18: Néoplasmes de l’intestin grêle et du côlon

Chapitre 18


Néoplasmes de l’intestin grêle et du côlon





Néoplasmes de l’intestin grêle





Épidémiologie: L’intestin grêle représente le segment le plus long (environ 75 %) et la surface la plus vaste (environ 90 %) du tractus gastro-intestinal (GI). Néanmoins, il est un site rare pour le développement de cancer, puisque seulement 1 à 2 % des tumeurs primitives GI se développent dans le duodénum, le jéjunum ou l’iléon. En fait, la moitié des tumeurs du grêle sont des métastases de cancers d’autres sites, en particulier du reste du tractus GI. Les tumeurs malignes du grêle ne représentent que 0,5 % des cancers, bien que leur incidence (en particulier les carcinoïdes) semble être en augmentation. Dans l’ensemble, l’âge moyen au moment du diagnostic d’une tumeur de l’intestin grêle est d’environ 67 ans ; les tumeurs sont plus fréquentes chez les hommes, et les Afro-Américains sont plus souvent touchés que les Blancs.



Physiopathologie: L’adénocarcinome, qui dérive de glandes muqueuses, était autrefois la tumeur primitive de l’intestin grêle la plus fréquente. Il représente désormais 25 % des tumeurs du grêle, y compris les tumeurs bénignes, et 40 % des tumeurs malignes. Les adénocarcinomes se développent le plus souvent dans le duodénum (65 % des adénocarcinomes de l’intestin grêle), même si le duodénum ne représente qu’une infime fraction de la longueur de l’intestin grêle. Ils sont moins fréquents dans le jéjunum et encore moins dans l’iléon. La majorité de ces cancers sont bien ou moyennement différenciés.


Les tumeurs carcinoïdes du grêle, qui dérivent de cellules entérochromaffines situées dans les cryptes de Lieberkühn, sont aujourd’hui les plus fréquentes des tumeurs du grêle ; elles représentent environ 30 à 40 % des tumeurs malignes. Elles ont aussi tendance à être assez bien différenciées. Contrairement aux tumeurs glandulaires, de petites tumeurs carcinoïdes intestinales ont tendance à survenir dans l’iléon distal, et jusqu’à 30 % sont multifocales. D’autres tumeurs neuroendocrines du grêle sont parfois observées, y compris des tumeurs biochimiquement actives telles que des gastrinomes et des somatostatinomes. De véritables carcinomes à petites cellules de haut grade sont très rares.


Les tumeurs malignes du tissu conjonctif représentent 10 % des tumeurs du grêle. Les tumeurs stromales GI (TGSI), qui dérivent des cellules interstitielles de Cajal ou d’un précurseur commun, représentent environ 85 % de ces tumeurs (fig. 18-1). Les TGSI, comme les adénocarcinomes, se développent avant tout dans le duodénum, et l’intestin grêle lui-même est le deuxième site primitif le plus commun pour ces tumeurs mésenchymateuses (33 % proviennent de l’intestin grêle). Morphologiquement, les TGSI ressemblent souvent à des léiomyosarcomes (fig. 18-2), mais elles peuvent être différenciées par l’expression de la protéine Kit (CD117). D’autres sarcomes du grêle, comme de véritables léiomyosarcomes, sont plus rarement observés (chapitre 28).




Les lymphomes GI constituent le type de lymphome extraganglionnaire le plus fréquent, et l’intestin grêle est le deuxième site le plus commun pour ces tumeurs GI (chapitre 10). L’iléon, riche en follicules lymphoïdes sous-muqueux, est le site de l’intestin grêle le plus souvent impliqué. Les tumeurs peuvent être de bas ou haut grade et peuvent dériver d’un précurseur de lymphocytes B ou T. La très grande majorité de ces lymphomes sont non hodgkiniens (fig. 18-3). Les lymphomes impliquant l’intestin grêle peuvent aussi être une manifestation d’une véritable maladie systémique.



Un mélanome malin (chapitre 29) peut se développer comme une tumeur primitive de la muqueuse de l’intestin grêle ; il provient probablement de cellules de Schwann associées à l’innervation GI. En outre, l’intestin grêle est le site le plus commun pour les métastases GI du mélanome.


Enfin, diverses tumeurs bénignes courantes peuvent se développer dans l’intestin grêle, notamment des adénomes, des léiomyomes et des lipomes. Les tumeurs desmoïdes, le plus souvent observées chez les patients atteints de polypose adénomateuse familiale (PAF), les hamartomes et les hémangiomes sont relativement rares. Les tumeurs bénignes sont plus fréquentes dans l’intestin grêle distal.


L’intestin grêle peut être envahi directement par des cancers avancés provenant d’autres sites, mais aussi par l’extension de métastases péritonéales ou par une dissémination hématogène. Comme dit plus haut, l’intestin grêle est le site GI le plus commun pour les métastases de mélanome ; en outre, l’implication de l’intestin grêle est assez fréquente en cas de cancers de l’ovaire, du sein, du poumon et d’autres néoplasmes GI.



Affections prédisposantes: Une maladie inflammatoire de l’intestin prédispose à l’adénocarcinome. En outre, la plupart des syndromes de polypose sont associés à des tumeurs du grêle. Plus particulièrement, la PAF (voir plus loin) est associée à des adénomes et des carcinomes du duodénum et du jéjunum, mais surtout dans la région ampullaire et périampullaire. Chez au moins 90 % des patients atteints de PAF, on trouve des adénomes duodénaux, et jusqu’à 10 % développent un cancer. Ce risque dépend du nombre de polypes, de leur taille et de leur type histologique ainsi que de la présence de dysplasie de haut grade. Les patients atteints de PAF devraient se soumettre à un dépistage régulier du néoplasme duodénal. Cet examen, à effectuer dès le début de la période suivant la colectomie, se pratique au moyen d’un endoscope à angle de vision variable. Le dépistage devra être répété à intervalles de 1 à 5 ans, en fonction de la présence et du degré de polypose duodénale. Les patients atteints de polypose associée à MUTYH développent également un néoplasme duodénal et devraient subir un dépistage. Il en est de même en cas de cancer colorectal héréditaire sans polypose (CCHSP) ; le risque d’adénocarcinome de l’intestin grêle est également accru ; il peut être la première manifestation de la maladie. Le CCHSP associé au cancer de l’intestin grêle peut survenir à un jeune âge (médiane, 39 ans) et sa fréquence décroît à partir du duodénum vers l’iléon, avec environ 50 % d’occurrences dans le duodénum. Le dépistage doit commencer dès l’âge de 30 ans. Les patients atteints de sprue courent un risque accru de lymphome de l’intestin grêle.



Manifestations cliniques: Le symptôme le plus fréquent des tumeurs du grêle est une douleur abdominale, surtout lorsqu’il s’agit d’un vrai cancer. Moins fréquents sont des symptômes tels que perte de poids, nausées, saignements GI et symptômes liés à une perforation. Environ 25 % des patients ont une obstruction GI, et les tumeurs duodénales périampullaires peuvent causer une jaunisse obstructive. Seule une minorité de tumeurs malignes sont asymptomatiques, alors que les tumeurs bénignes peuvent ne provoquer aucun symptôme chez la moitié des patients. Les tumeurs carcinoïdes de l’intestin grêle sont souvent asymptomatiques, mais dans le cadre d’une maladie avancée, elles peuvent sécréter des amines bioactives, responsables de bouffées congestives, de diarrhée, de respiration sifflante et, finalement, de symptômes d’insuffisance cardiaque droite (liés à la fibrose valvulaire). C’est plus fréquent avec des tumeurs d’origine jéjunale et iléale. Les tumeurs bénignes ont tendance à être découvertes par hasard, même si la croissance intraluminale peut finalement causer des symptômes d’obstruction, et certaines peuvent devenir suffisamment grosses pour s’ulcérer et saigner.



Diagnostic: L’examen physique chez les patients porteurs d’une tumeur du grêle est souvent banal, bien qu’il y ait parfois une masse palpable et, dans les cas plus avancés, de l’ascite. Comme indiqué précédemment, des néoplasmes périampullaires peuvent être causes d’ictère. Des signes obstructifs peuvent se manifester par de l’hyperpéristaltisme, et un lymphome peut s’accompagner de splénomégalie ou d’autres atteintes systémiques, comme des adénopathies. Les résultats de laboratoire peuvent révéler une anémie par carence en fer ou une élévation des enzymes hépatiques (ce qui est particulièrement fréquent chez les personnes avec des métastases hépatiques ou une obstruction biliaire). Les taux sériques de l’antigène carcino-embryonnaire (CEA) peuvent être élevés dans les adénocarcinomes de l’intestin grêle, en particulier dans les cas avancés, mais ce marqueur tumoral n’est ni sensible ni suffisamment spécifique pour le diagnostic de routine. Les patients atteints de tumeurs neuroendocrines peuvent avoir des taux élevés de sérotonine, de chromogranine A, de petits peptides bioactifs spécifiques de la tumeur (par exemple la gastrine) ou de l’acide 5-hydroxyindolacétique urinaire. Des variantes de lymphomes intestinaux peuvent montrer des fragments de chaîne lourde d’immunoglobuline A dans le sérum et l’urine.


Une imagerie appropriée est essentielle à la fois pour le diagnostic et la stadification des tumeurs du grêle, mais pas une seule méthode n’est clairement la meilleure. Les techniques radiographiques standard de valeur comprennent un transit baryté GI supérieur comprenant l’intestin grêle (utile pour détecter les masses et des défauts potentiels dans la muqueuse), l’angiographie (qui peut montrer un site de saignement ou une congestion de tumeurs particulières) et l’entéroclyse (ce type d’examen en double contraste est à la fois sensible et spécifique des masses de l’intestin grêle) par tomodensitométrie (TDM) ou imagerie par résonance magnétique (IRM). L’échographie transabdominale et la TDM standard peuvent mettre en évidence une masse primitive ainsi que des métastases ; l’IRM semble être supérieure à la TDM pour la détection et la caractérisation des métastases hépatiques.


Les tumeurs neuroendocrines et leurs métastases sont souvent apparentes sur une scintigraphie à l’octréotide marqué à l’indium-111. Une grande variété de types histologiques absorbent le marqueur de la tomographie par émission de positons (TEP). Toutefois, cette technique n’a pas encore trouvé sa place de manière bien définie dans le diagnostic de la plupart des tumeurs malignes du grêle. La TEP est cependant utile pour ceux qui sont atteints de TSGI ; elle permet, en effet, le suivi de la réponse au traitement systémique (voir plus loin). Des clichés simples contribuent rarement au diagnostic, mais ils peuvent montrer une occlusion intestinale.


La capsule endoscopique utilise un dispositif sans fil qui permet une imagerie endoscopique peu invasive de l’intestin grêle. Le système est composé d’une caméra miniaturisée fonctionnant sur batterie et pouvant être avalée ; ce dispositif autonome émet deux images par seconde à un récepteur suspendu à la ceinture du patient ainsi qu’à un poste de travail informatisé pour le téléchargement et la visualisation des images. Les principales indications de l’endoscopie par capsule sont le repérage des saignements GI obscurs et l’évaluation de la maladie de Crohn. Des tumeurs sont retrouvées chez environ 2 à 3 % des patients subissant une endoscopie par capsule pour saignements GI obscurs, et elles peuvent être plus fréquentes chez les jeunes patients. Les tumeurs détectées peuvent être : un lymphome, un adénocarcinome, une métastase, une tumeur carcinoïde et une TSGI. L’endoscopie par capsule a également été utilisée pour évaluer l’intestin grêle des patients atteints de PAF et du syndrome de Peutz-Jeghers (SPJ), bien que son utilité clinique pour le dépistage systématique de ces patients n’ait pas été établie.




Stadification: Les systèmes de stadification des tumeurs du grêle varient selon l’histologie. Les adénocarcinomes et, plus récemment, les cancers neuroendocrines ainsi que les TSGI sont stadifiés sur la base de la classification TNM des tumeurs malignes de l’American Joint Committee on Cancer. Les lymphomes intestinaux non hodgkiniens, qu’ils soient primitifs ou fassent partie d’un processus systémique, sont stadifiés selon le système d’Ann Arbor modifié, utilisé à l’origine pour la maladie de Hodgkin (chapitre 10).



Traitement


En général, l’exérèse chirurgicale est le traitement de choix pour la plupart des tumeurs localisées de l’intestin grêle. L’étendue de l’exérèse nécessaire dépend de l’emplacement de la tumeur et de l’histologie. Les adénocarcinomes impliquant les première et deuxième parties du duodénum requièrent une duodénopancréatectomie, tandis que ceux situés dans l’intestin grêle distal peuvent être traités par résection segmentaire locale large, comprenant les ganglions lymphatiques régionaux. Les tumeurs neuroendocrines de bas grade doivent être traitées par une résection en bloc, comprenant, à nouveau, les ganglions régionaux. Les TSGI, qui s’étendent très rarement aux ganglions régionaux, peuvent être traitées par exérèse sans curage ganglionnaire (sauf en cas d’atteinte grave de ganglions). Pour les lymphomes de bas grade, une première intervention peut être proposée ; elle peut également être nécessaire en cas de complications de la maladie (par exemple une intussusception). Le traitement local des tumeurs bénignes de l’intestin grêle va de la simple observation (lipomes découverts fortuitement) à une duodénopancréatectomie (adénomes villeux périampullaires) en passant par une polypectomie endoscopique (petits adénomes).


La nécessité et les types de traitement adjuvant varient également. Une résection entière d’une tumeur bénigne ne nécessite aucun traitement supplémentaire. Les adénocarcinomes sont souvent traités selon les principes développés pour le cancer colorectal, certains experts préconisant une chimiothérapie systémique à base de fluoropyrimidine, au moins pour les patients avec atteinte ganglionnaire. Une chimioradiothérapie a aussi été recommandée pour les adénocarcinomes duodénaux plus avancés localement. Jusqu’à présent, aucune étude randomisée n’a démontré qu’une stratégie était supérieure à la chirurgie seule. Les cancers neuroendocrines bien à modérément différenciés, entièrement excisés, ne nécessitent pas de traitement adjuvant. Un traitement postopératoire par le mésylate d’imatinib (voir plus loin) retarde clairement la récidive des TSGI de risque élevé ou intermédiaire, mais on ignore encore si le taux de guérison est amélioré, et des questions subsistent quant à la dose et la durée du traitement. Il n’existe pas de rôle défini pour le traitement postopératoire des autres tumeurs mésenchymateuses. Les lymphomes traités par la seule exérèse récidivent souvent et la chimiothérapie systémique est préconisée pour les variantes de haut grade ; certains experts recommandent également la chimiothérapie pour les sous-types de bas grade.


Les patients atteints d’un adénocarcinome du grêle à un stade avancé sont souvent traités par des chimiothérapies systémiques connues pour être efficaces contre les cancers d’histologie similaire originaires du côlon. Toutefois, les données à l’appui d’un régime spécifique sont rares et ne sont pas issues d’essais cliniques randomisés. Chez environ 90 % des patients atteints d’une TSGI incurable, la maladie est contrôlée de manière durable par un inhibiteur de tyrosine kinase, le mésylate d’imatinib, et la survie médiane pour les patients atteints de métastases a été récemment améliorée, passant d’environ 18 mois à 5 ans.


Les lymphomes de l’intestin grêle peuvent être traités par une chimiothérapie efficace contre les tumeurs d’origine ganglionnaire.



Pronostic: Un adénocarcinome du grêle a généralement un pronostic moins favorable qu’une tumeur glandulaire du côlon au même stade. De même, les résultats du traitement des tumeurs primitives duodénales sont moins bons que ceux des cancers distaux de l’intestin grêle. En général, les taux de survie à 5 ans varient de 4 % en cas de métastases à 80 % pour ceux dont la maladie est débutante et confinée à la paroi de l’intestin grêle. La survie à 5 ans des patients porteurs d’une tumeur carcinoïde du grêle dépasse 50 %. Durant l’ère pré-imatinib, les patients avec résection chirurgicale des TSGI de l’intestin grêle avaient un taux de récidive pouvant atteindre 90 % ou plus, en fonction de la taille de la tumeur, de la localisation précise et des taux de mitose ; les tumeurs plus distales ont un plus mauvais pronostic que celles qui se développent dans le duodénum. Les patients qui récidivent meurent presque invariablement dans les 2 ans, la chirurgie de sauvetage et la chimiothérapie systémique s’avérant inefficaces. L’espérance de vie réelle, à l’ère de l’imatinib en postopératoire, est inconnue, mais la survie médiane des patients atteints de TSGI avancées dépasse probablement les 5 ans. Les patients atteints de petits lymphomes intestinaux ont des taux de survie à 5 ans dépassant 60 %, bien que ce soit très variable et dépende du sous-type histologique.



Néoplasmes du côlon


Le cancer colorectal est le troisième cancer le plus commun aux Etats-Unis. Dans la plupart des cas, lorsqu’il s’est propagé au-delà des ganglions lymphatiques régionaux, il est incurable et, en général, il reste la deuxième cause principale de décès néoplasique. Pour le patient moyen, le risque à vie de développer un cancer colorectal est d’environ 1 sur 18 à 20.





Épidémiologie: Près des trois quarts des cancers du côlon se développent dans la partie proximale (origine colique). Bien que le cancer colorectal soit principalement une maladie des personnes âgées (âge médian : environ 73 ans), environ 10 % des cas surviennent chez des personnes de 50 ans ou plus jeunes. Récemment, l’incidence du cancer colorectal et la mortalité ont, dans l’ensemble, diminué, bien que l’incidence ait augmenté chez les jeunes. Les taux d’incidence des cancers du côté droit ont également diminué, peut-être, mais pas uniquement, en raison du dépistage efficace du gros intestin distal au moyen du sigmoïdoscope flexible. Le cancer colorectal est un peu plus fréquent chez les hommes que chez les femmes et chez les Afro-Américains que chez les Blancs. Les hommes développent un cancer colorectal en moyenne 5 à 10 ans plus tôt que les femmes ; de même, les cancers du gros intestin semblent se développer en moyenne 5 à 10 ans plus tôt chez les Afro-Américains que chez les Blancs. L’incidence varie beaucoup entre régions géographiques et, comme le suggère l’étude des migrations, des facteurs environnementaux plutôt que génétiques jouent, probablement, un rôle déterminant.



Physiopathologie: Entre 96 et 98 % des cancers colorectaux sont des adénocarcinomes. Des histologies rarement observées sont notamment les cancers neuroendocrines, les carcinomes épidermoïdes, les lymphomes, les sarcomes (TSGI y compris). En outre, des tumeurs composites, comme les adénocarcinomes avec une différenciation neuroendocrine, sont de plus en plus souvent décrites.


Les adénocarcinomes proviennent de l’épithélium glandulaire cylindrique du côlon et se développent dans la muqueuse colorectale. Ils sont répandus de manière égale chez les hommes et les femmes, la localisation la plus fréquente étant le côlon sigmoïde. Lors de leur mise en évidence, les adénocarcinomes sont le plus souvent à un stade encore localisé ou régional (ganglionnaire). Environ les deux tiers sont de grade modéré. La plupart sont non mucineux, bien que le phénotype mucoïde représente jusqu’à un cinquième des cancers colorectaux. Une autre variante est le carcinome à cellules en bague à chaton, identifié par un grand nombre de cellules tumorales avec déplacement nucléaire par la mucine intracytoplasmique. Les tumeurs mucineuses ont probablement un plus mauvais pronostic (les données restent controversées), alors que l’histologie montrant des bagues à chaton indique presque toujours une tumeur mal différenciée ou indifférenciée et clairement associée à un pronostic défavorable.


Les cancers neuroendocrines peuvent avoir divers types histologiques, allant de tumeurs carcinoïdes bien différenciées et sans caractéristique particulière aux carcinomes à petites cellules de haut grade. Les carcinoïdes véritables constituent le deuxième sous-type histologique colorectal le plus fréquent. Ils sont plus fréquents chez les non-Blancs et forment la grande majorité des cancers épithéliaux autres que les adénocarcinomes.


Au plan hormonal, les carcinoïdes de l’intestin distal sont inactifs. Les cancers neuroendocrines non carcinoïdes ont tendance à être de grade plus élevé et se présentent souvent avec des métastases à distance, dans le foie et ailleurs.


Dans l’ensemble, les carcinomes épidermoïdes sont rares, mais représentent tout de même jusqu’à un quart des cancers colorectaux. La plupart sont des sous-types de cellules pavimenteuses. Ils sont plus fréquents chez les femmes et les Hispaniques. Dans plus de 90 % des cas, les carcinomes épidermoïdes sont situés dans le rectum ; en général, ils sont moyennement ou peu différenciés. Fait intéressant, ils se présentent communément comme des cancers localisés, quel que soit leur degré de différenciation.


Les lymphomes colorectaux primitifs sont assez rares, représentant 10 à 20 % des lymphomes GI, mais moins de 1 % des cancers colorectaux. Ils sont beaucoup plus fréquents chez les hommes et chez les personnes âgées. Le cæcum est le site d’origine le plus fréquent. Les tumeurs dérivent généralement de lymphocytes B.


Les sarcomes du gros intestin sont également répartis entre les deux sexes ou parmi les diverses races. Plus de 50 % ont été classés comme léiomyosarcomes, le plus souvent trouvés dans le rectum. Ils sont généralement diagnostiqués à un stade localisé, quel que soit leur stade, même si environ 40 % sont effectivement peu différenciés. Le sarcome de Kaposi et les TSGI sont d’autres tumeurs à histologie de sarcome trouvées dans le gros intestin ; la plupart des tumeurs distales, appelées dans les anciens registres léiomyosarcomes, étaient probablement de vraies TSGI.



Affections et facteurs prédisposants: Les facteurs prédisposant à la néoplasie du côlon sont : l’âge (voir plus haut), le sexe, la race, une maladie inflammatoire de l’intestin, des antécédents familiaux et des syndromes héréditaires définis. Les syndromes cancéreux génétiques définis ne représentent, toutefois, qu’un faible pourcentage des cancers colorectaux (voir plus loin). On rencontre souvent des patients ayant des parents au premier degré qui sont aussi atteints de néoplasie du côlon (adénome ou carcinome). Les personnes ayant un parent au premier degré avec un cancer colorectal risquent deux à trois fois plus de développer le même type de tumeur, et ce risque s’élève à cinq ou six fois si les deux parents au premier degré sont affectés. Les patients dont des parents ont un adénome sont confrontés à un risque de cancer colorectal 1,8 fois plus élevé, et ce chiffre passe à 2,6 si le parent a moins de 60 ans.


Les patients atteints de colite ulcéreuse ou de maladie de Crohn courent un risque accru de cancer colorectal en proportion de l’étendue de la maladie intestinale et de la durée de la maladie. Par exemple, l’adénocarcinome du côlon est 10 à 20 fois plus fréquent chez les personnes souffrant de colite ulcéreuse que dans la population générale. Entre 2 et 4 % des patients atteints d’une colite ulcéreuse à long terme développent ce type de cancer, et l’incidence cumulative sur une période de 25 ans est d’environ 12 %. Les patients ayant à la fois une colite ulcéreuse et une cholangite sclérosante primitive semblent être encore plus à risque. Pour ceux qui ont une colite de Crohn, si la maladie implique plus d’un tiers du côlon, ils courent un risque accru de six à huit fois, comme c’est le cas pour ceux qui souffrent de colite ulcéreuse. Une rectite isolée n’est pas un facteur de risque. Les patients atteints de colite ulcéreuse ou de maladie de Crohn étendue doivent subir une coloscopie de dépistage tous les 1 à 2 ans à compter 8 à 10 ans après l’apparition de la maladie. À la coloscopie, des prélèvements multiples (au moins 32 pour une pancolite) sont nécessaires, et toutes les lésions suspectes doivent être biopsiées. Le but est de repérer des dysplasies. La présence de dysplasie de haut grade, une dysplasie dans une masse ou une lésion qui ne peut pas être excisée par voie endoscopique, ou une dysplasie multifocale de bas grade devrait inciter à une colectomie.


Les patients qui ont subi une urétérocolostomie et ceux qui sont atteints d’acromégalie sont également à risque accru. Des études cas-témoins suggèrent que l’obésité, le manque d’activité physique, le tabagisme, la consommation excessive d’alcool, une alimentation riche en graisses et le manque de fibres alimentaires augmentent le risque de cancer colorectal. Les patients atteints de bactériémie ou d’endocardite à Streptococcus bovis ont plus souvent un cancer colorectal et doivent subir une coloscopie.



Syndromes de polypose


Plusieurs affections génétiques définies, dominantes ou récessives, qui accroissent le risque de cancer colorectal (tableau 18-1) ont été identifiées. Elles comprennent le syndrome PAF, le CCHSP, la polypose associée à MUTYH, le SPJ, la polypose juvénile, le syndrome de l’hamartome avec mutation de PTEN et le syndrome de Cronkhite-Canada.




Polypose adénomateuse familiale


La PAF est une affection autosomique dominante, caractérisée par le développement de centaines de milliers de polypes adénomateux et de cancer colorectal vers l’âge de 40 ans (fig. 18-4). Les estimations de prévalence de la maladie sont de 1 sur 8 000 à 15 000 naissances.




Physiopathologie: La PAF est une maladie héréditaire autosomique dominante avec une pénétrance incomplète. Elle a été associée au gène de la polypose adénomateuse colique (APC) situé sur le bras long du chromosome 5 (5q21). APC, un gène suppresseur de tumeur, code une protéine qui est un régulateur essentiel de la croissance des cellules épithéliales intestinales. Les mutations héréditaires conduisent généralement à un produit génique tronqué. Les patients atteints du syndrome familial héritent d’une copie mutante de l’APC ;quand une mutation perte de fonction se développe dans l’autre allèle APC, la croissance des cellules épithéliales des muqueuses n’est plus contrôlée normalement, et des polypes se développent. Des phénotypes variables peuvent être attribués en partie à des différences dans la localisation de la mutation d’APC, la PAF étant atténuée lorsque les mutations siègent aux extrémités 5′ et 3′ du gène.



Manifestations cliniques et diagnostic: Les adénomes apparaissent au début de la deuxième décennie de la vie, et les symptômes GI se manifestent dès la troisième ou quatrième décennie. Les polypes sont distribués de façon relativement uniforme dans tout le côlon, même si une légère prédominance a été notée dans le côlon distal. Si l’affection n’est pas traitée, la PAF se transforme en carcinome colorectal franc vers l’âge de 40 ans. Chez 30 à 100 % des patients, on trouve des polypes gastriques (surtout non adénomateux), et des adénomes duodénaux dans 45 à 90 % des cas. Un cancer duodénal périampullaire survient dans environ 10 % des cas. Les lésions du grêle loin du duodénum évoluent rarement vers la malignité. Dans la forme atténuée de la PAF, on dénombre moins de 100 adénomes coliques, présents pour la plupart dans le côlon droit, la transformation cancéreuse se produisant environ 10 ans plus tard. Les tests génétiques peuvent identifier la mutation chez 85 % des individus atteints et sont utiles pour le dépistage familial.




Syndrome de Gardner


Le syndrome de Gardner est un sous-type phénotypique de la PAF qui est aussi causé par des mutations du gène APC. Il se distingue par la présence de manifestations extra-intestinales, notamment des ostéomes (en particulier mandibulaires), des tumeurs des tissus mous (lipomes, kystes sébacés et fibrosarcomes), des dents surnuméraires, des tumeurs desmoïdes, une fibromatose mésentérique et une hypertrophie congénitale de l’épithélium pigmentaire de la rétine. Les différences phénotypiques entre le syndrome de Gardner et la PAF semblent résulter de variations dans le site de la mutation du gène APC, de la présence de gènes modificateurs et des facteurs environnementaux. Dans le syndrome de Gardner, les polypes adénomateux ont le même potentiel malin que ceux trouvés dans la PAF ; les recommandations thérapeutiques et de dépistage du cancer colorectal sont les mêmes.




Cancer colique héréditaire sans polypose


Le CCHSP, ou syndrome de Lynch, est le cancer colorectal héréditaire le plus fréquent et représente environ 2 % des cas de cancer colorectal (chapitre 3). Le trait est autosomique dominant et très pénétrant. Cliniquement, le CCHSP est défini par la présence des trois éléments suivants : (1) au moins trois parents avec un cancer associé à un CCHSP histologiquement vérifié (cancer colorectal ou de l’endomètre, de l’intestin grêle, de l’uretère ou du bassinet rénal), dont l’un est un parent au premier degré des deux autres, en l’absence de PAF ; (2) un cancer colorectal impliquant au moins deux générations ; (3) un ou plusieurs membres de la famille atteints de cancer diagnostiqué avant l’âge de 50 ans.




Manifestations cliniques et diagnostic: L’âge médian du diagnostic du CCHSP est 45 ans. Bien que plusieurs adénomes puissent être présents, on n’observe pas la polypose diffuse caractéristique de la PAF. La néoplasie colique prédomine du côté droit (à proximité de l’angle colique gauche, ou angle splénique). Bien que les cancers aient tendance à être peu différenciés, ils ont généralement un meilleur pronostic que des cancers colorectaux sporadiques similaires. Un cancer colorectal synchrone ou métachrone est fréquent. Les patients atteints du CCHSP sont prédisposés également à d’autres maladies malignes, en particulier au carcinome de l’endomètre, ainsi qu’aux cancers de l’ovaire, de l’estomac, de l’intestin grêle, des voies hépatobiliaires, de l’uretère et du pancréas. Une variante, le syndrome de Muir-Torre, est associée à des lésions cutanées et à des tumeurs malignes viscérales. Le dépistage du CCHSP peut commencer par l’étude de l’instabilité des microsatellites dans la tumeur et par la recherche, par immunohistochimie, des produits des gènes de réparation des mésappariements (hMSH2, hMSH3, hMSH6, hMLH1, hPMS1 et hPMS2) et/ou d’une mutation du gène BRAF. Un résultat positif n’indique pas nécessairement qu’il s’agit d’un CCHSP, car jusqu’à 15 % des tumeurs sporadiques peuvent avoir ces caractéristiques ; il faut donc compléter les tests par une analyse de la lignée germinale.


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May 6, 2017 | Posted by in IMAGERIE MÉDICALE | Comments Off on 18: Néoplasmes de l’intestin grêle et du côlon

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