18 Maladies infectieuses et/ou transmissibles
La « barrière sang-cerveau » est un terme qui désigne de façon imagée les particularités histologiques et les processus physiologiques actifs qui limitent les échanges entre le sang circulant d’une part, les espaces sous-arachnoïdiens et le parenchyme nerveux d’autre part. Au niveau des plexus choroïdes, la barrière sang-LCR est constituée par l’épithélium choroïdien qui est de type jointif. Au niveau du parenchyme nerveux, elle est constituée par l’endothélium capillaire qui est aussi de type jointif, sans fenestration, et par la juxtaposition des prolongements astrocytaires qui reposent, par l’intermédiaire d’une lame basale commune, sur la face externe des cellules endothéliales.
La protection offerte par cette barrière n’est cependant pas absolue. Lorsqu’ils l’ont franchie, les micro-organismes provoquent une réaction inflammatoire responsable d’une méningite et/ou d’une encéphalite. Parallèlement, le développement d’un processus inflammatoire dans l’espace sous-arachnoïdien ou le parenchyme cérébral augmente la perméabilité de la barrière.
Le diagnostic des infections du système nerveux central constitue une urgence. Il repose sur l’isolement de l’agent pathogène dans le LCR ou dans le parenchyme cérébral, et/ou sur l’évolution du taux des anticorps lors de prélèvements successifs. La biologie moléculaire a apporté un progrès décisif : en quelques heures, l’amplification génique par une polymérase (PCR, polymerase chain reaction) reconnaît l’ADN spécifique de l’agent pathogène dans le sang, le LCR ou les tissus.
Infections bactériennes
Méningites bactériennes aiguës
Sémiologie
La méningite peut apparaître primitive. Ailleurs, elle est manifestement secondaire à un foyer infectieux de voisinage (otite, sinusite), à un foyer infectieux à distance ou à une brèche dure-mérienne, qui constitue une cause de méningite récidivante.
Variétés étiologiques
En dehors de la période néonatale, la fréquence relative des méningites bactériennes a été modifiée par la vaccination contre Haemophilus influenzae. La cause la plus fréquente est actuellement Streptococcus pneumoniae, suivi par Neisseria meningitidis et Listeria monocytogenes.
Listériose neuroméningée — Due à Listeria monocytogenes, c’est une affection dont l’incidence est en augmentation, en relation avec les modalités actuelles de conservation des aliments. Elle survient dans 50 % des cas sur un terrain immunodéprimé. Elle donne lieu à un tableau de méningite ou de méningoencéphalite avec atteinte prédominante des nerfs crâniens et du tronc cérébral (rhombencéphalite). Le LCR, parfois normal au début, peut être atypique, clair à prédominance lymphocytaire ; le développement des germes en culture peut être retardé jusqu’à dix à vingt jours ; l’hémoculture est parfois seule positive. Le pronostic reste grave et le traitement doit être entrepris sur une simple présomption avant la confirmation diagnostique.
Traitement
Le traitement d’une méningite bactérienne aiguë doit être entrepris de façon urgente sans attendre l’identification du germe et les résultats de l’antibiogramme. Le traitement des méningites bactériennes communautaires repose sur une céphalosporine de troisième génération (céfotaxime ou ceftriaxone). En cas de suspicion de listériose, le traitement conseillé associe amoxicilline et gentamycine. Le pronostic semble être amélioré par l’association précoce à la dexaméthasone chez les patients immunocompétents. Lorsqu’il s’agit d’une méningite nosocomiale, le traitement associe la vancomycine à une céphalosporine de troisième génération ou au méropénème.
Abcès du cerveau
Étiologie
Les abcès du cerveau se développent dans trois circonstances étiologiques :
Examens complémentaires
L’imagerie (scanner X et IRM) a considérablement amélioré le pronostic des abcès du cerveau en permettant un diagnostic précoce et une surveillance précise de l’évolution sous traitement. L’imagerie montre habituellement une lésion prenant le contraste de façon annulaire (fig. 18.1). Une telle image n’est pas spécifique, pouvant être observée notamment dans des tumeurs. L’IRM de diffusion, lorsqu’elle montre une diminution du coefficient apparent de diffusion, est en faveur d’un abcès.
Empyème sous-dural
Rare mais très grave, l’empyème sous-dural est en règle générale à point de départ ORL. Son tableau clinique est voisin de celui de l’abcès du cerveau dont il ne peut être distingué que par l’imagerie. L’évacuation urgente de la suppuration associée au traitement antibiotique permet seule une évolution favorable.
Tuberculose cérébroméningée
Méningite tuberculeuse
Clinique
Dans certains cas, les troubles de la conscience sont prédominants, réalisant un syndrome confusionnel dans lequel l’hyponatrémie liée à une sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique peut jouer un rôle. L’existence de formes fébriles pures justifie l’examen du LCR chez tout sujet atteint d’une fièvre prolongée et inexpliquée. Enfin, une angéite tuberculeuse associée à la méningite peut être responsable d’un infarctus cérébral, voire médullaire.
Examens complémentaires
La recherche du BK à l’examen direct n’est positive que dans 20 à 30 % des cas et les cultures ne fournissent leurs résultats qu’après plusieurs semaines. La PCR a une sensibilité très supérieure à celle de l’examen direct et son résultat est beaucoup plus rapide que celui de la culture. Il existe cependant des faux négatifs puisque sa sensibilité n’est que de l’ordre de 60 %.
L’IRM montre une prise de contraste leptoméningée, parfois des lésions parenchymateuses évoquant des tuberculomes.
Pronostic
Le pronostic reste sévère dans les formes reconnues et traitées tardivement en raison de la mortalité (15 à 20 % chez l’adulte) et des séquelles : hémiplégie, paralysie oculomotrice, atrophie optique, surdité, épilepsie. Des complications retardées en relation avec une hydrocéphalie sont possibles.
Tuberculomes
Constitués par une masse caséeuse qu’entoure une zone granulomateuse, les tuberculomes évoluent comme des néoformations intraparenchymateuses lentement expansives. Uniques ou multiples, ils occupent des localisations très diverses (moelle, tronc cérébral, cervelet, thalamus, hémisphères cérébraux). L’abcès tuberculeux se distingue du tuberculome par son caractère souvent unique, la présence de nombreux BK et l’absence en périphérie d’une réaction granulomateuse.
Maladie de Lyme
L’érythème chronique migrant précède les signes neurologiques, mais il n’est retrouvé que chez moins de la moitié des patients. Par ailleurs, la notion de la piqure de tique n’est retrouvée que dans une minorité de cas. Les manifestations neurologiques sont dominées par des atteintes polyradiculaires volontiers très douloureuses et asymétriques. Une atteinte des nerfs crâniens est fréquente, notamment du nerf facial dont l’atteinte est souvent bilatérale. Une méningite lymphocytaire est constante avec présence de bandes oligoclonales IGg dans 70 % des cas. Des manifestations articulaires ou cardiaques peuvent être associées. Le diagnostic nécessite une sérologie de Lyme positive en sachant que la séroconversion peut être tardive. D’un autre côté, une sérologie positive implique que le sujet a été en contact avec B. burgdorferi mais ne témoigne pas nécessairement d’une maladie active. L’index de synthèse intrathécale anti-Borrelia est l’examen le plus fidèle pour attribuer un syndrome neurologique à la borréliose de Lyme.
La neuroborréliose peut avoir d’autres présentations : méningite lymphocytaire isolée, myélite aiguë transverse, encéphalite pouvant être responsable d’un état confusionnel, neuropathie optique, accidents ischémiques cérébraux en relation avec des lésions d’artérite cérébrale.
Un syndrome post-Lyme a été décrit comportant des troubles assez vagues du type fatigue chronique-douleur chronique. Il a été montré qu’un traitement antibiotique prolongé n’a pas d’effet sur ce syndrome.
Maladie de Whipple
La maladie de Whipple est une infection bactérienne chronique due à Tropheryma whippelii. Une atteinte neurologique peut survenir dans le contexte d’une affection systémique se traduisant par des manifestations articulaires, digestives, des adénopathies, une altération de l’état général, un syndrome inflammatoire. Mais les manifestations neurologiques peuvent être révélatrices : détérioration intellectuelle, encéphalopathie myoclonique, ophtalmoplégie supranucléaire, myorythmies oculo-faciales, incoordination cérébelleuse, syndrome hypothalamique. L’IRM montre habituellement les lésions, visibles en T2, souvent rehaussées par le gadolinium, de siège variable.
Neurosyphilis
La neurosyphilis est devenue exceptionnelle grâce au dépistage et au traitement de la maladie dans sa période initiale. Toutefois, elle présente actuellement une certaine recrudescence en relation avec le VIH : 1 % des patients infectés par le VIH auraient une neurosyphilis. Il est donc indispensable de penser à demander les réactions sérologiques de la syphilis devant des tableaux très divers. Une neurosyphilis peut être exclue si le FTPA-ABS et le TPHA sont négatifs dans le sérum.
Syphilis méningovasculaire
Elle est la conséquence directe du développement d’une vascularite syphilitique. Son expression dépend de la topographie et du calibre des artères intéressées. Elle peut se traduire par des infarctus dans le territoire carotidien, vertébro-basilaire ou des artères spinales. Des atteintes des nerfs crâniens peuvent aussi être observées. La formule inflammatoire du liquide céphalorachidien doit faire évoquer la syphilis, facilement confirmée par les tests sérologiques. Le traitement permet d’enrayer l’évolution et souvent d’obtenir une amélioration.
Paralysie générale
Les signes cliniques apparaissent dix à vingt ans après le chancre. Des troubles cognitifs, des modifications de l’humeur et du comportement sont au premier plan. Un acte médico-légal (attentat à la pudeur, vol, escroquerie) révèle parfois la maladie. Des idées délirantes sont fréquentes, souvent de type expansif : délire mégalomaniaque, empreint d’absurdité et d’incohérence. Néanmoins, des états dépressifs sont fréquents.
Le liquide céphalorachidien est constamment anormal. L’hypercytose (10 à 100 lymphocytes) constitue le signe le plus précoce et le premier à disparaître sous traitement. L’élévation de la protéinorachie porte surtout sur les gammaglobulines. Les réactions sérologiques de la syphilis sont constamment positives dans le sang et le LCR.