21: Tumeurs du foie et des voies biliaires

Chapitre 21


Tumeurs du foie et des voies biliaires




Les tumeurs du foie et des voies biliaires constituent un groupe hétérogène de tumeurs bénignes et malignes qui se développent dans les épithéliums et les différents types de stroma du foie. Divers cancers d’autres tissus métastasent dans le foie, s’étendent ou métastasent dans le voisinage des voies biliaires, mais toutes les tumeurs du foie ou des voies biliaires ne sont pas malignes (tableau 21-1).




Évaluation des masses hépatiques




Approche diagnostique


Les tumeurs hépatiques peuvent être classées comme bénignes ne nécessitant habituellement qu’une simple observation, comme bénignes mais nécessitant une évaluation et un traitement, ou comme malignes nécessitant une prise en charge appropriée (voir tableau 21-1). La démarche clinique requiert une anamnèse attentive, un examen physique, des analyses de laboratoire et une imagerie appropriée ; elle peut aussi faire appel à une biopsie hépatique pour confirmation histologique. Le traitement optimal doit tenir compte de l’âge du patient et des comorbidités (fig. 21-1).




Antécédents et examen physique


En raison de l’utilisation croissante des techniques d’imagerie pour l’évaluation des symptômes abdominaux, de nombreuses tumeurs du foie sont découvertes fortuitement à la suite d’examens réalisés à l’occasion de maladies non hépatiques, comme une gêne ou des douleurs abdominales. Une gêne dans le quadrant supérieur droit est souvent non spécifique et inutile dans l’évaluation des masses hépatiques. Néanmoins, de grandes tumeurs peuvent distendre la capsule du foie et causer de la douleur, parfois référée à l’épaule droite. Les patients peuvent aussi souffrir d’épisodes de douleur aiguë, sévère, conséquence d’un saignement dans un adénome hépatique, un cancer primitif du foie ou le tissu hépatique entourant la lésion. Les patients atteints d’un cancer avancé et de métastases lymphatiques régionales peuvent se plaindre de douleurs épigastriques.


Les patients atteints d’un cancer hépatique, primitif ou métastatique, consultent souvent pour des symptômes généraux, tels que sueurs nocturnes, fièvre modérée, perte de poids involontaire, anorexie et diarrhée. Aux États-Unis, les tumeurs malignes du foie les plus fréquentes sont des métastases d’autres cancers primitifs : œsophagien, gastrique, colique, pancréatique, mammaire, pulmonaire, neuroendocrine, rénal, vésical et cutané. Les patients atteints de carcinome hépatocellulaire ont souvent des symptômes liés à la maladie hépatique sous-jacente, comme la fatigue de l’hépatite chronique ou d’une ascite, une péritonite bactérienne spontanée, une hémorragie variqueuse ou une encéphalopathie hépatique conséquence d’une cirrhose avec hypertension portale. Les patients atteints de cholangiocarcinome peuvent être ictériques à la suite d’une sténose ou souffrir d’épisodes de cholangite aiguë sur fond de cholangite sclérosante primitive ou secondaire.


Lorsqu’ils sont disponibles, d’anciens clichés d’imagerie du foie peuvent être utiles pour déterminer si la lésion est nouvelle ou en train de croître. Les caractéristiques du patient – âge, sexe, antécédents d’utilisation de contraceptifs oraux (associée à une incidence accrue d’adénomes hépatiques), résidence géographique, antécédents de voyage (utiles dans les cas d’abcès amibien du foie et de kystes hydatiques), consommation d’alcool et comorbidités (par exemple l’association entre hépatite chronique ou cirrhose du foie et carcinome hépatocellulaire ; association entre colite ulcéreuse ou cholangite sclérosante primitive et cholangiocarcinome) – peuvent également fournir des indices menant au diagnostic.


À l’examen clinique, les patients atteints d’une maladie hépatique chronique ont généralement des signes cutanés (angiomes stellaires et érythème palmaire), une splénomégalie et un élargissement bilobaire du foie ou une hypertrophie du lobe caudé. Un souffle abdominal peut aussi être perçu à hauteur d’un carcinome hépatocellulaire vasculaire. Les patients ayant des métastases peuvent avoir des adénopathies périphériques ou intra-abdominales ou une carcinose péritonéale palpable. La jaunisse, un œdème périphérique et l’ascite sont des caractéristiques non spécifiques qui peuvent être liées à une maladie hépatique bénigne ou maligne.



Résultats de laboratoire


Des analyses de laboratoire sont souvent utiles pour l’identification de la nature d’une tumeur hépatique ou de la cause sous-jacente. Les signes biologiques de maladie chronique du foie sont les suivants : thrombopénie ; taux élevés des transaminases sériques (taux élevés dans une maladie hépatique inflammatoire active ou maladie néoplasique infiltrante), de la phosphatase alcaline et de la bilirubine (nettement élevée en cas d’obstruction des voies biliaires par une tumeur biliaire ou par effet de masse) ; taux faible d’albumine sérique avec élévation du temps de prothrombine (anormal en cas de maladie chronique du foie). Les marqueurs viraux (par exemple antigène de surface du virus de l’hépatite B et anticorps correspondants, antigène e et anticorps de l’hépatite B, ADN du virus de l’hépatite B, anticorps de l’hépatite C et ARN du virus de l’hépatite C), des études du fer et des marqueurs d’auto-immunité (par exemple anticorps antimitochondries, anticorps antinucléaires et anticorps antimuscles lisses) aident souvent à l’identification de la cause de la maladie chronique du foie. Enfin, les marqueurs tumoraux comme l’α-fœtoprotéine (AFP ; carcinome hépatocellulaire), le CA-19-9 (cholangiocarcinome), l’antigène carcino-embryonnaire (métastases d’origine colorectale ou cholangiocarcinome) et la lactate déshydrogénase (lymphome) ont une sensibilité et une utilité variables comme tests de dépistage, mais peuvent être utiles pour confirmer le diagnostic ou estimer le pronostic.



Tumeurs hépatiques bénignes communes



Hémangiome caverneux





Manifestations cliniques: Les hémangiomes caverneux sont généralement asymptomatiques, bien que de grands hémangiomes sous-capsulaires puissent causer une gêne ou des douleurs abdominales. La thrombose d’un hémangiome géant (> 10 cm) peut provoquer des symptômes inflammatoires généraux tels que fièvre, perte de poids et anémie.


Rarement, de grands hémangiomes sont associés au syndrome de Kasabach-Merritt, qui touche avant tout les nourrissons. Il s’agit d’une coagulation intravasculaire locale ou disséminée avec thrombopénie, hypofibrinogénémie et augmentation des produits de dégradation de la fibrine. La plupart des hémangiomes caverneux restent stables et ne subissent pas de transformation maligne. Compte tenu de leur forte prévalence, une rupture d’hémangiome caverneux est extrêmement rare.



Diagnostic:



Imagerie: Les hémangiomes caverneux hépatiques présentent en imagerie des caractéristiques particulières. À l’échographie, ils sont hyperéchogènes de manière homogène, bien circonscrits, avec des bords lisses, mais, en cas de stéatose hépatique, ils peuvent apparaître hypoéchogènes. Certains résultats sont atypiques, montrant des lésions hypoéchogènes entourées d’une mince bordure hyperéchogène ou d’une enveloppe épaisse et festonnée.


En tomodensitométrie (TDM) dynamique multiphasique, sur les clichés non amplifiés par produit de contraste, les hémangiomes paraissent moins denses que les tissus voisins (hyposignal) ; avec produit de contraste, on constate, durant la phase artérielle, un rehaussement périphérique avec un remplissage centripète plus tardif de la lésion. En imagerie par résonance magnétique (IRM) avec gadolinium, les hémangiomes sont homogènes, de faible intensité sur les images pondérées en T1, alors que les séquences pondérées en T2 montrent des lésions nettement délimitées et de forte intensité. Comme en TDM, dans la phase artérielle, le rehaussement périphérique se manifeste et le remplissage centripète apparaît dans les clichés tardifs.


La scintigraphie avec globules rouges marqués au technétium-99 m est très spécifique des hémangiomes. Elle montre une faible perfusion sur les images précoces et une forte concentration de l’isotope remplissant complètement la lésion sur les images tardives. Les grands hémangiomes qui se compliquent de fibrose, de thrombose ou d’hémorragie peuvent se remplir incomplètement lors des études avec produit de contraste ou avec le technétium-99 m.


Puisque les résultats de l’imagerie sont souvent caractéristiques, une biopsie est rarement nécessaire pour confirmer le diagnostic. Celle-ci est parfois utile pour de petites lésions indéterminées ou lorsque des lésions importantes contiennent des cicatrices et des aspects atypiques. L’examen histologique montre un réseau d’espaces vasculaires bordés de cellules endothéliales et séparés par une mince stroma fibreux. Les grands hémangiomes peuvent être partiellement thrombotiques, cicatriciels et calcifiés.




Hyperplasie nodulaire focale





Épidémiologie: Une hyperplasie nodulaire focale se développe principalement chez les femmes en âge de procréer. La relation avec l’utilisation de contraceptifs oraux est controversée ; certaines études suggèrent une association entre l’utilisation à long terme de contraceptifs oraux et une hyperplasie nodulaire focale et des complications comme l’hémorragie ou un infarctus. Toutefois, l’arrêt de la contraception orale ne mène habituellement pas à la résolution de l’hyperplasie nodulaire focale. Il existe une prédominance féminine allant de 2 : 1 à 4 : 1, et les lésions sont habituellement diagnostiquées chez des femmes âgées de 20 à 50 ans. Les hyperplasies nodulaires focales sont parfois multiples (10 à 20 %), ou accompagnent des hémangiomes caverneux (20 %).




Diagnostic: À l’échographie, les hyperplasies nodulaires focales peuvent être aussi bien hypoéchogènes, hyperéchogènes ou isoéchogènes, mais elles sont le plus souvent hypoéchogènes, à l’exception de la cicatrice centrale. L’examen Doppler montre fréquemment un flux sanguin dans la cicatrice stellaire centrale.


En TDM dynamique, sans produit de contraste, les hyperplasies nodulaires focales sont de même densité (isoatténuées) ou légèrement moins denses (hypoatténuées) que les tissus voisins. Avec un produit de contraste, on constate un rehaussement rapide et intense au cours de la phase artérielle et, durant la phase veineuse, une perte rapide du contraste qui s’échappe de la lésion, la densité de celle-ci redevenant la même que celle des tissus voisins (iso-intense). Une cicatrice avasculaire centrale est souvent perçue, parfois avec une artère nourricière s’insinuant au milieu de la lésion.


À l’IRM avec contraste, les lésions sont iso-intenses sur les images pondérées en T1 et restent iso-intenses ou sont légèrement hyperintenses sur les images pondérées en T2. La cicatrice centrale est en hyposignal sur les images pondérées en T1, mais hyperintenses sur les images pondérées en T2. Comme dans la TDM avec contraste, le rehaussement rapide et intense au temps artériel se dissipe rapidement. En règle générale, la cicatrice centrale émet un signal bas sur les images pondérées en T1 et est rehaussée avec le contraste.


La scintigraphie au soufre colloïdal marqué au technétium-99 m est parfois utilisée pour la caractérisation des hyperplasies nodulaires focales. Une absorption hyperintense ou iso-intense se produit dans 50 à 70 % des hyperplasies nodulaires focales en raison de l’absorption par les cellules de Kupffer. En revanche, la plupart des adénomes hépatiques ne contiennent pas de cellules de Kupffer et ne peuvent donc pas capter le soufre colloïdal. Des agents spécifiques des cellules de Kupffer pour IRM comme le férumoxide sont absorbés par les cellules de Kupffer et entraînent une perte significative de l’intensité du signal sur les images pondérées en T2 rehaussées par le férumoxide, ce qui peut aider à distinguer une hyperplasie nodulaire focale d’un adénome hépatique et d’un carcinome hépatocellulaire.


Le diagnostic repose habituellement sur des examens radiologiques, une biopsie étant rarement nécessaire. Quand un diagnostic histologique d’hyperplasie nodulaire focale est nécessaire, la biopsie doit être pratiquée au moyen d’un trocart, car des aspirations à l’aiguille fine peuvent ne montrer que des hépatocytes d’apparence bénigne aussi bien dans une hyperplasie nodulaire focale que dans un adénome hépatique. L’examen histopathologique montre un parenchyme hépatique bénin avec des canalicules biliaires au milieu de septums fibreux.




Adénome hépatique





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May 6, 2017 | Posted by in IMAGERIE MÉDICALE | Comments Off on 21: Tumeurs du foie et des voies biliaires

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