2: La torsion diaphysaire des phalanges: Son étude comparative chez le foetus et les jeunes enfants, l’homme adulte actuel, les hominidés fossiles

Chapitre 2


La torsion diaphysaire des phalanges


Son étude comparative chez le fœtus et les jeunes enfants, l’homme adulte actuel, les hominidés fossiles






Historique


La torsion des os longs au niveau du squelette appendiculaire a été l’objet de nombreuses controverses entre d’éminents anatomistes depuis la fin du XVIIIe siècle jusqu’au début du xxe.


L’existence même de la torsion, et a fortiori sa raison, étaient réfutées par les uns dont Cuvier Flourens, Vick d’Azir, Campanna, Lesbre, qui à propos de l’homotypie des membres n’attribuaient aux os longs qu’une « apparence de torsion consécutive à des configurations que revêt successivement l’os pendant son développement et dont la seule cause réelle doit être rapportée à l’inégale répartition de la substance osseuse de nouvelle formation, à l’ossification, à l’accroissement et à la soudure des extrémités, et non à une déformation réelle de la substance déjà existante » [4].


D’autres, tels que Martins, Pozzi, Julien, Sabatier, avaient pressenti et interprété cette torsion chez les quadrupèdes comme une conséquence de l’adaptation fonctionnelle des membres au double problème de la locomotion et de la sustentation [5].


Dans le cadre de l’évolution générale du membre chiridien [6] on sait maintenant par des preuves fossiles [7] que celui des tout premiers Tétrapodomorphes Elpistotégaliens était horizontal, fonctionnant à la manière d’une rame pour sustenter leur corps sur les fonds marins à eau basse.


Sur les pièces fossiles des tétrapodes stégocéphales de la fin du dévonien et du carbonifère inférieur, avant leur terrestrialisation, ainsi que chez les urodèles et reptiles actuels, on observe un membre plié en Z dans le plan transversal, soulevant le corps au-dessus du sol.


L’évolution vers le membre dressé parasagittal des mammifères a nécessité une rotation de 90° du membre antérieur vers l’arrière et du membre postérieur vers l’avant. Cette rotation inverse amorcée au-dessous des cols de l’humérus et du fémur se répartit distalement sur le squelette du stylopode (bras et cuisse) et du zeugopode (avant-bras et jambe). Une telle orientation qui doit nécessairement diriger les doigts vers l’arrière au niveau du membre antérieur est compensée par une remarquable torsion du zeugopode qui ramène les doigts en avant, croisant le radius et le cubitus. Cette position en pronation est caractéristique de l’autopode des mammifères, dont certains, en particulier dans l’ordre des primates, sont aptes à plus ou moins décroiser radius et cubitus vers la position de supination.


Conforme au concept de morphologie évolutive [8], ce processus d’adaptation du membre horizontal des premiers tétrapodes vers un membre transversal, puis dressé parasagittal des mammifères avec torsion de la diaphyse des os longs est à l’heure actuelle largement admis. Une torsion selon l’axe longitudinal est également présente au niveau des phalanges des doigts comme l’ont remarqué quelques anatomistes, mais estimée discrète et aléatoire, donc sans grand intérêt, elle n’avait jusqu’alors fait l’objet d’aucune étude.


À ma connaissance, c’est J.-F. Dubousset qui le premier a focalisé son attention sur la présence d’une torsion au niveau des phalanges moyennes des doigts longs chez l’homme.


Ce caractère anatomique pour les phalanges proximales et moyennes a été secondairement relevé par un chirurgien orthopédiste américain M.E. Bush, lors d’une étude commune avec des anthropologues, sur des pièces squelettiques de mains fossiles découvertes dans la formation d’Hadar en Éthiopie [9].


Enfin, nous avons retrouvé sa constatation et des questions sur sa nature à propos de la main des Néandertaliens dans la thèse de M.-C. Henric pour l’obtention de son doctorat en médecine [10].


Faisant suite à l’étude de Dubousset, nous avions alors réalisé pour chaque phalange de la main une observation sommaire de ce caractère morphologique pour compléter une publication de notre exposé concernant l’orientation axiale des phalanges consécutive à l’enroulement des doigts [11].


Nous proposons une étude plus approfondie concernant cette torsion :




Matériel et méthode



Population






Technique de mesure


Pour l’étude d’une éventuelle torsion du squelette phalangien des mains de fœtus et de jeunes enfants, une simple observation de la morphologie a été réalisée sous grossissement × 2,5 à l’aide de loupes binoculaires. Cette résolution modérée présente l’avantage de conserver une bonne vue d’ensemble et d’offrir une profondeur de champ confortable. En raison de la taille minime des phalanges, il n’a pas été techniquement possible de procéder à des mesures. Seuls les constats de torsion et d’orientation ont été relevés.


Pour le squelette phalangien des individus adultes, le grand axe transversal de la face articulaire de la base par rapport à l’axe transversal bicondylien de la tête objective la torsion.


Pour les phalanges libres isolées ou les squelettes montés souples sur fil de nylon, la mise en évidence et la mesure des axes sont optimisées par l’usage d’un miroir quadrillé de coordonnées polaires qui permet de positionner la pièce osseuse dans sa meilleure perspective pour l’observation, tout en conservant la vue de sa face occultée. La phalange est placée face articulaire de la base contre le plan du miroir. Le grand axe transversal de sa base est aligné sur l’abscisse du quadrillage. La mesure angulaire est effectuée à l’aide d’un goniomètre transparent qui est appliqué contre la partie distale de la tête, une branche alignée sur l’axe bicondylien, l’autre sur l’abscisse.


Pour les squelettes en connexion naturelle ou artificielle (mains montées rigides sur fil d’acier), l’usage du miroir n’est pas possible. Le grand axe transversal proximal est alors matérialisé par la tranche d’un réglet appliqué à la face palmaire de la jonction épiphyso-diaphysaire proximale et maintenu parallèle au bord inférieur de la face articulaire de la base phalangienne. Ce réglet sert de référence comme axe transversal proximal sur lequel est alignée l’une des branches du goniomètre. La mesure est alors effectuée comme décrite précédemment, en alignant l’autre branche du goniomètre sur l’axe bicondylien distal.


L’orientation de la torsion est définie par la pronation ou la supination. L’absence de torsion est qualifiée de neutre. Cette terminologie se réfère à celle utilisée pour situer la rotation de l’avant-bras correspondant autour de son axe longitudinal.


Les valeurs angulaires, lorsqu’il a été techniquement possible de les chiffrer, sont exprimées en degrés centigrades.

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Jun 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 2: La torsion diaphysaire des phalanges: Son étude comparative chez le foetus et les jeunes enfants, l’homme adulte actuel, les hominidés fossiles

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