thorax et de l’abdomen du fœtus au niveau de l’aorte en s’aidant du Doppler couleur. Le Doppler énergie couplé au mode 3D permet à un opérateur entraîné de mieux visualiser le vaisseau (figure 5.6) [18].




La surveillance à mettre en place est la même que pour les autres malformations pulmonaires, mais en cas de séquestre de taille importante avec un débit important dans l’artère qui alimente la masse il faut se méfier de la survenue d’un possible « effet shunt » avec l’apparition d’une insuffisance cardiaque. Cette complication est rare et quelques cas d’occlusion du pédicule artériel par embolisation ou laser ont été décrits avec un taux de succès mitigé : 40 % des lésions sont stables, 30 % régressent, 20 % disparaissent et un petit nombre s’aggravent. Le taux de survie des séquestrations tous cas confondus est de 13 à 25 % en raison du taux de malformations associées.



Autres malformations bronchopulmonaires



Emphysème lobaire géant


Le diagnostic précis est rarement fait en prénatal. L’aspect échographiqe est celui d’une MAKP de type III (figure 5.7). Il peut disparaître avant la naissance, mais la lésion est visible sur le scanner post-natal [19]. En raison d’une possible décompensation post-natale, une surveillance doit être organisée en période néonatale devant une masse de volume important au troisième trimestre de la grossesse qui régresse rapidement.




Kystes bronchogéniques


Rarement diagnostiqué en prénatal, il se présente sous la forme d’une lésion kystique isolée centrale ou périphérique. C’est un des diagnostics différentiels de la MAKP de type I mais dans ce cas les kystes sont rarement isolés et il existe des kystes médiastinaux. La taille et la localisation du kyste conditionnent son pronostic. Il est rarement compressif, mais l’apparition d’un hydramnios peut faire suspecter une compression œsophagienne et donc trachéale. En cas de doute, une naissance en niveau 3 doit être organisée (figure 5.8).



Les malformations bronchopulmonaires diagnosiquées en période prénatale sont le plus souvent de bon pronostic en dehors de l’exceptionnelle atrésie bronchique [20]. Cependant, il est important de bien connaître les possibles évolutions prénatales de ces pathologies afin de mettre en place une surveillance régulière et d’organiser un accueil optimal pour les nouveau-nés porteurs de ces malformations. Le diagnostic précis de la pathologie n’est pas indispensable au suivi de ces enfants cependant dans le but de mieux comprendre l’histoire naturelle de ces pathologies, il est important de s’appliquer à détecter les vascularisations anormales. En effet, une des hypothèses avancées pour l’explication de la régression spontanée des lésions pulmonaires est l’occlusion du vaisseau nourricier. La visualisation puis la disparition des vaisseaux pourrait être un argument supplémentaire pour cette hypothèse. Les améliorations technologiques majeures dans le domaine de l’échographie fœtale et du Doppler devraient nous aider dans ce sens. Il serait également nécessaire de sensibiliser les anatomopathologistes à la recherche des atrésies bronchiques sur les pièces opératoires de malformations bronchopulmonaires.

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Aug 1, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 5: Pathologies pulmonaires et diaphragme

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