5. Les effets indésirables des antidépresseurs

Chapitre 5. Les effets indésirables des antidépresseurs




Les effets indésirables des antidépresseurs prêtant à confusion75




Les effets indésirables dissociatifs 75


La dépersonnalisation 76


La déréalisation 76


Les autres expériences dissociatives 76


La confusion et la désorientation 76


Les effets indésirables sexuels 77


L’émoussement émotionnel 78


Les réactions maniaques ou psychotiques 78


L’impatience, l’agitation et la surexcitation : l’akathisie 79


Les antidépresseurs et le suicide 80


Le syndrome sérotoninergique 81


Les effets spécifiques des IMAO81




Les effets liés à la prise concomitante d’aliments riches en tyramine : le « cheese effect »81


Les interactions médicamenteuses84



INTRODUCTION


Durant les premières semaines sous antidépresseurs, les effets indésirables sont plus manifestes que les effets bénéfiques. Mais si le médicament correspond à la personne qui le prend, les effets indésirables seront légers et supportables. Si, en revanche, son état empire de façon manifeste avec le traitement, celui-ci devra être interrompu et la question de l’indication reposée.

Il est parfois difficile de distinguer les effets du traitement de certains symptômes de la maladie. Tant le médicament que la maladie dépressive peuvent engendrer des symptômes tels qu’une bouche sèche, des céphalées, de l’indigestion, de l’anxiété, de l’insomnie, un sentiment d’irréalité ainsi que des idées suicidaires et de l’agressivité. Cette confusion à propos de la cause des symptômes est remarquablement illustrée dans le livre Dying for a Cure de Rebekah Beddoes [22].

Les effets indésirables des antidépresseurs présentent d’autres aspects inhabituels. Dans les dépressions sévères, les individus sont souvent moins sensibles à leur environnement. Ils sentent, goûtent ou entendent de manière moins fine qu’à l’habitude. Trois ou quatre fois la dose habituelle d’un somnifère ne suffit pas à calmer l’insomnie causée par une dépression. En revanche, la même personne, quelques semaines plus tard, quand elle aura récupéré, sera assommée par une faible dose de ce même produit. Ce qui vient d’être dit ne s’applique pas aux patients avec une forme légère d’anxiété ou de dépression, bien que ce soient eux qui aient le plus de chance de se voir prescrire un antidépresseur. Ceux-là seront, au contraire, plus sensibles aux effets indésirables des antidépresseurs. On voit bien qu’il est complexe de rédire les effets indésirables que pourrait induire un antidépresseur.

De plus, une très grande variabilité de ces effets est constatée selon le type de personnalité ou de groupe ethnique. Par exemple, les Japonais sous inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) peuvent présenter une gynécomastie, alors que ce n’est pas le cas chez les Caucasiens.

Les effets indésirables repris ci-dessous sont les plus typiques. Certains se produisent chez la plupart des gens à un degré variable en fonction de la substance qu’ils prennent, mais ils sont le plus souvent légers et disparaissent en quelques jours. Ces effets indésirables sont pour la plupart réversibles à l’arrêt du médicament.

Comme dans le cas des antipsychotiques, il y a deux sortes d’effets indésirables à prendre en considération : ceux qui sont typiques et faciles à identifier comme tels (la bouche sèche ou la sédation) et ceux qui peuvent donner une fausse impression que la maladie s’aggrave, comme par exemple le fait de se sentir plus nerveux ou d’avoir des sensations étranges, des sentiments de déréalité ou même d’entendre des voix. Ce second type d’effets est celui qui requiert le plus d’attention, puisqu’il engendre le plus de risques.



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LES EFFETS INDÉSIRABLES ÉVIDENTS DES ANTIDÉPRESSEURS



La sédation


À peu près tous les antidépresseurs peuvent être plus ou moins sédatifs mais l’amitriptyline, la trimipramine, la mirtazapine et le trazodone le sont plus fortement lors des premières prises. Cette sédation est comparable à celle produite par les anciens antihistaminiques. Un tiers des personnes sont manifestement somnolentes, alors que deux tiers le sont légèrement ou pas du tout. Ces effets peuvent être dérangeants en début de traitement, mais finissent par s’estomper en quelques jours. Chez une minorité de patients, cette sédation peut persister et nécessiter l’arrêt de la prise du médicament, surtout si la conduite d’un véhicule ou l’exécution d’un travail sont compromises.

Avec les ISRS, les patients peuvent se sentir paradoxalement à la fois somnolents et incapables de dormir. Le plus souvent néanmoins, ils seront soit l’un soit l’autre. De cette particularité individuelle dépendra le moment de la journée, matin ou soir, où le médicament doit être pris.


L’hypervigilance


Chez certaines personnes, les antidépresseurs peuvent produire une hypervigilance et provoquer des insomnies. Dans ce cas, il est préférable de prendre la médication le matin. Ceci est plus fréquent avec des antidépresseurs ayant une action sur le système noradrénergique comme la désipramine, la nortriptyline ou la réboxétine.

Les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) sont plus souvent responsables d’un tel effet que les antidépresseurs tricycliques (ATC). Ils peuvent néanmoins être sédatifs dans certains cas et seront alors pris le soir.

Comme nous l’avons vu plus haut, les ISRS peuvent être stimulants ou sédatifs selon les individus ou, plus rarement, provoquer une somnolence s’accompagnant paradoxalement d’une amélioration des tests cognitifs comparable à ceux d’une personne alerte.



Les chutes de tension


Les ATC, les IMAO et la mirtazapine font chuter la tension sanguine. Chez la plupart d’entre nous, des changements brutaux de position, en sautant hors du lit ou en se levant d’une chaise, peuvent provoquer des étourdissements ou la sensation d’avoir des étoiles devant les yeux. Cette hypotension orthostatique est aggravée par ce type de médication, ce qui entraîne un risque de chutes et de blessures potentiellement graves. Les sujets les plus à risques sont les personnes âgées.


Les palpitations


Les palpitations sont un des effets les plus perturbants des antidépresseurs. Sentir son cœur battre irrégulièrement ou par à-coups suscite de l’inquiétude. Dans la majorité des cas, il s’agit simplement de l’adaptation du cœur à une chute soudaine de la tension qui est sans danger. En revanche, tous les antidépresseurs peuvent avoir des effets nocifs directs sur le cœur, mettant en danger les personnes ayant des pathologies cardiaques préexistantes. Il serait dès lors prudent de ne pas banaliser la survenue de palpitations cardiaques et de proposer une mise au point.



La sudation


Les antidépresseurs provoquent fréquemment une sudation importante, plus dérangeante quand il fait chaud. Elle est surtout remarquée par les patients lorsqu’ils se réveillent la nuit dans des draps trempés. L’augmentation de la transpiration peut aussi être un symptôme du syndrome sérotoninergique (voir plus bas).

Les secousses et les tremblements

Les personnes sous antidépresseurs peuvent présenter des secousses des mains ou des bras, et ce d’autant plus fréquemment que les doses sont élevées. Ce signe est donc à prendre comme l’indication d’un surdosage. En effet, vu les particularités physiologiques individuelles ou de capacité d’absorption variable, la dose donnée de façon habituelle en clinique peut être trop élevée pour certaines personnes et devra être diminuée si quoi que ce soit indique que c’est le cas.

Globalement, tous les antidépresseurs et les ISRS en particulier peuvent provoquer les mêmes problèmes que ceux causés par les antipsychotiques : les dyskinésies, les dystonies, l’akathisie et tous les symptômes parkinsoniens (voir le chapitre 3).

Ces problèmes seront amplifiés par l’association d’ISRS avec des antipsychotiques, du lithium, du valproate, des analgésiques ou des contraceptifs oraux.



Le grincement de dents (bruxisme) et la contracture de la mâchoire (trismus)


Un autre effet indésirable rarement décrit est le grincement des dents. Ce grincement est un phénomène banal chez nombre d’entre nous durant la nuit. Certains antidépresseurs et surtout les ISRS peuvent provoquer de tels grincements durant la journée. S’ils deviennent intenses, ils peuvent être à l’origine de douleurs fortes dans les gencives, nécessitant chez les personnes concernées le retrait provisoire de leur appareil dentaire avec les embarras que cela suscite. Dans les cas les plus sévères, cela entraînera l’érosion des dents.

Ce problème peut avoir deux composantes distinctes :




1 des mouvements anormaux de la mâchoire (dyskinésie) ;


2 une augmentation de la tonicité des muscles de la mâchoire (dystonie).

Dans les formes légères, l’augmentation du tonus est désagréable et est perçue comme une douleur sourde dans la région de la mâchoire. Dans les formes sévères, cela peut mener à une contracture constante de la mâchoire (trismus).

La gorge peut aussi être affectée, causant des symptômes similaires à une infection de la gorge (pharyngite) et compliquant la déglutition par une constriction.

Une autre présentation de ce phénomène est le bâillement involontaire.

Bien que ces effets soient rarement décrits, ils concernent jusqu’à 50 % des patients lors de leur première semaine sous ISRS. Le grincement de dents peut se maintenir pendant toute la durée du traitement et est parfois un signe avant-coureur de dyskinésies tardives qui peuvent amener à envisager l’interruption du traitement.


Les céphalées


Les céphalées sont fréquentes dans la dépression, et il est dès lors difficile de savoir si elles sont causées par les antidépresseurs. La céphalée induite par les antidépresseurs a néanmoins des caractéristiques particulières. Typiquement, elle s’accompagne d’un peu de confusion et de l’impression d’avoir la tête pleine ou en surpression. Elle se différencie en cela de la céphalée de tension que nous pouvons tous éprouver à un moment ou un autre. Il est néanmoins rarement facile de distinguer les deux. Si des céphalées apparaissent ou empirent en début de traitement, il est conseillé de demander une mise au point.

Dans de rares cas, les antidépresseurs peuvent déclencher des crises migraineuses typiques, c’est-à-dire pulsatiles, hémicrâniennes, s’accompagnant d’un trouble de la vue, de nausées ou de vomissements.

Cet effet est lié à l’action de la plupart de ces médicaments sur le système sérotoninergique qui régule le flux sanguin dans la tête et le cerveau. Ces maux de tête sont sans danger, mais peuvent être insupportables à vivre.

Il en est tout autrement des céphalées sévères potentiellement dangereuses causées par les IMAO et la prise concomitante d’aliments contenant de la tyramine («cheese effect»), par du lithium ou par des traitements associant des antidépresseurs et des antipsychotiques, ou encore l’un des deux associé à du lithium.



La prise de poids


La dépression est souvent responsable d’une perte d’appétit et de poids. Un traitement efficace occasionnera donc une certaine prise de poids chez la plupart d’entre nous. Certaines personnes en revanche vont prendre beaucoup plus de poids que prévu, jusqu’à 5 à 10kg, pour des raisons mal comprises mais clairement liées à la médication. Cet effet sera encore plus important chez ceux qui prennent un antipsychotique ou du lithium en association avec l’antidépresseur.

Auparavant, cette prise de poids était inéluctable, puisque tous les antidépresseurs étaient susceptibles de l’induire. Certains ISRS représentent maintenant une option à court terme parce qu’ils diminuent l’appétit et causent des nausées et des vomissements en début de traitement. Les nausées disparaissent en quelques jours, mais la diminution de l’appétit peut se maintenir un peu plus longtemps. Avec le temps, néanmoins, la prise de poids, parfois très importante, se développe avec tous les ISRS.

Cet effet indésirable direct du médicament est bien connu mais, malgré tout, de nombreuses personnes continuent à l’ignorer et s’acharnent à faire des diètes, encouragées par leur médecin. Leur incapacité à perdre du poids peut être démoralisante en soi.


Les nausées


Tous les antidépresseurs peuvent causer des nausées, des troubles de la digestion, de la constipation et une sensation de ballonnement. Les ISRS sont particulièrement concernés. Jusqu’à 25 % des personnes prenant ces médicaments peuvent ressentir un malaise semblable au mal de mer. Cet effet disparaît en quelques jours. Dans certains cas, il peut persister, être sévère et s’accompagner de vomissements. Le médicament doit dès lors être arrêté. Ce problème survient avec une plus grande fréquence dans les populations asiatiques.


Les éruptions et les infections


Tous les médicaments peuvent être responsables de réactions d’hypersensibilité idiosyncrasiques. Le plus souvent, elles prennent la forme d’éruptions cutanées qui sont sans gravité et réversibles à l’arrêt du traitement.

Les fièvres récurrentes sont des effets indésirables plus graves qui s’accompagnent d’une pharyngite et de douleurs dans la bouche. Un test sanguin peut être nécessaire pour exclure une leucopénie pouvant prédisposer aux infections, surtout chez les personnes âgées.


LES EFFETS INDÉSIRABLES DES ANTIDÉPRESSEURS PRÊTANT À CONFUSION



Les effets indésirables dissociatifs


Les effets indésirables dissociatifs des antidépresseurs comprennent la dépersonnalisation, la déréalisation et d’autres expériences qui peuvent être suffisamment sévères pour provoquer une grande confusion. Le danger de ces expériences dissociatives provient du fait qu’elles peuvent être comprises à la fois par les personnes qui prennent le médicament et leur entourage comme un signe de l’aggravation de la pathologie ou d’une atteinte cérébrale. De telles réactions, mal interprétées, peuvent conduire au suicide (voir plus bas). L’apparition de tels effets, en dehors des risques encourus, va contrecarrer l’effet attendu et est donc une indication d’un changement de traitement. La dépersonnalisation et la déréalisation sont des réactions relativement habituelles avec les antidépresseurs.



La déréalisation


La déréalisation désigne des impressions et des perceptions similaires à celles de la dépersonnalisation mais qui, dans ce cas-ci, s’appliquent au monde qui nous entoure plutôt qu’à nous-mêmes. Dans cet état, le monde semble étrange et irréel. Tout peut sembler très lointain ou mis en scène, comme si la personne était spectatrice plutôt qu’actrice de sa vie. Ces sensations apparaissent dans des états anxieux, mais aussi dans la dépression. Si elles surviennent pour la première fois ou s’aggravent après le début du traitement antidépresseur, celui-ci devrait être interrompu. Cet effet disparaîtra alors en quelques heures ou tout au plus après quelques jours. Comme pour les palpitations, cette expérience est inquiétante mais n’est pas dangereuse en elle-même.

Nov 19, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 5. Les effets indésirables des antidépresseurs

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