31: Rééducation des séquelles des paralysies faciales

Chapitre 31 Rééducation des séquelles des paralysies faciales




Le principe clé d’évaluation de la sévérité d’une atteinte faciale est l’évaluation des fonctions motrices de la face. Différentes échelles existent, s’appuyant sur une évaluation globale ou locale – appelée « régionale » dans la littérature, ou intégrant d’autres paramètres objectifs selon Ikeda [1].


L’objectif prioritaire est de quantifier le degré d’atteinte du patient, préciser le déficit moteur et fonctionnel pour une prise en charge adaptée.


Les bases de la rééducation sont peu connues, et souvent mal appliquées. Avant d’entreprendre une rééducation, il est essentiel de réaliser un bilan. À partir d’une analyse détaillée des perturbations et des capacités préservées de chaque patient, le bilan permet de vérifier la pertinence et le choix des axes de massages qui en découlent, ainsi que leurs modifications en fonction de la récupération.


Le bilan préthérapie se compose d’une évaluation de la motricité bucco-linguo-faciale, d’une mesure de la pression bilabiale (à l’aide d’un peson), d’une évaluation de l’articulation et de la déglutition [2].


Ainsi, les massages évoluent suivant les résultats du bilan des signes objectifs et subjectifs, et en fonction du diagnostic de sévérité.


L’examen clinique est une étape essentielle. Elle commence par l’observation de la face au repos, en cherchant une asymétrie. Puis il est important d’observer la face lors d’une conversation pour apprécier la motricité automatique et émotionnelle. Enfin, la motricité volontaire est appréciée [26] à partir du grading de House-Brackmann [7]. Les résultats de l’électromyographie (EMG) faciale doivent toujours être interprétés en fonction du contexte clinique, en particulier la date de l’examen par rapport à la date de début de la paralysie. Elle nécessite, pour être comprise, de connaître la physiopathologie de la lésion nerveuse.



Rééducation de la symétrie et de l’expression faciales


La rééducation de la face paralysée est un procédé ancien déjà mentionné en 1927 [8]. Les thérapies dites « traditionnelles » sont essentiellement fondées sur la stimulation électrique des muscles et la production de mouvements globaux, imprécis et effectués en force. Ces deux techniques ont été jugées inefficaces pour la réhabilitation de la mobilité de la musculature faciale [9], et même nuisibles, provoquant l’apparition de syncinésies voire d’un spasme de l’hémiface [3,1014]. Depuis les années 1980, de nouveaux procédés de réhabilitation de la face paralysée, dont l’efficacité a été prouvée [11,12,15], ont été mis en œuvre afin de rétablir la symétrie du visage et de l’expression faciale à travers le contrôle cortical, et de limiter l’apparition de syncinésies.


La mime therapy est une méthode mise en place aux Pays-Bas en 1980 par le mime Jan Bonk et Pieter Devriese, médecin ORL, en vue de traiter les séquelles de paralysie faciale [16,17]. Elle consiste en une combinaison d’automassages faciaux, de relaxation et d’exercices stimulant les expressions faciales et les mouvements fonctionnels en limitant les syncinésies. Les thérapeutes préconisent aussi l’exécution de petits mouvements contrôlés et lents. Des exercices d’articulation et de mimiques émotionnelles sont également proposés [15,18].


La méthode du neuromuscular retraining (NMR) pratiquée par Jacqueline Diels [11] propose un programme personnalisé et adapté aux caractéristiques uniques des muscles faciaux. Celui-ci s’est révélé très positif, avec une amélioration de la satisfaction des patients, de leur confiance en eux et de leur qualité de vie [12]. Cette rééducation requiert la motivation et la participation active du patient qui doit pratiquer chaque jour ses exercices. Par ailleurs, le feed-back visuel (pratique des exercices devant un miroir) constitue une aide permettant au patient de mieux percevoir l’information sensitive.


Même si chaque prise en charge est individualisée, la NMR est fondée sur trois principes fondamentaux :





Cette rééducation fonctionnelle (NMR) permet de développer le contrôle cortical dans les mimiques faciales et la réhabilitation du sourire dans les situations de communication de la vie quotidienne.


Des rééducations spécifiques sont mises en place, ayant pour but de mobiliser l’hémiface paralysée et de détendre l’hémiface saine. Dans un premier temps, le thérapeute apprend au patient, de façon très succincte et simplifiée, l’anatomie, la physiologie de la face et les exercices, fondés sur la méthode du NMR qu’il aura à réaliser quotidiennement. Il l’informera également des conduites à tenir et surtout à ne pas avoir. Dans chaque zone (supérieure, médiane et inférieure), chaque muscle est abordé séparément, étage par étage, de haut en bas.





Actions spécifiques des massages dans les paralysies faciales périphériques


La rééducation est individuelle, personnalisée, reposant sur des exercices praxiques qui peuvent être précédés d’une relaxation ou de massages. Un suivi mensuel permettra de contrôler les mouvements, de graduer, d’observer et de modifier l’aspect, la force et la vitesse d’exécution. On s’attache à détendre l’hémiface saine, plutôt qu’à la surinvestir.



Le cas des paralysies faciales flasques


Ce premier groupe concerne des patients vus précocement au stade de paralysie flasque, le plus souvent d’origine idiopathique ou post-traumatique. L’évolution naturelle, lorsque l’atteinte est sévère, se fait vers l’apparition d’une hypertonie et de syncinésies. La rééducation poursuit dans ce groupe un double but : favoriser l’acquisition de mouvements harmonieux et automatiques tout en surveillant les premiers signes annonciateurs (du 5e au 10e mois) de séquelles qui doivent modifier la stratégie rééducative.


Trois principes de rééducation ont été retenus de la méthode du NMR :





En début de prise en charge, les exercices se font en simultané (mouvements de sourcils, des paupières, des narines) puis alternativement ; le travail est particulièrement soigné au niveau des lèvres (sourire léger, modéré puis exagéré, de façon symétrique et asymétrique, des exercices de moue, de tristesse, d’abaissement de la lèvre inférieure, de protrusion des lèvres).


Avec l’évolution de la prise en charge, on remplacera peu à peu les exercices simultanés et alternés par des exercices dissociés (par exemple : lever les sourcils en signe d’étonnement tout en faisant un sourire) [15,18].


Le travail est fondé sur des exercices praxiques. On réalise donc des massages, en procédant par zones précises du muscle frontal au muscle du menton, soit la zone « front–œil », la zone « nez–joue », et enfin la zone « bouche–menton–cou ». Ces massages seront inclus au quotidien dans la réhabilitation de la face paralysée et, pour cela, chaque patient devra les réaliser, tous les jours, matin ou soir. La durée totale ne doit pas excéder 10 à 15 minutes, mais sera continue pendant les 18 mois en moyenne de prise en charge. Au bout du 4e à 5e mois, les massages endobuccaux seront encore plus ciblés et spécifiques en fonction des éléments ou signes évocateurs de séquelles.



Le cas des paralysies vues tardivement


Il s’agit le plus souvent de patients vus au stade de séquelles. La rééducation doit tenter de faire régresser l’hypertonie et les syncinésies.


Le spasme de l’hémiface est une contraction spasmodique, involontaire, intermittente et irrégulière des muscles de l’hémiface paralysée. Il se manifeste dans les cas de paralysies sévères. Les symptômes débutent généralement au niveau du muscle orbiculaire de l’œil, pour s’étendre ensuite à la joue, puis à la région périorale et, enfin, atteindre en quelques mois ou quelques années toute l’hémiface concernée.


Les syncinésies sont des contractions involontaires de muscles survenant lors de mouvements volontaires du visage, impliquant un autre groupe musculaire que celui sollicité. Le plus fréquemment, on constate une élévation involontaire de la commissure labiale lors de l’occlusion palpébrale (syncinésie bouche/œil), ou encore une occlusion palpébrale non volontaire lors de mouvements de protrusion des lèvres, appelée syncinésies œil/bouche. Ces syncinésies résultent d’une repousse axonale aberrante et du contact entre les fibres « dénudées » (démyélinisation segmentaire à l’origine d’une transmission éphaptique). Cette séquelle peut être extrêmement gênante pour le patient, d’autant plus qu’elle majore les déformations esthétiques du visage.


Dans ce cas particulier, les massages tels que nous les assurons [2] seront davantage ciblés en endobuccal. Outre une force bilabiale très nettement supérieure à la norme (> 400 Newtons au dynamomètre), une réelle épaisseur dans la joue est caractéristique du spasme.


Dans un premier temps, il conviendra de faire « palper » au patient cette différence d’épaisseur entre la face ex-paralysée et la face saine, puis de lever les points douloureux par des étirements. Cet étirement est réalisé en arcs de cercle ; le point d’ancrage restant la commissure labiale. Ce n’est que par l’intermédiaire de ce « toucher » que seront repérées également les contractures (tension rigide sur quelques centimètres).


Une fois ces tensions localisées, des massages spécifiques seront ciblés. En effet, ces points d’insertion musculaire, exprimés par la douleur chez les patients, seront les prémices d’une récupération, mais d’une récupération avec séquelles dans bien des cas. Le patient et le thérapeute devront les devancer, car la récupération passe inévitablement par ce stade de contractures plus ou moins sévères que nous devons localiser précocement afin de les inhiber.


Les muscles peauciers ont pour la plupart une insertion osseuse fixe et une terminaison cutanée profonde permettant la mobilisation du visage. De ce fait, ces contractures ou hypertonies sont malheureusement très fréquentes chez des patients qui consultent tardivement (> 6 mois) ou après un premier travail effectué par stimulations électriques. Il n’est en aucun cas trop tard pour réadapter un visage.


Ce travail va être ciblé sur les insertions musculaires. Les massages indiqués débuteront par la préhension (pince pouce–index), le pouce restant dans la face interne de la joue et l’index dans sa partie extérieure. Avec le pouce, les insertions seront soulevées à leur base puis rabaissées par l’index sur la face extérieure. Lorsque le patient devra se masser seul, il utilisera la main du côté opposé au côté de la face qu’il désire masser (main droite pour masser le côté gauche et inversement), avec le pouce à l’intérieur de la joue et l’index et le majeur à l’extérieur.


Ces exercices sont très douloureux et il n’est pas rare, lors d’une première séance de rééducation, d’engendrer des pleurs de douleurs. Ces algies seront régressives, mais il faudra prévenir les patients de ce passage obligé. Au fur et à mesure de la pratique, les douleurs s’atténueront, tout comme le volume visible (diminution de l’impression d’œdème sur la pommette). Ces exercices seront proposés pendant au minimum 3 mois. En cas d’échec, le recours à des injections de toxine botulique peut être nécessaire pour contrôler l’hyperactivité musculaire.


Les massages seront pratiqués à chaque début de séance pour préparer la rééducation proprement dite. Il est recommandé d’utiliser la chaleur locale superficielle thérapeutique, reconnue pour ses effets analgésiques et décontractants, pendant 5 à 10 minutes par séance, avant les massages ou les exercices, en utilisant des compresses ou gants chauds – nous conseillons à nos patients des chaufferettes qui peuvent s’acheter sur Internet.


Les massages doivent être pratiqués du côté atteint mais également du côté sain pour réduire l’hypertonie de ce dernier. Ils seront faits du centre du visage vers la périphérie en respectant le sens des fibres, lentement et sans à-coups, guidant ainsi la récupération du nerf en donnant le bon aiguillage aux fibres nerveuses et musculaires. On apprendra au patient à faire ses massages lui-même pour qu’il puisse les reproduire chez lui tous les jours, en précisant les insertions et les directions musculaires.


Les massages améliorent la circulation et permettent de prévenir les contractures, de détendre les muscles, et de réduire l’hypertonie. Lorsque les séquelles sont déjà installées, ces massages permettent de relâcher, défaire les adhésions des tissus fibreux, de limiter ou supprimer les contractures, et de réduire l’épaisseur de la joue en assouplissant les tissus (figures 31.1 et 31.2).


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Apr 27, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on 31: Rééducation des séquelles des paralysies faciales

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