22: Diagnostic prénatal des anomalies du squelette et des membres

Chapitre 22 Diagnostic prénatal des anomalies du squelette et des membres*



L’analyse précise du squelette est essentielle au cours de l’examen fœtal. En effet, les anomalies du squelette sont fréquentes et, si elles peuvent être à elles seules d’une « particulière gravité », elles sont intégrées dans environ deux tiers des cas au sein d’un syndrome malformatif, dont elles peuvent constituer le premier signe d’appe [1]. La prévalence des malformations congénitales des membres (MCM) est estimée, selon les études, entre 1,3 et 1,9 ‰ naissances, et 3,8 ‰ morts néonatales [1, 2], celle des dysplasies squelettiques à 0,24 ‰ naissances.


L’examen échographique fœtal recherchera des pathologies squelettiques globales atteignant la croissance et/ou la structure osseuse (chondrodysplasies, fragilité osseuse constitutionnelle, etc.) ou des anomalies limitées à une ou plusieurs pièces osseuses, notamment au niveau des membres. Les anomalies de la mobilité fœtale liées, le plus souvent, à des pathologies neurologiques ou neuromusculaires ne seront pas traitées dans ce chapitre, de même que les anomalies rachidiennes rentrant dans le cadre des anomalies du tube neural.


Le diagnostic prénatal (DPN) d’une anomalie du squelette et/ou des membres impose une évaluation diagnostique et pronostique par une équipe multidisciplinaire (EMD) impliquant échographiste, radiologue, pédiatre, généticien syndromologiste, chirurgien pédiatre orthopédiste, médecin de médecine physique et réadaptation et psychologue [3]. Comme pour toute découverte de malformation fœtale, on connaît en effet l’importance des premiers mots, et de la clarté et de la cohérence des explications données aux futurs parents. Dans le cadre de cette évaluation, l’interrogatoire des parents à la recherche d’une exposition à un tératogène [4] et/ou d’antécédents malformatifs familiaux, leur examen à la recherche d’anomalies comparables même mineures et un bilan malformatif fœtal complet sont indispensables. On y associera, en fonction de l’anomalie observée, des examens complémentaires fœtaux radiologiques et/ou génétiques. Ceux-ci seront détaillés en fonction des diverses pathologies envisagées. Enfin, une fois ce bilan effectué, la rencontre des futurs parents avec les médecins susceptibles de prendre en charge leur enfant après sa naissance est un temps essentiel à la prise d’une décision éclairée en cas de malformation d’une particulière gravité ; si la malformation peut bénéficier d’une prise en charge, cette rencontre représente une aide pour surmonter le stress de l’annonce, vivre au mieux la fin de grossesse et mettre en place de bonnes relations parents-enfant à la naissance [5].



Outils de l’examen du squelette fœtal


Les progrès de l’échographie 2D, l’avènement de l’échographie 3D et les possibilités offertes par le scanner spiralé ont révolutionné les moyens de visualiser le squelette fœtal, notamment les membres [5]. D’une manière générale, et comme pour tout examen fœtal, les conditions seront différentes selon que l’examen est réalisé dans un cadre de surveillance d’une grossesse a priori « normale » ou dans le contexte de risque de récurrence d’une pathologie osseuse connue dans la famille. De même, la position fœtale et la paroi abdominale maternelle peuvent influer sur les conditions de l’examen. La voie vaginale sera souvent utile pour préciser des anomalies suspectées par voie abdominale surtout au 1er trimestre de la grossesse. Les bourgeons de membre, qui apparaissent dès la fin du 1er mois de vie intra-utérine, sont visibles par voie endovaginale dès 8 SA, mais ce n’est qu’à 12-13 SA qu’on pourra en étudier correctement les segments et les extrémités. La boîte crânienne est visible et minéralisée dès cet âge gestationnel. L’ossification rachidienne débute dès 8 SA, mais l’étude du rachis ne sera réellement possible qu’à la fin du 1er trimestre, même si une angulation peut être visualisée plus tôt.


Les règles de bonne pratique du rapport du Comité national technique d’échographie (CNTE) admettent que, lors de toute grossesse, doivent être visualisés par échographie 2D :





En dehors de signes d’appel, seul le fémur est mesuré systématiquement lors d’une échographie de dépistage du 2e ou du 3e trimestre. La forme des os longs et leur échogénicité ainsi que le bon alignement du pied sur la jambe et de la main sur l’avant-bras sont vérifiés. Même si le compte précis des doigts n’est pas exigé par les recommandations du rapport du Comité national technique d’échographie [6], l’examen précis de la main et l’étude du pouce sont essentiels car ils peuvent être le siège d’anomalies qui constituent des signes d’appel de nombreuses affections malformatives [7, 8]. Il est important de voir au moins une main ouverte. L’évaluation de la densité osseuse est également indispensable. Le degré de minéralisation est surtout apprécié au niveau du crâne avec parfois des déformations par la pression de la sonde d’échographie.


L’échographie 3D peut permettre, en cas d’anomalie découverte lors de l’échographie 2D, de mieux visualiser certains segments de membre, notamment les extrémités. Elle ne semble pas avoir d’utilité en première intention [6].


Différents modes sont utilisables pour affiner l’étude des segments osseux. Le mode surfacique 3D permet de visualiser un segment de membre en « volume ». En mode tri-plan, l’échographiste pourra étudier des plans de coupe non obtenus en 2D du fait de la position du fœtus. Enfin, le mode osseux (X-ray) permet d’obtenir des images similaires à celles d’un cliché radiographique.


Des examens radiologiques complémentaires se révéleront très utiles pour aider au diagnostic et/ou à l’établissement d’un pronostic lors de la discussion multidisciplinaire. La radiographie du contenu utérin, longtemps utilisée, a laissé la place au scanner 3D multibarrettes (peu irradiant) qui permet des reconstructions visualisant le squelette fœtal dans l’espace. Pour être réellement interprétable, il ne doit être réalisé qu’à partir de 25-27 SA. S’il n’apporte que peu d’éléments utiles à la décision lorsque le caractère létal est déjà affirmé par l’échographie 2D, il peut être très utile dans les cas de chondrodysplasies non létales.



Ostéochondrodysplasies


Les ostéochondrodysplasies (OCD), liées à des anomalies majeures de la structure de l’os ou du cartilage, ont fait l’objet de plusieurs classifications clinique, radiologique et maintenant moléculaire [9, 10]. La nomenclature internationale [11] en a proposé une classification moléculaire regroupant des affections phénotypiquement différentes liées à des mutations d’un même gène. Mais l’absence d’exhaustivité de ces identifications moléculaires et la nécessité d’une démarche diagnostique performante conduisent à préférer une classification reposant sur l’aspect radiologique qui permet d’orienter le diagnostic moléculaire lorsqu’il est possible. Les pathologies osseuses révélées au cours de la grossesse ont des pronostics très variés : certaines sont létales, pour d’autres la sévérité peut faire discuter une interruption de grossesse [12]. L’imagerie anténatale est essentielle pour établir le pronostic mais n’apporte que rarement un diagnostic précis de la pathologie [13]. De même, en dehors de l’achondroplasie, l’étude moléculaire ciblée est impossible en situation de diagnostic fortuit d’OCD.


Les chondrodysplasies létales sont habituellement repérées au cours des 3e ou 4e mois de grossesse, ou lors de l’échographie morphologique [1416], devant des membres très courts (inférieurs au 3e ou 1er percentile) dont les os longs sont parfois difficilement individualisables, contrastant avec un crâne aux mensurations normales ou excessives. Des signes de souffrance fœtale plus ou moins sévères et précoces sont constants et des malformations viscérales peuvent être associées.


Pour tenir compte de la nomenclature, nous avons choisi de présenter les OCD à partir de leur signe radiologique le plus marquant dépistable sur l’imagerie anténatale, en déclinant, pour chacune, l’ensemble de sa famille phénotypique (formes létales et non létales).



Micromélies majeures



Anomalies du gène FGFR3 : nanisme thanatophore et achondroplasie




Achondroplasie


C’est la chondrodysplasie la plus fréquente (1/15 000 naissances). En situation de diagnostic fortuit, le DPN n’est possible qu’à partir de 26-28 SA sur l’association d’une cassure de la courbe de croissance du fémur et de l’augmentation de celle du bipariétal car, à l’échographie du 2e trimestre, les mesures des os longs sont en général normales. Un discret excès de liquide amniotique peut apparaître en fin de grossesse. L’ensellure nasale marquée et l’aspect effilé de l’extrémité supérieure du fémur suggèrent fortement le diagnostic. Il est confirmé par la réalisation d’un scanner 3D montrant des os longs, trapus, avec brusque éversion de la région métaphysaire, une extrémité fémorale supérieure effilée de profil, des toits des cotyles horizontaux, des corps vertébraux aplatis avec petit éperon antérieur, contrastant avec une hauteur excessive des espaces intervertébraux (fig. 22.2). La transmission est AD. La majorité des cas observés sont secondaires à une néomutation de FGFR3 (mutation très majoritaire au codon 380). Un DPN moléculaire est donc possible pour les patients atteints qui le souhaitent ou en cas de diagnostic fortuit.




Défauts d’ossification du rachis (achondrogenèses et pathologies avec atteinte vertébrale)



Achondrogenèses


Elles sont caractérisées par une micromélie extrême et un tronc très court avec défaut d’ossification des corps vertébraux plus ou moins étendu, mais toujours marqué au niveau cervical et lombosacré. Malgré leur hétérogénéité génétique et clinique, elles sont presque constamment associées à un hygroma kystique et/ou un excès de liquide amniotique. Même si certains signes peuvent être évocateurs en anténatal, c’est l’examen postnatal (fœtopathologie et radiographie) qui permettra d’en poser le diagnostic précis. Les achondrogenèses de type IA et IB sont exceptionnelles et autosomiques récessives (AR). La première, associée à des fractures costales, est liée à des mutations de TRIP11 [18]. Dans la seconde, liée à des mutations de SLC26A2 [19], les membres sont minuscules en position embryonnaire, les doigts très anormaux, infiltrés, et les pouces en abduction, dits d’ « auto-stoppeur ». Radiologiquement, les métacarpiens sont de longueurs inégales, le premier est très court, voire absent. Certains phénotypes plus modérés, liés à des mutations du même gène, peuvent être observés. L’achondrogenèse de type II ou Langer-Saldino est plus fréquente. Échographiquement, le crâne est disproportionné par rapport au tronc et aux membres. Radiologiquement, les os longs sont mieux modelés, les métaphyses cupuliformes avec des éperons latéraux, les corps vertébraux insuffisamment ossifiés, en particulier dans les régions cervicale et sacrée et les branches ischiopubiennes non ossifiées, même après 25 SA. Elle est liée à des mutations AD de COL2A1 [20], le plus souvent de novo, mais des cas de mosaïque germinale* ont été rapportés, impliquant une certaine prudence pour le conseil génétique. [Les mots marqués d’un astérisque sont définis dans le glossaire, cf.encadré 22.1.] L’hypochondrogenèse est une forme moins sévère.



Encadré 22.1 Glossaire















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Jul 8, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 22: Diagnostic prénatal des anomalies du squelette et des membres

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