22: Vitrectomie

Chapitre 22 Vitrectomie




Générateurs de vitrectomie



image PRINCIPES GÉNÉRAUX


Depuis les premiers appareils de vitrectomie développés dans les années soixante-dix par Machemer et Parel [12,13], suivis de très près par Kloti, les principes généraux de fonctionnement restent d’actualité (tableau 22-I). L’appareil de vitrectomie doit délivrer des cycles aspiration-coupe efficaces en préservant la rétine, le cristallin et en compensant les volumes prélevés en instantané avec maintien d’une pression intraoculaire constante. Les chirurgiens qui rencontreront des situations opératoires critiques doivent pouvoir contrôler leur appareil de vitrectomie en modulant plusieurs paramètres, facilitant une vitrectomie sécurisée.


Tableau 22-I – Vitrectomie : repères chronologiques.



























Début 1970 Machemer et Klöti « inventent » le concept de vitrectomie par la pars plana
1974 Naissance du 20 G (O’Malley et Heintz)
1974 Recommandation d’usage de canules préservant la base du vitré (Kloti)
1990 Naissance du 25 G (de Juan et Hickingbotham), utilisation pédiatrique
1995 Première présentation du 23 G (Singh et al.)
2002 Premier système intégré avec microtrocart et canules (Fujii)
2004 Premier système intégré 23 G (Eckardt)
2008 Première présentation du 27 G (Tano)

Si les principes mêmes des appareils de vitrectomie ont peu changé depuis leur origine, la miniaturisation des sondes a considérablement modifié la pratique de la vitrectomie (tableau 22-II). À partir de 1974, grâce à l’utilisation d’une infusion séparée, la vitrectomie 20 G se développa et devint le standard de référence [15]. À partir de 1990, de Juan et Hickingbotham proposèrent un standard 25 G recommandé à l’origine pour la chirurgie pédiatrique [2,22]. En 1993, Singh et al. présentèrent un système de vitrectomie en 23 G lui aussi réservé à certaines indications « ambulatoires au cabinet » [19]. Il a fallu attendre 2002 pour que le standard 25 G se développe grâce à la mise au point des microtrocarts et des canules par Fujii et al.[5]. En 2004-2005, Eckardt introduisit un système complet de vitrectomie en 23 G qui a démontré sa sécurité et son efficacité [3]. Plus récemment, Tano et al. ont développé un système de vitrectomie en 27 G [16].


Tableau 22-II – Correspondance gauges/millimètres.
























Gauges Diamètre externe
17 G 2,3 mm
19 G 1,1 mm
20 G 0,9 mm
23 G 0,6 mm
25 G 0,5 mm
27 G 0,4 mm


image SYSTÉMES D’ASPIRATION


Il est difficile de décrire les caractéristiques d’une aspiration en la séparant de l’infusion avec laquelle elle forme un couple. La compréhension de ces mécanismes justifie un rappel sommaire en dynamique des fluides.


Les équations fondées sur la conservation des masses sont applicables pour des liquides incompressibles.


L’équation de Bernoulli permet de décrire le débit entrant et sortant de l’œil :


image, avec : V, vitesse du liquide ; g, accélération gravitationnelle ; h, hauteur d’élévation ; p, pression ; d, densité du fluide.


Cette équation confirme l’importance des trois éléments majeurs que sont la vitesse, la gravité, la pression. L’énergie tout au long de la ligne reste constante.


Pour des liquides visqueux comme pour le BSS, une partie de l’énergie du liquide est perdue en chaleur et doit être prise en compte dans l’équation :



image



< equation >


Les pertes sont le résultat des frottements, du changement de diamètre de l’infusion.


Si on considère que la vitesse dans la bouteille est voisine de zéro, que la hauteur de l’œil est à zéro et que les pertes dépendant du flux et de la vitesse du fluide dans la bouteille sont proches de zéro, l’équation peut se simplifier en :




image



Si l’équation de Bernoulli décrit comment s’écoule un fluide le long d’une tubulure, la loi de Poiseuille modélise le débit d’un liquide visqueux incompressible au travers d’une tubulure de diamètre constant :


image, avec : Q, débit ; V, vitesse du fluide ; A, surface de la lumière ; R, rayon interne ; P, pression différentielle ; D, viscosité du fluide (dynamique) ; L, longueur.


Cette loi de Poiseuille souligne l’importance du rayon interne sur le débit. La réduction de moitié du rayon diminue le débit par seize. La réduction de diamètre d’une sonde nécessite pour conserver le débit d’augmenter considérablement la pression différentielle. Cette loi permet également de comprendre le différentiel positif entre infusion et aspiration simplement lié à la différence de longueur entre canule d’infusion et sonde de vitrectomie.


Sur un plan pratique et de façon très schématique on retiendra les points suivants.


Le vitré, composé de 98 % d’eau et de 2 % de protéines, a une structure hybride qui doit le faire considérer comme une substance intermédiaire entre un corps solide et un liquide. Les différentes substances rencontrées en cours de vitrectomie (BSS, sang, membranes épirétiniennes, fibrose, perfluorocarbone, air, silicone) ont des viscosités hétérogènes et sont des facteurs d’instabilité des paramètres d’aspiration et d’infusion.


Le débit dans le vitréotome est fonction de différents facteurs, en particulier le diamètre d’ouverture du vitréotome, le temps d’ouverture de la fenêtre du vitréotome par cycle (duty cycle), l’aspiration, la viscosité du vitré, les caractéristiques de la pièce à main du vitréotome (diamètre interne, surface de la fenêtre, mouvement du couteau, mécanisme électrique ou pneumatique). Pour des pièces à main de différents standards (20 G, 23 G, 25 G), Hubschman et al. ont montré que les débits se réduisent parallèlement à la réduction de diamètre des instruments [8]. Pour des pièces à main électriques, le débit augmente parallèlement à la fréquence de coupe, tandis qu’il décroît dans l’utilisation de pièces à main pneumatiques classiques [14]. Récemment, il a été développé une nouvelle pièce à main pneumatique en 25 G qui augmente le temps relatif d’ouverture du vitréotome par cycle, permettant d’obtenir un débit qui s’accélère avec la vitesse de coupe (Fang et al.[4]).


Deux systèmes d’aspiration sont utilisés sur les appareils de vitrectomie. Les habitudes créées par l’usage confèrent des préférences pour l’un ou l’autre des deux systèmes, qui peuvent s’exprimer selon un mode passionnel par leurs utilisateurs. Aucun des deux systèmes n’a fait réellement la preuve de sa supériorité. La combinaison des deux systèmes ou le choix du type de pompe par l’utilisateur sont proposés sur les appareils récents.


Quel que soit le type de pompe utilisé, la traction exercée sur le vitré est un élément très important à prendre en compte dans la vitrectomie. L’objectif est d’être efficace, c’est-à-dire d’engager suffisamment de matériel vitré, membranes ou autres dans la fenêtre du vitréotome avant de le sectionner, sans créer de lésion rétinienne. Les phénomènes de traction font intervenir des éléments multifactoriels, tels que la pression différentielle à l’ouverture du vitréotome, la configuration de l’ouverture du vitréotome, le débit d’aspiration, la vitesse de coupe, les mouvements de la guillotine, la nature du tissu au contact de l’ouverture du vitréotome.






image SYSTÈMES DE COUPE


Les systèmes à guillotine électrique ou pneumatique sont le plus communément utilisés. Ils fonctionnent tous selon le même principe. Le vitréotome est constitué par un tube dont le diamètre externe définit le standard (20 G, 23 G, 25 G, respectivement 0,9 mm, 0,6 mm, 0,5 mm). Ce tube présente une fenêtre latérale à son extrémité par laquelle se fait l’aspiration. À l’intérieur de ce tube se déplace un couteau avec un mouvement de piston qui sectionne le tissu incarcéré dans la fenêtre. Le système crée un cycle alternatif aspiration-coupe, le couteau en remontant libérant l’aspiration.


Un système pneumatique à lame oscillante alternative a également été développé pour permettre d’atteindre des vitesses de coupe élevées en minimisant les risques d’incarcération vitréenne rencontrés avec les premiers vitréotomes développés par Machemer et Parel au début des années soixante-dix.


Le développement et la généralisation des nouveaux standards de vitrectomie en 23 G et 25 G ont permis de faire progresser considérablement les pièces à main (système de coupe) en rapprochant la fenêtre d’aspiration de l’extrémité de la sonde, en renforçant leur rigidité et en accroissant leur tolérance à des vitesses de coupe de plus en plus élevées.



SYSTÈME ÉLECTRIQUE ET SYSTÈME PNEUMATIQUE, VITESSE DE COUPE ET EFFICACITÉ


Les mouvements alternatifs du couteau dans la pièce à main peuvent être sous le contrôle d’un moteur électrique ou d’un système pneumatique.


Les systèmes électriques de coupe sont utilisés couramment en 20 G et 25 G. Une transmission sinusoïdale transforme le mouvement rotatif d’un moteur électrique en un mouvement linéaire. La courbe du mouvement de la guillotine reste constante même en grande vitesse. Le cycle d’efficacité de la pièce à main, qui correspond à la durée relative d’ouverture de la fenêtre d’aspiration, est constant et égal à 50 %, quelle que soit la vitesse de coupe. Cette technicité permet d’atteindre des vitesses de coupe de l’ordre de 1 800 sections par minute. La limitation théorique de ce système ne devrait pas permettre de dépasser 2 500 sections par minute.


Les systèmes pneumatiques utilisent dans la majorité des cas des impulsions d’air délivrés par la machine de vitrectomie qui provoquent la fermeture du couteau, la réouverture étant sous la dépendance d’un système à ressort passif (fig. 22-1). La principale limitation de ce système concerne le cycle d’efficacité du vitréotome, avec une durée relative d’ouverture de la fenêtre d’aspiration qui diminue lorsque la fréquence augmente, la durée de fermeture étant constante. Cette réduction d’efficacité peut être utilisée pour réduire le flux de la sonde de vitrectomie à aspiration constante (fig. 22-2).




Une des avancées majeures dans l’évolution des pièces à main est représentée par les systèmes pneumatiques à double ligne d’impulsion d’air (fig. 22-3). Ils permettent le contrôle actif de l’ouverture et de la fermeture de la fenêtre d’aspiration sur des sondes oscillantes alternatives (20 G) et, plus récemment, sur des sondes à guillotine (20 G, 23 G, 25 G). Ce mécanisme contrôle le temps d’ouverture de la sonde et autorise des vitesses de coupe de 5 000 coups par minutes en maintenant un cycle d’efficacité comparable ou supérieur aux systèmes électriques.




À aspiration fixe, plus la vitesse de coupe est rapide plus la quantité de vitré qui s’engage dans la fenêtre du vitréotome entre deux coupes est réduite.


Pour une vitesse de coupe fixe, plus l’aspiration augmente plus la quantité de vitré incarcéré entre chaque coupe est importante.


La miniaturisation des standards tend à faire augmenter l’aspiration et à réduire la vitesse de coupe pour conserver l’efficacité et contrôler la durée de vitrectomie, en particulier avec le standard 25 G. Cette situation peut amener des tractions vitréennes inopportunes mais s’est améliorée avec le développement de nouvelles sondes de vitrectomie augmentant le temps d’ouverture de la sonde, particulièrement sensible à grande vitesse de coupe.



MODULARITÉ ASPIRATION-VITESSE DE COUPE LINÉAIRE ET BILINÉAIRE


Deux approches différentes pour contrôler ce couple vitesse de coupe-aspiration sont proposées en fonction des machines de vitrectomie.


La vitesse de coupe choisie par l’opérateur est fixe, l’aspiration est contrôlée linéairement à la pédale. L’utilisation simple et intuitive s’apparente à la conduite automobile. Des sous-programmes permettent de préfixer des vitesses de coupe différentes adaptées à chacun des temps de vitrectomie ; par exemple, en 20 G : pour le temps de vitrectomie centrale, la vitesse de coupe est aux environs de 800 coupes par minute avec aspiration linéaire entre 0 et 400 mm Hg d’aspiration ; pour la vitrectomie périphérique ou sur rétine mobile, vitesse de coupe accélérée (plus de 1 500 coupes par minute) et aspiration linéaire entre 0 et 150 mm Hg.


La bilinéarité permet un double contrôle permanent entre vitesse de coupe et aspiration : l’aspiration est sous le même contrôle ; il se rajoute par un mouvement de rotation de la pédale une variation de la vitesse de coupe. Celle-ci est d’abord maximale pour diminuer progressivement avec le mouvement en rotation de la pédale, ce qui permet d’éviter des tractions dangereuses à la phase initiale de la mise en action du vitréotome. Ce double contrôle crée des mouvements plus complexes et, pour certains, moins confortables, qui expliquent l’absence de généralisation de ce type de pédalier en dépit d’avantages théoriques.


Pour les adeptes d’une pédale à un champ d’action, il existe sur certaines machines de vitrectomie des programmes conservant la linéarité d’aspiration qui est combinée à une modularité de la vitesse de coupe inversement proportionnelle. En début d’action sur la pédale, l’aspiration minimale est associée à une coupe rapide privilégiant la sécurité puis, avec l’augmentation de l’aspiration, la vitesse de coupe diminue, augmentant l’efficacité de la vitrectomie.



image INFUSION ET SYSTÈME D’IRRIGATION


L’objectif d’un système d’infusion intraoculaire performant consiste à équilibrer en temps réel toute manœuvre instrumentale réalisée en cours de vitrectomie. Le succès de tels systèmes évite toute variation de pression intraoculaire, en particulier toute hypotonie pouvant générer des complications dans la chirurgie du décollement de rétine avec les risques de dispersion pigmentaire, d’hémorragie a vacuo, d’infusion choroïdienne. Si une certaine hypertonie peut être utile, mal contrôlée elle peut entraîner des accidents ischémiques et augmente les risques d’incarcération vitréorétinienne.





image MODULES ADDITIONNELS


La prise en charge d’un décollement de rétine par vitrectomie est une chirurgie dont la planification des moyens techniques utilisés est souvent adaptée en fonction du contexte opératoire. Certaines fonctions complémentaires comme pompe à air, diathermie, pompe d’injection de produit visqueux sont indispensables. Ces modules de fonction, lorsqu’ils nécessitent l’utilisation de tubulure, auront avantage à être intégrés à la machine de vitrectomie pour éviter de multiplier tuyaux et pédaliers. Également indispensables, les modules d’endo-illumination et endolaser peuvent faire partie de l’appareil de vitrectomie ou être disponible séparément. Également très utile dans certaines situations per-opératoires, un module de phakofragmentation permet de simplifier la procédure. D’autres fonctions, telles que l’endoscopie, les ciseaux automatisés, sans être indispensables peuvent s’avérer utiles. Les caractéristiques principales de ces modules sont décrites ci-après.


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Jun 3, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 22: Vitrectomie

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