31: La cicatrisation tendineuse

Chapitre 31


La cicatrisation tendineuse



La connaissance de la cicatrisation tendineuse en chirurgie de la main s’est nourrie de la recherche sur le modèle des tendons fléchisseurs dont la réparation des sections reste difficile. Le cahier des charges du chirurgien reste la réalisation d’une suture à la fois résistante mais aussi à faible encombrement spatial dans le canal digital, car à la résistance mécanique de la suture doit être soustraite la résistance au glissement externe [1]. Il est communément admis que la suture d’un tendon fléchisseur au fil résorbable ou non résorbable associe un point central qui donne la résistance globale de la suture et un surjet périphérique qui améliore le glissement et l’orientation de la suture mais aussi résiste à la création d’un gap lors de la mise en tension. Le cahier des charges du rééducateur reste la mobilisation de la suture pour éviter les adhérences sans mettre en péril la suture le temps de la cicatrisation tendineuse. S’il est admis à ce jour que la réparation des lésions des tendons fléchisseurs doit être réservée aux chirurgiens de la main en utilisant des moyens de grossissement optique, il apparaît tout aussi logique que la prise en charge en rééducation appartient aux kinésithérapeutes spécialisés.


Il existe globalement trois phases de cicatrisation [24], la phase inflammatoire (J0-J5) avec une diminution de la résistance mécanique de la suture de 33 à 66 %, la phase fibroblastique (J6-J20) avec colonisation de la zone de suture par des fibroblastes. La résistance mécanique augmente progressivement jusqu’à atteindre un plateau à J16 et la suture retrouve sa résistance mécanique initiale. La 3e phase est la phase de maturation à partir de J21 avec organisation linéaire du collagène néoformé et on observe une nouvelle augmentation de la résistance mécanique de la suture sur les tests en traction. Propre à la cicatrisation des tendons intrasynoviaux, on note un mécanisme de cicatrisation d’origine extrinsèque avec un afflux cellulaire en provenance de l’environnement synovial et un mécanisme intrinsèque au cœur du tendon. La réponse extrinsèque apparaît plus précoce et plus active que la réponse intrinsèque et est à l’origine des adhérences entre la zone de suture et le canal digital.


Il existe une influence des forces mécaniques transmises au tendon lors de sa cicatrisation, équivalente à la loi de Wolf dans le remodelage osseux surtout significative à partir du 15e jour postopératoire pour la résistance mécanique de la suture [4,5]. La mobilisation précoce stimule la cicatrisation intrinsèque avec une morphologie histologique plus favorable, améliore la vascularisation de la zone de suture [6] et diminue la formation des adhérences [7]. Ainsi, on observe un aspect de la surface tendineuse plus lisse en microscopie électronique avec une néogaine synoviale qui se forme dès la 2e semaine postopératoire [8]. L’augmentation de la résistance de la suture entre la 3e et la 6e semaine postopératoire observée in vivo n’est cependant pas expliquée par une augmentation de la production ou de la qualité du collagène au niveau de la suture [9], mais peut être par la production de fibronectine, protéine de la matrice extra-cellulaire présente en plus grande concentration dans des sutures mobilisées en comparaison aux sutures immobilisées.


La présence de facteurs de croissance fibroblastiques ou vasculaires joue un rôle encore peu défini. De la même manière, la chirurgie de réparation des tendons extenseurs donne de meilleurs résultats sur des sutures mobilisées précocement grâce aux orthèses dynamiques permettant une mobilisation protégée ou aux protocoles de mobilisation immédiate [1013]. De nombreuses publications donnent les résultats de tests biomécaniques en traction sur différentes sutures qui peuvent être comparées aux forces enregistrées in vivo au sein des tendons fléchisseurs lors de la mobilisation passive ou active [14]. Cette comparaison permet en théorie de donner les consignes de rééducation avec le type de mobilisation que peut supporter la suture tendineuse mais ne prend en compte que la résistance intrinsèque de la suture.


En s’appuyant sur une revue de la littérature récente, il est possible de décrire le point idéal en termes de résistance à la rupture [15] (8 brins, soit 8 passages dans le cœur du tendon, passage des fils à distance de la zone de suture aussi bien sur le point central que sur le surjet périphérique, augmentation de la décimale de la suture). Mais la résistance primaire de la suture n’est pas le seul élément à prendre en considération. L’absence de conflit avec les poulies en fin de réparation est presque aussi importante que le choix biomécanique du point. Il convient de tester en fin de réparation au moyen d’un crochet à tendon le passage de la suture sous les poulies, et certains auteurs préconisent une libération des 2/3 de la poulie A2, voire même une section complète de A4 si nécessaire [16]. En considérant l’œdème postopératoire immédiat qui participe à la résistance externe, il semblerait que le moment le plus adéquat pour démarrer la mobilisation soit le 5e jour postopératoire [17]. La plupart des sutures au-delà de 4 brins autorisent en théorie une rééducation active mais il n’est pas prudent avant la cinquième semaine de vouloir en actif [16] atteindre le tiers final de l’amplitude d’enroulement car le risque de rupture dans ce secteur est le plus important (augmentation de la résistance au glissement en raison d’un angle d’attaque plus important au niveau du système des poulies). La mobilisation du poignet en effet ténodèse (synergétique) en revanche crée peu de tension sur les sutures tout en permettant une course tendineuse satisfaisante [18]. La prise en charge des sections partielles des fléchisseurs n’obéit pas au même cahier des charges car la portion intacte est extrêmement résistante, même à 75 % de section partielle, et la priorité est à la mobilisation plus qu’à la protection [19].


Si l’on a l’impression que désormais les chirurgiens se sont approprié une technique de suture tendineuse et ont recours à une mobilisation précoce, les progrès à venir de cette chirurgie difficile seront certainement du domaine de la biochimie avec des premiers travaux prometteurs, que ce soit pour limiter la formation des adhérences avec lubrification de la zone de suture [15] ou stimuler la cicatrisation intrinsèque (cytokines, facteurs de croissance, thérapie génique [2]).



Références



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[18] Zhao, C., Amadio, P.C., Zobitz, M.E., Momose, T., Couvreur, P., An, K.N. Effect of synergistic motion on flexor digitorum profundus tendon excursion. Clin Orthop Relat Res. Mar 2002;396:223–230.


[19] Erhard, L., Zobitz, M.E., Zhao, C., Amadio, P.C., An, K.N. Treatment of partial lacerations in flexor tendons by trimming. A biomechanical in vitro study. J Bone Joint Surg Am. Jun 2002;84-A(6):1006–1012.

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Jun 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 31: La cicatrisation tendineuse

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