Les premières descriptions de troubles posttraumatiques sont attribuées à Hérodote au livre VI de l’Enquête, écrit vers 450 avant J.C. Il relate le comportement d’Epizèlos, un Athénien qui aux prises avec l’ennemi perse perdit la vue sans avoir été frappé physiquement.
L’hypothèse en a été d’un symptôme conversif au cours d’un état de détresse intense lors de cette confrontation à la mort. Plus tard, Lucrèce (40 avant J.C.) dans son livre De rerum natura décrit les premiers symptômes de répétition traumatique avec les rêves de bataille des guerriers, Froissart dans ses Chroniques en 1385 décrit le somnambulisme de Pierre de Béarn, frère de Gaston Phébus, qui brandissait son épée chaque nuit dans un sommeil agité, risquant de blesser ses proches. C’est la clinique des traumatismes de guerre qui ouvre donc le champ sémiologique du psychotraumatisme.
De tels récits anecdotiques sont retrouvés par la suite dans les rapports de médecins de l’armée de l’Ancien Régime, qui décrivent une sorte de nostalgie en particulier chez les jeunes recrues surprises par le passage du boulet ou de la mitraille. Cette approche est retrouvée de 1760 jusqu’en 1865, au cours de la guerre de Sécession américaine.
Après la Révolution française, Pinel dans sa Nosographie philosophique (1808) établit un inventaire de ces troubles selon la sémiologie dominante : « idiotisme », « manie », « mélancolie », « hypocondrie », « névrose de la circulation ou de la respiration ». C’est au cours des guerres napoléoniennes que les chirurgiens des armées proposent le terme plus explicite de « syndrome du vent du boulet » pour décrire des états de sidération anxieuse aiguë stuporeuse générés par la frayeur ressentie par ces soldats alors qu’ils n’étaient pas blessés physiquement. Dans ce syndrome, certains sont décrits comme paralysés ou complètement muets.
Ce sont les guerres du XIXe siècle particulièrement meurtrières qui vont amener à une meilleure identification de la souffrance psychique auprès des soldats. Henri Dunant secouriste bénévole à la bataille de Solferino le 24 juin 1859, décrit dans Un souvenir de Solferino (1862) l’état psychique de rescapés « pâles, livides, anéantis, le regard hébété, semblant ne pas comprendre ce qu’on leur dit…, d’autres inquiets et agités d’un tremblement convulsif…, chez certains une sensibilité nerveuse qui se traduisait par des gémissements et des sanglots ». Il rapporte aussi le retentissement de la confrontation à cette situation de catastrophe, où ont été dénombrés plus de 40 000 morts, pour les sauveteurs bénévoles dont certains s’évanouissent et d’autres manifestent une exaltation frénétique. Pour lui-même, il décrit que c’est par l’action qu’il peut surmonter son désarroi.
Il s’agit là d’une des premières descriptions des symptômes de détresse émotionnelle péritraumatique de sauveteurs et il informe d’une attitude utilisée qui lui permet de faire face efficacement à l’intensité de sa réaction émotionnelle.
La guerre de Sécession, est le premier conflit, selon Crocq (1999), où une évaluation des blessés psychiques est estimée avec 5 213 cas de « nostalgie » dans les armées nordistes, lors de la première année de guerre. Dans cette même guerre un médecin militaire décrit le « cœur du soldat » comme un syndrome associant une tachycardie, des palpitations, une sensation d’oppression thoracique, auprès de combattants épuisés par la bataille. Le traitement proposé est alors le repos et la digitaline.
L’arrivée du chemin de fer en France et au Royaume-Uni conduit vers une nouvelle terminologie. Duchesne (1857), puis Erichsen (1864) observent des victimes d’accidents de chemin de fer et décrivent pour certains des atteintes neurologiques franches et dans d’autres cas un aspect plus polymorphe et labile dénommé railway spine ou railway brain. Ces auteurs suggèrent que la violence physique du choc pourrait provoquer des lésions fonctionnelles de la substance nerveuse de la moelle épinière ou du cerveau.
C’est en 1889 qu’Oppenheim (Die Traumatischen Neurosen, in Barrois, 1988) propose de nommer ces troubles posttraumatiques la névrose traumatique. Il propose une étiopathogénie commune aux troubles présentés par les victimes d’accidents violents. Il décrit et associe des symptômes très variés pouvant survenir à distance de l’événement comme des troubles du sommeil avec des cauchemars, des troubles de l’humeur caractérisés par des réactions de sursaut et une irritabilité. Il insiste pour distinguer cette névrose de la névrose hystérique et de la neurasthénie, même s’il envisage des symptômes communs. Il propose de rechercher des liens entre une affection neurologique et les manifestations de ce traumatisme, ce qui a été critiqué par des auteurs comme Ferenczi (1918).
Kraepelin en 1889 reprend la notion d’Oppenheim et propose le terme de schreckneurosen (névrose d’effroi). Il décrit au premier plan un syndrome de répétition, principalement nocturne, avec des cauchemars et des ruminations répétitives sous formes d’images effrayantes ou torturantes. Sont associés des signes « d’incapacité, de fatigabilité, de dépression » avec parfois des obsessions, des agoraphobies ou des plaintes de type hypocondriaque. L’évolution serait marquée par des états crépusculaires d’agitation et d’hallucinations. Cette description se rapproche très clairement de celles utilisées actuellement. Kraepelin considère que ces troubles peuvent survenir lors de l’exposition à un événement accidentel mais il envisage la présence de lésions neurologiques corticales fines. Charcot en France refuse de considérer ce trouble comme un syndrome spécifique et le rapproche de la névrose hystérique. Freud réfute la notion d’une « lésion dynamique » avancée par Charcot et propose son modèle énergétique de déplacement des excitations. Pour Freud, la charge de l’événement traumatique qui « en l’espace de peu de temps apporte dans la vie psychique un tel surcroît d’excitation que sa suppression ou son assimilation par les voies normales devient une tâche impossible » a pour effet des troubles durables dans l’utilisation de l’énergie (Introduction à la psychanalyse, 1916). Une distance par rapport à cette théorie est prise par Janet (1924); celui-ci développe la notion de dissociation traumatique qui introduit cette dimension en dehors du sens d’un trouble psychotique mais comme une distorsion de la réalité avec un équivalent de dépersonnalisation. Cette approche de la dissociation péritraumatique est reprise actuellement par les écoles d’Amérique du Nord.
La guerre russo-japonaise de 1904–1905 est une nouvelle occasion de définir ces troubles parmi les militaires : la Croix Rouge Russe identifie 3 500 cas. Au sujet de ce conflit, le psychiatre allemand Honigman crée le terme de « névrose de guerre » en 1907. Il décrit des états confusionnels et « confusoanxieux » initiaux dus à la violence des combats, à l’épuisement, voire à l’effroi. Il compare ces troubles aux railway brain secondaires aux accidents de chemin de fer.
En 1910, Glynn rédige une synthèse de ces travaux, The traumatic neuroses (Barrois, 1988), dans laquelle il différencie clairement les manifestations immédiates de « neurasthénie aiguë » consécutives à un traumatisme sévère et des symptômes dépressifs avec des troubles mineurs d’allure « neurasthénique » après des traumatismes qualifiés de « légers ». Il souligne d’autre part dans une étude prospective de 22 patients que les troubles posttraumatiques régressent davantage pour ceux qui ont bénéficié de réparation du dommage.
Lors de la Première Guerre mondiale, outre les millions de morts et les centaines de milliers de blessés physiques, des afflux massifs de blessés psychiques ont été identifiés et les descriptions scientifiques de ces troubles se sont précisées.
Les médecins anglais élaborent alors le terme de shell shock (choc des obus) qui résulterait d’une prédisposition individuelle et d’une diminution des capacités de réaction par la « tension nerveuse » et le contexte de vie « difficile ». Les troubles résulteraient d’un « ébranlement de la substance nerveuse » et du psychisme. Au sein du corps britannique, 120 000 hommes seraient encore pensionnés pour ce trouble ou celui de neurasthénie en 1939 (Crocq, 1999). Seuls les États-Unis d’Amérique ont effectué un recensement précis de ces cas avec 69 400 sujets traités pour troubles mentaux d’avril 1917 à novembre 1918 parmi les 2,5 millions d’hommes engagés.
Les Français choisissent la notion de « syndrome du vent de l’obus », par référence aux médecins des guerres napoléoniennes ou le terme d’« hypnose des batailles ». Certains stigmatisent ces comportements qualifiés « d’hystériques » et proposent des traitements « énergiques » pour remettre au combat ces « habitants des hôpitaux ».
Au début de la Seconde Guerre mondiale, les troubles psychiques sont niés, voire réprimés dans les différents camps. Des médecins militaires russes décrivent des « syndromes cérébrocardiaques ». Les États-Unis sont les premiers à effectuer une sélection rigoureuse sur les critères psychologiques mais déploreront 327 155 cas psychiatriques de 1941 à 1945. Les diagnostics portés sont ceux de blast concussion (commotion par effet de souffle), et psychoneurosis (psychonévroses). Vers la fin de la guerre, ils proposent le mot exhaustion (épuisement) pour se dégager de toute connotation psychiatrique, laissant entendre que ces troubles relevaient d’une simple fatigue liée au stress et aux contraintes de la bataille et nécessitaient un simple repos. Le terme de « syndrome du vieux sergent » a lui aussi été retenu à cette période pour décrire le plus souvent des sous-officiers très éprouvés par une longue période en première ligne. Mais ces états étaient peu pris en considération et le Général Patton en 1943 « souffleta » deux soldats hospitalisés pour des états « psychonévrotiques anxieux ». Les médecins militaires observent d’autre part la survenue fréquente de troubles psychosomatiques et de troubles différés du combat (delayed combat reaction).
Dans l’expérience de la population israélienne, confrontée à des situations de violence traumatiques de guerre et de terrorisme depuis la création de l’État en 1948, c’est à partir de la guerre du Kippour (1973) qu’une réorganisation de la psychiatrie militaire est envisagée pour réduire le retentissement de ces troubles. Lors de cette guerre sont rapportées de nombreuses victimes de combat stress reaction.