37: Les droits des victimes d’infraction


Les droits des victimes d’infraction



Réapparue à une époque très récente comme acteur du procès pénal, en théorie pour le moins, la victime d’infraction (et/ou ses proches) est longtemps demeurée passive lors de la résolution judiciaire consécutive à une victimisation d’ordre pénal. Encore étonnamment aujourd’hui, le système de justice pénale ne définit pas les objets fondamentaux qui l’animent : le crime, l’infracteur, la victime, la sanction (Cario, 2012). Il convient cependant de considérer, dans les lignes qui suivent, la victime comme toute personne en souffrance(s) :



Une telle aberration notionnelle n’est pas due au hasard : elle permet toutes sortes de confusions, de contradictions, voire d’interprétations de sens commun du phénomène criminel. Au mépris de la sévérité des réponses sociopénales déjà à l’œuvre dans notre pays (Mucchielli, 2011 ; Cario, 2008), le populisme ambiant, excité par de multiples motifs d’insécurités autres que criminelles, appelle à toujours plus de normes, à toujours plus d’exclusion de ceux qui les transgressent. À un point tel que les parlementaires eux-mêmes considèrent que « trop de lois… tuent la loi »… À un point tel que huit plaintes ou dénonciations sur dix sont classées sans suite par le ministère public, rejetant par là massivement, en d’autres termes, ce pourquoi le système est compétent. L’argument consistant à ne considérer que les « affaires poursuivables » ne change rien à l’affaire : l’auteur gagne en impunité, la victime perd en reconnaissance, alors qu’une infraction a bien été commise.


La doctrine contemporaine n’est sans doute pas étrangère à une telle situation. Très peu critique relativement à l’inflation pénale (à l’infinie pénalisation des déviances et autres incivilités notamment), elle ne voit, en revanche, dans l’octroi de droits aux victimes qu’une « intolérable » confiscation de ceux de l’infracteur. Aveuglement idéologique ou crispation « droitsdel’hommiste » ? Au constat du maintien plus que proportionnellement dans le Système pénal des plus démunis d’entre nous, à l’heure du procès équitable, on demeure perplexe quant aux sources scientifiques de tels positionnements, anachroniques. Le niveau historiquement bas des crimes (0,5 %, principalement des actes homicides) et des délits graves (environ 20 % des décisions prononcées par les juridictions répressives) ne doit pour autant pas conduire à négliger la prise en compte des protagonistes au sein d’un système suralimenté. La dépénalisation massive, consistant simplement à rendre aux contentieux d’origine les conflits dont ils ont été abusivement dépouillés, offrira une plus grande sérénité aux missions des acteurs professionnels et associatifs habilités investis tout au long de la chaîne pénale, une visibilité accrue de leurs actions, un véritable sens aux sanctions retenues au regard de la gravité de l’acte, de la personnalité de son auteur, des besoins de la victime et de leur communauté d’appartenance. De surcroît, la peine privative de liberté (très coûteuse et évaluée comme la plus contre-productive des réponses au crime) redeviendra l’ultima ratio. Dans ces conditions, il est possible de croire que la prévention du phénomène criminel reprendra la place qui est la sienne : objet unique de la lutte contre le crime. Précoce, elle permettra d’économiser des gains très importants mais, surtout, d’assurer en pleine responsabilité citoyenne, l’intégration harmonieuse – droit humain s’il en est – du plus grand nombre de personnes, en toute dignité et égalité.


De la reconnaissance de plus en plus affirmée par les textes des droits des victimes dépendent, à l’heure actuelle, la variété, l’étendue et la mise en œuvre effective de ceux-ci. En seulement trois décennies, un long chemin a été parcouru. Des obstacles demeurent encore mais ils ne sauraient longtemps résister à une politique volontariste de promotion des droits humains et des valeurs sociales essentielles, pas davantage à la nécessité de la mise en œuvre du procès équitable, pour tous, au cas de violations de ceux-ci.



L’avènement des droits des victimes


Le Code d’Instruction criminelle de 1808 a réservé l’action civile devant les juridictions répressives à toute personne « ayant personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ». Il faudra cependant attendre 1906 pour qu’elle puisse agir en cas d’inaction du Procureur, 1913 relativement aux incriminations d’intérêt général, 1921 pour être représentée et/ou assistée par un conseil. Le Code de procédure pénale de 1958 accentue les droits des parties civiles mais leur prise en charge demeure, aujourd’hui encore, très largement indemnitaire.


La prise en compte des droits de la victime, au cours de la seconde moitié du XXe siècle, tient principalement à l’évolution des conditions sociales et culturelles de vie dans nos sociétés occidentales. Dans le même mouvement, la victimologie a bénéficié des apports remarquables des recherches féministes. Elles ont mis en évidence, tout d’abord, qu’un nombre conséquent de victimes n’apparaissait jamais dans le processus pénal. Elles ont sensibilisé, ensuite, aux conditions lamentables de leur prise en charge tout au long de la chaîne pénale, en termes de victimisation secondaire. Elles ont été à l’origine, enfin et pour l’essentiel, des services d’aide et d’accompagnement


À la suite des pays anglo-saxons et sous la pression de textes internationaux ou régionaux (plus ou moins contraignants), les premières législations nationales spécifiques aux victimes ont vu le jour à la fin des années 1970 sur le vieux continent. Les premières structures d’aide aux victimes, massivement associatives, se sont mises effectivement en place à la fin des années 1980 seulement. Elles jouent actuellement un rôle fondamental pour la reconnaissance des droits des victimes.


Parallèlement à la reconnaissance d’acteur au procès, l’indemnisation de la victime, son accompagnement global se sont nettement améliorés. Les années 1980 sont celles du Droit à indemnisation (lois du 3 janvier 1977 et du 6 juillet 1990), la victime bénéficiant aujourd’hui de la réparation intégrale des infractions graves contre les personnes, sans aucune subsidiarité. Les années 1990, consacrent le Droit à l’aide aux victimes. Apparues en 1982, sur les très fortes recommandations du ministère de la Justice, les 150 associations d’aide aux victimes sont aujourd’hui fédérées au sein de l’Institut National d’aide aux victimes et de médiation (Inavem). Malgré la qualité professionnelle des missions qu’elles mettent en œuvre, elles sont en très grand danger, faute de financement adéquat. Les années 2000 sont celles de la rationalisation du Droit des victimes, particulièrement au regard de leurs droits subjectifs. En ce sens, à la suite de la circulaire du 13 juillet 1998, du rapport Lienemann remis le 29 mars 1999 au Premier Ministre, la loi du 15 juin 2000 est venue consolider un véritable statut des victimes d’infractions, qu’elles peinent toujours néanmoins à faire reconnaître. Les années 2010, en cours d’écriture, semblent résolument se tourner vers l’approche restaurative de la question criminelle. Ayant le souci de tous, elle tend à compléter l’action de la Justice pénale dédiée aux conséquences du crime en prenant en compte, plus particulièrement, les répercussions du crime sur le quotidien des protagonistes.

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

May 10, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 37: Les droits des victimes d’infraction

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access