5. Anatomie, physiologie et traitement des points gâchettes

Chapitre 5. Anatomie, physiologie et traitement des points gâchettes


Plan du chapitre



Qu’est-ce qu’un point gâchette ?, 46


Structure du sarcomère, 46


Mécanisme de glissement des filaments, 47


Genèse d’un point gâchette : hypothèse de la crise énergétique, 49


Points gâchettes centraux : lier les hypothèses de crise énergétique et de dysfonctionnement de la plaque motrice pour former l’hypothèse intégrée du point gâchette, 51


Points gâchettes centraux, cordons rigides et points gâchettes d’insertion, 51


Facteurs généraux responsables des points gâchettes, 51


Effets d’un point gâchette, 52


Les points gâchettes primaires créent des points gâchettes satellites, 52


Zones de projection des points gâchettes, 53


Repérage et traitement des points gâchettes, 54

Objectifs du chapitre
Après avoir terminé ce chapitre, l’étudiant doit être capable de réaliser les éléments suivants.




1. Définir les concepts clés de ce chapitre.


2. Énumérer les différents types de points gâchettes.


3. Discuter les similitudes et les différences entre les points gâchettes actifs et latents.


4. Décrire la structure d’un sarcomère et expliquer le fonctionnement du mécanisme de glissement des filaments.


5. Discuter la relation entre le mécanisme de glissement des filaments, l’hypothèse de la crise énergétique et la genèse d’un point gâchette.


6. Décrire comment les cycles douleur–contracture–douleur, contraction–ischémie et douleur–contracture–ischémie peuvent aboutir à la genèse d’un point gâchette.


7. Décrire l’hypothèse du dysfonctionnement de la plaque motrice.


8. Décrire la relation entre les hypothèses de la crise énergétique, du dysfonctionnement de la plaque motrice et l’hypothèse intégrée du point gâchette.


9. Discuter la relation entre les points gâchettes central et d’insertion, en incluant le rôle de l’enthésopathie.


10. Énumérer et discuter les facteurs généraux qui tendent à créer les points gâchettes.


11. Décrire les effets des points gâchettes.


12. Discuter la relation entre un point gâchette primaire et un point gâchette satellite.





Présentation


Ce chapitre définit un point gâchette, puis expose l’anatomie, la physiologie et la pathologie fondamentales des points gâchettes myofasciaux. Pour comprendre le mécanisme de développement des points gâchettes, la structure du sarcomère et le mécanisme de glissement des filaments sont revus. Puis les deux principales hypothèses de la genèse des points gâchettes sont discutées, l’hypothèse de la crise énergétique et celle d’un dysfonctionnement de la plaque motrice, ainsi que leur association dans ce qu’on appelle l’hypothèse intégrée du point gâchette. Les relations entre le cycle douleur–contracture–douleur et le cycle contraction–ischémie sont également mises en rapport avec la genèse d’un point gâchette. Ensuite, les relations entre les points gâchettes central et d’insertion d’une part, et les points gâchettes primaire et satellite d’autre part sont examinées, ainsi que les facteurs généraux responsables des points gâchettes. Les effets des points gâchettes sont discutés, en incluant le concept et les mécanismes supposés de la manière dont un point gâchette provoque une douleur à distance. Le chapitre conclut avec une exploration de la façon dont, en pratique clinique, on peut localiser les points gâchettes et une discussion des principales méthodes utilisées par les thérapeutes manuels et du mouvement pour traiter les points gâchettes, incluant l’efficacité d’une compression prolongée comparée avec celle des manœuvres de massage profondes. Remarque : les emplacements courants des points gâchettes dans les différents muscles, avec leurs zones de projection correspondantes typiques, sont indiqués dans la partie III de ce livre.


Qu’est-ce qu’un point gâchette ?


Un point gâchette est une zone focalisée d’hyperirritabilité, qui est localement sensible à la pression, et peut entraîner des symptômes (habituellement une douleur) dans d’autres zones du corps. On décrit des points gâchettes dans presque tous les tissus mous du corps, ce qui inclut les muscles, les fascias musculaires, le périoste, les ligaments et la peau. Le terme de point gâchette myofascial est employé pour désigner les points gâchettes présents dans le tissu musculaire squelettique, ou les fascias musculaires squelettiques (habituellement, le tendon ou l’aponévrose d’un muscle). Ce texte limitera la discussion aux points gâchettes myofasciaux, qui sont le type le plus communément rencontré dans le corps.





Par simplicité de langage, sauf si le contexte donne clairement un autre sens, le terme de point gâchette sera utilisé dans cet ouvrage dans le sens de point gâchette myofascial.

Dit simplement, le point gâchette d’un muscle squelettique est ce que le public profane désigne comme un muscle noué et douloureux. Plus spécifiquement, le point gâchette d’un muscle squelettique est une zone étroite hyperirritable d’hypertonicité musculaire (rigidité), située dans un faisceau de tissu musculaire extrêmement tendu. En outre, comme avec tous les points gâchettes, il est localement sensible à la pression palpatoire et est susceptible d’entraîner une douleur, ou d’autres symptômes, dans des zones éloignées du corps.

Tous les points gâchettes peuvent être répartis en deux catégories, les points gâchettes actifs et les points gâchettes latents. Bien que leur définition respective ne soit pas totalement satisfaisante, il est généralement admis que les points gâchettes latents ne provoquent pas de douleur locale ou projetée, à moins d’être d’abord comprimés ; alors que les points gâchettes actifs sont susceptibles d’engendrer une douleur locale ou projetée, même sans être comprimés. Un point gâchette latent se trouve, par essence, à un stade moins grave qu’un point gâchette actif mais, en l’absence de traitement, un point gâchette latent se transforme souvent en un point gâchette actif.

Par ailleurs, les points gâchettes myofasciaux sont souvent divisés en points gâchettes centraux et points gâchettes d’insertion. Comme leur nom l’indique, les points gâchettes centraux sont situés au centre d’un muscle (ou, plus précisément, au centre des fibres musculaires) et les points gâchettes d’insertion se trouvent sur les sites d’insertion d’un muscle.





Si chaque fibre musculaire commençait à une insertion du muscle et finissait à l’autre insertion du muscle, le centre du muscle devrait être le centre de toutes ses fibres. Cependant, l’architecture des fibres de tous les muscles n’est pas conçue de cette manière. Par exemple et par définition, les fibres des muscles pennés ne vont pas d’une insertion à l’autre. En outre, même dans les muscles fusiformes, toutes les fibres ne courent pas toujours sur toute la longueur du muscle. C’est pour cette raison que le centre d’un muscle n’est pas toujours synonyme de centre de ses fibres.

Le traitement clinique efficace des patients qui présentent des syndromes myofasciaux douloureux exige une compréhension à la fois de pourquoi les points gâchettes se forment, puis de ce qu’est le mécanisme essentiel d’un point gâchette. Cette compréhension n’est possible que si la structure du sarcomère et le mécanisme de glissement des filaments dans la contraction musculaire sont eux-mêmes déjà compris. C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de revoir ces sujets avant de poursuivre la discussion sur les points gâchettes.


Structure du sarcomère


Un muscle est un organe constitué de milliers de fibres musculaires. Chaque fibre musculaire est faite de milliers de myofibrilles, qui courent sur toute la longueur de la fibre musculaire, et chaque myofibrille est composée de milliers de sarcomères disposés bout à bout.









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Figure 5-1
Un sarcomère est délimité des deux côtés par les lignes Z. Le filament épais de myosine est situé au centre et possède des projections appelées têtes. Un sarcomère est l’unité de base structurelle et fonctionnelle du tissu musculaire.

(D’après Muscolino JE : Kinesiology : the skeletal system and muscle function, édition revue et corrigée, St Louis, 2007, Mosby.)

Quand un muscle se contracte, il le fait parce que le système nerveux lui en a donné l’ordre. Étant donné que le sarcomère est l’unité structurelle et fonctionnelle de base du muscle, pour comprendre la contraction, il faut d’abord comprendre la fonction du sarcomère et son activation par le système nerveux. Le processus qui décrit la fonction du sarcomère s’appelle le mécanisme de glissement des filaments.





Le terme de fibre musculaire est un synonyme de cellule musculaire.


Mécanisme de glissement des filaments


Voici les étapes de glissement des filaments.




1. Quand nous décidons de contracter un muscle, un message donnant cet ordre prend naissance dans notre cerveau. Ce message voyage dans notre système nerveux central comme une impulsion électrique.


2. Cette impulsion électrique voyage ensuite vers la périphérie, dans un motoneurone (cellule nerveuse) d’un nerf périphérique, pour aller jusqu’au muscle squelettique. L’endroit où le motoneurone rencontre chaque fibre musculaire individuelle s’appelle le point moteur et est habituellement situé approximativement au milieu (c’est-à-dire au centre) des fibres musculaires.


3. Quand l’impulsion parvient à l’extrémité du motoneurone, celui-ci sécrète ses neurotransmetteurs (acétylcholine) dans l’espace synaptique, au niveau de la jonction neuromusculaire (figure 5-2).








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Figure 5-2
Jonction neuromusculaire. Nous voyons les vésicules synaptiques contenant les molécules de neurotransmetteur à l’extrémité distale du motoneurone. Ces neurotransmetteurs sont libérés dans l’espace synaptique, puis se combinent avec la plaque motrice de la membrane de la fibre musculaire. (Remarque : l’incrustation montre un agrandissement.)

(D’après Muscolino JE : Kinesiology : the skeletal system and muscle function, édition revue et corrigée, St Louis, 2007, Mosby.)


4. Ces neurotransmetteurs traversent l’espace synaptique et se combinent avec la plaque motrice de la fibre musculaire.










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Figure 5-3
La combinaison des neurotransmetteurs avec la plaque motrice de la membrane de la fibre musculaire déclenche une impulsion électrique qui parcourt la membrane (sarcolemme) de la fibre musculaire dans sa totalité. Cette impulsion électrique est ensuite transmise à l’intérieur de la fibre musculaire par les tubules T (tubules transversaux de la fibre musculaire).

(D’après Muscolino JE : Kinesiology : the skeletal system and muscle function, édition revue et corrigée, St Louis, 2007, Mosby.)


6. Quand cette impulsion électrique atteint l’intérieur, le réticulum sarcoplasmique de la fibre musculaire libère dans le sarcoplasme (le cytoplasme de la fibre musculaire) les ions calcium qu’il avait stockés.


7. Ces ions calcium se lient ensuite avec les filaments d’actine, provoquant un changement structurel qui expose les sites de liaison des filaments fins aux têtes de myosine.


8. Les têtes des filaments de myosine s’attachent aux sites de liaison des filaments d’actine, créant les ponts d’union d’actine-myosine.


9. Ces ponts se fléchissent alors, tirant les filaments d’actine vers le centre du sarcomère (figure 5-4).








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Figure 5-4
Étapes du mécanisme de glissement des filaments. A. Les sites de liaison actifs sont exposés, en raison de la présence d’ions calcium (Ca++) libérés par le réticulum sarcoplasmique. B. La tête de myosine forme un pont d’union en se fixant sur un des sites actifs de l’actine. C. La tête de myosine se fléchit, tirant le filament fin d’actine vers le centre du sarcomère. D. Le pont d’union de la myosine se rompt. E. Le processus recommence quand la tête de myosine se fixe sur un autre site actif.

(D’après Muscolino JE : Kinesiology : the skeletal system and muscle function, édition revue et corrigée, St Louis, 2007, Mosby.)


10. Si aucune molécule d’ATP n’est présente, ces ponts resteront en place (par conséquent, la contraction sera maintenue) et le glissement des filaments ne se poursuivra pas.


11. En présence d’ATP, la séquence suivante se met en place : les ponts d’actine-myosine se rompent, grâce à la dépense d’énergie des molécules d’ATP, et les têtes de myosine se fixent sur les sites de liaison suivants des filaments d’actine, formant de nouveaux ponts d’union. Ces nouveaux ponts se fléchissent et tractent les filaments d’actine plus loin vers le centre du sarcomère.


12. Le processus de l’étape 11 se répète aussi longtemps que des molécules d’ATP sont présentes pour activer la rupture et que les ions calcium sont là pour exposer les sites de liaison des filaments d’actine, afin que d’autres ponts d’union puissent se former, ce qui, ensuite, tire davantage les filaments d’actine vers le centre du sarcomère.


13. De cette manière, les sarcomères des fibres musculaires excitées se contracteront jusqu’à 100 % de leur capacité.


14. Quand le message de contraction du système nerveux cesse, les neurotransmetteurs ne sont plus libérés dans l’espace synaptique. Les neurotransmetteurs qui étaient présents sont soit détruits, soit réabsorbés par le motoneurone.



16. Les ions calcium qui étaient dans le sarcoplasme sont réabsorbés, grâce à une dépense d’énergie par les molécules d’ATP.


17. Sans ions calcium dans le sarcoplasme, les sites de liaison des filaments d’actine cessent d’être exposés et la formation de nouveaux ponts d’union d’actine-myosine n’est plus possible. À condition que les anciens ponts d’union soient rompus (en raison de la présence d’ATP ; voir étape 11), la contraction musculaire cesse.










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Figure 5-5
Illustration de comment le mécanisme de glissement des filaments entraîne un changement de longueur du sarcomère. À partir de la longueur de repos d’un sarcomère décontracté, nous voyons qu’au moment où il débute sa contraction, il commence à se raccourcir en direction de son centre. Quand le sarcomère est complètement contracté, il est à sa plus courte longueur.

(D’après Muscolino JE : Kinesiology : the skeletal system and muscle function, édition revue et corrigée, St Louis, 2007, Mosby.)


19. Quand les sarcomères d’une myofibrille se raccourcissent, la myofibrille elle-même se raccourcit, en tractant sur ses insertions.





Les étapes énumérées ici illustrent le mécanisme de glissement des filaments quand le sarcomère (c’est-à-dire le muscle dans son entier) est capable de se contracter et de se raccourcir (contraction concentrique). Cela se produit seulement si la contraction du muscle est assez importante pour surpasser la force de la résistance opposée au raccourcissement, quelle que soit celle-ci. Sur d’autres modes, un muscle peut se contracter et conserver la même longueur (contraction isométrique), ou peut se contracter et s’allonger (contraction excentrique). Quel que soit le type de contraction, la caractéristique qui définit la contraction musculaire est la présence de ponts d’union d’actine-myosine et la force de traction qu’ils produisent.





ATP signifie « adénosine triphosphate ». Une molécule d’ATP peut être comparée à une batterie, parce qu’elle emmagasine de l’énergie dans ses liens. À l’intérieur d’une fibre musculaire, son énergie est utilisée pour fournir l’énergie requise, à la fois pour rompre les ponts d’union d’actine-myosine, et pour réabsorber le calcium dans le réticulum sarcoplasmique.

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Apr 23, 2017 | Posted by in MÉDECINE COMPLÉMENTAIRE ET PROFESSIONNELLE | Comments Off on 5. Anatomie, physiologie et traitement des points gâchettes

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