19 Tumeurs et malformations vasculaires
Hémangiomes
Les hémangiomes de la petite enfance sont des néoplasmes vasculaires bénins, de couleur rouge, pourpre ou bleue, apparaissant dans la première année de la vie ; ils comportent une hyperplasie des cellules endothéliales.
Les appellations telles que « hémangiome en fraise » et « hémangiome caverneux » doivent être abandonnées puisqu’elles ont été utilisées pour décrire des malformations vasculaires très différentes.
Anamnèse
L’hémangiome est la tumeur vasculaire la plus commune de la petite enfance. Il se manifeste chez 1 à 3 % des nouveau-nés et 10 % des enfants âgés d’un an.
Trente pour cent de ces hémangiomes sont apparents à la naissance. La plupart sont détectés au cours des trois premières semaines de la vie. Les lésions plus profondes peuvent être constatées plus tard, mais généralement au cours du premier mois de la vie.
Ils se manifestent avec une fréquence accrue chez les filles et chez les prématurés, et ont une prédilection pour la tête et le cou.
Manifestations cutanées
Les hémangiomes débutants peuvent paraître plans et blanc pâle avec quelques télangiectasies.
Pendant la phase de croissance, ils sont rouge vif (superficiels) ou bleus (profonds), fermes et caoutchouteux. La couleur des lésions plus profondes peut être plus discrète.
Lorsque les hémangiomes de la petite enfance commencent à régresser, ils deviennent gris ou bleutés et commencent à être moins tendus.
Une faible proportion des hémangiomes de la petite enfance s’ulcèrent et saignent. Les ulcérations sont douloureuses et peuvent conduire à une infection cutanée.
Les hémangiomes apparaissent n’importe où, y compris sur les muqueuses orale et génitale.
La plupart des nourrissons ont une lésion unique ; 15 à 20 % ont des hémangiomes multiples.
Les hémangiomes cutanés multiples peuvent être associés à des hémangiomes viscéraux (hémangiomatose néonatale diffuse ou miliaire) ; les nourrissons peuvent, cependant, avoir une atteinte viscérale sans participation cutanée.
Manifestations non cutanées
Les hémangiomes de la petite enfance, situés près des yeux, des oreilles et de la bouche, peuvent menacer les fonctions de ces organes.
Les hémangiomes de la petite enfance situés sur la mâchoire ou dans la bouche peuvent être associés à des hémangiomes sous-glottiques.
Les hémangiomes situés sur la ligne médiane peuvent être associés à des anomalies crâniennes ou vertébrales sous-jacentes.
Les grands hémangiomes segmentaires faciaux peuvent être associés à des malformations (le syndrome de PHACES est une association comportant au maximum des malformations de la fosse postérieure, un hémangiome, des anomalies artérielles, une coarctation de l’aorte et des défauts cardiaques, des anomalies des yeux [eyes] et des défauts du sternum).
Les grands angiomes périnéaux peuvent être associés à des malformations sous-jacentes, en particulier du tractus génito-urinaire.
Examens de laboratoire et explorations
La biopsie cutanée n’est pas nécessaire pour établir le diagnostic d’hémangiome.
Au microscope, les lésions au stade prolifératif sont des masses bien définies de cellules et de péricytes endothéliaux, avec une lumière étroite contenant des globules rouges ; les lésions en régression sont composées de cellules endothéliales aplaties au sein d’un stroma de tissu conjonctif.
Les hémangiomes expriment le marqueur GLUT-1 (glutathion-1), dont on pense qu’il est un marqueur spécifique de ce type d’hémangiome.
Une étude par imagerie (une échographie ou un scanner ou une imagerie par résonance magnétique [IRM]) doit être réalisée chez les nourrissons ayant des hémangiomes lombaires médians ou des hémangiomes segmentaires faciaux, ceux-ci pouvant être associés respectivement à une colonne vertébrale soudée et à une malformation de type Dandy-Walker. Une IRM pelvienne est requise chez les personnes qui ont de vastes hémangiomes périnéaux.
Les nourrissons ayant des hémangiomes multiples et des signes physiques d’atteinte viscérale (hépatosplénomégalie, pâleur, tachycardie) doivent avoir une numération sanguine complète comprenant les plaquettes, une échographie abdominale et/ou un scanner.
Évolution et pronostic
Les hémangiomes ont une évolution clinique prévisible, avec une croissance s’étendant sur 6 mois à une année. Ils se stabilisent ensuite et régressent lentement.
La croissance initiale est rapide pendant plusieurs semaines. Cette phase est suivie d’une phase stable pendant plusieurs mois, puis d’une involution lente avec fibrose résiduelle et éclaircissement de la couleur, pendant plusieurs années.
La taille, la profondeur et la localisation de la lésion n’affectent pas le taux d’involution.
Une lésion ne montrant pas de signes de régression vers l’âge de 6 ans est peu susceptible de disparaître complètement.
Une ulcération se produit dans 5 à 13 % des cas, et entraîne un saignement et surtout des douleurs.
Une infection superficielle peut se produire, mais constitue rarement un problème grave.
Après involution, la peau sus-jacente peut sembler normale, mais il y a parfois un certain degré d’atrophie ou de fibrose résiduelle.
Traitement
La plupart des hémangiomes de la petite enfance doivent être suivis afin de s’assurer qu’ils suivent le cours prévu et de rassurer les parents (« laisser-faire actif »).
Les hémangiomes de la petite enfance doivent être traités de manière active s’ils sont une menace pour la vie ou s’ils peuvent compromettre des fonctions essentielles ou bien ont le potentiel d’entraîner une défiguration persistante (hémangiomes du bout du nez). Il faut éviter, si possible, les procédés provoquant la formation de cicatrices.
Dans les cas d’ulcérations, il faut avoir recours à des mesures locales, à un traitement de la douleur et empêcher l’infection.
Le laser à colorant pulsé a été utilisé avec succès dans les cas d’ulcération, mais un petit pourcentage des ulcérations peut continuer à évoluer.
La prednisone ou la prednisolone systémique à 2 à 3 mg/kg/jour, administrée par voie orale en dose unique le matin, est un traitement largement utilisé pour les lésions compliquées.
Le propranolol 2 mg/kg/jour peut être utilisé pour traiter les hémangiomes compliqués, seul ou associé à des corticoïdes systémiques.
D’autres traitements médicaux comprennent les corticoïdes intralésionnels ou topiques, l’interféron α, la vincristine et le cyclophosphamide].
Dans les cas d’hémangiomes compliqués, on a parfois recours à l’embolisation ou à la résection chirurgicale.
Malformations vasculaires
Les malformations vasculaires sont des anomalies des vaisseaux sanguins ou lymphatiques dues à un développement et à une morphogenèse anormaux. Contrairement aux hémangiomes, elles montrent un renouvellement normal des cellules endothéliales.
Anamnèse
Par définition, les malformations vasculaires cutanées sont présentes à la naissance, mais elles peuvent ne pas devenir apparentes pendant plusieurs mois voire plusieurs années.
Les malformations vasculaires sont classées selon le type de vaisseau atteint (capillaire, veineux, artériel, lymphatique, mixte [commun] et artérioveineux) et les caractéristiques du flux sanguin (flux lent ou rapide).
La plupart des malformations vasculaires se développent proportionnellement au développement du patient.
La plupart des malformations vasculaires sont sporadiques et non héréditaires. Les malformations veineuses telles que les tumeurs glomiques ou le blue rubber bleb nevus (syndrome de Bean) peuvent être héréditaires.
Manifestations cutanées
Malformations capillaires (flux lent)
En général, il y a coloration maculeuse des paupières (« baiser d’ange »), du front et de la région nucale (« bec de cigogne »). Ces taches tendent à disparaître dans la petite enfance. Mais les taches nucales persistent généralement à l’âge adulte.
Les malformations capillaires peuvent être plus importantes et impliquer une ou plusieurs surfaces cutanées innervées par le nerf trijumeau (V1–V3).
Malformations veineuses (flux lent)
Les malformations veineuses sont généralement d’apparence bleue et spongieuse ; elles tendent à s’agrandir avec la manœuvre de Valsalva et peuvent être douloureuses.
Des phlébolithes (petits nodules calcifiés) se forment couramment et sont palpés comme des nodules durs.
Malformations lymphatiques (flux lent)
Les malformations lymphatiques se composent de petits vaisseaux (microkystiques) ou de gros vaisseaux (macrokystiques) et peuvent être localisées ou étendues.
Le lymphangiome circonscrit est une malformation lymphatique microkystique se composant de petites papules (1–5 mm) discrètes, claires ou teintées de sang, et ressemblant à des vésicules (« frai de grenouille »).
L’hygroma kystique est une malformation lymphatique macrokystique (des gros vaisseaux lymphatiques) qui survient généralement dans la région cervicofaciale.
Malformations artérielles (flux rapide)
Les malformations artérielles (anévrisme, sténose, malformation artérioveineuse) peuvent entraîner des signes cutanés minimaux (tache rose), ou bien un gonflement, une ulcération ou une nécrose massifs.
Les malformations artérioveineuses peuvent être quiescentes pendant des années et devenir soudainement actives et entraîner une invalidité, lors de la puberté, par le biais d’un shunt sanguin.
Les malformations artérioveineuses sont plus courantes dans la région de la tête et du cou.
Manifestations non cutanées
Dix pour cent des nourrissons ayant des malformations capillaires faciales, impliquant notamment le territoire du nerf trijumeau V1 (front et paupière supérieure), courent le risque d’atteinte de l’œil (glaucome congénital) et du système nerveux central ; cette triade est connue en tant que syndrome de Sturge-Weber-Krabbe.
Dans le syndrome de Sturge-Weber-Krabbe, les patients peuvent développer un glaucome (30–70 %), des crises convulsives (70–80 %) et une hypertrophie des os sous-jacents du visage.
Les malformations lymphatiques cervicofaciales étendues peuvent provoquer une obstruction des voies respiratoires.
Les malformations artérioveineuses peuvent entraîner une insuffisance cardiaque causée par le shunt ; les malformations artérioveineuses de la tête et du cou peuvent occasionner des crises convulsives.
Examens de laboratoire et explorations
Les nourrissons neurologiquement sains ayant des malformations importantes des capillaires faciaux peuvent ne pas avoir d’atteinte leptoméningée visible pendant la première année de la vie. L’imagerie du système nerveux central doit être retardée jusqu’après la petite enfance, à moins que l’enfant n’ait des symptômes neurologiques.
Une biopsie cutanée peut aider à évaluer les lésions qui sont difficiles à caractériser. Elle montre l’architecture et le type de cellules de la malformation correspondante.
Diagnostic différentiel
Coloration maculeuse passagère (doit être différenciée des malformations capillaires)
Hémangiomes profonds de la petite enfance (mais les malformations veineuses ne suivent pas le schéma de croissance caractéristique)
Nævus anémique (tache au contour irrégulier, se manifestant couramment sur le haut de la poitrine et qui est due à la vasoconstriction locale des vaisseaux sanguins ; le bord peut être rendu invisible en diascopie)
Évolution et pronostic
Les malformations veineuses et artérielles étendues peuvent atteindre des structures plus profondes, telles que le muscle, et peuvent aussi être une source de coagulopathie locale ou disséminée.
Les malformations vasculaires peuvent entraîner des modifications de l’os et des tissus mous sous-jacents, aboutissant à une incapacité fonctionnelle.
Les malformations lymphatiques peuvent être compliquées par une douleur, un gonflement, un saignement intralésionnel et une infection.
Traitement
Les malformations capillaires atteignant le front et les faces latérales du cou réagissent généralement bien au laser à colorant pulsé, tandis que les lésions du centre du visage, du nerf trijumeau V2 et des membres peuvent être plus difficiles à traiter.
Les coagulopathies liées aux malformations veineuses sont traitées par des bas de contention, de l’héparine de faible poids
moléculaire, l’hydrothérapie, des massages et la kinésithérapie.
La chirurgie au laser, la résection chirurgicale, l’embolisation et la sclérose sont utilisées, seules ou en association, pour traiter les malformations vasculaires compliquées.
Quand référer
Les nourrissons ayant des malformations importantes des capillaires faciaux doivent être évalués par un dermatologue, un ophtalmologue et un neurologue.
Le traitement doit être effectué dans un cadre multidisciplinaire, par des médecins ayant l’expérience des malformations vasculaires.
Tache rubis
Les taches rubis sont des néoplasmes vasculaires distincts et bénins, observés chez presque toutes les personnes de plus de 30 ans.
Manifestations cutanées
Les lésions sont des papules discrètes de 0,5 à 5 mm, lisses et en forme de dôme, voire polypoïdes.
Les lésions précoces, plus petites, sont rouge cerise et les lésions plus profondes et plus grandes sont marron.
Elles se manifestent la plupart du temps sur le tronc, mais peuvent être observées sur la tête, le cou et les membres.
Le nombre des lésions peut varier de quelques-unes à des centaines.
Examens de laboratoire et pathologie
La biopsie cutanée est rarement nécessaire, mais démontrerait une prolifération nettement définie et bénigne de capillaires dilatés et de veinules postcapillaires dans le derme papillaire.
Les plus grandes lésions montrent un aplatissement de l’épiderme sus-jacent et une collerette épithéliale en périphérie.
Évolution et pronostic
Les taches rubis non traitées persistent indéfiniment.
Un traumatisme superficiel peut provoquer le saignement.
Des rapports isolés concernant des patients avec des centaines de taches rubis surgissant en association avec la grossesse, mais aussi des patients ayant des taux élevés de prolactine, suggèrent que les facteurs hormonaux peuvent jouer un rôle.