Chapitre 19 Noyade
dosage du strontium et d’autres métaux dans le sang comme marqueurs spécifiques
L’Organisation Mondiale de la Santé estime à environ 500 000 le nombre de décès annuels par noyade, en prenant en compte les décès accidentels, les homicides, les suicides et les noyades de causes indéterminées, mais en excluant les catastrophes naturelles et autres catastrophes de masse comme les naufrages. La noyade est donc la troisième cause de mort, après les accidents de la circulation et les chutes. Une définition simple et consensuelle de la noyade a été adoptée lors du congrès mondial sur la noyade (Word Congress on Drowning, Amsterdam, 2002) [1] : « La noyade est le résultat d’un arrêt respiratoire du à la submersion ou à l’immersion dans un liquide. » Un peu plus précisément, les médecins légistes considèrent la noyade ou submersion comme une mort par asphyxie, où l’organisme est privé d’oxygène par un arrêt des échanges respiratoires, arrêt du lui-même à la pénétration d’eau (c’est de ce liquide-là qu’il s’agit en général) dans les poumons [2–4].
Le diagnostic médico-légal de la noyade dans l’eau est un diagnostic difficile, et il est en général plutôt porté par exclusion, après avoir éliminé d’autres causes évidentes de mort lors de la levée de corps puis de l’autopsie complète. L’apport des examens complémentaires toxicologiques et anatomopathologiques est indispensable pour parfaire ce diagnostic par exclusion. Bien qu’il existe des signes positifs de noyade, aucun n’est absolument spécifique, et c’est pourquoi une victime retrouvée dans l’eau ne doit pas être d’emblée présumée décédée par noyade [5].
Donc, à part le cas simple où un témoin a observé qu’un individu vivant est tombé dans l’eau et en a été retiré mort, deux questions se posent quant aux circonstances du décès : la mort est-elle survenue antérieurement à l’immersion ? La noyade est-elle la cause de la mort ? Le point crucial est d’éventer l’immersion de cadavre, c’est-à-dire la dissimulation de crime [4].
Physiopathologie de la noyade
Noyade
Les principales modifications physiologiques sont les suivantes [1, 3, 6, 7] :
L’eau (salée ou douce) altère fortement le surfactant, ce qui entraîne une modification de la tension superficielle et un collapsus alvéolaire. L’épithélium alvéolaire est alors détruit, puis l’épithélium capillaire [8, 9].
Il faut garder à l’esprit que l’inhalation d’une faible quantité d’eau peut être à l’origine d’un spasme involontaire et brutal du larynx, avec la formation d’un bouchon de mucus, et de spume, empêchant l’entrée de quantités notables d’eau dans les poumons. On parle alors de noyade sèche. Ce phénomène, où on ne retrouve que peu ou pas d’eau dans les voies aériennes, se produirait dans 5 à 15 % des cas [3, 10].
Critères diagnostiques positifs de la noyade
Des altérations cadavériques signent un séjour dans l’eau et permettent d’estimer grossièrement la durée de ce séjour, mais ce ne sont pas des signes de noyade [4, 8] :
Pendant l’autopsie, on recherchera :
Comme l’on décrit Durigon [2, 8], Piette [3] et Campana [4], c’est surtout l’aspect des poumons, distendus, ballonnés, lourds, avec un aspect d’emphysème hydroaérique, qui confortera le diagnostic. Une congestion importante affecte l’ensemble des poumons et l’œdème alvéolaire est très important et peu chromophile.
Marqueurs positifs de la noyade
Mise en évidence de l’hémodilution
Les éléments pouvant être étudiés ont été passés en revue par Durigon [2, 8].
Tous ces paramètres ont été utilisés (et peuvent l’être) avec plus ou moins de succès, mais jamais seuls car aucun n’est vraiment sélectif et l’interprétation des résultats difficiles : leur étude ne fait qu’alimenter un faisceau d’arguments permettant d’arriver au diagnostic de noyade vitale [16–20].
De rares travaux [21, 22] ont mis l’accent sur l’utilisation de la mesure comparative du fer sanguin dans le sang des deux ventricules : la concentration en fer est plus importante dans le cœur droit (FeCD) que dans le cœur gauche (FeCG). Sur 26 cas étudiés par Lorin [21], la différence [FeCD] – [FeCG] va de 0,7 mg/L à 21,6 mg/L (moyenne : 3,8 mg/L). La durée de l’agonie semble cependant influencer les résultats. Ce marqueur de l’hémodilution est de bonne présomption si le corps n’a pas séjourné trop longtemps dans l’eau. Il est donc bien discriminatif, mais il est cependant limité aux noyades en eau douce.