22. La dépendance physique de type 2

Chapitre 22. La dépendance physique de type 2



Introduction244


L’état de manque (« craving»)245


La sensibilisation comportementale245


Les appétences246


La gestion pharmacologique des appétences247


Les facteurs psychologiques liés à l’abus de substances249


La désinhibition250



INTRODUCTION



Comme nous l’avons vu précédemment, cette même année, la noradrénaline fut mise en évidence dans le cerveau puis, en 1959, une deuxième catécholamine, la dopamine, fut identifiée. Cette dernière découverte permit de comprendre l’étiologie de la maladie de Parkinson, dans laquelle ce neurotransmetteur est déficient, et de mettre au point un traitement qui permet d’en diminuer les symptômes, la L-dopa, un précurseur de la dopamine.

Il fut alors possible d’établir une cartographie des neurones contenant de la dopamine dans le cerveau. Ceux-ci se concentrent dans une zone discrète, le tegmentum ventral. Une partie de ces neurones ne contrôlent que des zones purement motrices du cerveau et constituent le système nigrostriatal. La perte de neurones dans cette région est à l’origine de la maladie de Parkinson.

Les autres neurones à dopamine s’étendent vers les zones les plus hautes du mésencéphale et des aires corticales. Ils jouent un rôle central dans les apprentissages par renforcements positifs. Ceux-ci se font chez un animal par des récompenses sous forme de stimuli biologiquement importants tels que de la nourriture ou un partenaire sexuel potentiel.



L’ÉTAT DE MANQUE (« CRAVING »)


Pour quelles raisons tant de consommateurs d’alcool ou d’opiacés rechutent-ils après une désintoxication ? Si la peur du sevrage était un facteur suffisamment puissant pour être à l’origine d’un abus chronique, on pourrait s’attendre à ce que quiconque ayant un minimum de volonté puisse s’abstenir de reconsommer. Quelle perversité ou quelle impulsion autodestructrice provoque la reprise de cette consommation ?

Habituellement, la réponse à cette question reposait sur la distinction entre la dépendance physique et la dépendance psychologique. Le seconde était souvent considérée comme un état psychique qui trouvait son origine dans de profondes difficultés psychologiques. L’hypothèse était que le réel problème dans la toxicomanie était une affaire de structure de personnalité.

Alors qu’il est relativement facile, avec des techniques actuelles, de sevrer des patients dépendants, il est beaucoup plus difficile de maintenir l’abstinence.

Si on leur demande pourquoi ils reconsomment, il répondent en général que cela procède d’un état de manque insupportable (« craving »). Cette notion a souvent été associée à un caractère dépravé, à une faiblesse morale ou à une certaine perversité justifiant l’opprobre social envers les abuseurs chroniques de substances. Les résultats des recherches actuelles vont à l’encontre de cette vision du problème [9].

Il apparaît de plus en plus évident que cet état de manque est sous-tendu par une réalité physique qui serait en fait une dépendance physique d’une autre sorte. Un argument qui plaide en faveur de cette hypothèse est que toutes les drogues susceptibles d’être consommées de manière abusive ne causent pas de « craving ». La cocaïne, les amphétamines, la nicotine et l’alcool en sont responsables mais la LSD, la phencyclidine, les drogues psychédéliques en général ainsi que les benzodiazépines, les antidépresseurs et les antipsychotiques ne créent pas ce type de problème.


LA SENSIBILISATION COMPORTEMENTALE


L’expérimentation sur les effets des drogues nous apprend que l’administration répétée de certaines substances ne mène pas à une tolérance mais, à l’inverse, produit l’effet opposé, même lorsque l’environnement reste constant. En miroir de la tolérance, dans ce cas, le maintien d’un environnement constant facilite une augmentation continue de la réponse à certaines substances.

Ce phénomène est appelé « sensibilisation comportementale » [3,10]. Certaines drogues peuvent l’induire, d’autres non. La morphine, par exemple, est capable de mener à la fois à de la tolérance ou à de la sensibilisation chez le même animal.


Les expériences initiales montraient que la morphine provoquait une inactivité comportementale et une sensation désagréable. Les animaux reliés par des électrodes implantées dans ce que l’on a appelé les centres du plaisir du cerveau étaient moins enclins à s’autostimuler quand de la morphine leur était administrée. Cela va à l’encontre de la croyance populaire que la prise de morphine serait accompagnée d’une sensation agréable. Dans les faits, on peut d’ailleurs constater que la plupart des gens qui en prennent pour la première fois vivent une expérience désagréable.

Les expérimentations qui ont été réalisées par la suite ont démontré que la morphine devient de plus en plus agréable lorsque les consommations se répètent. L’exposition chronique à la morphine en expérimentation animale provoque une augmentation de l’activité et de l’autostimulation. Ce qui est étrange est que celle-ci atteint son sommet 3h après l’administration de morphine, alors que l’effet analgésique est maximal 1h après, quand le pic du taux du produit dans le cerveau est atteint. De surcroît, l’analgésie et la dépression respiratoire causées par cette substance peuvent être contrecarrées par un antagoniste de la morphine tel que la naloxone alors que la sensation de plaisir, pour sa part, ne sera pas modifiée par ce type de produit.


LES APPÉTENCES


Que se passe-t-il ? Il semble que la morphine, l’alcool, la cocaïne et les amphétamines se répandent dans les systèmes cérébraux qui sont responsables de l’induction et de la satisfaction des appétences, parmi lesquels le système du tegmentum ventral décrit plus haut. À bien y réfléchir, il est évident qu’un système réglant les appétences ne va pas développer une tolérance face à des besoins primaires tels que la nourriture, la boisson ou le sexe, par exemple. C’est le contraire qui doit se passer. À l’inverse de ce qui a été décrit par rapports aux éléments environnementaux permettant le développement d’une tolérance parce qu’il rassure sur la nature insignifiante et non menaçante de ce qui est en train de se passer, ces mêmes éléments vont plutôt faciliter une augmentation des effets plaisants lorsque ce sont les appétences qui sont en jeu. Ce qui signifie que nous devenons de plus en plus sensibles aux aspects d’un environnement lorsqu’il offre une possibilité de satisfaction en matière de nourriture, de boissons euphorisantes ou de sexe. Ces éléments vont stimuler notre intérêt plutôt que l’émousser. Néanmoins, nous ne remarquons pas habituellement cette accumulation d’indicateurs alentour qui nous pousse à satisfaire un appétit, à moins que nous ne soyons sortis artificiellement de notre milieu pour un moment. Si vous êtes à la diète stricte, vous devenez conscient de tout ce qui incite à manger dans votre environnement : les publicités dans les magazines, l’odeur de nourriture, le fait de cuisiner…

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Nov 19, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 22. La dépendance physique de type 2

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