Rétinopathie diabétique
I Épidémiologie
De grandes études épidémiologiques ont permis de mieux cerner la prévalence des complications rétiniennes de la rétinopathie diabétique (RD).
On estime qu’environ 30 % des diabétiques sont porteurs d’une rétinopathie, soit environ un million de patients en France.
La rétinopathie diabétique est aussi fréquente au cours du diabète de type 1 qu’au cours du diabète de type 2 :
• dans le diabète de type 1, la RD ne survient en général pas avant 7 ans d’évolution ; après 20 ans d’évolution, 90 à 95 % des diabétiques de type 1 ont une RD, dont 40 % une RD proliférante ;
• dans le diabète de type 2, 20 % des diabétiques de type 2 ont une RD dès la découverte de leur diabète. Après 15 ans d’évolution, 60 % d’entre eux ont une rétinopathie diabétique. Le risque à long terme des diabétiques de type 2 est moins celui d’une rétinopathie proliférante que celui d’un œdème maculaire.
II Physiopathogénie
La rétinopathie diabétique est une conséquence de l’hyperglycémie chronique. Les premières lésions histologiques de la rétinopathie diabétique sont l’épaississement de la membrane basale, la perte des péricytes, puis la perte des cellules endothéliales des capillaires rétiniens aboutissant à leur obstruction. À proximité des petits territoires de non-perfusion capillaire ainsi créés, des microanévrismes se développent sur les capillaires de voisinage.
De nombreux mécanismes sont impliqués dans la pathogénie de la RD (fig. 16.1) : la voie de l’aldose-réductase, qui réduit le glucose en sorbitol et est minoritaire en situation de normoglycémie, est anormalement activée. Elle conduit à l’accumulation intracellulaire de sorbitol, alcool toxique pour la cellule. La glycation des protéines (liaison non enzymatique du glucose sur une protéine) entraîne un épaississement des membranes basales et diminue la diffusion en oxygène. Le stress oxydatif, l’activation du système rétine–angiotensine, l’inflammation entraînent une modification du flux sanguin rétinien, et une hypoxie relative conduisant à la sécrétion locale de facteurs de croissance angiogéniques et properméabilisants tels que le VEGF.
La dilatation et l’occlusion des capillaires rétiniens sont les premières lésions cliniquement décelables de la rétinopathie diabétique, aboutissant à deux phénomènes intriqués : hyperperméabilité capillaire menant à l’œdème rétinien, et parallèlement occlusion capillaire menant à l’ischémie rétinienne. Les phénomènes occlusifs et œdémateux évoluent de façon concomitante, les phénomènes œdémateux prédominant dans la région centrale de la rétine, la macula, et les phénomènes occlusifs affectant surtout la rétine périphérique.
L’occlusion étendue des capillaires rétiniens. Lorsque l’occlusion capillaire est étendue, il se produit une prolifération réactionnelle de néovaisseaux par production de facteurs de croissance, dont le VEGF : c’est la rétinopathie diabétique proliférante. Des complications peuvent alors survenir :
• hémorragie intravitréenne par saignement des néovaisseaux prérétiniens ou prépapillaires ;
• décollement de la rétine dû à la traction exercée sur la rétine par du tissu fibreux de soutien des néovaisseaux (prolifération fibrovasculaire) : on parle de décollement de rétine par traction par opposition au décollement de rétine rhegmatogène induit primitivement par une déchirure de la rétine ;
• voire prolifération de néovaisseaux sur l’iris (néovascularisation irienne) et dans l’angle iridocornéen, pouvant provoquer un glaucome néovasculaire par blocage de l’écoulement de l’humeur aqueuse.
L’hyperperméabilité des capillaires rétiniens au niveau de la macula aboutit à la constitution d’un œdème maculaire. Les exsudats profonds (ou « exsudats secs ») sont secondaires à la précipitation de lipoprotéines plasmatiques dans l’épaisseur de la rétine.
III Diagnostic
A Circonstances de découverte
La RD est longtemps silencieuse. La baisse d’acuité visuelle est en général tardive et ne survient qu’après une longue période d’évolution de la RD. Elle est déclenchée par les complications de la RD.
La rétinopathie diabétique devrait être dépistée par l’examen ophtalmologique systématique réalisé lors de la découverte du diabète ou lors de la surveillance ophtalmologique annuelle de tout diabétique.
B Diagnostic de la rétinopathie diabétique
Le diagnostic de la RD repose sur l’examen biomicroscopique du fond d’œil après dilatation pupillaire, complété par des photographies du fond d’œil, qui permettent une analyse plus précise des lésions élémentaires. Cet examen permet d’identifier les différents signes de la RD :
• les microanévrismes rétiniens sont les premiers signes ophtalmoscopiques de la RD (fig. 16.2). Ils apparaissent sous forme de lésions punctiformes rouges de petite taille. Ils prédominent au début au pôle postérieur. Les microanévrismes peuvent s’occlure et disparaître spontanément. Mais l’augmentation du nombre des microanévrismes est un bon indice de progression de la RD ;
Fig. 16.2 Rétinopathie diabétique minime.
A : présence de microanévrismes et hémorragies punctiformes au pôle postérieur : à l’examen du fond d’œil, les microanévrismes apparaissent comme de petites lésions punctiformes, rouges, à la limite de la visibilité. B : les microanévrismes sont bien visibles en angiographie à la fluorescéine.
• les hémorragies rétiniennes punctiformes peuvent être associées aux microanévrismes ;
• les nodules cotonneux sont de petites zones blanches, d’infarctus localisé de la rétine interne (fig. 16.3). Ils siègent essentiellement au pôle postérieur du fond d’œil. Si leur localisation est péripapillaire, on doit suspecter des poussées d’hypertension artérielle associées (50 % des diabétiques de type 2 sont hypertendus et peuvent donc présenter au FO des lésions mixtes de RD et de rétinopathie hypertensive) ;
• d’autres signes sont évocateurs d’ischémie rétinienne sévère compliquant la RD :
– les hémorragies intrarétiniennes « en taches » sont le témoin d’une occlusion capillaire récente en périphérie rétinienne (fig. 16.4),