18: Imagerie des métatarsalgies

Chapitre 18 Imagerie des métatarsalgies



1 Algorithme diagnostique





Stratégie diagnostique (fig. 18-1 et 18-2)




Ce bilan permet le plus souvent de faire le diagnostic des déformations et des principales pathologies osseuses ou articulaires : hallux valgus, hallux rigidus (fig. 18-3), fracture de fatigue, luxation du 2e orteil, longueur excessive des 2e ou 3e métatarsiens, nécrose des sésamoïdes, des têtes métatarsiennes…



En cas de métatarsalgie (pathologie sésamoïdienne exclue) avec un bilan radiologique négatif ou en cas de doute sur ce bilan, l’échographie paraît l’examen à réaliser en première intention (fig. 18-1 ). En cas de suspicion de fracture sous-chondrale ou bien en l’absence d’échographiste spécialisé, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) peut constituer un excellent examen à réaliser en premier après les radiographies. Toutefois, le faible coût et surtout les bonnes performances de l’échographie dans la plupart des pathologies de l’avantpied plaident pour cet examen en première intention après le bilan radiologique standard.


Dans le cas d’une douleur des sésamoïdes (fig. 18-2 ), le scanner en coupes fines et en haute résolution est l’examen de première intention après les radiographies (si ces dernières n’apportent pas la solution). L’IRM est rarement nécessaire, si ce n’est en cas de suspicion de sésamoïdite ou de douleurs inexpliquées par le scanner en coupes fines.



Névrome de Morton


Il correspond à une fibrose intra- et périneurale du nerf plantaire commun au niveau de sa bifurcation, c’est-à-dire en regard des têtes métatarsiennes. Le diagnostic clinique et/ou la localisation d’un névrome de Morton n’est pas toujours facile. On peut avoir recours à une imagerie complémentaire en cas de suspicion de névrome de Morton pour éliminer un diagnostic différentiel ou pour localiser précisément le névrome.


Zanetti [1] a montré dans une étude portant sur 54 pieds que dans 57 % des cas, le schéma opératoire prévu cliniquement avait été modifié par l’imagerie (changement d’espace opéré, présence de deux névromes au lieu d’un seul cliniquement, ou l’inverse). Notre expérience est la même. En cas de suspicion clinique de névrome de Morton, l’imagerie la plus performante et la plus accessible actuellement est l’échographie. Bien sûr, l’IRM reste un examen de référence, mais qui est moins accessible et plus coûteux. Le névrome de Morton n’a aucune expression sur les clichés simples.


L’échographie du névrome de Morton a connu un bond qualitatif majeur et a pris une place très importante dans l’étude des douleurs de l’avant-pied.


Sa sémiologie est maintenant bien établie : c’est une masse hypoéchogène située dans la partie plantaire du 2e ou du 3e espace intermétatarsien en regard des têtes. En coupes verticofrontales, par voie plantaire ou dorsale, le névrome se présente comme une masse arrondie le plus souvent hypoéchogène à bord net, entre deux têtes métatarsiennes, interrompant la colonne graisseuse inter-capito-métatarsienne hyperéchogène normalement en continuité avec la graisse sous-cutanée (fig. 18-4). Rarement, l’échostructure du névrome est plus échogène (fig. 18-5).






Le névrome peut se luxer vers la plante lors de la compression latérale de l’avant-pied (fig. 18-6 ), souvent avec un ressaut visible et perceptible cliniquement (signe de Mulder échographique). Pour cette raison, entre autres, l’étude plantaire est à préférer à l’étude dorsale.



En coupes sagittales, le névrome de Morton est toujours effilé à ses extrémités, parfois bifide, et se raccorde au nerf plantaire digital à ses deux extrémités (fig. 18-7). Dans notre expérience et dans l’étude de Quinn [2], toutes les masses en continuité avec le nerf plantaire digital étaient des névromes. Certaines bursites aux parois très épaisses ainsi que certaines synovites peuvent néanmoins englober le nerf et le diagnostic peut devenir difficile (surtout dans les polyarthrites rhumatoïdes).



Lors de la compression, le névrome, contrairement à la bursite, se déforme mais ne se collabe pas.


La sensibilité de l’échographie estimée dans la littérature varie entre 96 % et 100 % [3,4].


La spécificité de l’échographie est estimée à 83 % [4]. Sa valeur prédictive positive est de 100 % selon Oliver [3].


De plus en plus souvent, grâce aux excellentes sondes échographiques actuelles, on peut même voir directement le nerf plantaire digital normal. Se pose alors la question, en cas de discret épaississement du nerf, de la limite de ce qu’il est convenu d’appeler un névrome, ou un simple épaississement du nerf (fig. 18-8).



En IRM, ce dernier apparaît visible sous la forme d’une masse ovoïde, située dans le 2e ou plus fréquemment le 3 e espace, quelques millimètres en arrière de l’interligne métatarsophalangien, à bord inférieur convexe, bien limité par la graisse sousjacente, situé en hauteur dans la partie moyenne ou plantaire de l’espace mesurant le plus souvent de 5 à 15 mm de diamètre (fig. 18-9). En T1, il est toujours en isosignal par rapport au muscle, en T2, son signal est variable : hypo- ou plus souvent hypersignal modéré, surtout après saturation de la graisse, voire de signal mixte (hyposignal coiffé d’une petite zone en hypersignal franc lorsque le névrome est surplombé d’une petite bursite). La sensibilité de l’IRM est estimée par Zanetti à 83 % avec une spécificité de 100 % pour la détection des névromes de Morton [5].



Sa prise de contraste est également variable en intensité, mais est toujours homogène, à la différence de la bursite où la prise de contraste est périphérique.


L’imagerie moderne a montré le caractère souvent bilatéral (dans presque la moitié des cas) [6] et multiple des névromes.





Bursite inter-capito-métatarsienne


C’est une collection liquidienne développée entre deux têtes métatarsiennes, secondaire à l’inflammation d’une bourse physiologique. Cette irritation peut être d’origine mécanique, conséquence d’un trouble de la statique de l’avant-pied, ou secondaire à un rhumatisme inflammatoire. Il existe également des bursites calcifiantes de type apatite (fig. 18-10).



En IRM, la bursite inter-capito-métatarsienne apparaît comme une zone en hyposignal en T1, ne prenant le contraste qu’en périphérie, en hypersignal liquidien en T2 (ce qui permet de la différencier facilement d’un névrome de Morton dont l’hypersignal T2 est rarement franc).


L’IRM est parfois nécessaire en cas de doute échographique ou dans certains rares cas préopératoires (fig. 18-11). Une injection intraveineuse de gadolinium peut permettre d’affirmer le diagnostic en cas de doute avec un névrome de Morton. En effet, le névrome prend globalement le gadolinium alors que la bursite ne prend le contraste qu’au niveau de ses parois.



En échographie, la bursite est une formation hypoéchogène intermétatarsienne, comme le névrome de Morton, mais sans raccordement avec le nerf, se collabant quasiment complètement lors de la compression (fig. 18-12). Il est parfois possible de visualiser le nerf interdigital, plus dorsal, ce qui permet d’affirmer le diagnostic de bursite sous-capitale.




Bursite sous-capito-métatarsienne


Elle correspond à une collection liquidienne à paroi plus ou moins épaisse et plus ou moins bien limitée, développée sous une tête métatarsienne (fig. 18-13), sans anomalie du tendon fléchisseur ni de l’articulation. Elle est habituellement secondaire à un trouble statique (avant-pied rond), à un rhumatisme inflammatoire (polyarthrite rhumatoïde) ou à une arthropathie microcristalline. Elle a la même sémiologie que la précédente, mais se situe sous une tête métatarsienne. Elle est très bien analysable en échographie où elle apparaît comme une zone hypoéchogène. L’échographie est généralement suffisante pour diagnostiquer une bursite inter- ou sous-capito-métatarsienne. En IRM, elle présente les mêmes caractéristiques de signal que la bursite intercapito-métatarsienne, mais pas la même localisation. Tardivement, ces bursopathies peuvent comporter une forte composante fibreuse de bas signal T1 et T2. Elle se situe bien sûr sous la tête d’un métatarsien. L’IRM peut être nécessaire dans le cadre du bilan préopératoire de certaines de ces bursites. Le problème diagnostic avec un granulome ou un abcès suite à un corps étranger (échardes, morceau de verre) peut se poser. La localisation est alors particulièrement importante (zone d’appui ?). L’échographie permettra au mieux d’affirmer ou de retrouver le ou les corps étrangers.




Syndrome d’instabilité du 2e ou du 3e rayon


C’est une arthropathie mécanique métatarsopha-langienne, favorisée par une insuffisance fonctionnelle du 1er métatarsien et un M2 ou M3 long, liée à une rupture progressive de la plaque plantaire.


Ce syndrome d’instabilité est la conséquence d’une surcharge mécanique de l’articulation. Il est donc fréquemment rencontré en cas d’hallux valgus, mais également en cas d’hallux rigidus.


Ce syndrome évolue en trois temps : synovite, subluxation dorsale réductible de l’orteil puis déformation fixée. Seul le premier de ces temps a besoin d’une imagerie autre que les simples radiographies.


Radiologiquement, on observe au début un épanchement intra-articulaire ou une synovite qui se manifeste parfois par un petit élargissement de l’interligne articulaire. Assez rapidement apparaît un pseudo-pincement de l’interligne articulaire sur le cliché de face qui est en fait lié à un début de subluxation dorsale de la phalange proximale, dont on peut apprécier le positionnement par rapport à la tête métatarsienne soit sur un cliché parfaitement de profil en charge, soit sur une incidence déroulée du pied.




Grâce aux machines d’échographie actuelles, cette rupture est directement visible en échographie (fig. 18-15). Certains auteurs préconisent la réalisation de tests dynamiques pour sensibiliser l’étude de la plaque plantaire, lésion qui doit être recherchée pour affirmer le syndrome du 2e rayon en échographie. La synovite articulaire doit également être présente, car la pathologie dégénérative de la plaque plantaire est fréquente et souvent asymptomatique après 50 ans. La ténosynovite n’est pas toujours associée à ce syndrome. En cas de synovite de la MTP sans lésion de la plaque plantaire et sans rhumatisme inflammatoire, une fracture sous-chondrale ou une arthropathie devra être suspectée (intérêt d’un complément IRM en cas de suspicion de fracture de contrainte sous-chondrale).



Nous ne nous attarderons pas sur la sémiologie IRM, qui est traitée dans le chapitre 18.3.


L’IRM permet d’étudier directement l’état anatomique de la plaque plantaire [7,8] et des ruptures distales grâce aux coupes sagittales T2 au mieux avec saturation de la graisse.


Il faut savoir que si la sensibilité de l’échographie et de l’IRM est bonne, sa spécificité est médiocre et l’échographie semble finalement supérieure à l’IRM si on corrèle les lésions retrouvées à la chirurgie [9,10].



Fractures de contrainte des métatarsiens


Le problème diagnostique se pose au début de l’évolution, quand les clichés sont encore normaux.


La TDM, à ce stade, n’est guère plus contributive que les clichés simples.


La scintigraphie fixe d’emblée.


L’IRM est positive précocement, il existe une plage intra- et périosseuse en hyposignal en T1 et un hypersignal en T2. L’injection intraveineuse de gadolinium provoque un rehaussement de signal qui démasque parfois le trait de fracture, demeuré en hyposignal. Néanmoins, cette injection est la plupart du temps inutile.


Plutôt que d’avoir recours à ces examens lourds, on peut simplement attendre 15 j, et refaire un cliché : le cal débutant est en règle évident après ce délai. Il existe un autre moyen économique et immédiat de résoudre ce problème : l’échographie, qui peut mettre en évidence dès les premiers jours une augmentation focale hypoéchogène de l’épaisseur du périoste [11] correspondant à un petit hématome ou à un œdème en regard d’une corticale hyperéchogène linéaire qui apparaît normale en échographie (fig. 18-16). La présence de cet hématome périosté, alors que les clichés simples sont encore normaux, atteste d’une pathologie d’origine osseuse qui, dans le contexte, a la même valeur que celle de la scintigraphie.



Les fractures de contrainte sous-chondrales des têtes métatarsiennes sont moins évidente à diagnostiquer radiographiquement. Elles sont en général visibles sur les clichés simples sous la forme d’une désorganisation de la trabéculation spongieuse sous-chondrale d’une tête métatarsienne, avec souvent une bande dense sous-chondrale (fig. 18-17). Elle s’accompagne toujours d’une synovite articulaire visible en échographie. Après quelques jours apparaît fréquemment une apposition périostée du col métatarsien. L’IRM est souvent l’examen de choix pour dépister un hypersignal T2 diffus de la tête métatarsienne avec parfois un petit trait de fracture visible en T2 et parfois, mieux, en T1. Ces aspects seront traités dans le chapitre suivant.


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Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 18: Imagerie des métatarsalgies

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