CHAPITRE 4 S. Nadeau, D. Denis, A. Péchereau L’outil historique à notre disposition pour évaluer de façon objective la réfraction est la skiascopie. Cette technique, découverte en 1873 par l’ophtalmologue français Cuignet [15] et perfectionnée par Parent, s’est répandue par la suite dans les pays anglo-saxons grâce à l’invention du skiascope en fente par Copeland en 1926. La skiascopie a été particulièrement utile pour une estimation de la réfraction chez les patients dont la coopération était difficile à obtenir. Son principe [1, 18, 46] repose sur : – la rétinoscopie (principe de l’optomètre) : déplacement d’une cible lumineuse derrière une lentille pour déterminer le point de neutralisation des rayons émergents de l’œil, donc son degré d’amétropie ; – le principe de Scheiner : déplacement d’une cible lumineuse pour faire converger sur la rétine deux faisceaux lumineux en un seul. Les avantages de la réfractométrie automatique (fig. 4-1) sont : – la rapidité : 0,3 seconde par mesure ; – la précision : calculs à 0,25 δ voire 0,12 δ près ; – la fiabilité et la reproductibilité des calculs ; – la large gamme de mesures permises : de – 18 δ à + 23 δ pour la sphère et de – 10 δ à + 10 δ pour le cylindre ; – la possibilité que la mesure soit réalisée par une personne autre que l’ophtalmologiste, permettant un gain de temps lors de la consultation. Les limites de ces appareils sont : – la non-suppression de l’accommodation (nécessité d’une cycloplégie) ; – la difficulté de réalisation en cas de mouvements oculaires : enfants de moins de deux ans, nystagmus, patients infirmes, etc. ; Pour rendre possible l’utilisation des réfractomètres automatiques dans le plus grand nombre possible de situations, des réfractomètres automatiques portables ont été développés. Il en existe plusieurs modèles (Retinomax 3 de Nikon, ARK-30 de Nidek, etc.) dont les caractéristiques sont proches [10, 11, 14, 28, 29, 34, 37]. Ses principaux attraits par rapport aux réfractomètres automatiques fixes sont (fig. 4-2) : – une cible attrayante à regarder, permettant d’éveiller l’intérêt de l’enfant dans le cadre d’une utilisation en pédiatrie ; – la présence d’un seul appui (frontal) pour le patient, voire pas d’appui, avec absence de contention de la tête (moins effrayant pour les enfants) ; – son caractère transportable (son poids est inférieur à 1 kg), le rendant utilisable dans plusieurs positions ; cette caractéristique le rend particulièrement utile pour une utilisation au bloc opératoire ou en ambulatoire chez des patients peu mobilisables. Il existe deux modes d’utilisation : – un mode « Normal », correspondant à celui d’un réfractomètre fixe (une mesure en 0,34 seconde) et utilisant une méthode de brouillage qui minimise l’accommodation (donc la myopie instrumentale) ; – un mode « Quick », permettant des mesures immédiates (0,07 seconde), particulièrement utile en cas de mouvements oculaires ou chez l’enfant agité. Les limites des réfractomètres automatiques portables sont : Plus pratiques d’utilisation et moins encombrants qu’une boîte de verre d’essai accompagnée de sa monture, les réfracteurs automatiques (fig. 4-3) ont vu leur utilisation se répandre largement. – une mesure plus rapide de l’acuité visuelle subjective chez le grand enfant et l’adulte ; – une réalisation facile et rapide de la méthode du « brouillard » lorsqu’une cycloplégie n’est pas indispensable ; – une connexion aux autres appareils d’examen (réfractomètres notamment) ; – un gain de temps par l’absence de manipulation des verres. Il existe des limites inhérentes à ces appareils : – la difficulté à voir les yeux du patient, entraînant une certaine perte du contact, une difficulté à observer son comportement (plissement des yeux ?) et la nécessité de surveiller le positionnement de la tête et des yeux du patient ; – l’examen de la vision de près est plus difficile qu’avec une monture d’essai, particulièrement chez les enfants ou les sujets âgés (position non « physiologique » du test de Parinaud). – les perdus de vue : les études de la littérature qui ont inclus les perdus de vue (ce qui est la réalité de l’exercice quotidien) dans les comparaisons entre ces deux produits montrent toujours la supériorité du cyclopentolate (parce qu’il n’est pas nécessaire de faire revenir le patient) ; – l’âge : avec l’âge, la cycloplégie a toujours la même importance (jusqu’à cinquante ans) et ne peut plus être réalisée à l’atropine ; – la multiplication des cycloplégiques : c’est sûrement la meilleure façon de s’adapter à ce paramètre variable tant que l’enfant grandit ; imaginer qu’il faille faire une cycloplégie régulière (deux fois par an) à l’atropine à partir de six ans est le plus sûr moyen de n’en réaliser aucune ; – le port de la correction optique totale : c’est le plus sûr moyen de « faire dégorger l’hypermétropie » (A. Roth) à condition de multiplier les cycloplégies et de faire porter la correction optique totale. Le cycloplégique d’action lente garde totalement sa place dans quelques situations particulières : – recherche d’une hypermétropie latente devant un petit angle qui ne serait plus chirurgical si une augmentation de la correction de l’hypermétropie permettait de lever un spasme accommodatif entraînant une convergence de quelques dioptries prismatiques ; – amblyopie résistant à la thérapeutique ; – enfants pigmentés, bien que cela ne soit pas toujours une évidence ; Les appareils mis au point pour calculer l’implant dans la chirurgie de la cataracte (biomètre, kératomètre, lOLMaster®, Lenstar®, etc.) [35] sont de formidables adjuvants de toute prise en charge d’un trouble réfractif significatif. Ils permettent de décomposer les paramètres du trouble amétropique : – devant cette myopie, existe-t-il une augmentation de la longueur axiale ou une cornée très plate ? Le pronostic à long terme sera différent : dans le premier cas, cette myopie évoluera probablement ; dans le deuxième cas, elle sera probablement stable ; – cette hypermétropie forte est-elle due à un très petit œil, à une cornée très courbe ou à un mixte des deux ? – cette anisométropie est-elle réelle ou liée à un spasme accommodatif que la cycloplégie n’arrive pas à lever ? – chez cette adolescente qui passe son temps à lire, cette myopie qui évolue est-elle due à un spasme accommodatif ou à une augmentation de la longueur de l’œil (sachant que 1 mm correspond à 3 δ) ? Les paramètres biométriques en donnent les réponses. Un sujet hypermétrope qui n’a pas spontanément une acuité normale a besoin pour y parvenir d’une certaine correction positive. Cette valeur est qualifiée d’hypermétropie obligatoire. La quantité de correction positive supplémentaire tolérée qui ne modifie pas l’acuité est qualifiée d’hypermétropie facultative. La somme de ces deux hypermétropies est qualifiée d’hypermétropie manifeste. Celle-ci est la valeur maximale qu’on peut obtenir à partir de l’examen subjectif [41]. Cependant, toute activité d’exploration visuelle, en particulier lorsqu’il existe une participation subjective de déchiffrage, va entraîner une réaction accommodative modifiant l’évaluation de la réfraction réelle qui est l’objet de la recherche. Par ailleurs, chez le nourrisson il n’y a pas d’examen subjectif. Certaines méthodes ont été considérées comme permettant d’évaluer réellement cette réfraction manifeste. Cette dernière peut être obtenue chez le sujet coopérant en induisant une fixation dite à l’infini (à partir de 6 m) sur un optotype neutre et en réalisant une skiascopie sur l’œil controlatéral. Un résultat identique pourrait être obtenu chez le nourrisson en skiascopie dite de proximité (à 50 cm) dans une pièce sombre [30]. Même avec une relaxation optimale, ces méthodes laissent généralement persister ce qu’on dénomme un tonus accommodatif de base, appelé hypermétropie latente, qui est évalué à une valeur de + 0,75 δ à + 1,25 δ selon l’âge. En fait, les bilans réalisés sous cycloplégie montrent que cette hypermétropie est très variable et imprévisible. Si on ajoute que la conscience d’un objet proche peut induire une certaine accommodation, il apparaît évident que toute mesure non cycloplégique réalisée en skiascopie ou en autoréfractométrie ne peut comporter une relaxation fiable de l’accommodation. Les définitions réfractives et leur méthode d’analyse sont applicables à la myopie. Bien qu’il n’existe aucune donnée précise, il est généralement admis que l’efficacité augmente avec la durée d’instillation [6, 21]. Toutefois, la saturation des sites muscariniques ne semble pas progresser de façon arithmétique. Le protocole habituellement conseillé est d’une goutte matin et soir pendant les cinq jours qui précèdent la consultation et une goutte le matin de la consultation. Avant l’âge de deux ans, il faut utiliser le dosage à 0,30 % ; 0,5 % de deux à cinq ans ; 1 % au-dessus de cinq ans. Le protocole de référence correspondant aux premières validations AMM est l’utilisation d’une goutte aux temps T0, T5 et T10 avec examen réfractif réalisé entre T45 et T60 [38, 44]. Des études ont montré qu’un résultat identique pouvait être obtenu avec seulement deux instillations [20]. Cependant, en dehors des conditions idéales des expérimentations, on observe souvent des instillations rendues plus ou moins inefficaces par occlusion trop rapide des paupières et il reste préférable de respecter le protocole de base. Il n’existe pas de protocole connu ou conseillé pour les examens réfractifs. Dans les études comparatives menées par Péchereau [36], un protocole identique à celui du cyclopentolate a été adopté avec instillations à T0, T5 et T10. La réfraction maximale a été notée à T60. Le protocole conseillé dans le Vidal est de quatre à six instillations à cinq minutes d’intervalle avec examen réfractif trente minutes après la dernière instillation. Dans les études comparatives avec instillations à T0, T5 et T10, Péchereau a trouvé un effet maximal entre T30 et T45 [36]. Bien qu’il n’existe apparemment aucun protocole parfait, on constate globalement un consensus sur une hiérarchie, laquelle est parfaitement illustrée dans les différentes études comparatives précédemment citées [36]. Dans la grande majorité des observations, l’atropine a un effet supérieur à celui du cyclopentolate de l’ordre de 0,30 à 0,50 δ ; ce dernier a lui-même un effet supérieur à celui de l’homatropine et du tropicamide pour les mêmes valeurs. L’efficacité des cycloplégiques n’étant souvent pas totale lors des premiers examens, il peut être intéressant de rechercher une potentialisation en associant plusieurs molécules dès lors qu’on ne veut plus utiliser l’atropine [9, 27]. Il n’existe pas de forme commercialisée de ces associations. Compte tenu de leur rareté, les complications graves ne sont nullement un obstacle à cette démarche. Le choix du cyclopentolate peut également se justifier chez le tout jeune enfant en première consultation. En effet, lorsque le domicile des consultants est éloigné, circonstance fréquente dans la pathologie oculomotrice, un examen sous cyclopentolate permet une prescription immédiate. C’est seulement lors du second contrôle que le protocole d’atropine permettra de vérifier les résultats du premier examen.
Réfraction
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RÉFRACTOMÈTRE AUTOMATIQUE PORTABLE
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Pourquoi ne doit-on pas se limiter à la réfraction subjective ?
Cycloplégie
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Protocole
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Protocole
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