29: Mélanome et autres cancers de la peau

Chapitre 29


Mélanome et autres cancers de la peau





Mélanome





Épidémiologie: Selon les estimations actuelles, un diagnostic de mélanome est posé chez 1 homme sur 39 et chez 1 femme sur 58 au cours de leur vie. Chaque année aux États-Unis, environ 62 000 nouveaux cas de mélanome invasif sont détectés, et 8400 patients meurent de mélanome. L’incidence croissante est attribuée à l’augmentation de l’exposition au soleil, surtout en début de vie. Le mélanome est la principale cause de décès par maladie maligne cutanée, et représente 1 à 2 % de tous les décès par cancer aux États-Unis. Le mélanome affecte tous les groupes d’âge ; l’âge médian au diagnostic est de 50 ans. Le mélanome est essentiellement une maladie des Blancs, avec une très faible incidence chez les Afro-Américains, les Asiatiques et les Hispaniques.



Physiopathologie: L’exposition au soleil, en particulier aux ultraviolets (UV), a été fortement impliquée comme facteur causal dans le développement du mélanome. La tumeur dérive de mélanocytes, qui sont principalement situés dans la couche basale de l’épiderme. Ces cellules utilisent l’enzyme tyrosinase pour synthétiser le pigment mélanique, qui sert à protéger contre les rayons UV. Dans le monde, l’incidence du mélanome chez les Blancs est corrélée inversement avec la latitude ; c’est-à-dire que la fréquence est plus élevée à proximité de l’équateur et moindre près des pôles.



Facteurs de risque: Les facteurs de risque pour le mélanome sont : des antécédents familiaux de mélanome, un mélanome antérieur ou un cancer de la peau autre que le mélanome, une prédisposition génétique et l’exposition solaire. Le mélanome est plus fréquent chez les personnes qui ont un teint clair, des cheveux blonds ou roux, des yeux bleus et des taches de rousseur et qui ont tendance à brûler plutôt qu’à bronzer. Le mode d’exposition au soleil peut aussi être important ; une exposition intermittente intense, plutôt qu’une exposition à long terme, constitue un risque plus élevé.


Les personnes ayant grand nombre de nævus, qu’ils soient typiques, bénins, atypiques ou dysplasiques (fig. 29-1 et 29-2), ont également un risque accru de mélanome. Les atypiques ou les dysplasiques sont des précurseurs de mélanome et servent de marqueurs d’augmentation du risque. Par exemple, les individus avec des nævus dysplasiques courent un risque de 6 % de développer durant leur vie un mélanome, et ce risque atteint 80 % chez les sujets qui sont porteurs de nævus dysplasiques et qui ont des antécédents familiaux de mélanome.





Génétique: Environ 10 % des patients atteints de mélanome ont des antécédents familiaux de mélanome. Plusieurs locus chromosomiques déterminent la susceptibilité au mélanome ; le plus important est p16/CDKN2A, un gène localisé sur le chromosome 9p21. Ce gène code un membre d’une classe de molécules qui jouent un rôle central dans la régulation du cycle cellulaire. Parmi les membres des familles sujettes au mélanome, 25 à 40 % présentent des mutations de ce gène. Le risque de développer un mélanome cutané chez un individu qui est porteur de CDKN2A se situe entre 30 et 90 % jusqu’à l’âge de 80 ans et varie selon la localisation géographique. Des tests révélateurs des mutations dans le locus p16/CDKN2A sont disponibles dans le commerce, mais leur utilité clinique n’a pas encore été démontrée. La variabilité génétique du récepteur de la mélanocortine-1 (MC1R, pour melancortin-1 receptor) joue un rôle clé dans la pigmentation de la peau et des cheveux, et a été récemment impliqué dans la prédisposition au mélanome.


Les mutations somatiques dans le mélanome primitif et métastatique concernent principalement la voie de la MAP-kinase (mitogen activated protein kinase). Environ 40 % des mélanomes ont des mutations activatrices de B-RAF, et 10 à 15 % sont liés à une mutation de N-RAS. Des études récentes ont montré que le mélanome des muqueuses, de la peau acrale, ou des extrémités (plantes des pieds, paumes des mains), et de la peau endommagée par une exposition chronique au soleil (mélanome de Dubreuilh ou LMM pour lentigo malignant melanoma) présente des mutations fréquentes de c-kit. Ainsi, des altérations génétiques distinctes sont observées dans les mélanomes primitifs selon leur localisation anatomique et l’étendue de l’exposition solaire. La découverte de mutations somatiques dans le mélanome et de leur association à des anomalies dans des voies de transduction du signal a tracé des pistes pour le développement de thérapies moléculaires ciblées pour les patients atteints de mélanome avancé.



Manifestations cliniques: La détection et l’identification précoces du mélanome sont essentielles pour améliorer la survie. Au début, un mélanome se manifeste par une lésion pigmentée. En général, il s’agit d’un changement dans la forme, la couleur ou la surface d’un grain de beauté ; la plupart des patients signalent, en effet, l’existence d’un nævus sur le site où se développe le mélanome. Des démangeaisons, une sensation de brûlure ou une douleur dans une lésion pigmentée devraient augmenter les soupçons, bien que souvent les mélanomes n’entraînent pas de gêne locale. Un saignement et une ulcération sont des signes de mélanome plus avancé. La plupart des mélanomes sont bruns avec diverses nuances, mais ils peuvent être noirs, bleus ou roses. Les critères d’identification d’un mélanome sont rappelés par les lettres ABCDE pour asymétrie, irrégularité des bords (border irregularity), variation de couleur (color variation), diamètre supérieur à 6 mm, évolution ou changement dans une lésion cutanée.


Le mélanome cutané a été divisé en quatre sous-types. Le mélanome superficiel extensif, qui représente 70 % des mélanomes, peut survenir dans n’importe quel site anatomique (fig. 29-3). Le mélanome de Dubreuilh, qui représente 4 à 10 % des mélanomes, tend à se développer plus fréquemment sur une peau exposée chroniquement au soleil chez des patients âgés, souvent sur la tête et le cou (fig. 29-4) ; il apparaît comme une lésion maculaire (plate) qui se développe à partir d’un lentigo malin. Le mélanome nodulaire (fig. 29-5) représente 15 à 30 % des mélanomes et se manifeste comme une lésion surélevée ou polypoïde qui s’agrandit rapidement, souvent de couleur bleue ou noire. Pour les mélanomes nodulaires, la règle ABCDE n’est pas toujours fidèlement respectée. Le mélanome lentigineux acral se manifeste sous forme d’une lésion nodulaire ou plate de pigmentation foncée, localisée sur la paume des mains ou sur la plante des pieds, parfois sous un ongle ; le soleil ne semble pas jouer un rôle causal dans ce type de mélanome. Le sous-type histologique n’est pas directement corrélé avec le comportement clinique. Cependant, des données récentes suggèrent que le sous-type histologique peut être associé à des anomalies génétiques spécifiques.





Les mélanomes oculaires se développent à partir de la couche pigmentée de l’œil. Le mélanome de l’uvée est la tumeur maligne intraoculaire la plus fréquente de l’adulte. Les mélanomes peuvent aussi survenir à partir de sites non cutanés, comme la muqueuse du tractus gastro-intestinal, la région anorectale, l’appareil génito-urinaire ainsi que la muqueuse nasale et du nasopharynx. Les mélanomes de la vulve et du vagin sont relativement rares. En général, les mélanomes muqueux sont diagnostiqués à un stade plus avancé de la maladie. Le traitement est essentiellement chirurgical.



Diagnostic: Toute lésion cutanée évocatrice d’un mélanome doit faire l’objet d’une biopsie par excision complète, avec une marge de peau normale de 1 à 2 mm et une partie de graisse sous-cutanée. Une biopsie par incision peut être nécessaire pour les lésions trop grandes pour être excisées complètement. Des biopsies superficielles au rasoir, un curetage, la cryochirurgie, le laser et l’électrodessication sont contre-indiqués en cas de lésions évocatrices de mélanome. Les lésions qui peuvent être confondues avec un mélanome sont : un nævus bleu, un carcinome basocellulaire pigmenté, une kératose séborrhéique et un hémangiome (tableau 29-1).




Facteurs pronostiques: Comme pour la plupart des cancers, le pronostic d’un mélanome dépend du stade et de l’étendue de la maladie au moment du diagnostic. Pour un mélanome localisé, le facteur pronostique le plus important est l’implication des ganglions lymphatiques régionaux. Quant au facteur pronostique lié à la tumeur primitive, le plus important est la profondeur de l’invasion (épaisseur de Breslow), qui est mesurée en millimètres à partir de la couche externe de l’épiderme jusqu’au derme sous-jacent. Une épaisseur croissante est associée à un risque accru de récidive, d’implication des ganglions régionaux et de mort à cause du mélanome. Les patients dont le mélanome a moins de 1 mm d’épaisseur ont un taux de survie à 10 ans d’environ 80 à 90 %, alors que ce taux est ramené à 40 à 50 % lorsque l’épaisseur est supérieure à 4 mm. D’autres facteurs de mauvais pronostic lié au mélanome primitif comprennent la présence d’une ulcération, le caractère plus étendu de l’invasion (niveau de Clark), un taux mitotique élevé et la présence de satellites microscopiques. L’implication de ganglions régionaux (stade III) a un impact majeur sur la survie, avec des taux de survie à 5 ans allant de 20 à 70 %, selon le nombre de ganglions lymphatiques atteints. Le pronostic des mélanomes semble meilleur lorsqu’ils se développent sur un membre ; il tend également à être plus favorable chez les femmes que chez les hommes.


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May 6, 2017 | Posted by in IMAGERIE MÉDICALE | Comments Off on 29: Mélanome et autres cancers de la peau

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