Droit de l’exécution des peines
Les juridictions spécifiques à l’exécution de la peine (figure 35.1)
Depuis la loi de 2004 précitée, ces juridictions sont au nombre de quatre.
Au premier degré, le juge de l’application des peines (JAP) et le tribunal de l’application des peines (TAP)
Selon leur objet, les décisions du JAP sont appelées ordonnance (les décisions d’octroi ou de refus de réductions de peines, d’autorisations de sortie sous escorte et de permissions de sortir) ou jugement (celles qui accordent ou s’opposent à une semi-liberté, un placement à l’extérieur, une suspension de peine, un fractionnement de la peine, un placement sous surveillance électronique ou une libération conditionnelle). La distinction commande un régime juridique différent. Parce qu’elles concernent un contentieux récurrent qui appelle une réponse rapide de la justice, les premières ne requièrent, pour formalité, qu’un avis de la commission d’application des peines, composée, a minima, du JAP, du chef d’établissement et du procureur de la République, et ne sont susceptibles d’un appel que dans un délai de 24 heures, devant le président de la chambre d’application des peines. Les secondes, au contraire, nécessitent la tenue d’un débat contradictoire préalable au cours duquel le ministère public, le condamné et, le cas échéant, son avocat sont entendus et peuvent être contestées, selon le délai de droit commun de 10 jours, devant la chambre de l’application des peines.
L’objet propre de l’exécution de la peine
La sanction exécutée ne correspond pas nécessairement, même rarement lorsqu’il s’agit d’une peine privative de liberté, à celle prononcée. Ce « phénomène d’érosion » s’explique par la finalité assignée au temps de l’exécution de la peine. Elle est énoncée à l’article 707 alinéa 2 du CPP : « L’exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l’insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive. » Cet impératif de resocialisation, qui donne utilité et sens à la sanction, commande qu’au cours de son exécution la peine puisse être adaptée pour tenir compte de l’évolution de la personnalité du condamné.
Ce principe d’individualisation de la peine exécutée n’est pas sans rappeler le principe de personnalisation de la peine prononcée prévu par l’article 132-24 du Code pénal (CP). Leurs critères de mise en œuvre, toutefois, diffèrent. Au stade du jugement, le principe exige que la peine soit choisie en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. Les référents renvoient ici essentiellement au passage à l’acte, à la gravité de l’infraction commise, autrement dit au passé. Au stade de l’exécution de la peine, le principe implique que soit prise en considération l’évolution de la personnalité et de la situation matérielle, sociale et familiale du condamné. Ce sont alors ses perspectives d’avenir, « ses efforts sérieux de réadaptation sociale » pour reprendre une formulation légale, qui, seuls, déterminent les magistrats pour décider d’un aménagement de la peine.
Longtemps simple éventualité, les aménagements de la peine obéissent, depuis la loi pénitentiaire, à un principe de systématisation. Les peines doivent être aménagées. Sous réserve, naturellement, que des aménagements soient envisageables au regard des « garanties » que présente le condamné. Sous condition, également, d’être permis eu égard à sa condition juridique. Tel n’est pas le cas d’un détenu soumis à une période de sûreté dont le propre est de s’assurer, durant toute cette période, de son incarcération effective.
Ce n’est pas pour autant que le condamné se trouve alors hors du champ du droit pénal. Sa dangerosité, « mesurée » par expertise, peut dorénavant justifier qu’il demeure sous contrôle de la justice. Le condamné peut ainsi être placé sous surveillance judiciaire. Assimilée à une modalité d’exécution de la peine à laquelle elle est intégrée, cette mesure de sûreté, dont la durée correspond aux réductions de peine, ne peut outrepasser le temps de la peine prononcée. Il en va différemment de deux autres mesures créées en 2008 : la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté. Succédant à la peine pour assoir un contrôle sociétal durable et potentiellement sans limite, ces mesures ne relèvent plus du temps d’exécution de la peine. Elles ouvrent une autre étape, celle de l’après-peine, dotée elle aussi de ses propres juridictions : les juridictions régionales (composée de trois conseillers de cour d’appel) au premier degré, et la juridiction nationale (composée de trois conseillers de la cour de cassation) au second degré, de la rétention de sûreté (figure 35.2).