Chapitre 19
Conseil génétique et diagnostic prénatal
Le dépistage, le diagnostic et la prise en charge des pathologies fœtales font partie intégrante du Centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN) dans ses composantes médicales, moléculaire et de cytogénétique. L’activité de diagnostic prénatal est encadrée par l’article L.162–16 du Code de la santé publique : « Le diagnostic prénatal s’entend des pratiques médicales ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité et inaccessible au traitement au jour du diagnostic. Il doit être précédé d’une consultation médicale de conseil génétique [par un médecin exerçant son activité dans un centre de diagnostic prénatal pluridisciplinaire] ».
Pour le généticien, plusieurs situations sont à distinguer :
• le risque anticipé de pathologie fœtale pour un couple reconnu à risque par l’existence d’un cas index ou d’un dépistage. Ceci concerne toutes les pathologies monogéniques de transmission mendélienne et les maladies mitochondriales ;
• un risque accru en raison d’une origine ethnique, d’une pathologie maternelle (diabète, PKU…), d’un traitement médicamenteux au cours de la grossesse (antiépileptiques, antithyroïdiens de synthèse…), d’un antécédent familial de maladie multigénique (non-fermeture du tube neural, pieds bots isolés…) ;
• la détection d’une anomalie et/ou d’une malformation fœtale au cours de la grossesse d’un couple jusque là non reconnu à risque.
Chaque fois qu’un diagnostic prénatal reposant sur la biologie moléculaire (diagnostic moléculaire direct quand la(les) mutation(s) est (sont) connue(s), diagnostic moléculaire indirect à l’aide de marqueurs polymorphiques intragéniques et/ou flanquant le gène d’intérêt en cas de maladie génétiquement homogène ou à gène localisé, (figures 19.1 à 19.3) n’est pas accessible, les possibilités alternatives de diagnostic et leur fiabilité respectives devront être étudiées. Les dosages biologiques sur trophoblaste, liquide amniotique ou sang fœtal sont des alternatives possibles. Le dépistage échographique en est une autre. Dans ce dernier cas, il faut prévoir la fiabilité et le moment de la grossesse ou chaque symptôme peut être dépisté, la pénétrance de ces symptômes et leur valeur prédictive positive isolément ou en association. À titre d’exemple, une polydactylie postaxiale est un critère peu fiable de récidive d’un syndrome de Bardet-Biedl car la pénétrance du trait est incomplète et que sa valeur prédictive positive n’est pas optimale. Il en va de même d’un hydramnios pour dépister une récidive de syndrome de Pierre-Robin. À l’inverse, la valeur prédictive d’un rhabdomyome cardiaque en cas de sclérose tubéreuse de Bourneville (STB) est bonne mais c’est un signe tardif dont la pénétrance est faible.
Figure 19.1 Étude directe et indirecte.
Le rectangle bleu symbolise un gène. Les prérequis pour un diagnostic indirect sont : certitude diagnostique, homogénéité génétique (ou identification du gène en cause dans la famille considérée en cas de maladie génétiquement hétérogène), étude familiale préalable, informativité familiale, proximité gène-marqueurs polymorphiques.
Figure 19.2 Étude indirecte dans le cas d’une maladie autosomique récessive.
A. Famille dont les parents ne sont pas apparentés. La famille est informative puisqu’on peut, grâce à l’étude du cas index, différencier les allèles sain et morbide chez chacun des parents. Dans cet exemple, le fœtus n’est pas atteint puisqu’il a reçu l’allèle sain paternel.
B. Famille dont les parents sont apparentés (symbolisé sur l’arbre généalogique par une double barre). Le cas index est homozygote par la descendance pour les marqueurs flanquant le gène (et la mutation qui n’est pas connue). Le fœtus est sain puisqu’il a hérité de l’allèle sain paternel.
Figure 19.3 Étude indirecte dans le cas d’une maladie autosomique dominante génétiquement hétérogène (STB).
La STB résulte d’une mutation qui peut survenir dans un gène porté par le chromosome 9 (TSC1) ou dans un gène porté par le chromosome 16 (TSC2). En pratique, le phénotype clinique résultant d’une mutation de TSC1 ou de TSC2 est indistingable. Dans la famille considérée, l’étude indirecte préalable permet d’exclure le gène localisé sur le chromosome 9 puisque le père atteint n’a pas transmis le même allèle à ses 2 enfants atteints. L’étude de l’enfant sain augmente l’informativité à chaque fois que son statut, sain ou atteint, est certain. En revanche, l’haplotypage au locus sur le chromosome 16 est compatible puisque le père a transmis le même allèle à ses 2 enfants atteints et l’autre allèle à son enfant sain. Lors du DPN, l’étude indirecte sera menée au locus sur le chromosome 16.
Maladies génétiques de transmission mendélienne
Maladies autosomiques récessives
À chaque fois que le DPN repose exclusivement sur un diagnostic indirect (figure 19.2A), une certitude diagnostique, une certitude de l’homogénéité génétique de la maladie (ou du locus en cause dans le cas d’une hétérogénéité génétique) sont des prérequis indispensables. Une étude familiale préalable est nécessaire afin de s’assurer de l’informativité des marqueurs utilisés pour distinguer les allèles sain et muté. Enfin, le résultat sur le statut sain ou atteint du fœtus est rendu au risque près de double recombinaison dans l’intervalle génétique compris entre les marqueurs flanquant le gène étudié. À chaque fois que cela est possible, plusieurs outils diagnostiques sont utilisés (diagnostic moléculaire direct et indirect, diagnostic moléculaire et enzymologique…).
Une des difficultés peut être celle de l’hétérogénéité génétique de la maladie. À titre d’exemple, 14 gènes sont déjà identifiés dans le syndrome de Bardet-Biedl sans qu’aucune corrélation entre le génotype et le phénotype n’ait été établie. L’identification du gène responsable dans une famille donnée est donc un travail possiblement de longue haleine dont l’ordre des gènes à étudier pourra se baser sur des arguments de fréquence de chaque gène connus, d’origine géographique… Quand les parents du cas index sont apparentés, une mutation homozygote est attendue chez le sujet atteint qui l’a héritée de chacun de ses parents via leur ancêtre commun. Il en sera de même de marqueurs polymorphes à faible distance génétique et flanquant le gène (figure 19.2B). Ceci peut être utilisé pour exclure de l’étude le ou les gènes pour lesquels les marqueurs flanquant ne sont pas homozygotes par la descendance chez le ou les individus malades. L’étude des individus sains de la fratrie permet également d’exclure des loci chaque fois qu’un individu sain est homozygote par la descendance ou géno-identique à un germain atteint. Dans le cas de parents non apparentés, seule la comparaison des haplotypes des individus sains et atteints pourra être mise à contribution en excluant les loci pour lesquels la ségrégation des haplotypes n’est pas compatible avec le statut, non ambigu, sain ou atteint des individus (figure 19.3).