14: Médicaments de substitution aux opiacés

Chapitre 14 Médicaments de substitution aux opiacés



En France, les médicaments de substitution aux opiacés constituent la principale modalité de soins des dépendances à l’héroïne basée sur l’utilisation de la buprénorphine, de la méthadone ou parfois de la morphine.


L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) estimait à 120 000 le nombre de personnes traitées par médicaments de substitution aux opiacés en 2007, avec comme spécificité française une nette prédominance de la buprénorphine « haut dosage » (BHD) devant la méthadone [1].


Selon les données de l’assurance maladie communiquées par la Commission nationale des stupéfiants et des psychotropes [2] le nombre d’assurés ayant eu au moins une prescription de BHD a subi une augmentation de 26,7 % entre 2004 et 2009 avec un total de 100 900 personnes au cours du premier semestre 2009. Les effectifs d’assurés ayant eu des remboursements de méthadone sirop ou gélule étaient respectivement pour la même période de 28 103 et 7 106.


Après des années de déclin de son usage, il est confirmé que l’héroïne entame un « nouveau cycle de diffusion » parmi les drogues utilisées en France. Le rapport publié en janvier 2010 par l’OFDT [3] indique également que l’héroïne « étend sa clientèle vers des populations de plus en plus variées notamment les plus jeunes usagers, le milieu festif et des populations très insérées socialement ». Ce rapport qui s’appuie sur le dispositif TREND (tendances récentes et nouvelles drogues) évoque aussi le détournement des médicaments de substitution pour lesquels les tendances sont stables : pour la BHD « un marché illicite sous tensions mais toujours actif », et pour la méthadone « un accroissement très lent de sa disponibilité au marché noir, sans trafic organisé ».


Au total, avec presque 140 000 patients sous médicaments de substitution aux opiacés en France et une recrudescence de l’héroïne dont la consommation addictogène conduira de nouveaux toxicomanes à entamer une démarche de substitution, le toxicologue analyste se doit de bien connaître la buprénorphine et la méthadone.


Dans le cadre médical, il est sollicité d’une part pour le suivi toxicologique des patients sous médicaments de substitution aux opiacés afin de vérifier l’observance et d’autre part pour l’aide au diagnostic en cas de suspicion d’intoxication.


Dans le domaine médico-légal, les médicaments de substitution aux opiacés sont indispensables à analyser puisque ces molécules psychoactives sont susceptibles d’être impliquées à la fois dans l’accidentalité, la soumission chimique mais surtout dans les surdoses mortelles. La dernière enquête DRAMES (« Décès en relation avec l’abus de médicaments et substances ») publiée par l’Afssaps en avril 2011 [4] indique ainsi que les médicaments de substitution aux opiacés représentent 34,2 % des décès répertoriés pour l’année 2009.



Buprénorphine


La buprénorphine est une molécule de synthèse dérivée de la thébaïne, un des alcaloïdes naturels de l’opium. On distingue la forme buprénorphine « haut dosage » (BHD) utilisée dans le traitement de substitution aux opiacés et la forme « faible dosage » réservée au traitement de la douleur (Temgésic®, comprimé sublingual à 0,2 mg et forme injectable à 0,3 mg/mL) — son usage comme antalgique n’est pas développé ici.


L’introduction de la BHD en France date de février 1996 avec la commercialisation du Subutex® (comprimés sublinguaux à 0,4 mg, 2 mg, 8 mg), puis l’apparition de génériques à partir de 2008. Sans être inscrite sur la liste des stupéfiants, la buprénorphine est néanmoins soumise à des règles « renforcées » de prescription (ordonnance sécurisée, limitée à 28 jours) et de délivrance (fractionnée à 7 jours).


La posologie moyenne d’entretien est de 8 mg par jour en une prise, la posologie devant être adaptée individuellement à chaque patient selon son état clinique. La posologie maximale est de 16 mg par jour.



Absorption et distribution [59]


Administrée par voie orale, la buprénorphine est largement inactivée par un important effet de premier passage hépatique ainsi que par une désalkylation et une glucuroconjugaison dans l’intestin grêle [9]. Seule une faible fraction, inférieure à 20 %, passe dans la circulation systémique. L’administration sublinguale offre une meilleure biodisponibilité de 30 à 55 %. Le pic plasmatique est obtenu en 90 minutes. Selon Baselt [7], la demi-vie d’élimination plasmatique de la buprénorphine est décrite entre 18 et 49 heures (voie sublinguale) avec un volume de distribution de 1,4 à 6,2 L/kg, un taux de liaison aux protéines de 96 % et un ratio de concentration sang total/plasma proche de 1. D’après Drummer [10], le ratio moyen concentration salivaire/concentration sanguine est proche de 1 pour la buprénorphine.


L’administration détournée par dissolution des comprimés existe par d’autres voies. Dans le cas classique de la voie intraveineuse, le pic plasmatique est quasiment immédiat et la demi-vie d’élimination sanguine est raccourcie entre 2 et 4 heures. À l’instar de l’héroïne, la voie par inhalation est également utilisée selon deux modes d’administration. L’un est par prise nasale (sniffing) [11], des cas mortels ayant été publiés très récemment par Ferrant [12]. D’un point de vue toxicocinétique, l’effet de premier passage hépatique est évité et du fait de la forte vascularisation de la paroi nasale, la biodisponibilité de la buprénorphine, fortement lipophile, est augmentée par rapport à la voie sublinguale, ce qui conduit à un risque de surdosage. Le second mode possible d’inhalation se fait en fumant la buprénorphine, mésusage rencontré en France, comme l’a rappelé récemment Chappard [13], il fait également l’objet d’attention en Australie [14].


La buprénorphine diffuse rapidement dans les tissus cérébral, pulmonaire, cardiaque, rénal et hépatique. Cette forte fixation tissulaire est responsable de sa longue durée d’action. Étant extrêmement liposoluble, elle traverse facilement la barrière hématoencéphalique et la barrière placentaire. Les concentrations tissulaires cérébrales sont beaucoup plus élevées que les concentrations sanguines. La buprénorphine et ses métabolites passent également dans le lait maternel.


Les paramètres pharmacocinétiques de différents travaux répertoriés par Moffat [6] et Baselt [7] sont résumés dans le tableau 14.1.



Dans une étude de quinze patients traités par 0,8 à 6 mg/jour de buprénorphine, des prélèvements sanguins réalisés 4 heures après la prise ont permis de mesurer des concentrations plasmatiques en buprénorphine libre de 0,36 à 4,6 μg/L et en norbuprénorphine libre de 0,21 à 2,5 μg/L [15].




Concentrations sanguines thérapeutiques de référence


Dans la liste des références de concentrations sanguines du TIAFT 2011 [16] les concentrations sériques thérapeutiques sont actuellement décrites de 0,1 à 1 μg/L alors qu’elles sont restées fixées plusieurs années entre 1 et 10 μg/L. Dans sa base de données, Musshoff [17] retient deux échelles de concentrations thérapeutiques sanguines : la première également répertoriée par Schulz [18] de 0,5 à 5 μg/L et la seconde proposée également par Winek [19] de 14 à 110 μg/L. Pirnay, en 2004, définissait la concentration thérapeutique de buprénorphine comme inférieure à 5 μg/L [20]. Picard indique observer un état d’équilibre à 24 heures (concentration résiduelle) de 1 à 10 μg/L pour des patients traités par 4 à 16 mg par jour en sublingual [21].


Toutes ces données parfois discordantes soulignent la difficulté de les standardiser car la relation concentration sanguine/effet est difficile à établir. Une confusion peut provenir du fait que la buprénorphine est aussi prescrite comme antalgique avec des formes faiblement dosées en relation avec des concentrations sanguines plus basses. Par ailleurs, l’usage de technologies performantes comme la CL/SM-SM améliore les limites de quantification et peut avoir un impact sur le dosage de substances actives à très faible concentration comme la buprénorphine.



Mode d’action [5, 8, 9]


La buprénorphine a une grande affinité vis-à-vis des récepteurs μ et κ, ce qui lui confère un effet analgésique 25 à 40 fois plus puissant que la morphine lorsqu’elle est utilisée à faible dose. En revanche, à forte dose, l’effet analgésique atteint un plafond. Elle a une affinité dix fois moindre vis-à-vis des récepteurs δ et n’a pas d’activité mesurable vis-à-vis des récepteurs σ. De façon plus précise, la buprénorphine développe une activité de type agoniste partiel (agoniste ou antagoniste selon la dose) sur les récepteurs μ et une activité de type antagoniste sur les récepteurs κ.


Son activité dans le traitement de substitution des opioïdes est attribuée à sa liaison lentement réversible aux récepteurs μ qui retarderait la rechute des héroïnomanes : une partie de la buprénorphine reste en place sur les récepteurs, alors que les concentrations plasmatiques sont devenues très basses. Cette propriété explique la longue durée d’action de la molécule, un phénomène de tolérance atténué et une période de sevrage de courte durée et retardée.


Son activité agoniste partielle lui confère un index thérapeutique élevé par l’effet plafond en limitant ses effets dépresseurs, notamment sur les fonctions cardiorespiratoires. Cependant, la marge thérapeutique de la buprénorphine peut être amoindrie en cas d’association à d’autres dépresseurs du système nerveux central ou bien dans les situations de mésusage (voir paragraphe toxicité ci-après).



Métabolisation et élimination [5, 22]


La buprénorphine est métabolisée au niveau hépatique où elle subit une N-déalkylation majoritairement via le CYP3A4 (65 %) et le CYP2C8 (30 %) [21] conduisant à la norbuprénorphine active (agoniste opioïde puissant) [23]. Elles sont ensuite glucuroconjugées via différentes isoformes d’uridine diphosphate-glucuronyltransférase (UGT) en métabolites quasi inactifs buprénorphine-glucuronide (BUPG) et norbuprénorphine-glucuronide (NBUPG) qui ne passent pas la barrière hématoméningée (figure 14.1). La mise en évidence in vitro par Picard [21] d’une nouvelle voie métabolique par hydroxylation avec formation d’hydroxy-buprénorphine et d’hydroxy-norbuprénorphine a été confirmée in vivo par identification dans les urines d’hydroxy-buprénorphine sous forme majoritairement conjuguée et d’hydroxy-norbuprénorphine au contraire majoritairement non conjuguée [24].



La norbuprénorphine présente une demi-vie d’élimination terminale plus longue que celle de la buprénorphine ce qui rend sa détection urinaire plus pertinente que celle de la buprénorphine [25]. Selon Huang [26], la NBUPG est le premier métabolite à apparaître dans le plasma et les urines. L’élimination de la buprénorphine se fait principalement par voie digestive. La phase d’élimination terminale est longue, de 20 à 25 heures, en raison d’une réabsorption de la buprénorphine après hydrolyse intestinale du dérivé conjugué, et du caractère hautement lipophile de la molécule. Elle est éliminée à 80 % dans les fèces par excrétion biliaire des métabolites glucuroconjugués et à 20 % dans les urines. Les quantités urinaires de buprénorphine et norbuprénorphine libres sont très faibles et minoritaires par rapport aux dérivés glucuroconjugués [27].


Selon la technique analytique appliquée, il sera donc nécessaire de procéder à une hydrolyse préalable des composés conjugués pour mesurer la buprénorphine et la norbuprénorphine totales.


Des concentrations urinaires de buprénorphine et norbuprénorphine totales mesurées pour des patients traités ou suspectés d’abus figurent dans le tableau 14.2.



D’après Kronstand [28], les patients sous traitement équilibré présentent des concentrations urinaires plus importantes que celles de patients en situation de mésusage reflétant probablement une prise ponctuelle de buprénorphine plusieurs jours avant le prélèvement urinaire. Vincent [32] rapporte des concentrations urinaires supérieures à 20 μg/L même après 3 jours d’abstinence. D’après George [29], lorsque la concentration urinaire de buprénorphine totale est corrigée par le taux de créatinine, il existerait une corrélation significative avec la dose quotidienne (0,4 à 10 mg/jour) ; par ailleurs le ratio norbuprénorphine/buprénorphine urinaire est décrit relativement stable autour de 2,8 bien que le délai entre la prise et le recueil d’urines ne soit pas précisé.


Une étude de 2008 [33] sur le suivi urinaire de 18 volontaires recevant une dose unique de 0,4 mg de buprénorphine en sublingual a permis de définir les durées de détectabilité urinaires suivantes : un temps moyen de détection urinaire positif de 9 heures (4 à 24) par immunochimie CEDIA et de 76 heures (23 à 96) pour la buprénorphine totale par CL/SM-SM. Les urines étaient toutes positives pour la norbuprénorphine totale par CL/SM-SM, 96 heures après la prise. Soulignons que certains volontaires ont présenté un dépistage par CEDIA positif alors que l’échantillon prélevé la veille était négatif. Cette discordance a pu s’expliquer en tenant compte de la concentration en créatinine. Dans cette même étude, le temps après la prise à partir duquel le ratio norbuprénorphine/buprénorphine est supérieur à 1 est estimé à 7 heures. Pour améliorer l’interprétation, l’auteur propose donc d’utiliser ce ratio plus que les concentrations pour compenser le phénomène de dilution des urines et l’effet de la dose.


Certains, comme Hegstad [34], préconisent un dosage urinaire direct des formes glucuroconjuguées ; pour 151 urines provenant de patients traités par 16 à 20 mg/jour, il trouve un ratio BUPG/créatinine majoritairement inférieur à 570 μg/g et un ratio NBUPG/créatinine inférieur à 1 060 μg/g pour 76 % des cas.



Toxicité


Les études toxicologiques réalisées sur l’homme montrent que la buprénorphine peut être utilisée en traitement chronique chez l’homme, jusqu’à la dose de 16 mg voire 32 mg/jour pour certains auteurs. Des cas d’abus et de pharmacodépendance sont avérés. Malgré l’effet plafond dû à son activité agoniste partielle, une intoxication aiguë est possible avec des signes cliniques comprenant nausées, vomissements, myosis, hypotension, état de confusion, vertiges, somnolence voire coma. Un risque de dépression respiratoire est décrit en cas d’association à d’autres dépresseurs du système nerveux central (les benzodiazépines et l’éthanol étant le plus souvent cités) ou en cas de mésusage (par injection ou par voie intranasale [12], cf. supra). Le rôle déterminant des benzodiazépines souligné dans plusieurs séries de décès impliquant la buprénorphine [20, 3538] est également décrit expérimentalement [39] et cliniquement [40]. Selon les travaux réalisés depuis plusieurs années par Baud et son équipe [41], le mécanisme complexe de toxicité de la buprénorphine n’est pas dose-dépendant (à la différence de la méthadone). Certaines benzodiazépines font apparaître cette toxicité de la buprénorphine (et augmenter celle de la méthadone). L’interaction opioïdes/benzodiazépines serait d’une part pharmacocinétique, via le CYP3A4 pour la buprénorphine et d’autre part pharmacodynamique. L’hypothèse d’une contribution pharmacogénétique conférant une susceptibilité individuelle de certains sujets vis-à-vis de la dépression respiratoire entraînée par la buprénorphine et/ou ses métabolites a été explorée grâce à une étude multicentrique menée par Gaulier [42]. L’objectif était d’explorer les polymorphismes génétiques pouvant influencer le métabolisme de la buprénorphine et/ou ses récepteurs dans une série de 37 décès associés à une prise de buprénorphine et une série de 52 patients traités par BHD et équilibrés. Les résultats ont permis notamment d’évoquer une contribution du CYP3A4 (prédominance de métaboliseurs rapides dans la série de patients décédés par rapport à la population de sujets vivants) qui pourrait être un facteur à prendre en compte lors du choix de prescrire la buprénorphine ou la méthadone à l’instauration d’un traitement de substitution.


En cas d’intoxication aiguë, le rôle de la norbuprénorphine a également été signalé dans la majoration de la dépression respiratoire [23, 43]. Outre la prise en charge médicale par ventilation assistée, il est possible d’administrer la naloxone (Narcan®) comme antidote agissant par compétition sur les récepteurs mu. Cependant son usage est délicat du fait d’une part de la durée d’action très courte de la naloxone (20 à 60 minutes) et d’autre part de sa moindre fixation sur les récepteurs nécessitant des doses importantes.


Une forme comprimé associant buprénorphine et naloxone (8 mg/2 mg, Suboxone®) a d’abord été expérimentée aux États-Unis. En 2006, cette association a reçu une autorisation de mise sur le marché au niveau européen, suivie immédiatement de sa commercialisation en Grande-Bretagne. Courant 2007, d’autres pays européens comme la Suède, la Norvège ou l’Allemagne l’ont également diffusée, suivis de la Belgique en juin 2008. En France, sa disponibilité pourtant annoncée pour l’année 2008 n’est pas encore effective en 2011. Cette association a l’intérêt de limiter le risque de dépression respiratoire en cas de mésusage par injection (la naloxone antagonise au moins en partie la buprénorphine) et ne modifie pas l’usage thérapeutique de la buprénorphine par voie sublinguale car la naloxone est très peu absorbée par cette voie. Par ailleurs cette association devrait être moins l’objet de trafic que la buprénorphine seule.


Les cas de décès pour lesquels de la buprénorphine a été retrouvée, présentent des concentrations parfois basses sauf pour les cas de suicide par surdose [44, 45]. Les cas où seule la buprénorphine est impliquée à l’exclusion de tout autre produit, sont rarissimes. En revanche, il est souvent fait état d’association à des benzodiazépines, des neuroleptiques ou de l’éthanol. Des concentrations sanguines de buprénorphine et norbuprénorphine libres mesurées pour des cas d’intoxications graves ou mortelles figurent dans le tableau 14.3.



Favretto publie un cas de décès pour lequel le dosage sanguin a été réalisé avec et sans hydrolyse enzymatique donnant ainsi des concentrations de buprénorphine libre à 4,6 μg/L et buprénorphine totale à 10 μg/L et de norbuprénorphine libre à 5,7 μg/L et norbuprénorphine totale à 7,2 μg/L [51].


Certains décès impliquant la buprénorphine sont atypiques comme un cas de soumission chimique décrit par Kintz [48], un cas d’empoisonnement publié par Pelissier-Alicot [45], ou encore deux décès accidentels chez des enfants de 2 ans [52] ou 4 ans [53].



Concentrations sanguines toxiques de référence


Dans la liste des références sanguines de concentrations du TIAFT 2011 [16] les concentrations sériques toxiques sont actuellement décrites de 20 à 30 μg/L sans mention de concentration létale (pendant plusieurs années un seuil toxique était fixé à 200 μg/L et des concentrations létales de 4 000 à 13 000 μg/L). Dans sa base de données, Musshoff [17] cite un seuil toxique à 200 μg/L comme Schulz [18], Pirnay en 2004 définissait le seuil de concentration toxique de buprénorphine supérieur ou égal à 5 μg/L [20].


La variabilité des seuils proposés illustre la complexité du mécanisme de toxicité de la buprénorphine ; non seulement elle présente une toxicité non dose-dépendante mais aussi une forte diffusion tissulaire. Une relation claire entre concentrations sanguines et effets toxiques est difficile à établir.



Analyses de dépistage [8, 54]


Il est important de rappeler que la buprénorphine bien qu’ayant une structure proche de celle de la morphine, présente un encombrement stérique important qui empêche sa détection par les tests immunochimiques destinés à la recherche des opiacés. Son dépistage est cependant possible par technique immunochimique spécifique. Les tests ne sont pas très nombreux sur le marché sans doute parce que les analyses de contrôle, notamment en France, ne sont pas obligatoires au cours de la prescription de la buprénorphine à la différence de celle de la méthadone. Parmi les techniques applicables sur automates, il existe trois types de méthodes basées sur les principes immunochimiques : EIA (Enzymatic Immunoassay), ELISA (Enzyme-Linked Immunosorbent Assay) et CEDIA (Cloned Enzyme Donor Immunoassay). L’anticorps est dirigé contre la buprénorphine et le pourcentage de croisement avec la norbuprénorphine est variable selon sa concentration et le kit utilisé. Il peut exister des faux positifs surtout si le seuil de positivité est fixé à une valeur trop basse [55]. De nombreuses validations sur d’autres types de matrices que les urines ont été décrites telles que le sérum [56], le sang, les cheveux [57, 58] ou encore la salive [59]. Selon les tests et les matrices biologiques, les seuils de positivité varient de 0,5 à 20 μg/L sauf pour les cheveux ou le seuil retenu est de 10 pg/mg pour la buprénorphine [54, 58]. Selon la revue faite par Alvarez [54], des substances telles que la dihydrocodéine et le tramadol peuvent interférer avec le kit CEDIA de la buprénorphine. Une contamination inter-échantillons due à l’adultération d’une urine par ajout in vitro de buprénorphine a été décrite récemment avec un kit EIA [60].


Alternativement, certains auteurs proposent un dépistage rapide par chromatographie comme Kronstrand en CL/SM-SM par injection directe d’urine diluée [28]. Contrairement à l’immunochimie, un dépistage positif en chromatographie ne nécessite pas forcément une analyse de confirmation si une détermination quantitative n’est pas exigée. En CG/SM, l’utilisation d’une détection simultanée en mode SIM et en mode SCAN permet de détecter la buprénorphine et la norbuprénorphine jusqu’à 1 μg/L au cours d’un criblage (screening) toxicologique réalisé après une extraction en Toxi-Tube® A dans l’urine, le sang, la bile ou le liquide gastrique [61].


De plus en plus de méthodes chromatographiques associant, en une seule étape, criblage et dosage sont proposées pour une application globale aux stupéfiants et opioïdes comprenant la buprénorphine et la norbuprénorphine. Gunnar, par exemple, a proposé cette approche pour la salive par fast-CG/SM nécessitant cependant une extraction SPE préalable [62]. Dowling a publié une technique utilisant un appareil hybride (trappe d’ions/triple quadripôle) permettant d’analyser une prise d’essai de 100 μL d’urine après simple déprotéinisation et séparation chromatographique en 12,5 minutes [63]. Cette technologie hybride permet d’obtenir simultanément une sensibilité excellente (mode MRM/triple quad) et une spécificité améliorée par l’obtention d’un spectre en scan complet (mode, enhanced production/ Q-Trap®). Le seul regret à formuler est que la norbuprénorphine ne fasse pas partie des 19 molécules recherchées. L’UPLC® avec une optimisation de la résolution et de la durée d’analyse a offert l’opportunité d’être couplée à la SM-SM pour le dépistage des stupéfiants et apparentés dans les urines [64] ou le sang total [65].



Analyses de confirmation


Les concentrations sanguines de buprénorphine et norbuprénorphine sont très faibles, le dosage de ces produits représente donc un véritable défi analytique pour l’analyste avec des risques de faux négatifs.


Jusqu’en 2000, le dosage de la buprénorphine et de ses métabolites était proposé soit par chromatographie liquide couplée à une détection par UV [46], par fluorescence [66], en électrochimie [67] ou par spectrométrie de masse simple [47, 68, 69], soit par chromatographie gazeuse couplée à une détection NPD [70], par capture d’électron [7072], ou par spectrométrie de masse [32, 73].


Puis, l’introduction de la chromatographie liquide haute performance couplée à un détecteur de masse en tandem (CL/SM-SM) dans les laboratoires de toxicologie a été l’occasion d’un grand nombre d’applications pour la buprénorphine, puisqu’elle permet la détermination simultanée des formes glucuroconjuguées de la buprénorphine et de la norbuprénorphine sans étape ni d’hydrolyse ni de dérivation avec des limites de quantification relativement basses (tableau 14.4.).



Dans ces investigations, des problèmes d’effets matrice sont souvent observés. Il est donc important de prétraiter l’échantillon. Dans la plupart des travaux publiés, l’extraction en phase solide (SPE) est préférée pour la préparation des échantillons. Cette étape étant laborieuse et longue, elle peut être automatisée [75, 83, 93, 94] voire être réalisée en ligne [79, 95]. Le travail réalisé par Favretto compare l’extraction SPE à des extractions LLE avec différents solvants, il en résulte que la LLE semble être la technique la plus simple, la plus rapide et la moins onéreuse. Pour l’auteur, cette extraction est suffisante pour une analyse en CL/SM-SM dont la spécificité de la détection compense le manque éventuel de purification de l’extrait vis-à-vis de certains analytes [51].


Plusieurs auteurs ont rapporté le problème de l’obtention d’une fragmentation suffisante de la buprénorphine et de la norbuprénorphine en CL/SM-SM. En effet, les ions moléculaires de ces composés sont très stables malgré différentes conditions de fragmentation testées dans la cellule de collision [74, 77]. Ce problème a pu être surmonté en utilisant l’argon plutôt que l’azote comme gaz de collision ce qui a permis d’améliorer la fragmentation [77]. Polettini propose de se contenter d’utiliser la transition de l’ion précurseur non fragmenté moins spécifique qu’une transition classique (ion précurseur→ ion produit) en compensant cette perte de sélectivité par l’analyse simultanée des ions spécifiques des glucuronides correspondants [74]. Cependant, ce type d’approche ne respecte pas les critères d’identification de composés exigés en toxicologie a fortiori médico-légale. En effet, au minimum deux transitions sont nécessaires (classiquement une de quantification et une de confirmation) ; en revanche, si la quantification est réalisée avec la transition de l’ion précurseur non fragmenté, alors deux transitions de confirmation sont nécessaires [96].


D’autres auteurs ont résolu le problème de faible fragmentation de ces composés en utilisant un spectromètre de masse équipé d’une trappe d’ions. Murphy et Al-Asmari ont pu ainsi suivre deux transitions pour la buprénorphine et deux autres pour la norbuprénorphine sans perdre en sensibilité [76, 82]. En utilisant le même type d’appareil, Favretto obtient une LOQ excellente à 0,1 μg/L pour la buprénorphine et la norbuprénorphine dans le sang et l’urine avec une prise d’essai de 2 mL, en revanche la quantification est réalisée sur l’ion non fragmenté et trois ions de qualification sont suivis pour assurer une identification formelle [51].


Concernant le dosage sans hydrolyse des dérivés glucuroconjugués, Polettini a été le premier en 2001 à quantifier la BUPG simultanément à la buprénorphine et la norbuprénorphine par CL/SM-SM, dans le plasma [74]. Quelques années plus tard, Murphy a publié une technique permettant de doser aussi la NBUPG [76]. Oechsler propose une extraction spécifique de chacune des formes : une extraction LLE pour les formes libres et une extraction SPE pour les glucuroconjugués, suivie d’une analyse particulièrement rapide (5 minutes par extrait) [80].


Le couplage de l’UPLC® à la spectrométrie de masse en tandem a également été l’occasion de nouveaux développements de dosage dans la salive [93] et plus récemment dans le sang et l’urine [95]. Enfin, l’utilisation d’un mode d’ionisation différent de l’électrospray (ESI) telle que l’ionisation chimique à pression atmosphérique (APCI) a permis la quantification dans le plasma [75] ou dans le méconium [88] de ces composés.


Parallèlement à l’essor de la CL/SM-SM, le dosage de la buprénorphine a continué de faire l’objet de publications par d’autres techniques telles que la CG/SM [29, 30, 50, 78, 86, 87, 97], la CG/SM-SM [59] ou la CL-DAD [98]. En CG/SM, les formes glucuroconjuguées ne peuvent pas être détectées, une étape préalable d’hydrolyse est donc nécessaire pour quantifier les formes totales (libres et conjuguées) urinaires [25, 27, 28, 30, 51, 81, 87, 99]. Divers travaux ont été publiés concernant les conditions d’hydrolyse de ces glucuroconjugués. Une hydrolyse chimique acide ou basique étant inefficace [100], une hydrolyse quantitative peut être obtenue en utilisant une enzyme : la β-glucuronidase dans des conditions appropriées [28, 101]. Peu d’équipes rapportent l’hydrolyse du sang lors de l’analyse de la buprénorphine et de la norbuprénorphine [51] voire du foie et de la bile [50].


Très récemment, Papoutsis a publié un dosage de la buprénorphine et la norbuprénorphine à partir de 1 mL de sang en CG/SM avec des LOQ exceptionnelles (0,05 μg/L pour les deux composés), il a réalisé une comparaison de diverses dérivations pour retenir l’acétylation confirmant ainsi les travaux de Wu et Wang [86, 97, 99].


Une méthode également toute récente utilise la fast-CG/SM pour le dosage urinaire de la buprénorphine et la norbuprénorphine après hydrolyse de 2 mL d’urine permettant ainsi une analyse en 6 minutes [87]. En 2005, Gunnar avait également utilisé cette technique pour un dosage en 10 minutes dans la salive [62].


Depuis ces 10 dernières années, des méthodes de dosage ont été proposées pour d’autres matrices que le sang et les urines telles que la sueur [102], la salive [59, 62, 9193], les cheveux [51, 90, 103]. En effet, ces matrices alternatives sont très intéressantes en toxicologie médico-légale car leur prélèvement est facile et non invasif. La buprénorphine traversant facilement la barrière placentaire et passant dans le lait maternel, des techniques de dosage ont été mises au point dans des matrices telles que le placenta [104], le cordon ombilical [105], le plasma du cordon ombilical [106], le méconium [88] et le lait maternel [107, 108].



Interprétation


Les différents paramètres à prendre en compte pour interpréter les concentrations sanguines ou urinaires ont déjà été largement évoqués. Quelques aspects particuliers méritent les points suivants.



Quid du suivi par contrôles toxicologiques des patients sous BHD ?


Comme l’a rappelé Marquet [109], le suivi thérapeutique pharmacologique de la BHD n’a pas d’intérêt direct pour le patient du fait d’une faible relation concentration sanguine/effets observés à l’échelle d’une population. En revanche, la recherche urinaire et capillaire de la buprénorphine et d’autres opioïdes permet dans certains cas de documenter l’observance et l’efficacité du traitement, l’utilisation conjointe d’autres produits signifiant une inefficacité relative.


À l’inverse de la méthadone dont les règles de prescription imposent des contrôles urinaires réguliers, la prescription en France de BHD pour le traitement de la dépendance aux opiacés est beaucoup plus souple. Selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé [110], le cadre réglementaire de ces contrôles urinaires gagnerait à être homogénéisé pour les deux médicaments de substitution : une analyse d’urine serait indispensable à l’initiation de traitement pour vérifier la présence d’opiacés et des contrôles ultérieurs si besoin en accord avec le patient.


La mise au point sur la BHD diffusée tout récemment par l’Afssaps [111] mentionne l’utilité de contrôles urinaires opiacés, buprénorphine et méthadone à l’instauration et pendant le suivi du sujet.



Buprénorphine et cheveux


Plusieurs études sur des séries de patients traités ont permis d’obtenir des échelles de concentrations dans les cheveux de 3 à 1 190 pg/mg pour la buprénorphine et de « non détecté » à 1 210 pg/mg pour la norbuprénorphine [32, 90, 112, 113].


Un débat persiste depuis plus de 10 ans sur le ratio buprénorphine/norbuprénorphine, certains trouvant ce ratio supérieur à 1 et d’autres au contraire inférieur à 1. Cirimele a démontré en 2000 [112] que l’étape de décontamination était déterminante en dosant la buprénorphine et la norbuprénorphine dans les solutions de lavage. La perte de buprénorphine étant supérieure à celle de norbuprénorphine lors de l’étape de lavage, ceci peut diminuer le ratio buprénorphine/norbuprénorphine et expliquer des résultats discordants notamment avec ceux de Vincent [32]. Goodwin en 2007 [103] a poursuivi les investigations en étudiant l’impact du lavage. Il a comparé le ratio buprénorphine/norbuprénorphine sur cheveux lavés et non lavés de femmes enceintes traitées et de leur enfant. Il trouve des concentrations de norbuprénorphine supérieures à celles de buprénorphine que ce soit chez les mères ou chez les enfants et ne met pas en évidence de modification du ratio buprénorphine/norbuprénorphine entre cheveux lavés et non lavés. Une autre hypothèse selon laquelle la norbuprénorphine est plus sensible que la buprénorphine à une phase de digestion acide a été confirmée tout récemment par Skopp [113]. Tous ces travaux soulignent l’importance des procédures de lavage et d’extraction à prendre en compte dans l’interprétation d’un dosage capillaire sans oublier qu’il faut aussi considérer d’autres facteurs comme la concentration en mélanine ou la force de fixation au cheveu (différente entre la buprénorphine et la norbuprénorphine) responsables d’une distribution variable entre segment distal et proximal [103, 113].


Enfin, un autre débat plus général persiste au sujet de la corrélation entre la posologie d’un produit et sa quantité mesurée dans les cheveux. Pour Goodwin [103], les concentrations capillaires de buprénorphine et norbuprénorphine seraient en relation avec la dose cumulée totale reçue tandis que Skopp [113] préfère se baser sur la somme des concentrations capillaires en norbuprénorphine et buprénorphine qui est corrélée selon ses travaux à la posologie quotidienne en mg/kg.



Buprénorphine et salive


Dans l’importante étude de prévalence de Cone sur stupéfiants et opioïdes dans la salive [59], 3,2 % des échantillons de salive analysés soit 276 étaient positifs en buprénorphine et/ou norbuprénorphine. La buprénorphine était plus souvent présente que la norbuprénorphine avec une concentration moyenne beaucoup plus élevée (433,3 contre 5,0 μg/L). Parmi les échantillons positifs, 58 % contenaient buprénorphine et norbuprénorphine, 37,3 % contenaient uniquement de la buprénorphine et 4,7 % uniquement de la norbuprénorphine.


La salive est une matrice alternative de plus en plus utilisée en toxicologie notamment dans l’évaluation de l’altération du comportement sous l’influence de stupéfiants (au volant, au travail), cependant la buprénorphine à la différence de la méthadone a moins fait l’objet d’évaluations [114]. Vindenes a comparé les résultats obtenus pour 164 prélèvements réalisés conjointement sur urines et salive issus de 45 patients traités par BHD ou méthadone. Il applique un seuil de positivité salivaire de 2 μg/L en buprénorphine (les glucuroconjugués ne sont pas analysés dans la salive) et un seuil de dépistage urinaire de 5 μg/L en buprénorphine complété par un seuil de confirmation respectivement de 5 et 12 μg/L en BUPG et NBUPG. L’usage de la salive présente ainsi une sensibilité de détection de la buprénorphine de 75 % par rapport à celle de l’urine [115].



Buprénorphine et accidentalité


L’effet potentiel et l’implication de la buprénorphine vis-à-vis de la conduite automobile ont été traités par Gaulier [116] puis Pépin [8]. Rappelons que les études spécifiques, peu nombreuses, n’ont finalement pas montré de supériorité significative de la buprénorphine sur la méthadone concernant les résultats de tests d’aptitude à la conduite. Il est primordial de bien informer les patients mis sous traitement que les effets sur la vigilance sont particulièrement marqués le premier mois de traitement et potentialisés par l’association à d’autres substances psychoactives. Concernant son usage en France chez les conducteurs, on peut citer deux études : une première de Labat [117] sur une série de 1 000 conducteurs de poids lourds de la région du Nord-Pas-de-Calais (contrôlés entre 2003 et 2004) pour laquelle une prévalence de la buprénorphine a été trouvée à 1,8 % ; et une seconde étude multicentrique menée par Mura, sur une série de 329 échantillons sanguins provenant de conducteurs de moins de 30 ans décédés dans un accident mortel de la circulation entre 2005 et 2006, pour laquelle une prévalence de la buprénorphine a été mesurée à 0,9 % [118].


Une étude récente de 20 échantillons sanguins collectés chez des sujets suspectés d’être sous influence de stupéfiants (pour lesquels un usage de buprénorphine a été volontairement signalé aux autorités judiciaires) a permis de mettre en évidence les concentrations sériques moyennes suivantes : 4,14 μg/L en buprénorphine libre pour 7 sujets ; 3,25 μg/L en norbuprénorphine libre pour 17 sujets ; 1,62 μg/L en BUPG pour 13 sujets et 14,66 μg/L en NBUPG pour 16 sujets [80].



Méthadone


La méthadone est le plus ancien dérivé de synthèse de l’opium [5, 8, 119, 120]. Cet analgésique, aussi puissant que la morphine lorsqu’il est utilisé par voie parentérale, a été mis au point pendant la Seconde Guerre mondiale et utilisé comme tel aux États-Unis dès 1947. La méthadone est utilisée sous la forme d’un mélange racémique des isomères R(ou l, lévo) et S(ou d, dextro) de la méthadone. Sa prescription comme produit de substitution pour le traitement des pharmacodépendances majeures aux opiacés est décrite à partir de 1963 au Royaume-Uni. Son introduction en France date de 1995 avec la commercialisation d’une forme sirop (méthadone AP-HP® sirop, flacons à 5, 10, 20, 40 ou 60 mg) retenue pour éviter son mésusage par injection. En 2008, une seconde forme orale par gélule (méthadone AP-HP® gélule, dosages à 1, 5, 10, 20 ou 40 mg) est autorisée pour permettre un meilleur confort de prise. Cette forme gélule est réservée aux patients préalablement traités et équilibrés avec la forme sirop depuis au moins un an et stabilisés notamment sur le plan médical et sur leurs conduites addictives. L’usage de la méthadone pour le traitement de la douleur n’est pas prévu en France et ne sera pas développé dans ce chapitre.


La méthadone est inscrite sur la liste des stupéfiants. En France, le traitement est obligatoirement commencé en milieu spécialisé avec des règles de prescription (ordonnance sécurisée, limitée à 14 jours), de délivrance (fractionnée à 7 jours), de renouvellement d’ordonnance et de surveillance du traitement (contrôles toxicologiques urinaires) très strictes. La posologie moyenne d’entretien est de 60 à 100 mg par jour en une prise, la posologie devant être adaptée à chaque patient selon son état clinique par paliers de 5 ou 10 mg par jour. Pour des patients très dépendants et présentant une tolérance pharmacodynamique des posologies plus élevées sont parfois nécessaires allant jusqu’à 200 mg par jour, aucune posologie maximale n’est prévue dans l’AMM française.



Absorption et distribution [5, 8, 119, 120]


Du fait de son caractère liposoluble, la méthadone administrée par voie orale est bien absorbée par le tube digestif avec une biodisponibilité de l’ordre de 75 %.


Après administration orale (sirop ou gélules), son pic plasmatique est atteint en moyenne en 4 heures. La méthadone se lie à l’albumine et aux autres protéines plasmatiques et tissulaires, ce qui peut expliquer ses effets cumulatifs et sa lente vitesse d’élimination. Son taux de fixation aux protéines plasmatiques est d’environ 90 %. Sa demi-vie plasmatique est de 10 à 25 heures (moyenne 15 heures) après une administration orale unique et augmentée entre 13 et 55 heures (moyenne 25 heures) chez les patients traités de façon chronique. Selon Clarke ou Baselt [119, 120], le volume de distribution de la méthadone est de 4 à 7 L/kg avec un ratio de concentration [sang total]/[plasma] d’environ 0,75. D’après Drummer, le ratio moyen concentration salivaire/concentration sanguine est proche de 1, 6 [10].


Les voies intramusculaire, épidurale ou intraveineuse sont rapportées par Baselt [120] pour le traitement de douleurs chroniques, notamment d’origine cancéreuse, avec des doses et concentrations sanguines observées bien moindres que dans le cadre du traitement de substitution. Le mésusage par voie injectable, que ce soit de la forme sirop (très difficile à solubiliser) ou de la forme gélule (en France sa composition contient un gélifiant), est très rare.


L’administration par inhalation est décrite dans plusieurs cas fatals. Carson décrit un cas où des traces de comprimés écrasés sont retrouvées à l’autopsie dans les poumons [121]. Palmiere fait état tout récemment de l’intoxication d’une dizaine de personnes qui ont inhalé de la méthadone en croyant qu’on leur avait vendu de la cocaïne [122]. Pour l’un d’entre eux, cette inhalation a été fatale. Il semble que l’absorption, plus rapide par inhalation, entraîne l’apparition précoce d’un pic sanguin plus intense responsable d’une apparition brutale des signes d’intoxication.


La voie rectale a été à l’origine d’un accident mortel chez un enfant de 19 mois à qui un suppositoire de méthadone provenant du marché noir a été administré à la place d’un antipyrétique [123].


Les concentrations tissulaires en méthadone (poumon, foie, rein) sont supérieures à la concentration plasmatique. Elle diffuse à travers le placenta et est excrétée dans le lait maternel.


Les paramètres pharmacocinétiques de différents travaux répertoriés par Moffat [119], Baselt [120] et Maas [124] sont résumés dans le tableau 14.5.


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Aug 19, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 14: Médicaments de substitution aux opiacés

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