19: Démences Confusion mentale aiguë

19 Démences Confusion mentale aiguë


La démence et la confusion mentale aiguë – « delirium » des auteurs anglo-saxons – ont en commun une altération des fonctions cognitives compromettant l’adaptation de l’individu à son environnement.


S’il est facile de voir ce que ces deux états ont en commun, il est plus difficile d’expliciter ce qui les distingue. Le mode d’installation des troubles est habituellement différent : progressif et insidieux dans la démence, rapide et fluctuant dans la confusion mentale. Ces différences sont le reflet des pathologies en cause : il s’agit le plus souvent de lésions dégénératives progressives dans les démences, d’épisodes « encéphalopathiques » dans la confusion mentale.


La distinction entre ces deux états peut être difficile lorsqu’ils sont associés : une démence débutante est en effet un facteur de risque dans la survenue d’un état confusionnel. Un bon élément en faveur du diagnostic de confusion mentale est l’importance des troubles de l’attention dont le degré évoque une perturbation de l’éveil. Les relations entre vigilance et confusion mentale apparaissent bien dans certaines pathologies (traumatismes crâniens, encéphalopathies métaboliques) où la confusion mentale est souvent une étape entre le coma et le retour d’une conscience claire.



Démences


La démence est définie par la dégradation progressive des fonctions cognitives. Elle résulte le plus souvent de lésions étendues du cortex des deux hémisphères cérébraux, prédominant dans les régions ayant une fonction associative polymodale. Plus rarement, des lésions sous-corticales, bilatérales mais pouvant être limitées, sont responsables d’une démence en interférant avec l’activation ordonnée et cohérente du cortex cérébral. En fait, dans nombre d’affections démentielles, des lésions corticales et sous-corticales sont associées.


Reconnaître une démence est une chose, diagnostiquer l’affection responsable de la démence en est une autre. Dans nombre de ces affections, le diagnostic de la maladie en cause peut et doit être posé avant le stade démentiel qui est tardif.



Sémiologie générale



Trouble cognitif léger


Les démences neurodégénératives sont précédées d’une phase de déficit cognitif léger.


Le trouble cognitif léger est défini par l’existence d’un déficit cognitif objectif, en l’absence de démence proprement dite et notamment de répercussion sur les activités de la vie quotidienne. La question posée par la constatation d’un déficit de ce type est de savoir s’il s’agit d’un trouble cognitif bénin lié à l’âge ou d’un stade prédémentiel.


Le risque d’évolution vers une maladie d’Alzheimer, cause principale des démences, est important lorsque la formule du trouble cognitif est celle d’un déficit mnésique de type hippocampique, tel qu’il peut être objectivé notamment par le test des cinq mots de B. Dubois (tableau 19.I). En revanche, un trouble cognitif léger dont la formule est de type dyséxécutif (cf. chap. 6) oriente vers une démence fronto-temporale débutante.


Tableau 19.I L’épreuve des cinq mots de B. Dubois









Le score total est normalement égal à 10



Évaluation clinique


L’évaluation clinique doit préciser :









Le MMS (Mini-Mental State Examination) — Il s’agit d’un test global, largement utilisé pour déceler une détérioration intellectuelle (tableau 19.II). Un score inférieur à 27/30 est considéré comme anormal. Un score inférieur ou égal à 23/30 est obtenu dans la démence. Cependant, ce test doit être interprété en fonction du niveau d’éducation et du contexte clinique dans la mesure où il peut être perturbé, en l’absence de démence, chez un sujet ayant un trouble limité à une fonction instrumentale, tel qu’une aphasie ou un syndrome amnésique. Par ailleurs, ce test manque de sensibilité, en particulier pour l’évaluation des fonctions exécutives frontales.


Tableau 19.II

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D’autres échelles permettent l’évaluation :






Démences symptomatiques


La démence est parfois un phénomène résiduel, persistant au décours d’une agression cérébrale aiguë telle qu’un traumatisme crânien grave, un trouble métabolique majeur (anoxie, hypoglycémie), une méningoencéphalite sévère.


Dans la majorité des cas, la démence résulte d’un processus pathologique évolutif. Les démences dégénératives primitives sont les plus fréquentes chez les sujets de plus de soixante ans. Cependant de nombreuses autres causes doivent être envisagées, en particulier chez les sujets plus jeunes.


L’âge de début, l’anamnèse, les antécédents personnels et familiaux, les données de l’examen général et de l’examen neurologique peuvent orienter vers la cause d’une démence. Un bilan biologique usuel, complété par le dosage de la calcémie, de la vitamine B12, des folates et de la TSH doit être pratiqué. Sans être systématiques, certains examens doivent être demandés au moindre doute : EEG, sérologie HIV, sérologie de la syphilis, bilan immunologique, examen du LCR avec dosage de la protéine 14.3.3.


L’IRM a un rôle central dans l’orientation du diagnostic étiologique d’une démence. Elle permet de reconnaître des causes rares, telles qu’un processus expansif ou une hydrocéphalie. Par ailleurs, l’étude de la substance blanche est instructive. Dans les démences dégénératives primitives le processus lésionnel intéresse essentiellement la substance grise, notamment corticale : les lésions de la substance blanche sont absentes ou au moins discrètes. Lorsque l’IRM montre des lésions importantes de la substance blanche, d’autres causes doivent être envisagées : leucoencéphalite, leucoencéphalopathie d’origine vasculaire, leucodystrophie.


Les causes de ces démences symptomatiques sont pour la plupart étudiées dans d’autres chapitres : tumeurs cérébrales, traumatismes crâniens, maladies inflammatoires, infectieuses et/ou transmissibles, affections toxiques, métaboliques ou endocriniennes. Seules sont envisagées ici les démences vasculaires.



Démences vasculaires


Le terme de démence artériopathique est utilisé dans les cas où des lésions vasculaires sont en cause de façon prédominante ou exclusive dans le déterminisme de la démence. Ces lésions sont de nature variable.


Des infarctus multiples peuvent être en cause. À côté de la multiplicité et de l’étendue des lésions, l’importance stratégique de certaines localisations lésionnelles doit être considérée : gyrus angulaire, partie inféro-médiane du lobe temporal, du lobe frontal, mais aussi lésions sous-corticales interrompant les circuits cognitifs cortico-sous-corticaux (partie antérieure et/ou paramédiane du thalamus, noyau caudé).


Les maladies des petites artères cérébrales sont responsables de lésions plus ou moins étendues de la substance blanche (leucoaraoïse), souvent associées à des infarctus lacunaires et à des microhémorragies. Des manifestations neurologiques, notamment des troubles de la marche, précèdent habituellement la démence qui est de type sous-corticale avec une sémiologie frontale prédominante. Une hypertension artérielle ancienne, non contrôlée, est souvent en cause (encéphalopathie artérioscléreuse de Binswanger). Les angéites cérébrales, les angiopathies amyloïdes cérébrales, le CADASIL sont d’autres causes possibles.


Chez des sujets âgés atteints de maladie d’Alzheimer, il n’est pas exceptionnel que l’imagerie cérébrale mette en évidence quelques lésions d’origine vasculaire (leucoaraïose, lacunes). Il faut se garder d’attribuer à ces lésions la responsabilité exclusive de la détérioration ; elles peuvent cependant contribuer à décompenser de lésions corticales diffuses de type Alzheimer.



Démences dégénératives primitives



Maladie d’Alzheimer


La maladie d’Alzheimer est la cause la plus fréquente des démences (environ 60 %), atteignant 5 % des sujets âgés de plus de soixante-cinq ans et 20 % des sujets de quatre-vingts ans. En raison du vieillissement de la population, cette maladie sera donc de plus en plus fréquente.



Neuropathologie


Les lésions neuropathologiques de la maladie d’Alzheimer sont présentes plusieurs années avant l’apparition des troubles cognitifs. Ces lésions associent déperdition neuronale, plaques amyloïdes, dégénérescences neurofibrillaires et angiopathie amyloïde.







Diagnostic



Au stade du déficit cognitif léger

Devant un déficit cognitif léger de type amnésique, le risque de survenue d’une maladie d’Alzheimer a été évalué à 8,3 % par an versus 1,7 % par an chez les sujets normaux. L’examen neuropsychologique, lorsqu’il montre en épreuves de rappel différé l’absence d’amélioration par l’indiçage (tableau 19.I) et l’existence de nombreuses intrusions, est plus en faveur d’une maladie d’Alzheimer débutante que d’un déclin cognitif lié à l’âge. L’imagerie (IRM) est évocatrice lorsqu’elle montre une atrophie prédominant sur les régions hippocampiques. Par ailleurs, chez les patients ayant un déficit cognitif léger, le risque de développer une maladie d’Alzheimer est important lorsque la concentration dans le LCR du peptide Aβ1-42 est diminuée et celle de la protéine tau totale (P-tau) et phosphorylée élevée. La TEP utilisant des ligands des fibrilles amyloïde permet de reconnaître les patients ayant un risque élevé de développer une maladie d’Alzheimer.


Le diagnostic à un stade très précoce, voire à un stade préclinique, aura tout son intérêt lorsque nous disposerons d’un traitement neuroprotecteur. Actuellement il constitue un préalable à l’inclusion des patients dans des essais thérapeutiques visant à évaluer l’efficacité de tels traitements neuroprotecteurs.





Étiologie


En dehors des formes familiales, qui ne représentent qu’une minorité de cas (environ 5 %), la cause de la maladie d’Alzheimer est inconnue.


L’allèle E4 du gène de l’apolipoprotéine E (ApoE4) constitue un facteur de risque pour la survenue d’une maladie d’Alzheimer. Ce gène existe dans la population générale sous trois formes alléliques : E2, E3 (le plus commun) et E4. Dans la population atteinte de maladie d’Alzheimer, l’allèle E4 est surreprésenté, l’allèle E2 est sous-représenté. Toutefois, l’allèle E4 n’est qu’un facteur de risque. Même chez les sujets très âgés, il n’est pas obligatoirement associé à une maladie d’Alzheimer. L’ApoE4 semble favoriser l’agrégation du peptide-Aβ et la phosphorylation de la protéine tau. Elle semble aussi moins efficace que les deux autres isoformes dans le renouvellement des lipides de la membrane. Par ailleurs, des variantes du gène SORL1 codant le récepteur de la sortiline, impliquée dans la colocalisation du peptide Aβ et des secrétases β et γ, seraient un facteur de risque de la maladie d’Alzheimer.


Formes familiales — Elles ont généralement un début précoce, avant soixante ans. Leur transmission est autosomique dominante. Trois gènes différents peuvent être en cause. Une mutation du gène codant le précurseur de la protéine β-amyloïde (APP) sur le chromosome 21 est responsable de seulement 2 à 3 % des formes familiales de maladie d’Alzheimer. La surexpression de ce gène dans la trisomie 21 rend compte de la quasi-constance de lésions de type Alzheimer chez ces sujets dès l’âge de trente-cinq/quarante ans. Un gène, sur le chromosome 14 (gène de la préséniline 1 : PS1), est responsable de 70 à 80 % des cas familiaux, et un gène sur le chromosome 1 (gène de la préséniline 2 : PS2) est en cause dans plus de 20 % des cas. PS1 et PS2 sont liés à l’activité catalytique de la γ-secrétase et leur mutation conduit un excès d’oligomères Aβ toxique.


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May 23, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 19: Démences Confusion mentale aiguë

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