22: Tumeurs du rein, de la vessie, des uretères et du bassinet

Chapitre 22


Tumeurs du rein, de la vessie, des uretères et du bassinet





Carcinome des cellules rénales





Définition: Les cancers du rein constituent un groupe hétérogène de tumeurs, dont la plupart sont d’origine épithéliale et malignes. Le carcinome des cellules rénales (CCR), classiquement appelé carcinome à cellules claires ou hypernéphrome, comprend des entités distinctes, chacune avec un lien étroit entre morphologie et génétique. L’Organisation mondiale de la santé classe les cancers du rein sur la base de ces différences biologiques et histologiques (tableau 22-1). Le potentiel métastatique dépend du type histologique ; les plus virulents sont les carcinomes classiques à cellules claires (75 % des tumeurs totales, mais 90 % des métastases) ; les carcinomes papillaires et chromophobes sont plus indolents (20 % du total, mais 10 % des métastases) ; les oncocytomes sont bénins (5 % des tumeurs).




Épidémiologie: En 2009, on estimait qu’il y aurait plus de 49 000 nouveaux cas et environ 11 000 décès par cancer du rein aux États-Unis. Depuis 1950, l’incidence du cancer du rein a augmenté de 126 % et la mortalité annuelle de 36,5 %. L’augmentation de l’incidence du CCR peut être en partie liée à la détection précoce par la tomodensitométrie (TDM) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) de l’abdomen indiquées pour d’autres affections. La proportion entre hommes et femmes est d’environ 2:1 à 3:1, et l’augmentation de l’incidence est la plus élevée chez les Afro-Américains et la plus faible chez les Asiatiques et les insulaires du Pacifique. L’âge moyen au moment du diagnostic se situe dans les sixième et septième décennies. Mis à part la prédisposition génétique, les facteurs de risque des CCR comprennent le tabagisme, l’obésité, l’hypertension et l’utilisation de diurétiques. L’augmentation liée à la cigarette a été associée à un risque plus élevé tant chez les hommes que chez les femmes. Le risque diminue après l’arrêt du tabac, mais il faut environ 20 ans pour qu’il disparaisse. Chez les personnes obèses, le risque augmente avec l’indice de masse corporelle. Bien que le risque associé à un diurétique soit élevé, cette association est difficile à distinguer de l’augmentation du risque liée à l’hypertension. Le CCR est plus fréquent chez les patients souffrant déjà de troubles rénaux comme la maladie polykystique des reins, le rein en fer à cheval et l’insuffisance rénale chronique nécessitant une hémodialyse.



Physiopathologie: Le nouveau système de classification pour le CCR est fondé sur la nature des cellules d’origine des différents sous-types ainsi que des anomalies chromosomiques (tableau 22-2). Le carcinome classique à cellules claires représente environ 65 % des tumeurs et est censé dériver du tubule contourné proximal. Il est généralement solitaire, bien circonscrit et d’une couleur dorée due à l’abondance de lipides cytoplasmiques. Les tumeurs de haut grade contiennent moins de lipides et de glycogène. Environ la moitié des tumeurs on un aspect solide lié à une prolifération acineuse qui forme des plaques denses de cellules tumorales, le tissu étant richement vascularisé par un réseau capillaire. Les CCR papillaires représentent environ 15 % des néoplasmes rénaux épithéliaux primitifs. Dans environ 45 % des cas, les tumeurs sont bilatérales ou multiples dans le même rein. La plupart ont une morphologie hétérogène, comprenant des zones papillaires, papillaires-trabéculaires et papillaires solides, des foyers de nécrose étant fréquents. L’aspect papillaire classique, facilement reconnaissable à faible grossissement, est caractérisé par des papilles distinctes qui sont bordées par des cellules épithéliales néoplasiques et qui contiennent un axe central fibrovasculaire. Ces tumeurs sont réparties en types 1 et 2, en fonction des caractéristiques cytologiques et des différences génétiques. Les cancers chromophobes du rein représentent 5 % des tumeurs épithéliales rénales. De façon caractéristique, ces tumeurs sont solitaires et discrètes, mais non encapsulées. L’histologie typique se compose de grandes cellules rondes ou polygonales avec des bordures cellulaires bien définies et un cytoplasme légèrement basophile ; elles sont mélangées à une population plus petite de cellules polygonales à cytoplasme éosinophile. Ces tumeurs peuvent être très volumineuses au moment du diagnostic, des tumeurs résécables pouvant atteindre 23 cm.



Le carcinome à cellules claires est caractérisé par la perte de matériel génétique du bras court du chromosome 3 (3p) et par des mutations dans le gène VHL impliqué dans la maladie de von Hippel-Lindau. Chez les patients atteints de cette affection, ces pertes et mutations se retrouvent dans presque tous les cas. Les tumeurs sporadiques, plus fréquentes, ont également des mutations somatiques ou une hyperméthylation dans la même région chez environ 75 à 80 % des patients. Les tumeurs classiques à cellules claires ont une mutation dans le gène VHL, qui est inactivé par une mutation ponctuelle ou par un processus épigénétique consistant en la méthylation du promoteur de ce gène. La protéine codée par VHL est impliquée dans l’ubiquitinylation et la dégradation de l’HIF (hypoxia-inducible factor). L’inactivation de VHL a donc comme conséquence d’augmenter la concentration de l’HIF. Or, ce facteur de transcription amplifie l’expression de gènes responsables de l’angiogenèse et de la croissance cellulaire. Deux de ces gènes régulés à la hausse sont le facteur de croissance dérivé des plaquettes (platelet-derived growth factor [PDGF]) et le facteur de croissance des endothéliums vasculaires (vascular endothelial growth factor [VEGF]) ; il s’agit de facteurs angiogéniques que l’on considère comme inducteurs de la néovascularisation des cancers à cellules claires, primitifs et métastatiques. Les patients atteints du syndrome de VHL développent plus souvent des tumeurs à un âge précoce. Celles-ci sont en général multiples et comprennent des hémangioblastomes du système nerveux central (chapitre 14), des tumeurs neuroendocrines du pancréas (chapitre 20), des phéochromocytomes, des angiomes rétiniens et des cystadénomes épididymaires.


La plupart des CCR papillaires sporadiques sont caractérisés par une trisomie des chromosomes 7 et 17 ainsi que par la perte du chromosome Y. Le cancer rénal papillaire héréditaire est la conséquence de mutations germinales et de l’activation du proto-oncogène MET, situé sur le chromosome 7p. Ces cellules ont des récepteurs aberrants pour le facteur de croissance des hépatocytes qui, après liaison au facteur de croissance, ne peuvent être désactivés. Des amplifications somatiques du gène MET ont également été observées dans environ 10 % des cas de cancer rénal papillaire sporadique. Le syndrome de léiomyomatose héréditaire et le cancer rénal papillaire sont associés au gène de la fumarate hydratase. Le syndrome de Birt-Hogg-Dubé est une affection rare principalement liée aux cancers rénaux chromophobes, mais parfois aussi à des tumeurs à cellules claires et à des tumeurs chromophobes et oncocytaires. Le gène associé au syndrome de Birt-Hogg-Dubé a été localisé en 17p et exprime une nouvelle protéine, la folliculine, de fonction encore inconnue. Les CCR chromophobes ont une perte génétique sur les chromosomes 1 et Y ainsi que des pertes combinées touchant les chromosomes 1, 6, 10, 13, 17 et 21.



Manifestations cliniques: Bien que le CCR ait une forte propension à métastaser et puisse susciter des syndromes paranéoplasiques, la plupart des patients sont asymptomatiques au moment du diagnostic. Historiquement, le CCR était caractérisé par une triade hématurie, masse palpable et douleur, qui se manifestait chez près de 10 % des patients. Cependant, dans les séries modernes, le recours accru à l’imagerie abdominale pour d’autres affections a conduit à une détection beaucoup plus précoce des tumeurs. Jusqu’à 48 % des tumeurs peuvent être découvertes de cette manière, et moins de 5 % des patients ont maintenant une masse palpable lors du diagnostic. Les symptômes les plus fréquents à la première visite sont l’anémie, la perte de poids, l’inconfort général et l’anorexie (tableau 22-3). La présence de ces symptômes a été associée à un taux moindre de survie sans maladie après néphrectomie. Les patients atteints d’un CCR ont souvent des syndromes paranéoplasiques. L’hypercalcémie (chapitre 5) a été observée chez environ 20 % des patients ; elle peut être due à la sécrétion de parathormone, du peptide de type parathormone et de l’interleukine-6, dont on a montré l’effet stimulant sur la résorption osseuse par les ostéoclastes. D’autres syndromes associés sont notamment : l’hypertension, la polyglobulie (suite à la production ectopique d’érythropoïétine) et un syndrome rare, dit de Stauffer, qui est un dysfonctionnement du foie, sans métastases hépatiques, l’insuffisance étant corrigée par la résection chirurgicale de la tumeur.




Diagnostic: L’évaluation complète des patients suspects de CCR doit inclure un hémogramme complet, le profil biochimique, une scintigraphie osseuse et une TDM du thorax, de l’abdomen et du bassin. La TDM est la méthode la plus fiable pour la détection et la stadification des CCR. La TDM optimale pour les masses rénales peut être divisée en quatre phases : les images avant contraste, la phase artérielle (environ 25 secondes après l’injection), la phase néphrographique (environ 90 secondes après l’injection), et la phase d’excrétion. Les phases les plus utiles pour l’imagerie des tumeurs rénales sont les images avant contraste et celles de la phase néphrographique parce que les lésions rénales apparaissent moins denses que le parenchyme rénal rehaussé de manière uniforme. La phase artérielle est utile pour l’identification des artères rénales et des petites masses hypervascularisées. La phase d’excrétion permet l’examen du système de collecte et du bassinet. La TDM est également utile dans la détection des métastases régionales. Quant à la TDM en trois dimensions, qui est désormais possible, elle s’avère indispensable pour la planification d’une néphrectomie partielle, c’est-à-dire une résection préservatrice des néphrons. Le recours en plus à l’échographie et à l’IRM peut contribuer à la distinction entre tumeurs bénignes et malignes et à la planification du traitement. L’échographie permet la distinction entre kystes et lésions solides. L’IRM est utile dans l’imagerie des tumeurs rénales lorsque la fonction rénale des patients est insuffisante pour supporter l’injection intraveineuse d’un produit de contraste. L’IRM est également utile pour la délimitation des thrombus, qui peuvent s’étendre dans la veine rénale ou la veine cave inférieure, et l’angiographie IRM peut servir à la détermination du nombre et de l’emplacement des artères rénales chez les patients qui sont candidats à une néphrectomie partielle. Une fois l’évaluation terminée, le stade clinique est établi sur la base de la stadification TNM (tumeur, ganglions [nodes], métastases) (tableau 22-4).




Traitement



Maladie localisée


La référence historique des soins pour les patients atteints d’un CCR est une néphrectomie radicale. Les cancers sélectionnés pour une néphrectomie radicale sont les tumeurs volumineuses et localisées centralement qui ont remplacé effectivement la plupart du parenchyme rénal normal, celles qui sont associées à des adénopathies régionales (d’étiologie bénigne ou maligne), celles qui s’étendent à la veine cave inférieure ou à l’oreillette droite, et même celles dans lesquelles les métastases sont évidentes. La néphrectomie peut être pratiquée par une incision transpéritonéale ou transthoracique. La glande surrénale homolatérale est également excisée, mais une dissection ganglionnaire régionale est facultative, et controversée. La proportion croissante de petites tumeurs a entraîné une diminution correspondante des néphrectomies radicales. Pour les tumeurs d’un maximum de 7 cm, la néphrectomie partielle donne des résultats, en termes de survie et de contrôle local de la tumeur, similaires à ceux de la néphrectomie radicale, mais elle réduit également le risque d’insuffisance rénale postopératoire. Le fait qu’environ 35 % des tumeurs rénales corticales sont des carcinomes papillaires ou chromophobes indolents justifie également le recours à la néphrectomie partielle. La néphrectomie laparoscopique offre une alternative peu invasive à la néphrectomie radicale classique. Les deux interventions, à ciel ouvert ou laparoscopique, conviennent pour une néphrectomie partielle, qui contrôle la maladie tout en préservant la fonction rénale.


Les CCR résistent à la radiothérapie et à la chimiothérapie classique. Dans le contexte chirurgical, aucune ne sert de traitement néoadjuvant ou adjuvant. L’immunothérapie par interféron et interleukine-2, appliquée dans le traitement des métastases, n’a montré aucun avantage comme traitement adjuvant après néphrectomie.

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

May 6, 2017 | Posted by in IMAGERIE MÉDICALE | Comments Off on 22: Tumeurs du rein, de la vessie, des uretères et du bassinet

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access