Organisation des soins psychiatriques en milieu pénitentiaire
Créés en application de la loi n° 85-1468 du 31 décembre 1985 relative à la sectorisation psychiatrique, les secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire répondent aux besoins de santé mentale de la population incarcérée dans les établissements relevant d’une région pénitentiaire3. Chacun est rattaché à un établissement hospitalier public et comporte un Service médicopsychologique régional (SMPR), aménagé dans un établissement pénitentiaire et placé sous l’autorité d’un psychiatre assisté d’une équipe pluridisciplinaire relevant du centre hospitalier de rattachement.
Depuis la loi n° 94-4 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, le service public hospitalier est chargé d’une mission globale de soins aux personnes détenues. Il assure les examens de diagnostic et les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en milieu hospitalier, et concourt aux actions de prévention et d’éducation pour la santé organisées dans les établissements pénitentiaires. Toutes les personnes détenues sont immatriculées et affiliées obligatoirement aux assurances maladie et maternité du régime général4. Chaque établissement pénitentiaire est rattaché par convention à un établissement public de santé, qui crée au sein de l’établissement pénitentiaire, une unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA), animée par une équipe composée de personnel hospitalier.
La création en 2002 des unités d’hospitalisation spécialement aménagées (UHSA) ouvre sur l’hospitalisation des personnes détenues atteintes de troubles mentaux dans un établissement de santé, avec ou sans leur consentement5.
La loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 affirme le respect du droit au secret médical des personnes détenues ainsi que le secret de la consultation et indique que ne peuvent être demandés au personnel sanitaire intervenant en milieu carcéral ni un acte dénué de lien avec les soins ou avec la préservation de la santé des personnes détenues ni une expertise médicale.
La prévalence élevée des troubles psychiatriques et mentaux chez les personnes détenues a contribué à poursuivre l’adaptation du dispositif d’offre de soins en santé mentale en milieu pénitentiaire6, traduite dans le guide méthodologique sur la prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice publié en octobre 20127.
Les schémas régionaux d’organisation des soins et le projet régional de santé (SROS-PRS) doivent intégrer l’offre de soins en milieu pénitentiaire et en définir les objectifs et les moyens. L’organisation des soins en milieu pénitentiaire est une composante du projet d’établissement de chaque établissement de santé. Lorsque les soins psychiatriques et les soins somatiques sont sous la responsabilité de deux établissements de santé distincts, l’établissement de santé en charge des soins somatiques est l’interlocuteur privilégié de la direction de l’établissement pénitentiaire. Un protocole détermine les conditions de fonctionnement et rappelle les obligations respectives du ou des établissements de santé et de l’établissement pénitentiaire. Une convention précise les modalités de fonctionnement de ces deux dispositifs de soins.
Contexte
En 2003, la DREES a procédé à un recueil d’informations sur les facteurs de risque auxquels sont exposés les entrants, les pathologies constatées et les traitements en cours. Si huit entrants sur dix ont été jugés en bon état de santé général, un sur dix se voit prescrire une consultation spécialisée en psychiatrie8. La souffrance psychique en milieu pénitentiaire est attestée par les observations quotidiennes des personnels soignants exerçant en milieu carcéral9.
On observe une augmentation récente des actes autoagressifs dans les établissements pénitentiaires. Le taux de suicides sous écrou en France (17 pour 10 000 en 2011) reste un des plus élevé de l’Union européenne, à l’instar du taux de mortalité toutes causes confondues (40,5 pour 10 000).10 Le risque suicidaire est quatre fois plus élevé pour les prévenus que pour les condamnés. Environ 15 % des suicides ont lieu dans les dix premiers jours d’écrou, 2/3 des suicides étant perpétrés au-delà des trois premiers mois. Les personnes détenues se suicident six fois plus que les hommes libres âgés de 15 à 59 ans.11 À noter l’absence de travaux en France sur le suicide en détention et ses rapports avec les troubles mentaux.
De longue date, on observe la fréquence élevée des pathologies psychiatriques en milieu pénitentiaire. En 2002, Fazel et Danesh retrouvent chez les hommes incarcérés 3,7 % de psychoses chroniques, 10 % de troubles dépressifs caractérisés et 65 % de troubles de la personnalité incluant 47 % de personnalités antisociales. Chez les femmes, ils font état de 4 % de psychoses chroniques, 12 % de troubles dépressifs et 42 % de troubles de la personnalité.12 La prévalence des troubles schizophréniques dans les prisons françaises selon l’étude publiée en 2006 par Rouillon et Falissard est entre 3,8 et 8 %, celle des psychoses chroniques entre 1,6 et 8 %, les troubles dépressifs concernant 35 à 40 % des personnes détenues.13 On ne retrouve d’études ni sur le lien entre maladies mentales et violences agies en détention ni sur les violences subies en détention par les personnes souffrant de troubles mentaux14.
Organisation des soins en milieu pénitentiaire
Les personnes détenues doivent bénéficier du même niveau de soins médicaux que la population vivant en milieu libre, s’agissant de l’accès au médecin, de l’équivalence des soins, du consentement du patient et de la confidentialité, de la prévention sanitaire, de l’intervention humanitaire, de l’indépendance et de la compétence professionnelle15.
Les personnes détenues bénéficient de toutes les dispositions en faveur des droits des patients. Le secret professionnel s’impose à toute personne exerçant au sein des structures sanitaires en milieu pénitentiaire. Le patient détenu prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui a fournies, les décisions concernant sa santé. Les soins mis en œuvre, sous réserve du consentement des patients, sont adaptés aux troubles psychiques présentés. Toute action favorisant l’alliance thérapeutique doit être recherchée16.
L’organisation des soins en milieu pénitentiaire repose sur deux dispositifs, l’un pour les soins somatiques, le second pour les soins psychiatriques, structurés en trois niveaux17 dissymétriques :
• Niveau 1. Seuls les soins ambulatoires somatiques peuvent également être assurés en milieu hospitalier lorsqu’ils requièrent des examens spécialisés ne pouvant être réalisés en milieu pénitentiaire.
• Niveau 2. Pour les soins somatiques, les soins en hospitalisation de jour sont assurés en milieu hospitalier, alors que pour les soins psychiatriques, l’hospitalisation de jour est organisée en milieu pénitentiaire au sein d’une unité sanitaire, le cas échéant d’un SMPR.
• Niveau 3. Alors que les unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) sont concernées par les seules personnes faisant l’objet d’une mesure privative de liberté de façon continue à l’intérieur d’un établissement pénitentiaire18, s’y ajoutent pour les UHSA les personnes hébergées par l’établissement pénitentiaire de façon discontinue (personnes semilibres, bénéficiaires de permissions de sortie et de placements extérieurs avec surveillance de l’administration pénitentiaire)19.
Niveau 1 : soins psychiatriques ambulatoires dans les unités sanitaires et les services médicopsychologiques régionaux
Le DSP, ou le SMPR le cas échéant, assure l’ensemble des activités de consultations individuelles et de prises en charge de groupe à l’instar des CMP et CATTP. L’accès à l’ensemble de ces activités de soins doit pouvoir être assuré pour tous les hommes et les femmes détenus dont l’état de santé le nécessite. L’administration pénitentiaire doit veiller à optimiser les mouvements de détenus.
La réglementation ne prévoit pas l’accueil systématique des entrants par les DSP ou le SMPR. Les modalités concrètes de l’entretien d’accueil sont définies dans le cadre de protocoles locaux. Il est assuré par le personnel infirmier, parfois des psychologues ou des médecins, précocement après l’incarcération ou de manière différée.
Les prérequis aux soins sont le consentement de la personne et la garantie de la confidentialité des échanges. Le prise en charge et l’accompagnement des patients détenus est un élément atténuant la souffrance psychique. Les soignants ne se limitent pas à une seule posture d’attente de la demande du patient mais travaillent fréquemment à son émergence. L’incitation aux soins concerne notamment les personnes souffrant de pathologies mentales ou d’addictions ainsi que les auteurs de violences sexuelles20.
Le juge de l’application des peines informe une personne condamnée à un suivi sociojudiciaire comprenant une injonction de soins de la possibilité d’entreprendre un traitement. Il peut aussi proposer à toute personne condamnée pour laquelle un suivi sociojudiciaire pouvait être encouru de suivre un traitement durant sa détention si un médecin estime que cette personne est susceptible d’en faire l’objet. En milieu pénitentiaire, il n’existe ni soins pénalement ordonnés (obligation ou injonction de soins) ni soins sous contrainte (programme de soins21).
Les décisions cliniques relatives à la santé des personnes détenues sont fondées sur des critères médicaux. Le personnel de santé exerce son activité en toute indépendance, dans la limite de ses qualifications et de ses compétences22.