40: Éducation Thérapeutique

Chapitre 40 Éducation Thérapeutique



Historiquement reliée à la diabétologie, l’éducation thérapeutique du patient a progressivement fait son apparition dans la plupart des spécialités médicales. La santé publique s’y intéresse depuis le début des années 2000, multipliant les rapports, recommandations et autres documents officiels à ce sujet. Dans ce chapitre, l’éducation thérapeutique sera d’abord présentée de façon générale : les raisons de son développement puis ses critères de qualité, valables quelle que soit la pathologie concernée. Ensuite, des exemples seront donnés de sa mise en œuvre dans différentes pathologies vasculaires.



POURQUOI S’INTÉRESSER À L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE DU PATIENT ?


Dans les ouvrages médicaux, il est bien rare que le paragraphe consacré au traitement de telle ou telle maladie chronique ne comporte pas un alinéa sur « les mesures hygiénodiététiques ». Cette mention sibylline vient rappeler au médecin que le patient devra, non seulement suivre le traitement prescrit (quels qu’en soient la complexité, la durée et les effets secondaires), non seulement surveiller son état de santé par des examens réguliers (quels qu’en soient les contraintes et les désagréments) mais aussi arrêter de fumer, boire avec modération, bouleverser ses habitudes alimentaires, pratiquer une activité physique régulière, bien dormir, ne pas s’exposer aux rayons du soleil et, bien sûr, éviter le stress, etc. L’énoncé ou la lecture de ces mesures hygiénodiététiques s’accompagne souvent d’un sentiment d’impuissance chez le médecin et d’un sentiment de culpabilité chez le patient. Beaucoup de personnes atteintes de maladie chronique ont ainsi du mal à suivre les prescriptions et les conseils de leurs médecins. Il faut dire que la formation initiale des professionnels de santé les prépare mieux à soigner des maladies aiguës qu’à accompagner au long cours des personnes atteintes de maladie chronique.


On estime à 15 millions le nombre de personnes atteintes de maladie chronique en France : cela représente un quart de la population. Ces pathologies sont bien sûr très différentes les unes des autres quant à leur fréquence, leur gravité, leurs symptômes, leur traitement ou les handicaps qu’elles génèrent. Néanmoins, elles ont des caractéristiques communes [1] :







Selon l’Organisation mondiale de la santé [2], l’éducation thérapeutique devrait être systématiquement intégrée aux soins des personnes qui souffrent de maladie chronique car elle « aide les patients et leurs familles à comprendre la maladie et le traitement, à coopérer avec les soignants, à vivre plus sainement et à maintenir ou améliorer leur qualité de vie. » Pour bon nombre de pathologies, il est démontré que l’éducation thérapeutique des patients améliore l’efficacité des soins et permet de réduire la fréquence et la gravité des complications.


En France, les professionnels, les pouvoirs publics et les associations de patients s’intéressent de plus en plus à l’éducation thérapeutique. C’est ainsi que la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST), promulguée au printemps 2009, lui consacre quelques articles. Cette reconnaissance officielle fait suite à la publication, dans les années précédentes, de multiples documents parmi lesquels un Plan national [3], un guide méthodologique [4], des recommandations professionnelles [5] et un rapport d’orientation [6].


La Haute autorité de santé écrit dans ses recommandations : « L’éducation thérapeutique vise à aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. » Ils distinguent ensuite deux catégories de compétences nécessaires aux patients :




De façon moins académique mais plus simple, on peut dire que « l’éducation thérapeutique a pour but d’aider les patients à prendre soin d’eux-mêmes »1


« Le fait de prendre soin de soi et de sa santé […] ne se résume pas à la réalisation de gestes techniques et n’est jamais le résultat d’une conformation, passive ou non, à des recommandations médicales. La manière de prendre soin de soi et de sa santé est au contraire le résultat, souvent provisoire, de processus multiples et dynamiques, de négociations intra et interpersonnelles en réponse aux différentes tensions que rencontre inévitablement toute personne qui apprend à vivre avec une maladie chronique […] :






tension entre différents types de besoins potentiellement contradictoires — besoins de sécurité, d’autodétermination, d’auto-efficacité et de cohérence — qui composent le processus d’empowerment des patients tel que le décrit Aujoulat [7] : un processus de transformation personnelle par lequel les patients renforcent leur capacité à prendre effectivement soin d’eux-mêmes et de leur santé, et pas seulement de leur maladie et de leur traitement comme décrit le plus souvent dans la littérature médicale. » [8]


QU’EST-CE QU’UNE ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE DE QUALITÉ ?


Les recommandations formulées par l’OMS, l’HAS ou l’INPES peuvent schématiquement se regrouper en trois groupes, respectivement relatifs à la démarche éducative menée avec le patient, aux acteurs de l’éducation thérapeutique et à l’organisation générale des programmes ou des activités, chaque groupe réunissant quatre recommandations.



Recommandations relatives à la démarche éducative













L’évolution de la maladie chronique autant que l’évolution du ressenti qu’en a le patient — ressenti bien sûr relié à tous les autres éléments de sa vie — obligent à considérer l’éducation thérapeutique comme un processus aussi long que la maladie elle-même. L’éducation thérapeutique d’un patient n’est jamais terminée : elle est ancrée dans la relation médecin/malade et tributaire de celle-ci.


« L’éducation du patient n’est rien d’autre qu’un projet partagé dans une dynamique progressive d’échanges et d’écoute. C’est l’autre qui sait où il peut aller, nous ne pouvons que l’aider à explorer les voies qu’il peut emprunter. L’action éducative ne peut alors se résumer à la construction de compétences d’un individu, fussent-elles psychosociales, définies à l’avance par des experts. Il s’agit davantage de créer les conditions pratiques d’une entrée en relation entre les professionnels et les personnes concernées, pour les aider à élaborer face aux questions qu’ils se posent, une réponse qui soit la leur. C’est de la rencontre de ces subjectivités qu’une relation éducative peut se construire. » [11]



Recommandations relatives aux acteurs





NÉCESSITÉ DE SE FORMER


Dans leur guide méthodologique, l’HAS et l’INPES mentionnent quatre catégories de compétences nécessaires aux professionnels de santé pour mettre en œuvre l’éducation thérapeutique : compétences relationnelles (il s’agit avant tout d’apprendre à travailler avec le patient et non pas pour lui, d’établir une alliance thérapeutique), des compétences pédagogiques, des compétences méthodologiques et organisationnelles sans oublier bien sûr les compétences biomédicales et de soins.


La loi HPST prévoit que « les compétences nécessaires pour dispenser l’éducation thérapeutique du patient [seront] déterminées par décret ». Pour pratiquer l’éducation thérapeutique : il est admis qu’une formation d’au moins 50 heures est nécessaire. Des formations de 5 à 10 jours, souvent échelonnées sur plusieurs sessions, sont proposées par différents organismes associatifs ou privés. Il existe également des formations plus conséquentes, qui permettent d’obtenir un Diplôme universitaire ou un Mastère, destinées aux professionnels qui souhaitent assurer des fonctions de coordination, de conception de programmes, de formation ou de recherche en éducation thérapeutique.


Par ailleurs, les formations qui réunissent, à l’échelle d’un service, d’un réseau ou d’un territoire, les différentes catégories de professionnels concernés par l’éducation thérapeutique sont d’une grande efficacité. Elles permettent de reconnaître et de développer les compétences des participants mais aussi de résoudre avec eux les difficultés concrètes d’organisation que soulève immanquablement la mise en œuvre de l’éducation thérapeutique.


« Il s’agit non seulement de former les soignants à l’éducation thérapeutique mais, dans le même temps, de définir avec eux les modalités de sa mise en œuvre dans leur cadre particulier d’exercice. […] Réunir en formation les différents professionnels qui sont en relation avec le patient permet à chacun d’identifier son rôle spécifique en matière d’éducation thérapeutique et d’articuler son action avec celle des autres. Cela garantit la cohérence de la démarche et la synergie des interventions. […] Le but de la formation d’équipe est de développer une culture commune, de résoudre les problèmes d’organisation et de répartition du travail, d’éviter au maximum les messages contradictoires et de permettre à chacun de saisir les opportunités d’éducation, autrement dit d’exploiter au mieux les situations éducatives informelles. » [13]

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Jul 3, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 40: Éducation Thérapeutique

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