Chapitre 3 Pharmacogénétique
principes et intérêts en toxicologie médico-légale
La réponse aux médicaments est extrêmement variable d’un individu à l’autre, tant sur le plan pharmacologique (efficacité) que sur le plan toxicologique (effets indésirables ou adverses). S’il reste encore parfois difficile d’estimer l’incidence de l’inefficacité thérapeutique des médicaments, de nombreuses études ont permis ces dernières années d’établir que les effets nocifs ou toxiques des médicaments représentaient un véritable problème de santé publique, notamment au vu du nombre d’hospitalisations, voire de décès, qu’ils entraînent. Ainsi, il a été montré que les effets nocifs des médicaments sont responsables de plus de 100 000 décès par an aux États-Unis, les classant au quatrième rang des causes de mortalité [1], et qu’en Europe, environ 10 % des malades hospitalisés le sont suite à un accident d’origine médicamenteuse. Deux enquêtes menées à dix ans d’intervalle par le réseau des Centres Régionaux de Pharmacovigilance ont montré que l’incidence des hospitalisations liées à un effet indésirable médicamenteux était en France de 3,2 % en 1998 [2] et de 3,6 % en 2007 [3]. L’apparente stabilité de cette incidence apparaît néanmoins peu satisfaisante, tant sur un plan purement médical que sur un plan médicoéconomique, au vu des progrès constants réalisés durant cette période dans la connaissance et la prévention de la iatrogénie médicamenteuse.
De nombreux facteurs environnementaux (alimentation, consommation d’alcool ou de tabac…) et physiopathologiques (âge, sexe, grossesse, obésité, inflammation, insuffisance rénale ou hépatique…) représentent des déterminants importants de la variabilité de réponse aux médicaments, dans la mesure où ces facteurs peuvent moduler ou altérer à des degrés divers les systèmes biologiques qui contrôlent l’absorption, la distribution, le métabolisme et l’élimination des médicaments [4–8]. L’inhibition et l’induction du transport ou du métabolisme d’un médicament par des composés de l’environnement ou par des médicaments coadministrés sont deux autres mécanismes majeurs qui contribuent à la variabilité de la prise en charge cellulaire des médicaments [9, 10]. Cependant, il est désormais reconnu qu’une part significative de la variabilité interindividuelle de réponse aux médicaments est due à des facteurs génétiques [11]. Ainsi, suivant le type de médicaments, 20 à 95 % des différences interindividuelles dans le métabolisme et les effets des médicaments sont suspectées ou démontrées comme étant d’origine génétique [12–15]. Ces facteurs génétiques étant par essence stables, par comparaison aux facteurs environnementaux qui varient de manière permanente et plus ou moins aléatoire, leur identification chez un individu offre donc la possibilité de prévoir, partiellement ou totalement, la façon dont cet individu va répondre à certains traitements médicamenteux. L’étude de ces facteurs génétiques et le développement d’outils permettant leur identification chez les individus relèvent d’une discipline relativement ancienne, mais d’application médicale récente, connue sous le nom de pharmacogénétique. Si cette discipline a montré ces dernières années son intérêt majeur dans l’individualisation de certains traitements médicamenteux, son utilisation dans le domaine de la toxicologie médico-légale connaît également actuellement un essor important [16, 17].
Pharmacogénétique : concepts généraux et méthodes d’étude
Définitions, historique et champs d’application
La pharmacogénétique est la discipline qui étudie les mécanismes d’origine génétique intervenant dans la variabilité interindividuelle de réponse aux médicaments, que ce soit en termes d’efficacité thérapeutique ou de survenue d’effets indésirables ou toxiques. Au-delà de la mise en évidence des facteurs génétiques impliqués dans ces anomalies de réponse aux médicaments, la pharmacogénétique a pour but ultime le développement de tests simples, applicables en routine, permettant d’identifier les individus à risque de telles anomalies de réponse, dans la perspective d’une individualisation des traitements médicamenteux [18]. Cette discipline est relativement ancienne, le terme de « pharmacogénétique » ayant été proposé dès la fin des années 1950, à la suite de la démonstration du caractère héréditaire de réponses anormales à certains traitements médicamenteux [19]. La survenue de crises d’anémies hémolytiques après prise de médicaments « oxydants » comme la primaquine (antipaludéen) chez des individus déficitaires en glucose 6-phosphate déshydrogénase représente l’un des premiers exemples célèbres illustrant l’existence d’une prédisposition génétique aux effets indésirables des médicaments [20]. La description du phénotype « acétyleur lent » de l’isoniazide et de son rôle dans la neurotoxicité de cet antituberculeux représente un autre exemple non moins célèbre d’anomalie de réponse aux médicaments ayant largement contribué au développement de la pharmacogénétique [21]. Au-delà de cette reconnaissance du caractère héréditaire d’un grand nombre de variations de réponse aux médicaments, c’est sans conteste l’avènement de la biologie moléculaire qui a contribué à l’essor de la pharmacogénétique et de ses applications, grâce à l’identification des gènes, puis de leur polymorphisme, impliqué dans ces variations de réponse aux médicaments. Depuis ces cinq dernières décennies, de très nombreux exemples d’anomalies, d’origine génétique, de réponse aux médicaments ont ainsi été rapportés [22–24], et la nécessité de prévoir, et surtout de prévenir, leur apparition est devenue évidente.
Le champ le plus étudié et le mieux caractérisé dans le domaine de la pharmacogénétique concerne le métabolisme (ou biotransformation) des médicaments. Il apparaît ainsi que la grande majorité, voire probablement l’ensemble, des gènes qui codent pour les enzymes impliquées dans les réactions de phase 1 (enzymes de fonctionnalisation) et de phase 2 (enzymes de conjugaison) du métabolisme des médicaments sont polymorphes. L’identification du polymorphisme génétique des cytochromes P450 et de son rôle dans les variations de réponse à de très nombreux médicaments, représente sans doute à ce titre l’une des meilleures illustrations de l’ensemble des travaux menés dans ce domaine [25, 26]. Parmi les cinquante-sept cytochromes P450 humains connus, ceux appartenant aux familles CYP1, CYP2 et CYP3 catalysent la majorité des réactions de phase 1 du métabolisme des médicaments et autres xénobiotiques. Les enzymes CYP2C9, CYP2C19 et CYP2D6 sont impliquées dans le métabolisme hépatique de près de la moitié des 200 médicaments les plus prescrits aux États-Unis [27] et leur polymorphisme génétique affecte le métabolisme d’environ 20 à 30 % de l’ensemble de l’arsenal médicamenteux [28, 29]. Le polymorphisme génétique de nombreuses enzymes de phase 2, telles que des UDP-glucuronosyltransférases (UGT), des N-acétyltransférases, des sulfotransférases ou encore des méthyltransférases, participe également à la variabilité interindividuelle de réponse aux médicaments [30]. Globalement, il a été montré qu’environ 60 % des médicaments les plus fréquemment responsables d’effets indésirables, plus ou moins sévères, sont métabolisés par au moins une enzyme polymorphe, pour laquelle certains individus de la population présentent une activité déficitaire [31].
Le champ d’application de la pharmacogénétique dépasse désormais largement le simple cadre des enzymes du métabolisme des médicaments (EMM) et de nombreux polymorphismes génétiques affectant les protéines de transport des médicaments (phases 0 et 3 du métabolisme des médicaments) ou leurs cibles pharmacologiques (par exemple des enzymes ou des récepteurs membranaires) ont été décrits et démontrés comme impliqués dans la variabilité interindividuelle de réponse aux médicaments [32–34]. Prédire ou diagnostiquer une anomalie, d’origine génétique, de réponse à un médicament, qu’elle soit due à une altération de sa pharmacocinétique ou de sa pharmacodynamie, est donc désormais envisageable grâce aux outils de la pharmacogénétique, décrits plus loin dans ce chapitre.
Mécanismes moléculaires et phénotypes associés
L’achèvement du séquençage du génome humain au début des années 2000 a confirmé le caractère hautement polymorphe de notre génome et de l’ensemble des quelque 30 000 gènes qu’il contient. Les gènes qui codent pour les protéines impliquées dans la prise en charge cellulaire des médicaments et autres xénobiotiques (transporteurs et enzymes des phases 0 à 3 du métabolisme des xénobiotiques) ou encore dans leurs effets pharmacologiques ou toxiques (enzymes, récepteurs membranaires…) sont ainsi affectés par ce polymorphisme génétique, et les deux principaux types de variation génétique affectant le génome humain, à savoir les Single Nucleotide Polymorphisms (SNP) et les réarrangements génomiques complexes, ont été identifiés dans les gènes d’intérêt pharmacogénétique [35, 36]. Un SNP correspond à la substitution dans la séquence d’ADN d’une seule paire de bases nucléotidiques et on dénombre globalement sur le génome humain un SNP toutes les mille paires de bases. Alors qu’ils sont dans la grande majorité des cas « silencieux », c’est-à-dire sans conséquence fonctionnelle, ces SNP affectent parfois des régions géniques fonctionnellement importantes, voire cruciales, comme les séquences régulatrices ou codantes des gènes, et peuvent alors être responsables d’altérations de l’expression et/ou de l’activité des protéines correspondantes. À côté de ces SNP et des autres microlésions de l’ADN (délétion ou insertion d’une ou de quelques paires de bases par exemple), des délétions partielles ou complètes de gènes et des amplifications géniques (les duplications étant le type d’amplification génique le plus fréquent) ont également été décrites pour les gènes d’intérêt pharmacogénétique, notamment ceux codant les EMM [35, 36]. Ces variations du nombre de copies d’un gène, ou Copy Number Variations (CNV), qui affectent environ 12 % du génome humain, sont principalement responsables d’une perturbation du dosage génique, par perte ou gain d’information génétique, et représentent à ce titre des polymorphismes dits « quantitatifs ». Au total, l’ensemble de ces polymorphismes génétiques est responsable d’anomalies qualitatives ou quantitatives des protéines correspondantes et la figure 3.1 résume ces différents mécanismes moléculaires et leur impact fonctionnel dans le contexte des EMM. Ainsi, les SNP ou les CNV affectant les gènes codant pour les EMM peuvent abolir, réduire ou encore augmenter l’expression et/ou l’activité de ces enzymes et s’expriment, par conséquent, dans la population générale sous la forme de différents phénotypes métaboliques (figure 3.2). La plupart des gènes des EMM étant portés par des autosomes, les phénotypes métaboliques correspondants sont transmis sous le mode autosomal récessif ou, parfois, codominant. Ainsi, les individus ayant un génotype homozygote sauvage (les deux allèles du gène ont une séquence normale) présentent un phénotype « métaboliseur extensif » ou « métaboliseur rapide » (activité enzymatique normale), alors que ceux ayant un génotype homozygote muté ou hétérozygote composite (les deux allèles du gène portent des polymorphismes fonctionnels différents) présentent un phénotype « métaboliseur limité » ou « métaboliseur lent » (déficit d’activité enzymatique). L’existence de métaboliseurs dits « ultrarapides » (augmentation de l’activité enzymatique) ou « intermédiaires » (activité enzymatique réduite) a également été démontrée pour certaines enzymes polymorphes [22]. La fréquence de ces différents phénotypes est variable dans la population générale en fonction de l’enzyme considérée et, pour une même enzyme, variable en fonction de l’origine ethnique ou géographique des populations étudiées [37, 38]. Cette variabilité interethnique résulte de différences dans la nature et la fréquence des polymorphismes génétiques qui affectent une population donnée et est importante à prendre en considération lors du développement de stratégies de génotypage utilisées pour la prédiction du phénotype des individus. Quelques exemples de cette variabilité de l’incidence des polymorphismes génétiques des EMM dans différentes populations sont présentés dans le tableau 3.1.
Figure 3.1 Mécanismes moléculaires à l’origine d’une anomalie du métabolisme.
(D’après Allorge D, Loriot M-A, 2004 [11].)
Le polymorphisme génétique du cytochrome P450 2D6 (CYP2D6) [39], enzyme impliquée dans le métabolisme d’environ 25 % des médicaments actuellement sur le marché [18, 40], est certainement l’un des meilleurs exemples pour illustrer l’ensemble des concepts décrits ci-dessus (cf. Encadré).
Polymorphisme génétique du CYP2D6
Le polymorphisme génétique qui affecte le cytochrome P450 2D6 (ou CYP2D6) reste à ce jour l’un des mieux connus et des plus documentés. Actuellement, plus de 80 variants alléliques différents ont été décrits pour le gène CYP2D6 (voir le site de la nomenclature internationale des allèles des gènes codant pour les cytochromes P450 humains : www.cypalleles.ki.se) et peuvent être classés, au vu de données in vitro et/ou in vivo, en quatre catégories principales d’allèles suivant qu’ils résultent en une activité enzymatique abolie (ou déficitaire), réduite, normale ou augmentée. On dénombre ainsi une vingtaine d’allèles dits non fonctionnels, responsables d’un déficit d’activité enzymatique. Les mutations qui caractérisent ces allèles non fonctionnels sont de nature diverse (mutations non-sens ou faux-sens, délétion ou insertion courte entraînant un décalage du cadre de lecture ou frameshift, mutations affectant les sites consensus d’épissage). Les allèles non fonctionnels les plus fréquents sont les allèles du type CYP2D6*4 (CYP2D6*4A à CYP2D6*4 N) et sont caractérisés par une mutation ponctuelle ou SNP responsable d’un défaut d’épissage. Les allèles CYP2D6*10, *17 et *41 représentent les allèles les plus fréquents associés à une activité CYP2D6 réduite. Plusieurs polymorphismes quantitatifs du type CNV ont également été décrits pour le CYP2D6, notamment une délétion complète du gène (CYP2D6*5) et des amplifications géniques (CYP2D6*XN) consistant en la répétition en tandem de 2 à 13 copies du gène. Dans la grande majorité des cas, ces amplifications géniques consistent en la duplication d’un allèle fonctionnel du gène, du type CYP2D6*1X2 ou CYP2D6*2X2, responsable d’une surexpression du CYP2D6 associée au phénotype ultrarapide, mais des amplifications géniques d’allèles non fonctionnels (par exemple CYP2D6*4XN) ont été également rapportées. Ces différents variants alléliques du CYP2D6 présentent des fréquences différentes au sein de la population générale, certains étant extrêmement rares (moins de 1 %), et variable en fonction de l’origine ethnique des individus. Ainsi, 5 % à 10 % des Caucasiens présentent un phénotype CYP2D6 limité ou déficitaire, alors que ce phénotype concerne moins de 1 % des Asiatiques. Les phénotypes ultrarapides et intermédiaires sont eux plus fréquemment observés respectivement dans les populations noires et asiatiques.
Principes des approches méthodologiques
Deux grands types d’approches méthodologiques sont utilisés en pharmacogénétique : les méthodes de phénotypage et les méthodes de génotypage [41]. Si les méthodes de phénotypage sont principalement, voire exclusivement, applicables dans le domaine des polymorphismes affectant le métabolisme des médicaments, les méthodes de génotypage présentent l’avantage d’être applicables à l’étude de n’importe quel gène d’intérêt pharmacogénétique.
Phénotypage
Plusieurs heures après l’absorption d’une dose subthérapeutique d’un médicament test (le délai est fonction de la pharmacocinétique de celui-ci), un échantillon biologique, sanguin ou urinaire le plus souvent, est recueilli et une quantification du substrat et de son (ou ses) métabolite(s) est réalisée à l’aide de méthodes chromatographiques essentiellement (CLHP, CG…), couplées à un type de détection adapté (UV, spectrométrie de masse…). Dans le cas le plus général, on détermine alors le rapport métabolique (RM) entre la quantité de substrat retrouvée sous forme inchangée et celle d’un (ou plusieurs) métabolite(s), ce rapport étant le reflet de l’activité enzymatique étudiée. La valeur du rapport métabolique permet de classer les individus en métaboliseurs extensifs ou limités par comparaison à celle de l’antimode de distribution déterminée au préalable (de façon statistique) sur une grande population d’individus (par exemple, phénotypage du CYP2D6 par le dextrométhorphane : cf. Encadré). Par ailleurs, certains substrats tests permettent d’étudier simultanément l’activité de plusieurs enzymes polymorphes, comme par exemple la caféine qui permet le phénotypage in vivo des enzymes CYP1A2, CYP2A6, N-acétyltransférase-2 et xanthine oxydase [42].
Génotypage
Ces méthodes nécessitent le recueil préalable d’un échantillon biologique (sang total, frottis buccal, racines de cheveux, sédiment urinaire ou tout autre tissu), à partir duquel est extrait et purifié l’ADN génomique de l’individu (plus rarement l’ARN). La plupart des méthodes de génotypage utilisées actuellement en routine repose sur une étape préalable d’amplification par PCR du gène d’intérêt ou d’une partie de ce gène, à partir de cet échantillon d’ADN génomique. Cette étape de pré-amplification présente l’intérêt de pouvoir réaliser un génotypage même si la quantité d’ADN disponible est faible, ce qui est souvent le cas dans un nombre non négligeable de prélèvements médico-légaux. Les stratégies de génotypage adoptées par les laboratoires de pharmacogénétique dépendent souvent étroitement des outils et équipements qui y sont disponibles. Néanmoins, elles doivent avant tout tenir compte d’un certain nombre de paramètres, en particulier la nature des mutations à identifier (mutations ponctuelles de type SNP ou réarrangements génomiques complexes du type CNV) et le nombre de mutations à identifier pour obtenir un taux d’efficacité de prédiction du phénotype le plus élevé possible (fonction de la fréquence des polymorphismes dans la population générale ou dans le groupe ethnique de l’individu étudié), si possible proche de 100 %. La stratégie adoptée tient également compte du contexte dans lequel le test est prescrit, à savoir dans un cadre purement prédictif, avant l’introduction d’un traitement médicamenteux chez un patient par exemple (phénotype non connu a priori), ou dans un cadre diagnostique pour expliquer une absence de réponse à un médicament donné, un accident iatrogène ou encore une intoxication médicamenteuse aiguë (suspicion d’un phénotype déficitaire ou ultrarapide par exemple). Enfin, comme nous l’avons mentionné précédemment, il convient d’adapter la stratégie de génotypage en fonction de l’origine ethnique ou géographique des individus, des variations interethniques dans la nature et la fréquence de nombreux polymorphismes génétiques ayant été décrites [37, 38].
Il existe désormais de très nombreuses méthodes d’analyse du polymorphisme génétique, notamment en ce qui concerne l’identification des SNP [43, 44]. Certaines correspondent à une recherche ciblée de SNP connus (parfois désignées méthodes de typage des SNP), d’autres offrent l’avantage d’identifier des SNP connus et d’en détecter simultanément de nouveaux (méthodes de criblage).
La plupart des stratégies de typage des SNP utilisées actuellement en routine reposent sur une étape de discrimination allélique, qui correspond globalement à la formation de produits spécifiques à chacun des deux allèles étudiés, suivie d’une étape de détection, et donc d’interprétation, de ces produits. Parmi ces méthodologies de typage des SNP, des tests simples du type PCR-digestion enzymatique (ou PCR-RFLP), applicables quand le polymorphisme étudié crée ou abolit un site de restriction, ou encore du type allèle spécifique-PCR (basée sur l’utilisation d’amorces oligonucléotidiques complémentaires de la séquence normale ou de la séquence mutée), ont été longtemps les plus utilisés. Des techniques de typage ciblé de développement plus récent, comme la discrimination allélique par des sondes du type Taqman® [43], basée sur le principe de la PCR quantitative en point final, remplacent progressivement les méthodes conventionnelles précédentes et sont désormais disponibles pour de nombreux SNP d’intérêt pharmacogénétique. Le génotypage par biopuces ou puces à ADN est également envisageable. Grâce à la miniaturisation et l’automatisation des méthodes d’hybridation, ces biopuces permettent d’envisager dans un futur proche un génotypage à « haut débit » et à « grande échelle » de l’ensemble des gènes impliqués dans les variations de réponse aux médicaments. À ce titre, l’AmpliChip® CYP450, commercialisée par la société Roche et qui permet l’identification des polymorphismes fonctionnels de deux enzymes clés du métabolisme des médicaments, les CYP2D6 et CYP2C19, représente ainsi la première biopuce « pharmacogénétique » à visée diagnostique dont l’utilisation a été approuvée par la FDA [45].
Des méthodes de criblage peuvent également être utilisées pour l’analyse du polymorphisme des gènes d’intérêt pharmacogénétique [44]. Ces méthodes ont l’avantage d’identifier la présence de mutations déjà connues d’un gène, mais également de détecter de nouveaux polymorphismes, permettant ainsi d’approcher un taux de prédiction du phénotype de 100 %. Les méthodes SSCP (Single Strand Conformation Polymorphism) et DHPLC (Denaturing HPLC), toutes deux fondées sur la mise en évidence de propriétés électrophorétiques ou chromatographiques différentes entre une séquence sauvage et une séquence mutée, ont ainsi été très utilisées pour l’étude des gènes d’intérêt pharmacogénétique [46–48]. Grâce à l’utilisation d’échantillons contrôles de génotypes connus, vérifiés préalablement par séquençage, ces méthodes de criblage permettent une assignation précise du génotype. Cependant, lorsqu’un nouveau polymorphisme est détecté, elles doivent être alors complétées par une étape d’identification de la nature et de la position de cette nouvelle mutation par séquençage. L’amélioration récente des techniques de séquençage, notamment grâce à leur automatisation, a d’ailleurs considérablement facilité leur mise en œuvre en routine et diminué leur coût, favorisant ainsi ces dernières années leur utilisation directe pour l’analyse des polymorphismes pharmacogénétiques.
Différentes techniques sont également disponibles pour détecter ou identifier les réarrangements génomiques complexes du type CNV. Bien que le Southern blot ait été la première technique appliquée à l’identification des délétions ou des amplifications de gènes, comme le CYP2D6 [49, 50], cette méthode est mal adaptée à une application en routine et n’est désormais plus utilisée. Des techniques dites de long-PCR ont été également utilisées pour détecter la présence de délétion ou duplication de gènes d’intérêt pharmacogénétique [51], mais ces techniques souvent difficiles de mise en œuvre ont été progressivement remplacées par des méthodologies innovantes et plus performantes, comme la PCR quantitative en temps réel ou le pyroséquençage, qui sont désormais largement utilisées pour le génotypage des CNV [35, 52].
La stratégie de génotypage du CYP2D6 utilisée en routine dans certains laboratoires hospitaliers permet d’illustrer ces différentes notions (cf. Encadré) [39, 46, 51].