Chapitre 17. Autres pathologies neurologiques
démarche clinique
Remarques préliminaires
L’HI ne résume pas la neurologie périnatale : certaines pathologies virales ou parasitaires survenues en cours de grossesse sont connues pour leurs conséquences fœtales variées, incluant des localisations cérébrales. Certains agents toxiques auxquels la mère a été exposée en cours de grossesse (alcool, drogues, médicaments) peuvent avoir un retentissement plus ou moins spécifique sur le fœtus. Enfin, pathologie malformative ou syndromes génétiques peuvent léser le cerveau fœtal.
Une première remarque concerne la chronologie de l’atteinte fœtale au cours de la grossesse : la date de la maladie maternelle ou de l’exposition à un agent toxique au cours de la grossesse peut être précoce ou tardive; et la pathologie néonatale dépendra étroitement de cette chronologie. Si l’agression infectieuse ou toxique est précoce (premier trimestre de la grossesse) sur un cerveau encore très immature, elle peut entraîner des troubles du développement cérébral qui seront souvent classés comme des malformations; à la naissance, le nouveau-né sera déjà au stade séquellaire de cette pathologie fœtale précoce le plus souvent passée inaperçue. Si l’agression est plus tardive, à partir du 4e mois de grossesse, on peut encore voir des anomalies de migration neuronale; cependant, la pathologie est plus clairement cicatricielle.
Une deuxième remarque concerne le dépistage de la maladie maternelle au cours de la grossesse. En effet, si les dépistages sont systématiques et appliqués avec rigueur, d’une part la pathologie va diminuer (par différents mécanismes), et d’autre part les nouveau-nés atteints seront immédiatement identifiés à la naissance. L’exemple de la rubéole est particulièrement démonstratif : la rubéole fœtale précoce a longtemps été une catastrophe redoutée, avec malformation cardiaque et pathologie neuro-oculaire gravissime. La vaccination systématique des jeunes filles l’a pratiquement fait disparaître; les rares cas de rubéole en début de grossesse sont dépistés en temps utile pour une éventuelle interruption de grossesse.
Les pathologies se présentent au clinicien sous deux aspects :
• soit le risque était déjà identifié en cours de grossesse, il faudra alors préciser chez le nouveau-né l’existence, la nature et le degré des complications neurologiques éventuelles;
• soit le risque n’était pas connu au cours de la grossesse, l’orientation se fera alors selon les signes cliniques et radiologiques présents chez le nouveau-né.
Enfin, il n’est pas question ici d’être complet mais de résumer une démarche clinique adaptée à quelques-unes de ces pathologies.
Pathologie infectieuse
Pathologie virale
Risque identifié au cours de la grossesse
pathologieviraleLorsqu’une pathologie maternelle a été diagnostiquée et rapportée de façon certaine à un agent viral, l’examen neurologique clinique du nouveau-né et les examens complémentaires (fond d’œil [FO], ponction lombaire [PL], imagerie, confirmations biologiques) permettront d’évaluer s’il y a eu ou non contamination, s’il y a eu ou non lésion cérébrale et son degré de gravité. C’est le cas par exemple pour le virus à inclusion cytomégalique (cytomégaloviruspathologieviralecytomégalovirus [CMV]) ou pour celui de l’herpèspathologieviraleherpès, lorsque la femme enceinte fait une maladie suffisamment fébrile ou symptomatique pour entraîner des recherches virales et mettre en évidence l’agent causal. La surveillance biologique précisera si le fœtus a été ou non contaminé; les échographies fœtales pourront permettre de prendre des décisions d’interruption de grossesse, en particulier sur microcéphalie secondaire ou calcifications cérébrales. À la naissance, le nouveau-né peut être indemne ou atteint à différents degrés, de très discret à très sévère. Il faut cependant savoir, en particulier pour les infections à CMV, que les complications cérébrales sont souvent latentes à la période néonatale et ne se révéleront que plus tard, soit par une déficience intellectuelle, soit par une déficience auditive. L’aspect le plus positif d’une surveillance spécifique est donc le dépistage systématique de la surdité pour sa prise en charge précoce. En effet, il semble que plus d’un tiers des surdités neurosensorielles congénitales soient dues au CMV. L’enregistrement des otoémissions acoustiques (OEA) à la maternité (ou à 40 semaines corrigées si l’enfant est prématuré) est une des méthodes de dépistage; les PEA tendent à les supplanter. Il faudra cependant continuer à surveiller jusqu’à 6 ans, car l’apparition retardée d’un déficit auditif n’est pas rare.
En cas d’infection maternelle par le VIH (virus de l’immunodéficience humainepathologieviraleimmunodéficience humaine), si le fœtus est atteint, l’enfant est le plus souvent asymptomatique dans les premiers mois de la vie; ce n’est qu’au cours des premières années que se révélera progressivement une encéphalopathie; la trithérapie en a largement modifié incidence et pronostic.
Risque non identifié au cours de la grossesse
C’est souvent le cas de l’encéphalopathie herpétique acquise au cours de la naissance chez une mère porteuse du virus dans l’endocol. La mère n’a pas d’histoire évocatrice. Le nouveau-né est normal à la naissance; 5 à 15 jours plus tard apparaissent des signes neurologiques graves (en particulier un état de mal convulsif) et des manifestations générales, cutanées, pulmonaires, hépatiques, hématologiques. C’est une encéphalopathie très sévère, heureusement rare; décès ou séquelles majeures sont l’évolution inéluctable.
Dans ces encéphalopathies virales périnatales, les lésions sont diffuses, avec cytolyse, altérations des membranes et des synapses, infiltration périvasculaire mononucléaire et finalement dégénérescence neuronale dont la topographie varie avec l’agent causal.
Pathologie bactérienne
pathologiebactérienneUne méningitepathologiebactérienneméningite bactérienne reste une hantise, soit chez un nouveau-né à terme considéré comme sans problème à la naissance, soit chez un prématuré en USI. C’est une pathologie qui n’est pas rare (estimée à 0,4 pour 1000 naissances vivantes) et qui reste une cause non négligeable de paralysie cérébrale et pathologies associées. Les signes d’appel sont ceux d’une septicémie : prématurité, rupture prématurée des membranes, fièvre maternelle. Les signes cliniques sont non spécifiques : fièvre, léthargie, hypotonie, irritabilité, difficultés alimentaires et parfois convulsions. Cependant l’hémoculture n’est positive que dans environ la moitié des cas de méningite, il est donc nécessaire de faire une PL sur la constatation de l’un des signes cliniques et ceci même en l’absence de circonstances de risque. Les deux germes le plus souvent en cause sont le streptocoque B et l’Escherichia coli. L’antibiothérapie initiale comporte donc le plus généralement l’association ampicilline-gentamycine; le traitement des méningites retardées dépend de la flore identifiée dans l’USI et de la résistance éventuelle des germes. Il n’est pas approprié ici d’entrer dans la conduite de l’antibiothérapie et la recherche de complications encéphaliques, mais plutôt de rappeler deux des difficultés les plus courantes :
1. comment déterminer le caractère pathologique du LCR? Il faut tenir compte des valeurs normales au cours des premières semaines de vie et selon l’AG, en relation avec la perméabilité plus grande de la barrière hématoméningée. Pour simplifier, on peut retenir qu’un taux de globules blancs supérieur à 30 par millimètre cube et une albuminorachie supérieure à 1 g/l chez l’enfant à terme ou 2 g/l chez le prématuré doivent faire considérer l’éventualité d’une méningite;
2. comment interpréter un LCR stérile malgré l’augmentation du taux des globules blancs et de l’albuminorachie? C’est une circonstance fréquente en cas d’antibiothérapie préventive : il faudra traiter comme une méningite.
Pathologie parasitaire : la toxoplasmose
pathologieparasitairetoxoplasmoseUn parasite, le Toxoplasma gondii, peut entraîner, lorsque la primo-infection maternelle survient au cours de la grossesse, une encéphalopathie ayant des caractères communs avec celles décrites plus haut pour la rubéole, le CMV ou l’herpès. En raison de ces similitudes, chaque fois que les signes de la période néonatale, neurologiques et/ou extraneurologiques, évoquent la possibilité d’une fœtopathie infectieuse, on demandera des recherches biologiques toutes directions. Ce bilan est désigné dans la littérature anglo-saxonne par le sigle TORCH, pour toxoplasmose, rubéole, cytomégalovirus et herpès (bien qu’actuellement la rubéole fœtale ait pratiquement disparu et que le VIH soit recherché de façon systématique) : les caractéristiques communes des encéphalopathies en cas de contamination par des agents si différents les uns des autres s’expliquent par leur survenue sur un cerveau fœtal très immature : il y a place cependant pour quelques spécificités, par exemple l’œil dans la toxoplasmose, la cochlée dans le CMV ou la rubéole.
La forme grave neuro-oculaire due à l’infection toxoplasmique maternofœtale au cours du premier trimestre a disparu en France grâce au dépistage systématique et à la surveillance des femmes à risque, «toxonégatives» en début de grossesse. Quand la contamination fœtale est biologiquement certaine, la surveillance échographique peut montrer la constitution progressive d’une hydrocéphalie, d’une atrophie du parenchyme cérébral, avec des calcifications cicatricielles étendues. Ces formes gravissimes sont une indication d’interruption de grossesse.
Si la contamination est plus tardive et la mère traitée, l’évaluation neurologique néonatale est souvent normale (plus de la moitié des cas), moins souvent non optimale, avec peu de symptômes non spécifiques; des examens biologiques et un FO seront faits à titre systématique. Le FO peut montrer une choriorétinite, mais il peut aussi être normal. Si la preuve biologique de la contamination fœtale est obtenue, l’enfant sera pourtant traité méticuleusement et surveillé longtemps du fait :
• de la fréquence et gravité des choriorétinites tardives (en particulier à l’adolescence) dues à la présence de kystes dans la chambre antérieure de l’œil, non sensibles au traitement antiparasitaire, et qui vont pouvoir libérer des toxoplasmes à tout moment;
• de l’incidence plus élevée d’une déficience intellectuelle si l’enfant n’a pas été traité.
Pathologie toxique
Il n’est pas question de traiter ici dans son ensemble le risque toxique à la période fœtale, mais de prendre quelques exemples pour comprendre la démarche diagnostique devant des signes neurologiques inexpliqués à la période néonatale.
Toxicomanie maternelle
toxicomanie maternelleIl est rare en France que la consommation d’héroïne, par exemple, ne soit pas repérée au cours de la grossesse; le risque sera donc identifié au cours de la vie fœtale. Cependant, si la femme enceinte héroïnomane n’est ni identifiée ni prise en charge, la consommation de drogue aura été très irrégulière, entrecoupée de périodes de sevrage. Si, à la suite de l’expérience américaine, la substitution des opiacés par le chlorhydrate de méthadone est mise en place au cours de la grossesse, les avantages sont nombreux pour la mère et pour le fœtus. Cependant, puisque ce traitement n’est qu’une substitution, le syndrome de sevrage postnatal ne sera pas évité pour autant.
Les signes neurologiques sont prédominants dans le syndrome de sevrage : hyperexcitabilité, trémulations et clonies, ROT très vifs, agitation permanente, hyperactivité, cri incessant, très peu de sommeil, tendance à l’hyperthermie et sudation excessive. L’état d’agitation empêche une succion efficace; diarrhée et vomissements s’ajoutent aux signes neurologiques pour entraîner une prise de poids très insuffisante.
Cependant, avec le traitement de substitution au cours de la grossesse, le syndrome de sevrage sera moins violent, souvent retardé de plusieurs jours ou semaines, d’installation plus progressive. Il peut nécessiter un traitement par une solution aqueuse de morphine en posologies dégressives. L’indication de l’allaitement maternel est encore discutée; celui-ci pourrait permettre un sevrage progressif de l’enfant en raison du passage de la méthadone maternelle dans le lait.
Alcoolisme maternel
alcoolisme maternelL’alcoolisme maternel au cours de la grossesse n’est souvent pas identifié avant la naissance, c’est une «drogue» licite et l’interrogatoire est souvent peu précis. C’est en parlant avec la mère, en prenant connaissance de sa profession et de son mode de vie que l’équipe pédiatrique sera amenée à y penser. L’alcool est l’agent tératogène le plus communément responsable d’encéphalopathies fœtales, et aussi le plus clairement sous-diagnostiqué dans toutes les formes modérées et mineures du spectrum. Le syndrome d’alcoolisation fœtalesyndrome d’alcoolisation fœtalealcoolisme maternel (SAF) n’est que la forme la plus visible pour les cliniciens, celle sur laquelle sont fondées les études épidémiologiques : dans beaucoup de pays européens et aux États-Unis, la prévalence est de 2 à 7 pour 1000. Les lignes directrices pour établir le diagnostic, notamment canadiennes [1, 2], fournissent au clinicien un cadre de plus en plus précis quant aux critères de diagnostic. Avec ou sans confirmation de l’alcoolisation maternelle, les critères de diagnostic sont décrits selon trois chapitres :
1. le syndrome dysmorphique facial caractéristique : avec raccourcissement des fentes palpébrales, minceur de la lèvre supérieure, aplatissement du sillon nasolabial, hypoplasie de l’étage moyen de la face;
2. le retard de croissance avec plusieurs aspects : hypotrophie fœtale, croissance postnatale lente, poids insuffisant par rapport à la taille;
3. les anomalies neurologiques, avec petit périmètre crânien, anomalies structurales telles qu’une agénésie du corps calleux, hypoplasie cérébelleuse, troubles neurologiques ou sensoriels de degré varié.
L’imagerie cérébrale a permis de déterminer la topographie sélective des lésions : le corps calleux, le cervelet, le noyau caudé, l’hippocampe. L’IRM quantitative montre une augmentation de l’épaisseur du cortex et des noyaux gris, une diminution de volume et une désorganisation de la substance blanche, en particulier une atteinte du corps calleux et des faisceaux associatifs intrahémisphériques.
Les signes neurologiques n’ont rien de spécifique à la période néonatale (absence de poursuite visuelle, motricité spontanée désordonnée, interaction pauvre, agitation incalmable). Les déficiences sont de révélation plus tardive : langage d’abord, motricité fine et coordination ensuite, déficience intellectuelle, lenteur du traitement de l’information, déficit d’attention, déficience de la mémoire de travail; l’ensemble de ces déficiences conduit au diagnostic de «dysfonction exécutive», non spécifique. Dans les formes dites partielles, c’est-à-dire celles dans lesquelles la dysmorphie faciale n’est pas caractéristique, c’est sur cette symptomatologie que le SAF sera soupçonné; mais attention, ce n’est pas un diagnostic d’élimination devant une déficience intellectuelle ou des anomalies du comportement. Beaucoup de facteurs épigénétiques viennent d’ailleurs brouiller les cartes (familiaux, socioéconomiques).
L’intervention précoce, l’accompagnement sociofamilial et, comme toujours, l’anticipation sur les troubles de l’apprentissage sont bénéfiques. De plus, la prévention pour des grossesses ultérieures pourra être ciblée.
Hyperbilirubinémie
hyperbilirubinémieQue reste-il des lésions cérébrales de l’hyperbilirubinémie néonatale? C’est un chapitre qui a presque entièrement disparu avec la prévention de l’incompatibilité fœtomaternelle [3]. L’ictère nucléairehyperbilirubinémieictère nucléaire classique est donc devenu très rare, les quelques cas observés dépendent de la vigilance et du niveau technique de chaque équipe ou nation. Les signes cliniques à la période néonatale incluent : léthargie avec difficultés alimentaires, variations du tonus entre hypo- et hypertonie, cri aigu, opisthotonos, signe du coucher de soleil. Au cours des jours suivants, une IRM montre un signal anormal bilatéral au niveau du globe pâle et des noyaux sous-thalamiques; les PEA sont absents ou anormaux. Plus tard, le tableau clinique associe dystonie et mouvements anormaux, déficience auditive, anomalies de l’oculomotricité (dans le regard en haut), hypotonie et ataxie. Les formes plus subtiles sont maintenant considérées comme faisant partie du spectrum des anomalies neurologiqueshyperbilirubinémiespectrum des troubles neurologiques liés à la toxicité de la bilirubine. Cette toxicité est très sélective : ganglions de la base, cervelet, tronc cérébral. Le tableau clinique est donc très typique dans la forme sévère.
Sans entrer dans tous les aspects récents éclairant le mécanisme de cette neurotoxicité, le clinicien doit rester en alerte sur les circonstances de risque. Les recommandations préventives sont régulièrement revues, cependant la prévention reste trop souvent insuffisante : pas de dosage de bilirubine systématique avant la sortie du nouveau-né en cas d’ictère modéré (jugé sur la couleur de la face et de l’abdomen); pas de mesure répétée avec bilirubinomètre après le retour à la maison car beaucoup de praticiens ne sont pas équipés; pas de dosage de la bilirubine libre et du pH.
![](https://freepngimg.com/download/social_media/63059-media-icons-telegram-twitter-blog-computer-social.png)
Stay updated, free articles. Join our Telegram channel
![](https://clinicalpub.com/wp-content/uploads/2023/09/256.png)
Full access? Get Clinical Tree
![](https://videdental.com/wp-content/uploads/2023/09/appstore.png)
![](https://videdental.com/wp-content/uploads/2023/09/google-play.png)