35: Droit de l’exécution des peines


Droit de l’exécution des peines



L’exécution de la peine est classiquement perçue comme la dernière phase du procès pénal (voir le schéma procédural déjà présenté). En bout de course, elle vise la période qui fait suite au prononcé de la peine que le condamné doit subir.


Longtemps laissée aux mains de l’administration pénitentiaire, l’exécution de la peine résonnait un peu comme une zone de non droit judiciaire. Le condamné, et singulièrement le détenu, bien davantage perçu comme objet que sujet de sa peine, n’avait que peu de possibilité de recours à l’encontre des décisions prises à son encontre. La création, en 1958, du juge de l’application des peines n’y avait pas changé grand-chose.


L’évolution s’est opérée plus tard, et progressivement. La loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes consacre la judiciarisation de l’exécution des peines, par un transfert de la compétence de l’administration à un juge, et ouvre la voie à la juridictionnalisation : juridictionnelles, les décisions du juge doivent être précédées d’un débat contradictoire préalable et sont susceptibles de contestation. Ce mouvement est parachevé avec la loi 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité qui, parallèlement, crée de nouvelles juridictions de l’application des peines et inscrit, dans le Code de procédure pénale (CPP), des principes directeurs au droit de l’exécution des peines. Depuis, la loi du 24 novembre 2009 dite loi pénitentiaire opère une « codification » de l’exécution des peines. Elle définit le sens de la peine privative de liberté, précise les missions dévolues au service public pénitentiaire, affirme ou réaffirme les droits reconnus mais également les devoirs impartis aux détenus et développe les aménagements de la peine au cours de son exécution.


L’intérêt accru du législateur pour la condition juridique du condamné a conduit à l’émergence d’un corps de dispositions substantielles qui confèrent à la peine exécutée une autonomie grandissante. L’exécution de la peine, dont les règles sont mises en œuvre par des juridictions spécifiques, répond en effet à un objet propre qui explique la distanciation possible entre peine prononcée et peine exécutée.



Les juridictions spécifiques à l’exécution de la peine (figure 35.1)


Depuis la loi de 2004 précitée, ces juridictions sont au nombre de quatre.




Au premier degré, le juge de l’application des peines (JAP) et le tribunal de l’application des peines (TAP)


Selon leur objet, les décisions du JAP sont appelées ordonnance (les décisions d’octroi ou de refus de réductions de peines, d’autorisations de sortie sous escorte et de permissions de sortir) ou jugement (celles qui accordent ou s’opposent à une semi-liberté, un placement à l’extérieur, une suspension de peine, un fractionnement de la peine, un placement sous surveillance électronique ou une libération conditionnelle). La distinction commande un régime juridique différent. Parce qu’elles concernent un contentieux récurrent qui appelle une réponse rapide de la justice, les premières ne requièrent, pour formalité, qu’un avis de la commission d’application des peines, composée, a minima, du JAP, du chef d’établissement et du procureur de la République, et ne sont susceptibles d’un appel que dans un délai de 24 heures, devant le président de la chambre d’application des peines. Les secondes, au contraire, nécessitent la tenue d’un débat contradictoire préalable au cours duquel le ministère public, le condamné et, le cas échéant, son avocat sont entendus et peuvent être contestées, selon le délai de droit commun de 10 jours, devant la chambre de l’application des peines.


Le TAP connaît lui aussi des demandes de libération conditionnelle et de suspension de peine pour raison médicale grave. Sa composition collégiale (trois juges de l’application des peines) justifie qu’en ces domaines lui soit réservée la situation des personnes les plus sévèrement sanctionnées : celles qui, condamnées à plus de 10 ans d’emprisonnement, ont un reliquat de peine supérieur à 3 ans au moment où est formulée la demande d’aménagement. Par ailleurs, le TAP a une compétence exclusive pour décider d’un relèvement de période de sûreté prononcée, en amont, par la juridiction de jugement. Toutes les décisions rendues par ce tribunal sont des jugements soumis aux mêmes règles que celles précédemment exposées pour les jugements du JAP.



Au second degré, la chambre de l’application des peines (ChAP) et le président de cette chambre


La ChAP est composée de trois conseillers de cour d’appel lorsqu’elle est saisie d’un jugement du JAP. À ces magistrats professionnels s’adjoignent deux personnes de la société civile (un représentant d’une association d’aide aux victimes et un responsable d’une association de réinsertion des condamnés) lorsqu’elle connaît d’un appel formé contre un jugement du TAP. Ses décisions supposent, toutes, un débat contradictoire préalable (mais, en principe en l’absence du condamné lui-même). Les arrêts de la ChAP sont susceptibles de faire l’objet d’un pourvoi dans un délai de 5 jours.


Le président de la ChAP, conseiller de cour d’appel, connaît des appels formés à l’encontre des ordonnances du JAP. La rapidité toujours requise explique que les ordonnances du Président soient rendues selon une procédure écrite, sur la base des observations transmises par le ministère public, le condamné et son avocat. Un pourvoi peut être exercé dans les 5 jours.



L’objet propre de l’exécution de la peine


La sanction exécutée ne correspond pas nécessairement, même rarement lorsqu’il s’agit d’une peine privative de liberté, à celle prononcée. Ce « phénomène d’érosion » s’explique par la finalité assignée au temps de l’exécution de la peine. Elle est énoncée à l’article 707 alinéa 2 du CPP : « L’exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l’insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive. » Cet impératif de resocialisation, qui donne utilité et sens à la sanction, commande qu’au cours de son exécution la peine puisse être adaptée pour tenir compte de l’évolution de la personnalité du condamné.


Ce principe d’individualisation de la peine exécutée n’est pas sans rappeler le principe de personnalisation de la peine prononcée prévu par l’article 132-24 du Code pénal (CP). Leurs critères de mise en œuvre, toutefois, diffèrent. Au stade du jugement, le principe exige que la peine soit choisie en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. Les référents renvoient ici essentiellement au passage à l’acte, à la gravité de l’infraction commise, autrement dit au passé. Au stade de l’exécution de la peine, le principe implique que soit prise en considération l’évolution de la personnalité et de la situation matérielle, sociale et familiale du condamné. Ce sont alors ses perspectives d’avenir, « ses efforts sérieux de réadaptation sociale » pour reprendre une formulation légale, qui, seuls, déterminent les magistrats pour décider d’un aménagement de la peine.


Longtemps simple éventualité, les aménagements de la peine obéissent, depuis la loi pénitentiaire, à un principe de systématisation. Les peines doivent être aménagées. Sous réserve, naturellement, que des aménagements soient envisageables au regard des « garanties » que présente le condamné. Sous condition, également, d’être permis eu égard à sa condition juridique. Tel n’est pas le cas d’un détenu soumis à une période de sûreté dont le propre est de s’assurer, durant toute cette période, de son incarcération effective.


Lorsqu’ils sont possibles, les aménagements de la peine peuvent être répertoriés en deux grandes catégories selon les conséquences qu’ils emportent.


Les uns permettent d’adapter les modalités d’exécution de la peine. Tel est le cas de la suspension et du fractionnement de la peine, de la semi-liberté, du placement à l’extérieur, du placement sous surveillance électronique mais encore des permissions de sortir.


Les autres conduisent à abréger le temps privatif de liberté à exécuter. Ainsi en est-il des réductions de peine, de la libération conditionnelle et de la suspension de peine pour raison médicale grave. Ces trois aménagements permettent une sortie de prison avant le terme de la peine.


Ce n’est pas pour autant que le condamné se trouve alors hors du champ du droit pénal. Sa dangerosité, « mesurée » par expertise, peut dorénavant justifier qu’il demeure sous contrôle de la justice. Le condamné peut ainsi être placé sous surveillance judiciaire. Assimilée à une modalité d’exécution de la peine à laquelle elle est intégrée, cette mesure de sûreté, dont la durée correspond aux réductions de peine, ne peut outrepasser le temps de la peine prononcée. Il en va différemment de deux autres mesures créées en 2008 : la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté. Succédant à la peine pour assoir un contrôle sociétal durable et potentiellement sans limite, ces mesures ne relèvent plus du temps d’exécution de la peine. Elles ouvrent une autre étape, celle de l’après-peine, dotée elle aussi de ses propres juridictions : les juridictions régionales (composée de trois conseillers de cour d’appel) au premier degré, et la juridiction nationale (composée de trois conseillers de la cour de cassation) au second degré, de la rétention de sûreté (figure 35.2).


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May 10, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 35: Droit de l’exécution des peines

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