Chapitre 29
Rééducation de la main complexe
Introduction
La main complexe est une entité pathologique traumatologique à part entière et représente un enjeu autant pour le chirurgien que pour le kinésithérapeute pour une prise en charge optimale du patient [1].
En urgence, le chirurgien doit évaluer les possibilités de reconstruction des différents organes et élaborer un schéma de réhabilitation en accord avec le kinésithérapeute. En effet, la main complexe demande d’une part une rapidité de décision chirurgicale dans un premier temps en effectuant parfois des choix sans pour autant connaître le patient, son mode de vie, son quotidien, le milieu dans lequel il évolue [2]. D’autre part, elle exige de la part du kinésithérapeute une bonne technicité, une grande patience, parfois un travail d’écoute, et d’orientation secondaire vers des professionnels de santé en cas de dépistage de complications annexes.
Prise en charge chirurgicale en urgence : les priorités
Les buts de la chirurgie sont d’appliquer les principes du « Tout en un temps – Rééducation précoce ». L’enjeu principal est d’éviter les adhérences tendineuses et articulaires d’un segment atteint tout en maintenant intactes les réparations des différents tissus selon un schéma classique : os-vascularisation-innervation-moteurs (tendons)-couverture cutanée.
La revascularisation, si elle a été nécessaire, est le second point pouvant conduire à différer la kinésithérapie. Une fois le segment concerné stabilisé vasculairement, soit à compter du 12e jour postopératoire, il n’y a a priori plus de contrainte. Une mobilisation trop précoce serait délétère et pourrait entraîner un lâchage des sutures microchirurgicales. Les discussions entre professionnels sont impératives pour savoir quels sont ces risques potentiels : une lésion artérielle au niveau du poignet, par exemple, n’est absolument pas un obstacle à une mobilisation des rayons digitaux. À l’inverse, une réparation de multiples pédicules vasculaires n’engage pas une rééducation précoce de tendons fléchisseurs sur un même rayon.
Les réparations nerveuses ne sont, quant à elles, pas forcément un obstacle à une prise en charge de rééducation précoce. Tout dépend des habitudes du chirurgien et de la qualité du tissu neurologique et de sa perte de substance. En cas d’absence de suture microchirurgicale en tension, une mobilisation précoce peut-être entamée [3]. Si la suture est en tension ou a dû bénéficier d’une greffe ou d’un neurotube, on peut décider de différer la kinésithérapie de deux à trois semaines.
Les pertes de substance cutanée nécessitent souvent la réalisation de lambeau de couverture ou de greffe de peau. En cas de lambeau local, celui-ci n’empêche souvent pas la possibilité de mobilisation, y compris en cas de zone donneuse laissée en cicatrisation dirigée, qui s’adaptera souvent très bien à la mobilisation et évitera ainsi la création de bride secondaire. Les principales difficultés d’une rééducation sont liées à la présence de lambeau à distance, comme le lambeau inguinal de Mc Gregor, qui n’est cependant qu’une solution d’attente de sauvetage sur de grandes pertes de substance de la main complexe, mais qui doit permettre dans sa réalisation une mobilisation de son pédicule pour avoir un accès au nursing infirmier et à une éventuelle rééducation de la main.
Prise en charge kinésithérapique en postopératoire
Comment définir les priorités ?
Le rééducateur doit préserver la mobilité des segments « mobilisables » sans nuire à la cicatrisation. Parallèlement, le patient bénéficie d’un protocole thérapeutique postopératoire antalgique de palier 1 à 3, couplé éventuellement à une analgésie par cathétérisme périnerveux. L’antalgie permet au patient de supporter physiquement et psychiquement les soins postopératoires.
Le rééducateur, idéalement spécialisé, doit pour faire travailler le patient ôter les pansements (minimalistes pour éviter d’entraver le mouvement ainsi que l’aveuglement des pulpes digitales), surveiller l’état de la peau (cicatrisation, zone d’infection, car il n’est pas rare d’avoir des plaies sales), et mobiliser la main et les doigts avec des gants (figure 29.1).

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