2: Épidémiologie du cancer

Chapitre 2


Épidémiologie du cancer





Épidémiologie








Aperçu: Les cancers causent environ 23 % des décès aux États-Unis, ce qui les place en deuxième position, après les maladies cardiovasculaires. Le cancer est aussi devenu la deuxième cause de décès à l’échelle mondiale après les maladies cardiovasculaires en raison de la longévité croissante, du tabagisme, et des modes de vie occidentaux de régimes alimentaires, d’inactivité physique et de reproduction. Au rythme actuel, aux États-Unis, chez près d’un homme sur deux et chez plus d’une femme sur trois, un cancer sera diagnostiqué à un moment donné de leur vie. Le National Institutes of Health estime que les coûts globaux de cancer en 2008 s’élevaient à 228,1 milliards de dollars.


La recherche a identifié les causes de nombreux types de cancer ainsi que les mécanismes impliqués dans la cancérogenèse. Diverses mesures ont permis de réduire l’exposition au tabac et aux cancérigènes professionnels dans la plupart des pays industrialisés. Ces progrès dans la prévention ainsi que les progrès dans la détection précoce et le traitement ont réduit de près de 16 % le taux de mortalité de tous les cancers, aux États-Unis, de 1991 à 2006, et de 6 % le taux d’incidence de 1999 à 2006.



Mesures de l’incidence et de la survie:



Taux d’incidence et de décès: L’incidence du cancer et la mortalité sont généralement exprimées par 100 000 personnes par an et sont normalisées selon l’âge afin de permettre des comparaisons valables parmi des populations différant par leur dimension et les structures d’âge. Pour la normalisation selon l’âge et pour que les données soient comparables, la répartition doit être la même pour des périodes et des zones géographiques différentes. Par convention, les taux aux États-Unis sont normalisés sur la base de la répartition par âge de la population des États-Unis (actuellement, celle enregistrée pour l’année 2000), alors que les comparaisons internationales reposent sur la population mondiale en 1960. Ce sont les registres des cancers qui fournissent les taux d’incidence du cancer aux États-Unis ; ils englobent maintenant 92 % de la population. Les tendances temporelles de l’incidence du cancer ont été suivies depuis 1973 dans 10 % de la population dans le cadre du programme National Cancer Institute (NCI) Surveillance, Epidemiology, and End Results (SEER). Aux États-Unis, les décès par cancer ont été enregistrés dans les statistiques démographiques à l’échelle nationale depuis 1930. Les taux de mortalité en fonction de la cause sont établis sur la base des certificats de décès établis selon des règles nosologiques systématiques. Des études de validation ont montré que, malgré les imperfections bien connues des certificats de décès, la concordance est supérieure à 90 % entre le diagnostic clinique et la cause sous-jacente de décès, encodée systématiquement à partir des certificats de décès ; ceux-ci comportent une liste des 17 sites tumoraux qui représentent plus des deux tiers des néoplasies aux États-Unis.



Survie relative: La survie chez les patients atteints de cancer est généralement exprimée en survie relative, qui compare le pourcentage de patients atteints de cancer en vie après une période déterminée (souvent 5 ans) avec le pourcentage correspondant à une population sans cancer, mais du même âge, de même race et de même sexe. Une survie relative de 100 % signifie que les patients cancéreux survivent comme des personnes du même âge sans cancer. La survie relative est différente de la survie absolue en ce que celle-ci reflète la mort quelle qu’en soit la cause, cancéreuse ou non. Les tendances en matière de survie relative ont été surveillées par le programme NCI SEER depuis 1975. La survie relative s’est considérablement améliorée pour de nombreux types de cancer (tableau 2-1). Cependant, en cas de sites tumoraux détectés par dépistage, il faut être prudent dans l’interprétation des tendances en matière de survie relative. En effet, un diagnostic précoce peut artificiellement faire croire à une prolongation de la survie alors que la mortalité ne change pas ; c’est ce que l’on appelle le biais du « temps d’avance au diagnostic » ou « phénomène de déplacement de l’origine » (voir « Dépistage »).




Incidence cumulée: Les termes incidence cumulée et risque cumulé décrivent la probabilité moyenne de développer une affection déterminée ou d’en mourir (dans le cas présent, tous les cancers ou sites tumoraux spécifiques) durant une période définie. Les taux annuels d’incidence et de décès par 100 000 personnes par an (ou par million de personnes par an pour les cancers de l’enfant) correspondent aux risques cumulés durant un an. Le risque cumulé de développer ou de mourir d’un cancer augmente avec l’âge. L’incidence cumulée sur une vie est fortement influencée par l’espérance de vie ; l’amélioration de la longévité augmente le risque cumulé de développer un cancer, même si l’incidence annuelle et les taux de mortalité à chaque âge restent les mêmes.



Variation géographique: Le cancer survient dans tous les pays du monde, bien que les principaux types de cancer varient considérablement (tableau 2-1). En général, les cancers causés par des infections chroniques (par exemple estomac, foie, col utérin) prédominent dans les pays en développement, tandis que ceux liés aux modes de vie occidentaux comme le tabagisme et les habitudes alimentaires (poumon, sein, prostate et côlon) sont plus courants dans les pays industrialisés. La variation géographique reflète aussi en partie des différences dans les capacités de diagnostic et la qualité de l’enregistrement des données, mais une grande partie de la différence est réelle, et reflète la variation géographique des facteurs en cause. Les registres régionaux du cancer qui fournissent ces données sont conservés par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui s’efforce d’améliorer l’exhaustivité de l’enregistrement. La variation internationale dans la survenue du cancer a constitué depuis longtemps un argument en faveur du rôle important des facteurs extérieurs par rapport à la susceptibilité génétique, ce qui suggère que la prévention est, en principe, possible.


Le cancer du poumon (chapitre 16) est le cancer le plus fréquent dans le monde entier en termes de nouveaux cas et de décès. L’incidence varie de plus de 70 pour 100 000 chez les hommes en Europe de l’Est à moins de 5 pour 100 000 chez les hommes en Afrique de l’Ouest. La géographie du cancer du poumon reflète avant tout les diverses phases de la propagation épidémique du tabagisme dans les populations. Dans un pays, l’habitude de fumer des cigarettes manufacturées commence généralement chez les hommes d’âge moyen, puis s’étend progressivement aux hommes et aux femmes plus jeunes. L’augmentation du nombre de cancers du poumon commence 25 à 30 ans plus tard et se poursuit jusqu’à ce que la publicité sur les effets néfastes du tabagisme et des mesures de lutte antitabac provoquent une diminution du tabagisme, qui est suivie alors d’une diminution de l’incidence du cancer du poumon.


Le cancer du sein (chapitre 23) est le cancer le plus fréquent chez les femmes à travers le monde. L’incidence a augmenté, même dans les pays en développement, mais continue à être environ cinq fois plus élevée en Amérique du Nord, en Europe et dans d’autres pays industrialisés occidentaux que chez les femmes des milieux ruraux en Asie. La longévité accrue et la généralisation du dépistage contribuent à un risque à vie élevé (12,7 %) de cancer du sein chez les femmes aux États-Unis, comme c’est le cas aussi de la prévalence des facteurs de risque tels que le report de la grossesse, l’excès de poids, l’inactivité physique et l’utilisation d’hormones.


Chez les hommes, parmi les cancers le plus souvent diagnostiqués au niveau mondial, le cancer de la prostate (chapitre 26) vient en deuxième position, avec près des trois quarts de tous les cas diagnostiqués dans les pays économiquement développés. L’incidence est particulièrement élevée aux États-Unis en raison de la généralisation du dépistage par le dosage de l’antigène prostatique spécifique (prostate specific antigen [PSA]), qui permet la détection de tumeurs qui autrement pourraient échapper. En revanche, l’incidence et la mortalité beaucoup plus élevées chez les hommes de descendance africaine en Afrique, aux Caraïbes et aux États-Unis représentent une disparité véritable qui est actuellement inexpliquée.


Les cancers du côlon et du rectum (chapitre 18) sont plus fréquents dans les pays économiquement développés que dans les pays en développement. L’incidence aux États-Unis est de 20 à 30 fois plus élevée que dans l’Inde rurale et en Asie du Sud. Les facteurs de risque considérés comme contribuant à la variation géographique en cause incluent l’obésité, l’inactivité physique, une consommation élevée de viande rouge et transformée, le tabagisme et la consommation excessive d’alcool.


La répartition géographique de plusieurs cancers causés par des agents infectieux ou des comportements se rapproche étroitement de la prévalence de l’agent causal. Par exemple, l’incidence élevée de cancer du foie (chapitre 21) dans certaines parties d’Asie et d’Afrique subsaharienne correspond à la répartition géographique du virus de l’hépatite B (VHB) dans l’enfance, tout comme la mortalité liée au cancer de l’estomac (chapitre 17) et du col de l’utérus (chapitre 24) est étroitement corrélée avec la prévalence d’infection respectivement par des souches pathogènes d’Helicobacter pylori et le virus du papillome humain (VPH). Le taux exceptionnellement élevé de cancer de l’oropharynx (chapitre 15) dans une grande partie du sous-continent indien et l’Asie du Sud est dû à la chique de bétel et de noix d’arec, souvent mélangés à du tabac. En revanche, on ne comprend pas encore pourquoi le carcinome épidermoïde de l’œsophage (chapitre 17) était extraordinairement commun jusqu’à la fin du XXe siècle dans les pays entourant la mer Caspienne. Cela a été attribué à une combinaison de graves carences nutritionnelles correspondant à un manque saisonnier de légumes et à la pratique de la déglutition du résidu carbonisé de pipes à opium. L’incidence de ce cancer a diminué rapidement au cours des 20 dernières années, avec l’amélioration de l’approvisionnement alimentaire. D’autres variations géographiques sont incomplètement comprises : la raison pour laquelle le cancer de l’ovaire (chapitre 24) est plus fréquent dans certains pays européens que dans d’autres, ou la façon dont la consommation de poisson salé peut interagir avec le virus d’Epstein-Barr (EBV) et la prédisposition génétique au cancer du nasopharynx (chapitre 15) dans le sud de la Chine et chez les Esquimaux d’Alaska et du Groenland.


Les variations géographiques et démographiques dans les risques de cancer sont constatées pour tous les cancers combinés, ainsi que pour des sites individuels. Un exemple extrême est celui des hommes afro-américains chez qui l’incidence cumulée de diagnostic de n’importe quel type de cancer est presque dix fois plus élevée que chez les hommes du même âge dans les régions de l’Inde. Ces grandes variations de risque global de cancer montrent que la variabilité géographique ne reflète pas simplement la substitution d’une forme de cancer par une autre, mais qu’elle affecte l’apparition de la maladie en général.



Variation dans le temps: Les variations temporelles dans l’incidence ou la mortalité de certains cancers confirment l’importance des facteurs « environnementaux » potentiellement modifiables sur l’impact de la maladie. Par exemple, les grands changements dans la mortalité liée aux cancers de l’estomac et du poumon chez les hommes et les femmes aux États-Unis (fig. 2-1A et B) reflètent les changements dans l’exposition à des éléments extérieurs plutôt qu’une susceptibilité héréditaire. En 1930, aux Etats-Unis, le cancer gastrique était mortel et l’un des plus communs, comme c’était le cas du cancer de l’utérus (surtout cervical). La mortalité par ces cancers a diminué de façon spectaculaire au cours des 75 dernières années. La diminution globale du cancer de l’estomac (chapitre 17) reflète probablement le bénéfice inattendu de l’évolution de la conservation des aliments et de la réduction de la prévalence de l’infection à H. pylori. L’avènement de la réfrigération a augmenté la disponibilité des fruits et légumes frais et a diminué la dépendance aux aliments salés, fumés et marinés, tandis que des améliorations en matière d’hygiène et de logement ainsi que l’utilisation généralisée d’antibiotiques ont diminué la prévalence de l’infection chronique à H. pylori. Les progrès réalisés dans la réduction de l’incidence et de la mortalité par cancer du col de l’utérus (chapitre 24) sont largement attribuables à l’introduction du test de Papanicolaou et à l’élimination précoce des lésions précancéreuses et cancéreuses. Nous avons déjà décrit la relation étroite entre les tendances mondiales de l’incidence du cancer du poumon (chapitre 16) et le tabagisme.


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May 6, 2017 | Posted by in IMAGERIE MÉDICALE | Comments Off on 2: Épidémiologie du cancer

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