Expertises pour le juge des enfants
En France, le juge des enfants a un statut d’autant plus particulier qu’il intervient à la fois comme juge pénal et comme juge civil. Sa compétence en matière pénale repose sur l’ordonnance du 2 février 1945 et en matière civile sur celle du 23 décembre 1958, traduite actuellement dans la définition de l’article 375 du Code civil permettant la mise en œuvre de diverses mesures d’assistance éducative lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur sont en danger ou encore si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises. Dans le premier comme dans le second cadre, le magistrat peut faire appel à un technicien et parmi ceux-ci l’expert psychiatre ou psychologue est très fréquemment convoqué (Martin, Nezelof, 2011).
Le juge des enfants et les situations de délinquance
Dans ce cadre, le juge des enfants a le rôle du juge d’instruction pour les majeurs. Il peut être saisi de diverses infractions et avoir besoin d’une expertise aussi bien pour l’éclairer sur la situation de l’auteur que de la victime éventuelle (Durand, 2007). Les critères procéduraux qui s’appliquent à l’expertise sont ceux qui figurent aux articles 157 et suivants du Code de procédure pénale. On retient cependant que la demande d’expertise est ici systématique compte tenu de la minorité de l’auteur. Les questions posées à l’expert sont à priori identiques à ce qu’elles sont pour les majeurs. Les aspects propres aux mineurs ont trait au stade de son développement ainsi qu’à des aspects liés à l’obligation pour le juge de prendre en compte la personnalité du mineur et les moyens appropriés à sa rééducation comme l’indiquait déjà l’article 8 de l’ordonnance du 12 février 1945.
Le juge des enfants peut également diligenter une expertise de la victime dont les conditions auraient dû être notablement modifiées à la suite du procès d’Outreau et du rapport qui y a succédé (Rapport Viou, 2005). Ce rapport a donné lieu à une circulaire du 2 mai 2005 qui exclut en principe la question sur la crédibilité, ce qui malheureusement n’est pas toujours suivi dans toutes les missions qui sont confiées aux experts dans ce cadre.
Le juge des enfants et l’assistance éducative
La part la plus importante de la mission du juge des enfants repose sur les dispositions précitées de l’article 375 du Code civil. Saisi à la suite d’un signalement faisant soupçonner une situation de danger actuel ou imminent, le juge a des pouvoirs larges qui s’imposent au mineur, à la famille, mais également à diverses institutions lorsqu’un placement est nécessaire. Le juge s’appuie en général sur une enquête approfondie, d’investigation et d’orientation éducative, ainsi que sur les résultats d’une expertise confiée à un psychiatre spécialisé ou à un psychologue. L’expert, désigné par le juge, a l’impression de se trouver dans une situation procédurale superposable à celle d’une demande émanant d’un juge pénal. Il n’en est rien. L’assistance éducative est une mesure d’ordre civil. S’y appliquent donc les dispositions du Code de procédure civile, notamment en ce qui concerne le respect du contradictoire. Dans la mesure où la plupart du temps il n’existe pas réellement deux parties s’opposant dans un procès très conflictuel, il est rare que l’on reproche à l’expert des fautes de procédure, mais cela est toujours possible. De plus en plus les parents peuvent contester la décision du juge, s’entourer des conseils d’un avocat. Il n’est d’ailleurs pas exclu que le mineur lui-même puisse se voir désigner son propre avocat. Certes, le juge ne vient pas trancher un conflit entre les parents comme le fait le juge aux affaires familiales, mais l’expertise est un des éléments qui lui permet de prendre une décision autoritaire de retrait de l’enfant de son milieu ou de poursuite d’un placement auprès d’un tiers (famille d’accueil, institution, etc.). Les risques de contestation ne sont donc pas exclus et leurs conséquences ne sont pas anodines.