Évaluation de la dangerosité : données historiques et contextuelles
L’évaluation de la dangerosité ou plutôt du risque de récidive est devenue un problème dans la plupart des sociétés démocratiques au-delà même des pays anglo-saxons. Tous les pays européens ont cette préoccupation.
Dans notre pays, la préoccupation sécuritaire a eu comme incidence institutionnelle la création de six nouvelles unités pour malades difficiles de 40 places et le développement des UHSA (unités d’hospitalisation accueillant des détenus présentant des troubles mentaux avec une surveillance périmétrique assurée par la pénitentiaire).
• La loi du 12 décembre 2005 sur la récidive qui instaure les peines planchers (cette mesure a un impact sur la détention des malades mentaux vulnérabilisés). Cette loi élargit aussi le champ du suivi sociojudiciaire avec injonction de soins, au-delà des violences sexuelles, aux crimes volontaires à la vie des personnes.
• La loi du 10 août 2007 sur la récidive et les peines planchers étend encore plus le champ de l’injonction de soins à tous les actes de violences contre les personnes commis par le conjoint, l’ex-conjoint ou le concubin de la victime, et aux actes de violences commis sur un mineur de 15 ans par ascendant légitime.
• La loi dite « rétention de sûreté » du 25 février 2008 introduit la possibilité de prononcer des mesures de suivi ou d’enfermement, sans aucun terme prévisible, à l’encontre de la personne chez laquelle on repère une dangerosité supposée. La loi fait relever de la rétention de sûreté « les personnes présentant une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’elles souffrent d’un trouble grave de la personnalité ». On est là dans un modèle médical du crime qui fait l’hypothèse qu’un crime horrible ne peut être commis que par une personne « souffrant » d’un trouble grave de la personnalité.
2e génération : l’évaluation actuarielle avec prédominance des facteurs statiques (1970–1980)
L’évaluation actuarielle a fait ses débuts aux États-Unis à Chicago quand Ernest Burgess a publié le devenir de 3 000 détenus en liberté conditionnelle dans les années 1920. Ernest Burgess détermine dans son travail des facteurs identifiables permettant de prévoir sur cette population de détenus les risques d’échec. Il isole le sexe, l’âge, la race du père, la nationalité, les antécédents de violence, les antécédents judiciaires et les antécédents de victimisation. Plus tard, y seront associés deux facteurs importants : l’échec scolaire à l’élémentaire et la dislocation du couple parental avant l’âge de 16 ans. Burgess établit un modèle mathématique de prédiction du risque de récidive comme le fait une société d’assurances quand elle fixe la prime de son client : à risque élevé, prime élevée. Dans le domaine pénal cela devient : à risque de violence élevé, neutralisation durable ce qui aura comme conséquence une augmentation continue de la durée des peines.
• Les facteurs statiques qui sont des facteurs propres à l’histoire de l’individu et qui ne se modifient guère avec le temps. Les facteurs statiques sont constitués autour de quelques items : le sexe, la séparation du couple parental avant l’âge de 16 ans, l’échec scolaire au cours élémentaire, le statut socioéconomique, les antécédents de violence agie comme ceux de violence subie. L’utilisation des facteurs statiques favorise la détention durable de la personne dont les caractéristiques historiques ne se modifient pas. Si au contraire les politiques acceptent de faire un pari sur l’évolution de l’individu, les échelles font une part importante aux facteurs dynamiques, autant de facteurs qui sont sensibles aux travaux éducatifs et thérapeutiques.
• Les facteurs dynamiques comportent les addictions, les capacités d’insight, la symptomatologie actuelle, l’existence d’un trouble de la personnalité, l’adhésion aux soins, le lieu de vie, la vie affective (former un couple protège de la récidive) et l’insertion professionnelle.