19 Démences Confusion mentale aiguë
La démence et la confusion mentale aiguë – « delirium » des auteurs anglo-saxons – ont en commun une altération des fonctions cognitives compromettant l’adaptation de l’individu à son environnement.
Démences
Sémiologie générale
Trouble cognitif léger
Les démences neurodégénératives sont précédées d’une phase de déficit cognitif léger.
Le trouble cognitif léger est défini par l’existence d’un déficit cognitif objectif, en l’absence de démence proprement dite et notamment de répercussion sur les activités de la vie quotidienne. La question posée par la constatation d’un déficit de ce type est de savoir s’il s’agit d’un trouble cognitif bénin lié à l’âge ou d’un stade prédémentiel.
Le risque d’évolution vers une maladie d’Alzheimer, cause principale des démences, est important lorsque la formule du trouble cognitif est celle d’un déficit mnésique de type hippocampique, tel qu’il peut être objectivé notamment par le test des cinq mots de B. Dubois (tableau 19.I). En revanche, un trouble cognitif léger dont la formule est de type dyséxécutif (cf. chap. 6) oriente vers une démence fronto-temporale débutante.
Évaluation clinique
L’évaluation clinique doit préciser :
Le MMS (Mini-Mental State Examination) — Il s’agit d’un test global, largement utilisé pour déceler une détérioration intellectuelle (tableau 19.II). Un score inférieur à 27/30 est considéré comme anormal. Un score inférieur ou égal à 23/30 est obtenu dans la démence. Cependant, ce test doit être interprété en fonction du niveau d’éducation et du contexte clinique dans la mesure où il peut être perturbé, en l’absence de démence, chez un sujet ayant un trouble limité à une fonction instrumentale, tel qu’une aphasie ou un syndrome amnésique. Par ailleurs, ce test manque de sensibilité, en particulier pour l’évaluation des fonctions exécutives frontales.
D’autres échelles permettent l’évaluation :
Diagnostic différentiel
La confusion mentale, étudiée plus loin, doit être distinguée de la démence en raison de sa réversibilité potentielle. L’importance des troubles de l’attention et leur caractère fluctuant sont des éléments différentiels importants. Toutefois, la préexistence d’une détérioration intellectuelle est un facteur de risque de survenue d’un état confusionnel.
Démences symptomatiques
La démence est parfois un phénomène résiduel, persistant au décours d’une agression cérébrale aiguë telle qu’un traumatisme crânien grave, un trouble métabolique majeur (anoxie, hypoglycémie), une méningoencéphalite sévère.
L’âge de début, l’anamnèse, les antécédents personnels et familiaux, les données de l’examen général et de l’examen neurologique peuvent orienter vers la cause d’une démence. Un bilan biologique usuel, complété par le dosage de la calcémie, de la vitamine B12, des folates et de la TSH doit être pratiqué. Sans être systématiques, certains examens doivent être demandés au moindre doute : EEG, sérologie HIV, sérologie de la syphilis, bilan immunologique, examen du LCR avec dosage de la protéine 14.3.3.
L’IRM a un rôle central dans l’orientation du diagnostic étiologique d’une démence. Elle permet de reconnaître des causes rares, telles qu’un processus expansif ou une hydrocéphalie. Par ailleurs, l’étude de la substance blanche est instructive. Dans les démences dégénératives primitives le processus lésionnel intéresse essentiellement la substance grise, notamment corticale : les lésions de la substance blanche sont absentes ou au moins discrètes. Lorsque l’IRM montre des lésions importantes de la substance blanche, d’autres causes doivent être envisagées : leucoencéphalite, leucoencéphalopathie d’origine vasculaire, leucodystrophie.
Démences vasculaires
Chez des sujets âgés atteints de maladie d’Alzheimer, il n’est pas exceptionnel que l’imagerie cérébrale mette en évidence quelques lésions d’origine vasculaire (leucoaraïose, lacunes). Il faut se garder d’attribuer à ces lésions la responsabilité exclusive de la détérioration ; elles peuvent cependant contribuer à décompenser de lésions corticales diffuses de type Alzheimer.
Démences dégénératives primitives
Maladie d’Alzheimer
Neuropathologie
Les lésions neuropathologiques de la maladie d’Alzheimer sont présentes plusieurs années avant l’apparition des troubles cognitifs. Ces lésions associent déperdition neuronale, plaques amyloïdes, dégénérescences neurofibrillaires et angiopathie amyloïde.
Déperdition neuronale
Elle débute et prédomine habituellement sur l’hippocampe et l’aire entorhinale et s’étend ensuite au cortex associatif pariéto-temporal. Il existe aussi des lésions sous-corticales intéressant notamment le noyau basal de Meynert. La perte synaptique est plus importante que la perte neuronale et mieux corrélée avec la démence.
Plaques amyloïdes
La plaque amyloïde comprend un noyau amyloïde central entouré de prolongements neuronaux en dégénérescence. Une activation de facteurs intervenant dans l’inflammation est notée au sein de la plaque. La substance amyloïde est constituée essentiellement par l’accumulation d’un peptide de 36 à 43 acides aminés (peptide β-amyloïde, ou Aβ), qui dérive d’un précurseur de plus grande taille (APP, amyloid precursor protein) qui est une protéine transmembranaire codée par un gène situé sur le chromosome 21.
Dégénérescences neurofibrillaires (DNF)
Les DNF résultent de l’accumulation dans les neurones et les dendrites de protéine tau sous la forme d’amas fibrillaires constitués de paires de filaments hélicoïdaux. Ces filaments contiennent une isoforme anormalement phosphorylée de la protéine tau, protéine associée aux microtubules. En raison de ces lésions, la maladie d’Alzheimer est incluse dans le groupe des tauopathies. Il existe une corrélation entre l’extension des DNF et la détérioration cognitive. Cette extension progresse à partir du cortex entorhinal vers l’hippocampe, l’amygdale, le néocortex temporal, puis vers le cortex associatif pariétal et frontal, en respectant les aires primaires. Des DNF sont aussi constatées précocement dans les noyaux cholinergiques de la base projetant sur ces régions.
Diagnostic
Au stade du déficit cognitif léger
Devant un déficit cognitif léger de type amnésique, le risque de survenue d’une maladie d’Alzheimer a été évalué à 8,3 % par an versus 1,7 % par an chez les sujets normaux. L’examen neuropsychologique, lorsqu’il montre en épreuves de rappel différé l’absence d’amélioration par l’indiçage (tableau 19.I) et l’existence de nombreuses intrusions, est plus en faveur d’une maladie d’Alzheimer débutante que d’un déclin cognitif lié à l’âge. L’imagerie (IRM) est évocatrice lorsqu’elle montre une atrophie prédominant sur les régions hippocampiques. Par ailleurs, chez les patients ayant un déficit cognitif léger, le risque de développer une maladie d’Alzheimer est important lorsque la concentration dans le LCR du peptide Aβ1-42 est diminuée et celle de la protéine tau totale (P-tau) et phosphorylée élevée. La TEP utilisant des ligands des fibrilles amyloïde permet de reconnaître les patients ayant un risque élevé de développer une maladie d’Alzheimer.
Au stade démentiel
Une présentation rare de la maladie d’Alzheimer est celle d’une atrophie corticale postérieure dominée par des troubles visuo-spatiaux comportant des éléments du syndrome de Balint (ataxie optique, simultagnosie) ou du syndrome de Gerstmann (acalculie, agraphie, agnosie digitale, indistinction droite-gauche). La maladie d’Alzheimer est la cause principale de ce syndrome qui peut aussi relever d’une maladie des corps de Lewy, d’une dégénérescence cortico-basale ou d’une maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Une autre présentation rare de la maladie d’Alzheimer est celle d’une aphasie primaire progressive de type logopénique (cf. démence fronto-temporale).
Évolution
L’évolution de la maladie est lentement progressive. On assiste à une réduction des activités quotidiennes, à l’apparition d’erreurs dans la reconnaissance des proches et des lieux. Des troubles psychiatriques peuvent compliquer la situation : dépression, idées délirantes, hallucinations, troubles du comportement. Tôt ou tard survient une perte d’autonomie conduisant souvent à une institutionnalisation. Des crises d’épilepsie, des myoclonies peuvent être observées tardivement. Le terme évolutif est un état grabataire avec une perte totale de communication.
Étiologie
Formes familiales — Elles ont généralement un début précoce, avant soixante ans. Leur transmission est autosomique dominante. Trois gènes différents peuvent être en cause. Une mutation du gène codant le précurseur de la protéine β-amyloïde (APP) sur le chromosome 21 est responsable de seulement 2 à 3 % des formes familiales de maladie d’Alzheimer. La surexpression de ce gène dans la trisomie 21 rend compte de la quasi-constance de lésions de type Alzheimer chez ces sujets dès l’âge de trente-cinq/quarante ans. Un gène, sur le chromosome 14 (gène de la préséniline 1 : PS1), est responsable de 70 à 80 % des cas familiaux, et un gène sur le chromosome 1 (gène de la préséniline 2 : PS2) est en cause dans plus de 20 % des cas. PS1 et PS2 sont liés à l’activité catalytique de la γ-secrétase et leur mutation conduit un excès d’oligomères Aβ toxique.
Traitement
Autres pistes thérapeutiques visant à enrayer la progression des lésions :