2 Eczéma
Eczéma aigu
L’eczéma aigu se caractérise, sur le plan clinique, par un érythème, un œdème et des vésicules. Le suintement et l’exsudation sont caractéristiques des lésions aiguës. Le prurit est souvent sévère.
Anamnèse
Il existe de nombreuses causes d’eczéma. Celles-ci incluent une hypersensibilité allergique de contact à des allergènes végétaux tels que le poison ivy, le chêne ou le sumac (Rhus), ainsi qu’à d’autres allergènes.
Le nickel, les médicaments topiques tels que la bacitracine et la néomycine, les parfums à base de benzocaïne, les conservateurs se trouvant dans les produits d’hygiène personnelle ou dans les produits utilisés au travail, ainsi que les additifs à base de caoutchouc, représentent également des causes courantes d’eczéma aigu. Une dermite d’irritation se développe couramment après des expositions répétées à l’eau, aux solvants ou aux détergents, et prédispose à l’eczéma de contact.
Dans une éruption seconde, un eczéma vésiculeux aigu peut apparaître dans une région (par exemple les mains) éloignée du site d’une infection fongique active (par exemple des pieds).
La dermite de stase (eczéma variqueux), la gale, les réactions d’irritation ainsi que les eczémas dysidrosique ou atopique peuvent se manifester sous la forme d’un eczéma aigu.
Examens de laboratoire
Dans certains cas, des tests épicutanés sont effectués car ils permettent de déterminer une hypersensibilité de type retardé. C’est le cas par exemple lorsque la topographie suggère une exposition par contact, en cas de récidive ou d’inefficacité du traitement, ou lorsqu’il y a exposition à des allergènes cutanés dans le cadre du travail ou des loisirs.
Envisager le diagnostic de gale, en particulier dans les cas d’eczéma nouveau ou d’apparition récente.
Envisager un prélèvement de squames pour chercher une infection causée par des dermatophytes. Les tests sanguins ne sont pratiquement jamais d’aucune aide pour l’évaluation de l’eczéma aigu.
Évolution et pronostic
Si l’on parvient à éviter les facteurs déclenchants, il y a amélioration de l’éruption en 7 à 10 jours, avec disparition totale en 3 semaines.
L’excoriation prédispose aux infections et provoque la formation de croûtes. L’excoriation peut aboutir à une infection secondaire ainsi qu’à l’aggravation et à la prolongation de la dermite.
Prise en charge
Les crèmes à base de corticoïdes ont un effet vasoconstricteur et suppriment l’inflammation et le prurit.
Les corticoïdes oraux sont réservés aux eczémas aigus, sévères ou généralisés. Le dosage est initialement d’environ 1 mg/kg et par jour, avec diminution progressive sur 3 semaines. Une cure trop courte peut aboutir à la récidive et à la résurgence de la dermite.
Les démangeaisons peuvent être soulagées par des antihistaminiques oraux sédatifs. Leurs effets sédatifs peuvent améliorer le sommeil.
Lorsqu’une infection secondaire est soupçonnée, on administre un antibiotique antistaphylococcique, pendant 10 à 14 jours.
Conseils et recommandations
L’eczéma aigu peut être confondu avec d’autres affections aiguës. Le prurit marqué associé à l’eczéma aigu peut alors aider à les distinguer.
Des poussées répétées d’eczéma aigu sur le visage et les parties exposées des mains et des bras font penser à une allergie de contact. Celle-ci devrait être évaluée par des tests épicutanés. La gale doit être évoquée en cas d’eczéma récent.
Éliminer tous les produits topiques utilisés par le patient (lotions, médicaments topiques en vente libre, préparations contre les démangeaisons). Traiter uniquement à l’aide de corticoïdes topiques ou d’émollients neutres. Autant que possible, simplifier et minimiser les soins ainsi que l’exposition de la peau.
Si les jambes sont atteintes, leur surélévation peut améliorer l’œdème.
Dermatite à Rhus (poison ivy, poison oak et sumac vénéneux)
Le poison ivy, le poison oak et le sumac vénéneux (famille des Anacardiacées) ainsi que le genre Toxicodendron sont les causes les plus courantes de dermite de contact allergique aux États-Unis ; elles sont rares en France et en Europe.
L’oléorésine (la partie lipophile) contient un mélange de catéchols chimiques appelées « urushiols ». Le mot « urushiol » vient du mot japonais urushi, signifiant sève.
Anamnèse
Même en automne et en hiver, le contact avec la feuille, la tige ou la racine de la plante entraîne une éruption bulleuse prurigineuse. Celle-ci a lieu 8 à 72 heures après exposition, chez un sujet ayant été préalablement sensibilisé. Pour une personne n’ayant jamais été en contact, l’éruption se produit 12 à 21 jours après l’exposition (sensibilisation primaire).
La sensibilisation primaire peut résulter de l’exposition à la plante allergisante et s’effectue sur un système immunitaire intact. Chez une personne déjà allergique (sensibilisée), une exposition répétée conduit à une apparition plus rapide de l’éruption (processus appelé élicitation).
Environ la moitié des Américains adultes présentent une éruption en cas d’exposition. Trente à 40 % des personnes ne développent la dermatite qu’en cas d’exposition prolongée.
Manifestations cutanées
Les signes cliniques varient en fonction de la quantité d’oléorésine se trouvant au contact de la peau, du mode de contact, de la sensibilité de l’individu et des variations locales de réactivité de la peau.
Les observations cutanées incluent des bandes érythémateuses linéaires, prurigineuses et œdémateuses, présentant des vésicules et de grosses bulles sur les parties exposées de la peau.
Des matières en suspension dans l’air, provenant de l’incinération de la plante, peuvent causer un érythème facial prurigineux intense et un eczéma marqué. Les paupières peuvent se trouver considérablement œdématiées.
Le traumatisme causé par la plante sur la peau peut temporairement laisser une marque brune. Cette marque constitue un indice quant à l’exposition à l’allergène. Elle est causée par l’allergène urushiol séché et oxydé.
Évolution et pronostic
L’éruption accompagnée de prurit dure 10 jours. Elle peut se poursuivre jusqu’à 3 semaines.
Des cures courtes de corticoïdes oraux sont inappropriées. Elles peuvent aboutir à un phénomène de résurgence avec éruption subite à l’arrêt du traitement.
L’éruption disparaît complètement, sans laisser de cicatrices.
Le grattage et l’infection bactérienne secondaire (généralement causée par Staphylococcus aureus) peuvent provoquer un impétigo ou une cellulite.
Des inconvénients importants chez les professionnels sont associés à cette dermite et se rencontrent en particulier chez les pompiers, les forestiers, les paysagistes et les personnes travaillant en plein air. Il peut y avoir altération temporaire des facultés motrices et perte du temps de travail.
Discussion
Le poison ivy ne dissémine pas, ni par le liquide des bulles, ni entre individus.
L’oléorésine allergisante peut disséminer à travers des vêtements contaminés, des outils de jardinage ou des animaux.
Il existe des allergènes provoquant les mêmes réactions et provenant d’autres plantes de la famille des Anacardiacées. Ceux-ci comprennent les pelures de mangue, l’huile provenant des coquilles de noix de cajou crues, la laque japonaise et la pulpe du fruit du ginkgo. Les personnes sensibilisées au poison ivy peuvent également réagir à ces plantes apparentées, si elles y sont exposées.
Le poison ivy pousse à l’état d’arbuste ou de plante grimpante. Aux États-Unis, le poison oak de l’Est se rencontre généralement au Sud-Est, alors que le poison oak de l’Ouest pousse généralement sur la côte Ouest, sous forme d’arbuste ou d’arbre. Le sumac vénéneux préfère les endroits humides ; on le retrouve fréquemment dans les tourbières et les terrains marécageux de l’Est des Etats-Unis et du Sud-Est canadien.
Prise en charge
Le lavage de la peau à l’aide de savon permet d’inactiver et d’ôter l’oléorésine allergisante, afin d’empêcher une pénétration et une contamination plus importantes. Le lavage est plus efficace s’il est effectué dans les 15 minutes qui suivent l’exposition.
Les vêtements et les outils utilisés doivent être lavés à l’eau savonneuse.
Le prurit et l’œdème sont soulagés par des bains frais, de courte durée, avec ou sans avoine colloïdale.
La lotion à la calamine réduit le prurit. Cependant, un usage prolongé peut entraîner un dessèchement excessif.
Les antihistaminiques oraux tels que l’hydroxyzine et la diphénydramine peuvent diminuer le prurit. Ces derniers ont un effet sédatif et conviennent mieux pour la nuit. Ils permettent ainsi de réduire le grattage nocturne et favorisent le repos. Le stress provoqué par une démangeaison intense et qui perturbe souvent le sommeil se trouve ainsi soulagé.
Lors de la phase d’éruption aiguë, des compresses humides fraîches, imprégnées d’eau, sont efficaces. Elles sont appliquées pendant 10 à 15 minutes, plusieurs fois par jour, pendant 1 à 4 jours, jusqu’à ce que l’éruption et la démangeaison sévère soient sous contrôle. Les compresses humides à l’eau courante fraîche sont aussi très utiles pour les œdèmes sévères du visage ou des paupières.
Après la compresse humide, appliquer généreusement un corticoïde topique de puissance moyenne. Si la zone périorbitaire est touchée, on conseille un corticoïde topique plus faible pendant une durée limitée (deux fois par jour pendant 7 jours).
En cas de dermite de contact allergique aiguë au poison ivy, il est conseillé de ne pas avoir recours aux traitements topiques immunomodulateurs tels que le tacrolimus, et ce compte tenu de leur coût, de la quantité souvent nécessaire, et de l’efficacité moins rapide comparativement aux corticoïdes topiques.
Pour une inflammation sévère et généralisée, on a recours à une cure de corticoïdes oraux. Les doses de départ sont de 0,75 à 1 mg/kg par jour chaque matin. Elles sont ensuite progressivement réduites sur une période de 3 semaines.
Les capsules d’oléorésine de poison ivy, ainsi que la forme injectable, utilisées pour la désensibilisation, ont été retirées du marché à cause de leurs effets secondaires et de leur efficacité incomplète. Il n’existe actuellement aucun moyen disponible pour la désensibilisation au poison ivy.
Conseils et recommandations
La dermite de contact aux plantes vénéneuses se manifeste classiquement par des vésicules de tailles variées et des bulles, apparaissant en une répartition linéaire sur la partie exposée de la peau.
En général, une exposition répétée au cours de périodes brèves (par exemple pendant les mois d’été) aboutit à des poussées de dermite de plus en plus sévères.
Chez les personnes sensibles à l’urushiol, l’ingestion de noix de cajou crues ou insuffisamment grillées peut causer une dermatite érythémateuse prurigineuse soudaine, avec répartition caractéristique sur les fesses, la partie supérieure interne des cuisses et la peau située autour des aisselles.
Les poisons ivy, oak, ou le sumac vénéneux peuvent provoquer des réactions étendues. La décision de recourir à des corticoïdes oraux ou topiques dépend de la sévérité des symptômes, de l’âge du patient et de l’éventualité des effets indésirables figurant dans le dossier médical de ce dernier.
Dans les cas d’atteintes sévères ou généralisées par le poison ivy, le traitement par des cures courtes de corticoïdes généraux à faibles doses est inapproprié.
Eczéma subaigu
Ce type d’eczéma se manifeste par des plaques rouges et squameuses et des papules, donnant des aspects variés et provoquant du prurit.
Anamnèse
Cet état peut succéder à un eczéma aigu vésiculeux.
Il s’agit de la manifestation clinique la plus courante de la dermatite atopique.
Les patients se plaignent d’une dermatite présente depuis plus d’une semaine.
L’inflammation disparaît sans laisser de traces, pour autant que des facteurs d’entretien soient évités. La guérison peut nécessiter un traitement.
Il peut y avoir passage à la chronicité s’il y a excoriation et exposition répétée à des conditions aggravantes (telles que l’eau, des détergents, des facteurs irritants ou des allergènes courants).
Manifestations cutanées
Étiologie et présentation clinique
Certaines dermatoses peuvent se présenter sous la forme d’eczéma subaigu. Il s’agit de l’allergie de contact, la dermite d’irritation, la dermatite atopique, la gale, la dermite de stase, l’eczéma nummulaire, l’eczéma du bout des doigts et des infections fongiques.
S’il n’existe pas d’antécédents atopiques importants, il convient de rechercher les expositions cutanées récentes aux irritants ou aux allergènes. Le stress peut contribuer au problème et l’aggraver, mais il n’est pas seul en cause.
Traitement
Dermocorticoïdes et autres traitements
Il est possible d’appliquer des dermocorticoïdes deux fois par jour, avec ou sans occlusion sous film plastique. L’occlusion accélère la guérison tout en augmentant l’absorption du corticoïde topique. La durée de l’occlusion doit être spécifiée, limitée et surveillée.
Des dermocorticoïdes peuvent aussi être appliqués deux fois par jour, sans occlusion.
Les immunomodulateurs topiques non stéroïdiens, à base de tacrolimus (pommade Protopic® à 0,1 ou 0,03 %), peuvent être utilisés en application biquotidienne, sur la peau atteinte. Ils sont particulièrement utiles dans les cas d’eczéma subaigu du visage ou des paupières. Ils peuvent causer des sensations de piqûre ou de brûlure de la peau, en début de traitement. Ces sensations disparaissent en quelques jours. Ces traitements sont utiles pour la prise en charge chronique de l’eczéma subaigu chez les patients atteints d’atopie.
Hydratants
Les produits hydratants sont une partie essentielle du traitement quotidien.
Les produits hydratants agissent mieux lorsqu’ils sont appliqués quelques heures après les corticoïdes topiques.
L’application doit continuer pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines, après que l’inflammation a disparu.
Des applications fréquentes sont recommandées.
L’efficacité des produits hydratants est augmentée lorsqu’on les étale bien et qu’ils sont appliqués après la douche, directement après séchage par tamponnements.
Les crèmes ou pommades de formulation simple et ne contenant pas les constituants allergisants les plus courants sont les plus utiles.
La vaseline simple est un excellent hydratant. Elle a l’avantage d’être neutre, sans additifs allergisants ou ingrédients irritants. Les patients acceptent cependant moins bien les produits très gras.
Des lavages peu fréquents avec un savon surgras sont également utiles.
Conseils et recommandations
L’eczéma subaigu est une manifestation clinique d’une inflammation chronique. Il est essentiel de porter une attention particulière aux expositions cutanées à des irritants et allergènes, ainsi qu’aux méthodes de soins cutanés du patient, afin de tenir compte de facteurs en cause ou aggravants.
Effectuer un examen mycologique des squames, afin d’écarter la possibilité d’une infection par un dermatophyte.
S’enquérir du métier du patient, des tâches ménagères et des passe-temps, puisque ceux-ci peuvent contribuer à une irritation chronique de la peau ou au risque de développement d’une allergie de contact Les gants en vinyle servent de barrière protectrice utile s’il y a
exposition répétée à l’eau, aux irritants, ou aux allergènes. Les gants de vinyle sont un bon choix parce qu’ils ne contiennent pas les allergènes communément associés au caoutchouc.
Eczéma chronique
Anamnèse
Il existe un prurit prolongé, modéré à intense.
Le grattage et la friction deviennent une habitude et peuvent se faire inconsciemment.
La maladie devient auto-entretenue. C’est souvent frustrant et émotionnellement épuisant pour le patient.
Le grattage entraîne un épaississement de la peau, qui devient encore plus prurigineuse.
Manifestations cutanées
Un grattage intensif peut entraîner des excoriations.
La peau inflammatoire et irritée s’épaissit, et les stries de surface deviennent plus marquées.
Il y a apparition de plaques épaisses présentant des stries profondes, parallèles les unes aux autres (lichénification).
Les zones généralement impliquées sont celles qui sont les plus accessibles au grattage ainsi que les plis.
Les localisations les plus courantes sont la face postérieure du cou, les creux poplités, les chevilles, les paupières et la région anogénitale.
Une hyperpigmentation ou une hypopigmentation peuvent se manifester sur les régions atteintes.
Étiologies
Étiologies possibles : la dermatite atopique, l’eczéma de contact chronique allergique ou la dermite d’irritation, le grattage inconscient, la gale, le lichen simplex chronique, les pieds fissurés, l’eczéma nummulaire, l’eczéma astéatosique, l’eczéma du bout des doigts et l’eczéma hyperkératosique. Il peut être nécessaire d’éliminer un lymphome T par une biopsie.
Traitement
L’eczéma chronique est souvent résistant au traitement. La clé de la réussite réside dans la suppression du cycle prurit–grattage, par le biais du traitement et de l’élimination de la cause ou des sources d’aggravation.
Un pansement humide sur la peau atteinte pendant 20 minutes peut aider à soulager le patient et à diminuer le prurit ; il peut être très utile pour la poussée prurigineuse nocturne. Il peut être suivi de l’utilisation d’un émollient ou de l’application d’un corticoïde topique.
Corticoïdes topiques
Les crèmes ou les pommades corticoïdes peuvent être efficaces en application biquotidienne.
Des dermocorticoïdes sont utilisés sous occlusion plastique pendant 2 à 8 heures.
Les injections intralésionnelles de corticoïdes sont très efficaces. On renouvelle les injections dans les plaques résistantes à des intervalles de 3 à 4 semaines.