16 Tumeurs cutanées bénignes
Kératose séborrhéique
Une kératose séborrhéique est une lésion épidermique courante, bénigne et chronique ayant des manifestations cliniques variées.
C’est une des tumeurs bénignes les plus courantes observées sur la peau.
Ces kératoses présentent de multiples variations cliniques et peuvent facilement être confondues avec différentes lésions cutanées malignes.
Anamnèse
Les kératoses séborrhéiques se manifestent rarement avant l’âge de 30 ans.
La plupart des gens ont au moins une kératose séborrhéique durant leur vie.
Cela se manifeste autant chez les hommes que chez les femmes.
Les lésions peuvent être localisées aux aréoles des seins chez l’homme comme chez la femme.
La tendance à développer des kératoses séborrhéiques multiples peut être héréditaire.
Les kératoses sont généralement asymptomatiques mais constituent un désagrément d’ordre esthétique.
La lésion peut provoquer des irritations, être traumatisée et saigner selon la zone où elle se trouve.
Manifestations cutanées
Les lésions sont généralement multiples. Elles peuvent apparaître sur tout le corps excepté sur les lèvres, les paumes et les plantes.
La taille et l’apparence superficielle des lésions varient considérablement.
La plupart des kératoses séborrhéiques font entre 0,2 et 2 cm de diamètre, mais certaines lésions peuvent être plus grandes.
Les lésions peuvent être planes ou surélevées. La surface peut être lisse, veloutée ou verruqueuse.
Des kystes sébacés inclus peuvent être observés juste sous la surface
La couleur des lésions est très variable. Elle peut être blanche, rose, marron ou noire. La couleur peut varier au sein d’une même lésion.
Les lésions tendent à être bien limitées, rondes ou ovales, mais peuvent être asymétriques.
Les kératoses séborrhéiques peu épaisses ont une apparence caractéristique avec aspect « collé » sur la peau et une texture cireuse.
Les kératoses épaisses ont une surface en relief qui tend à s’effriter quand elle est frottée ou grattée.
Une kératose séborrhéique inflammatoire est la description clinique d’une kératose séborrhéique de pigmentation noire présentant une inflammation clinique évidente. Il peut y avoir un œdème, un érythème et des petits saignements.
Dermatosis papulosa nigra est le terme utilisé pour les kératoses séborrhéiques couramment observées sur le visage des personnes à peau noire.
Les lésions du dermatosis papulosa nigra sont des papules kératosiques marron foncé, de 1 à 2 mm, se trouvant autour des yeux et de la partie supérieure des joues. La maladie a une prévalence de 30 à 35 % chez les personnes à peau noire.
Stuccokératose est le terme qui décrit les kératoses blanches, fermes et de petite taille. Celles-ci sont couramment observées sur la partie inférieure des jambes et sur les chevilles chez les caucasiens âgés.
Examens de laboratoire et explorations
On distingue plusieurs sous-types histologiques de kératose séborrhéique.
L’hyperacanthose, l’hyperkératose et la papillomatose sont des caractéristiques universelles.
Le degré de développement de ces caractéristiques varie considérablement selon les lésions individuelles et les sous-types.
Des kystes épidermiques sont généralement présents.
Le taux de mélanine varie. Il peut être pratiquement inexistant (stuccokératose) ou extrême.
Les kératoses séborrhéiques inflammatoires présentent des inflammations dermiques marquées, rendant le diagnostic parfois difficile.
Discussion
Des kératoses séborrhéiques surélevées ou pédiculées peuvent être indiscernables des acrochordons et des nævus mélanocytaires composés.
Une kératose séborrhéique plane peut simuler une kératose actinique pigmentaire ou un mélanome superficiel en extension. Une biopsie cutanée doit être pratiquée en cas de doute.
Même si les kératoses séborrhéiques n’ont pas de potentiel malin, on rapporte de rares cas de mélanome, de carcinome basocellulaire et de carcinome épidermoïde se développant au sein d’une kératose séborrhéique.
Une kératose séborrhéique présentant des modifications importantes doit faire l’objet d’une biopsie, pour chercher une lésion maligne.
Traitement
Un traitement peut être indiqué en cas de lésions symptomatiques.
Les lésions présentes dans les zones de friction et de traumatisme réguliers deviennent souvent irritées et symptomatiques.
Le traitement est souvent sollicité pour inconfort ou pour des raisons esthétiques.
La cryothérapie est efficace dans les cas de lésions planes ou légèrement surélevées.
Les cicatrices résiduelles restent minimales.
L’hypopigmentation et l’hyperpigmentation sont des effets secondaires fréquents de la cryothérapie ou de tout autre procédé d’excision.
Conseils et recommandations
Les kératoses séborrhéiques sont des tumeurs courantes et bénignes aux variantes multiples. Celles-ci peuvent simuler les symptômes des tumeurs cutanées plus graves.
Il n’est pas nécessaire de détruire les lésions à moins qu’elles ne deviennent inflammatoires et symptomatiques.
Certaines kératoses sont très pigmentées, ressemblant à des mélanomes, et peuvent donc nécessiter une confirmation histologique.
Acrochordon (ou molluscum pendulum)
Les acrochordons sont des papules charnues pédiculées bénignes, survenant couramment dans les plis cutanés.
Anamnèse
Les papillomes cutanés, ou acrochordons, sont peu courants avant l’âge de 30 ans mais le deviennent après cet âge.
Les femmes sont plus fréquemment touchées que les hommes.
Environ 25 % des adultes ont au moins un acrochordon.
La majorité des patients présentant des acrochordons n’ont que quelques lésions.
Ils sont plus fréquents chez les personnes qui ont pris trop de poids.
Il existe une tendance familiale quant au développement d’acrochordons multiples.
Les lésions qui ne sont pas manipulées sont habituellement asymptomatiques.
En fonction de leur emplacement, les acrochordons peuvent être irrités par la friction, les bijoux ou les vêtements.
Ils peuvent devenir sensibles lorsqu’ils sont traumatisés, torsadés, déchirés ou quand ils subissent une thrombose.
Manifestations cutanées
Un acrochordon est une papule pédiculée de 1 à 5 mm, de couleur chair ou marron.
Les papules peuvent être planes ou filiformes, bien que la plupart soient molles, charnues et pédiculées sur une tige fine.
Les aisselles sont les surfaces les plus couramment atteintes, suivies du cou.
Les lésions surviennent aussi sur les paupières ainsi que dans d’autres régions intertrigineuses, telles que les plis sous-mammaires et inguinaux.
Manifestations non cutanées
Une association entre les acrochordons et les polypes intestinaux a été rapportée. Mais cela n’a pas été confirmé par des études plus poussées.
Les acrochordons font partie du syndrome de Birt-Hogg-Dubé. Celui-ci comprend aussi des trichodiscomes et des fibrofolliculomes du visage, du cou et de la poitrine. Un cancer du rein, un adénome du côlon, des kystes pulmonaires et un cancer médullaire de la glande thyroïde peuvent faire partie de ce syndrome.
Évolution et pronostic
Laissés tels quels, les acrochordons persistent indéfiniment ou disparaissent sans qu’on le remarque.
Les acrochordons subissant une torsion se thrombosent et deviennent sensibles.
Lors de ce changement aigu, les patients tendent à recourir à des soins par crainte d’une malignité cutanée.
Les acrochordons thrombosés prennent un aspect noir ou hémorragique ou les deux.
Tout retard à consulter permet à l’acrochordon résiduel de tomber tout seul. On n’observe, par conséquent, plus aucune lésion lors de l’examen.
Traitement
Les acrochordons ne nécessitent pas de traitement.
Les patients souhaitent souvent une excision pour cause de douleur ou pour des raisons esthétiques.
La meilleure façon de traiter les acrochordons est l’excision aux ciseaux, avec ou sans anesthésie locale.
L’excision peut aussi se faire par bistouri électrique ou par cryothérapie.
La nécessité de soumettre les acrochordons à un examen histologique est un sujet qui reste controversé.
De nombreux dermatologues pensent qu’une confirmation par examen histologique n’est généralement pas nécessaire.
Conseils et recommandations
Le diagnostic des acrochordons ne constitue pas normalement un dilemme.
Ils peuvent être inflammatoires, thrombosés ou fragiles et nécessitent un traitement.
Les acrochordons situés sur le pourtour des yeux peuvent ressembler à d’autres tumeurs cutanées et peuvent nécessiter une biopsie de confirmation.
Dermatofibrome (ou histiocytofibrome)
Le dermatofibrome est une papule cutanée commune, bénigne et indolore, qui survient couramment sur les jambes des adultes.
Anamnèse
Les dermatofibromes surgissent spontanément chez les adultes et parfois chez les enfants.
Les lésions surviennent le plus souvent chez les femmes.
Les lésions se trouvant sur les jambes des femmes sont fréquemment sujettes à des traumatismes dus au rasage et peuvent être un motif de consultation.
La plupart sont asymptomatiques, mais un prurit et une sensibilité peuvent se manifester.
Il existe une controverse sur le fait de savoir si les lésions résultent d’un processus néoplasique bénin ou d’une hyperplasie réactive faisant suite à une blessure. La plupart des patients ne se rappellent pas si la région avait subi un traumatisme particulier préalable.
Certains patients ressentent du prurit au moment de l’apparition de la lésion et l’imputent à une piqûre d’insecte.
Les dermatofibromes ont une tendance à persister indéfiniment tout en gardant des dimensions et un aspect stables.
Manifestations cutanées
La présentation typique comporte des papules dermiques isolées, fermes, de couleur rose, de 3 à 5 mm de diamètre, mais on observe parfois des lésions de plus de 3 cm.
La majorité des dermatofibromes sont en forme de dôme, bien que certains forment un creux par rapport à la surface cutanée avoisinante.
Les lésions sont fixées dans la peau, mais elles sont mobiles par rapport à la graisse hypodermique sous-jacente.
Au toucher, la lésion est d’abord ressentie comme un nodule ferme mais qui, à la palpation, se plisse et se rétracte dans la peau.
Les dermatofibromes sont typiquement de couleur rose, avec un bord pigmenté marron mal limité.
Rarement, les lésions peuvent être de couleur bleue ou noire en raison d’un dépôt hémosidérinique, et peuvent ressembler à un mélanome.
La surface des lésions peut être lisse et luisante voire écaillée ou excoriée.
Même si les dermatofibromes peuvent apparaître sur toute surface cutanée, la plupart sont aléatoirement distribuées sur les membres.
Discussion
Les lésions qui ont une grande quantité d’hémosidérine située profondément dans la tumeur peuvent être de couleur bleue à noire, évoquant un mélanome nodulaire ou un dermatofibrosarcome protubérant pigmenté. Une biopsie est nécessaire dans ces cas.
Le dermatofibrome peut cliniquement simuler un mélanome ayant un nodule central de couleur rose et une hyperpigmentation périphérique.
Le dermatofibrosarcome protubérant (tumeur de Darier-Ferrand) ressemble au dermatofibrome sur le plan histologique plutôt que sur le plan clinique.
Cette tumeur maligne insidieuse se manifeste généralement sur le tronc et se présente sous
la forme d’un nodule ou d’une plaque mal défini(e), de couleur grise, souvent récidivant et de croissance lente.
Sur le plan global, les observations histologiques sont proches de celles du dermatofibrome. De ce fait, une biopsie superficielle peut se révéler faussement rassurante.
Une biopsie profonde au punch ou une biopsie excisionnelle comportant de la graisse hypodermique confirme que le dermatofibrome protubérant est plus cellulaire que la plupart des dermatofibromes.
Traitement
Les dermatofibromes sont des tumeurs cutanées bénignes qui ne nécessitent pas de traitement, excepté quand ils sont symptomatiques, traumatisés à plusieurs reprises ou gênants sur le plan esthétique. Le patient doit être rassuré sur le fait que la lésion est bénigne.
Une excision chirurgicale avec fermeture primaire est le traitement de choix pour les lésions symptomatiques.
La prudence est de mise en cas d’excision de lésions pour des raisons esthétiques. En effet, il se peut que l’apparence finale d’une cicatrice chirurgicale soit moins acceptable que la lésion initiale.
Le patient doit être mis en garde contre les récidives possibles au cas où une lésion n’est pas complètement excisée.
Des injections intralésionnelles de corticoïdes ont été utilisées pour aplanir des lésions surélevées. Ce type de traitement donne des résultats imprévisibles et n’est généralement pas recommandé.
Conseils et recommandations
Les dermatofibromes doivent être stables en dimension, apparence et couleur. Une biopsie s’impose si ce n’est pas le cas.
Les lésions pigmentées soupçonnées d’avoir subi un traumatisme doivent faire l’objet d’une biopsie.
Une biopsie partielle n’est pas indiquée quand le diagnostic est controversé.
L’excision est la meilleure méthode, car la lésion aussi bien que les composants dermiques peuvent être évalués histologiquement.
Chéloïdes et cicatrices hypertrophiques
Une chéloïde est une cicatrice hypertrophique et rétractile qui s’étend au-delà de la région traumatisée ou de la cicatrice chirurgicale. Une cicatrice hypertrophique est une réponse cicatricielle exagérée, après un traumatisme ou une chirurgie.
Anamnèse
Cet état se manifeste autant chez les hommes que chez les femmes.
Les chéloïdes se manifestent à tout âge mais elles ont tendance à survenir avant l’âge de 30 ans.
Les chéloïdes sont plus courantes chez les Africains que chez les caucasiens.
Des cicatrices hypertrophiques et des chéloïdes peuvent survenir sur toute région cutanée.
La plupart surviennent sur la poitrine, la tête et le cou incluant le lobule de l’oreille.
Les lésions se manifestent sur les sites traumatisés et sur les blessures, qui comprennent les cicatrices chirurgicales, les brûlures, les percements, l’acné et les zones inflammatoires.
Manifestations cutanées
Les cicatrices normales ont généralement une couleur rouge et sont fermes pendant les premières semaines ou premiers mois de cicatrisation.
Le prurit et l’hypersensibilité sont courants dans les cicatrices normales, aussi bien que dans les cicatrices hypertrophiques et les chéloïdes.