32: Rééducation après suture des tendons fléchisseurs digitaux

Chapitre 32


Rééducation après suture des tendons fléchisseurs digitaux




La section des tendons fléchisseurs des doigts est un traumatisme très fréquent [1,2]. L’incapacité fonctionnelle pouvant en résulter est importante. L’immobilisation stricte, pour favoriser une cicatrisation, n’est plus indiquée. Les sutures tendineuses réalisées par des chirurgiens spécialisés ont une meilleure résistance et autorisent une mobilisation active immédiate. Le but de la rééducation est de conserver un glissement du tendon pendant la phase cicatricielle pour empêcher un blocage par le tissu collagène.


Pour maîtriser cette rééducation, il faut connaître la physiologie des tendons fléchisseurs des doigts, les résistances des différentes sutures et la physiologie de la cicatrisation tendineuse.



Physiologie de la flexion digitale


Pour saisir et tenir, les doigts se referment sur l’objet grâce à l’action combinée des deux fléchisseurs digitaux, du fléchisseur du pouce et des muscles intrinsèques.


Les doigts longs se ferment par l’action coordonnée des fléchisseurs digitaux profonds (flexor digitorum prodondis, FDP), des fléchisseurs digitaux superficiels (flexor digitorum superficialis, FDS) et les muscles interosseux (interosseous). Le pouce est fléchi par le long fléchisseur (flexor policis longus, FPL) et par le court fléchisseur (flexor policis brevis, FPB).


Lors de la flexion digitale, le FDS est fléchisseur de la première phalange (P1) sur la deuxième phalange (P2), son efficacité est maximale lorsque P1 est en légère extension. Le FDP enroule la troisième phalange (P3) sur la deuxième, puis sur la première, son efficacité est au maximum également lorsque P1 est en légère extension [3]. Ceci a une importance lors de la sollicitation analytique isolée des FDS ou des FDP car la course tendineuse sera plus importante au niveau des phalanges si P1 est maintenue en rectitude ou en légère extension. La course tendineuse est plus grande si le poignet participe au mouvement. La mobilisation par effets ténodèses du poignet et des doigts permet d’obtenir un glissement tendineux plus important d’environ de 9 cm pour le FDP, alors que celui-ci ne coulisse que de 5 mm au niveau de la deuxième phalange lors d’une flexion isolée de l’IPD [4,5].


Les tendons sont guidés par des poulies fibreuses dont l’intégrité est nécessaire pour obtenir une flexion complète (figure 32.1). Si une ou plusieurs poulies sont lésées, le mouvement de flexion digitale ne sera jamais complet ou se fera avec une force de contraction musculaire plus importante. En cas de fragilité, elles seront protégées par un contre-appui fait par une pression exercée par le rééducateur au niveau de la poulie ou mieux par la mise en place d’une bague thermoformée.



Les zones topographiques décrites par Verdan et Michon [4] et adoptées par l’International Federation of Societies for Surgery of the Hand (IFSSH), correspondent à des particularités anatomiques. Selon la zone où se situe les lésions, la chirurgie sera plus ou moins facile et les sutures plus ou moins résistantes.


Verdan et Michon ont décrit cinq zones pour les fléchisseurs des doigts (figure 32.2) :




• zone 1 : il n’y a qu’un seul tendon, le FDP, et une poulie arciforme articulaire (la poulie A5). L’absence de cette poulie diminue insensiblement la course du tendon sans affecter la fonction, elle est rarement réparée. La suture tendineuse y est plus facile et plus solide, et son coulissement n’est pas gêné par une poulie ;


• zone 2 : délimitée en proximal par la poulie arciforme A1 et en distal par la poulie A4, le tendon FDS se divise en deux languettes qui vont s’insérer sur la base de P2 avec un trajet légèrement latéral (figure 32.3), le FDP passe au travers du FDS et se termine sur la base de la 3e phalange (P3). Ce chiasma tendineux passe sous la poulie arciforme diaphysaire A2. Le faible espace de glissement dans cette zone nécessite des réparations tendineuses très fines. Cette configuration anatomique laisse peu de place à une vascularisation extrinsèque. Les tendons y sont peu vascularisés et la cicatrisation est précaire.



    La difficulté de la rééducation après réparations tendineuses en zone 2 est de conserver un coulissement séparé des tendons ;


• zone 3 : la chirurgie y est plus aisée et les sutures de meilleure résistance. Il n’y a pas d’obstacle au glissement des tendons ;


• zone 4 : dans le tunnel carpien, la lésion associée du nerf médian aggrave le pronostic fonctionnel. Plusieurs tendons peuvent être sectionnés.



Physiologie de la cicatrisation tendineuse


Les éléments nécessaires à la cicatrisation sont apportés par le sang. Il était admis qu’en zone 2, les tendons mal vascularisés cicatrisaient moins vite et moins bien. Bunnell (1922) parlait de « no man’s land » et y proscrivait la chirurgie.


Depuis les années 1970, plusieurs travaux ont montré qu’il existe un double système de nutrition pour les tendons dans les zones peu vascularisées : la nutrition extrinsèque apportée par les vaisseaux péri-tendineux et la nutrition intrinsèque assurée par la synovie. Lundborg (1976) confirme que la cicatrisation intrinsèque est supérieure à la cicatrisation extrinsèque. La pompe synoviale décrite par Matthews [6,7] et Weber [8] est actionnée par les augmentations de pressions créées par le mouvement. La mobilisation tendineuse favorise la nutrition intrinsèque et donc la trophicité et la cicatrisation [9]. Un tendon qui ne coulisse pas s’atrophie.


La chirurgie respecte au maximum les afférences vasculaires et le tissu synovial. La qualité des sutures tendineuses s’est améliorée. Il existe de nombreux types de sutures [10]. Les plus courantes se font par des laçages intratendineux avec 4 à 6 passages du fil qui s’appuie à distance de la lésion, associés parfois à un surjet périphérique (figure 32.4). Ces sutures fines et résistantes permettent un glissement tendineux plus aisé dans le canal digital et autorisent une mobilisation active immédiate. Des études ont mesuré les résistances des différentes sutures, qui vont de 14 newtons à 66 newtons [1013]. La force de traction minimale du FDP nécessaire pour fléchir un doigt sans résistance est comprise entre 1 et 6 N [9]. La marge de sécurité est relativement importante entre la force minimale pour obtenir un glissement tendineux et la force de traction qu’il faut exercer pour rompre la suture.



La résistance de la suture varie en fonction du temps [12]. Le risque de rupture augmente entre la 2e et la 3e semaine postopératoire. Ceci est vrai pour les tendons suturés immobilisés. Des études récentes ont montré que les tendons suturés mobilisés précocement ne présentent pas cet affaiblissement [9,14].


Une phase inflammatoire d’une quinzaine de jours est nécessaire pour le nettoyage et le comblement cellulaire. Cette phase est suivie d’une période de plusieurs semaines de cicatrisation fibreuse pendant laquelle la formation de tissu collagène de type I ou mineur fabrique un cal tendineux.


La solidité des réparations tendineuses est acquise après 6 semaines.


Le remaniement tissulaire se poursuit au cours des mois suivants, le cal tendineux s’affine, les fibres de collagènes se réalignent progressivement par la mise en tension dans l’axe du tendon pour redevenir un tissu collagène de type majeur ou type III. La normalisation tendineuse prend plusieurs mois, cela varie en fonction du sujet et de la sollicitation de la main.


Quels sont les facteurs favorisant une bonne cicatrisation [9] ?



• Le mécanisme lésionnel influence le pronostic de la cicatrisation. Une section franche sans perte de substance permet des sutures sans tension et le système nutritionnel est moins lésé au contraire d’une plaie délabrée ou d’un arrachement tendineux qui lèsent le système vasculaire.


• Le délai de prise en charge doit être court, au-delà de 48 heures les moignons tendineux nécrosent et le tendon se rétracte dans la gaine digitale ou dans la paume sous l’effet des contractions du muscle fléchisseur.


• L’expérience de l’opérateur est primordiale pour réaliser des sutures fines mais résistantes, en respectant au maximum les afférences vasculo-nerveuses. Les réparations de lésions associées, nerveuses, vasculaires et osseuses doivent se faire dans le même temps opératoire.


• La prise en charge rapide par un rééducateur aguerri à la rééducation des fléchisseurs et la participation volontaire du patient à ses soins diminuent considérablement le temps de récupération.


• Hunter [15] a distingué des personnes ayant une « high scar formation » à cicatrisation rapide plutôt extrinsèque, et des personnes à « low scar formation » à cicatrisation intrinsèque lente. Il a mis en garde la 2e catégorie qui du fait de la non-formation rapide de la fibrose cicatricielle arrive à se mobiliser aisément, mais fabrique un cal tendineux plus fragile avec des risques plus grands d’allongement du cal ou de rupture secondaire.

Only gold members can continue reading. Log In or Register to continue

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Jun 13, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 32: Rééducation après suture des tendons fléchisseurs digitaux

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access