16: Nouvelles drogues

Chapitre 16 Nouvelles drogues



La dénomination « nouvelles drogues » est un terme générique qui désigne toutes les substances apparues depuis le début des années 2000. Ce terme englobe un ensemble disparate de substances de synthèse, comprenant, entre autres, les cathinones, les pipérazines, les cannabinoïdes de synthèse et les phényléthylamines, pour les principales.


Dans ce chapitre, seules les cathinones, les pipérazines et les cannabinoïdes de synthèse sont abordés. Les phényléthylamines sont traitées dans le chapitre consacré aux amphétamines, les dérivés synthétiques de la cocaïne ne seront pas abordés.


Les cathinones et les pipérazines sont consommées à des fins récréatives et retrouvées dans les milieux festifs quoique certaines fassent l’objet d’un usage en ambiance plus calme, par exemple à domicile [1, 2]. Ces substances sont employées comme stimulants centraux, pour leur action mimant celle de l’amphétamine, de la méthylène dioxyméthamphétamine (MDMA) ou de la cocaïne. Dans les pays anglo-saxons, ces substances sont qualifiées de « stimulants de type amphétamine » (amphetamine-type stimulants ou ATS).


Une des premières drogues de synthèse intégrée à des mélanges de « produits naturels » est apparue sur le marché en 2004, sous le nom de « Spice ». Il s’agit de l’intitulé commercial figurant sur l’une des faces du sachet contenant ce produit. Le « Spice », ainsi que de nombreuses déclinaisons marchandes baptisées « Gorilla », « Sence », « Genie », « Yucatan »… est constitué d’un mélange de végétaux (pour lesquels une utilisation ancestrale et/ou chamanique est revendiquée) auquel ont été ajoutées des substances synthétiques mimant les effets du cannabis. Ces substances n’ont été mises en évidence pour la première fois dans des sachets de type « Spice » qu’en décembre 2008 par un institut allemand [3].


Depuis 2008, l’utilisation croissante de substances de synthèse, cannabinoïdes ou pipérazines, développées initialement pour la recherche fondamentale, tend à faire privilégier aux forces de l’ordre — et aux sites marchands sur internet — un vocable plus général tel « research chemicals », « designer drugs », « legal highs », voire, selon la nature des mélanges auxquels ils sont intégrés, « herbal highs », « social tonics », « bath salts », tandis que le terme « party pills » continue également à être employé. Les autres synonymes sont rassemblés dans les (tableaux 16.1 à 16.4) en regard des noms chimiques ou de la dénomination commune internationale et des formules semi-développées de ces substances.




Tableau 16.3 Cannabinoïdes de synthèse [79, 104, 118].



































JWH-018 1-pentyl-3-(1-naphthoyl)indole
(= Naphthalen-1-yl(1-Pentyl-1H-Indol-3-yl)Méthanone)
Inscrit sur la liste des stupéfiants le 24 février 2009
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JWH-073   image
JWH-122   image
JWH-081   image
HU-210 (6aR)-trans-3-(1,1-Diméthylheptyl)-6a,7,10,10a-tétrahydro-1-hydroxy-6,6-diméthyl-6H-dibenzo[b,d]pyran-9-méthanol
Inscrit sur la liste des stupéfiants le 24 février 2009
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CP 47,497 et analogues C6, C8, C9 (cannabinoïdes dérivés du dibenzo-pyrane) Inscrits sur la liste des stupéfiants le 24 février 2009 image
Anandamide (5Z,8Z,11Z,14Z)-N-(2-hydroxyéthyl)icosa-5,8,11,14-tétraenamide
N-arachidonoyléthanolamide (AEA)
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2-arachidonyl-glycérol   image

Tableau 16.4 Autres substances à usage festif.























Nitrox (DNX) Géranamine ou méthylhexylamine image
5APB 5-(aminopropyl benzofurane)
« fury pure »
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6APB 6-(aminopropyl benzofurane)
« Benzofury »
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Jimscaline R 2,3 dihydro-(4,5,6 triméthoxy 1-ind 1-yl) aminoéthane  
Phenibut Acide 4-amino-3-phénylbunatoïque, HCl  


Quelles nouvelles drogues ?



Cathinones


Ce groupe de substances regroupe des dérivés synthétiques d’une substance naturelle : la cathinone. La cathinone est présente dans le Catha edulis (Khat ou Qat), plante endémique de la corne de l’Afrique. La substitution d’une ou plusieurs fonctions sur ce noyau de base aboutit à la synthèse de « cathinones » telles que : la méphédrone (4-méthyl-methcathinone), la 3, 4-méthylènedioxypyrovalérone (MDPV), la méthylone, la naphyrone, etc. Les structures chimiques sont récapitulées dans le tableau 16.1.


De par leur structure, les cathinones s’apparentent aux amphétamines, puisque ce sont des phényléthylamines comportant une fonction cétone en position β. La cathinone est l’analogue β cétonique de l’amphétamine, l’éphédrone (ou méthcathinone) celle de la méthamphétamine, la méphédrone (ou 4-méthylmethcathinone) celle de la 4-méthylméthamphétamine, la méthylone celle du méthylènedioxyméthamphétamine (ou MDMA), la méthédrone celle de la 4-méthoxyméthamphétamine (ou 4-MMA), la butylone celle de la méthylènedioxyéthylamphétamine (ou MDEA) et la méthylènedioxypyrovalerone (ou MDPV) celle de la méthylbenzodioxolylbutanamine (ou MBDB) [4].



Pipérazines


Les pipérazines N-substituées donnant lieu à un usage abusif sont des molécules de synthèse. Deux structures se distinguent : les benzylpipérazines et les phénylpipérazines.


La 1-benzylpipérazine (BZP) est la principale benzylpipérazine consommée à des fins récréatives. Sa structure chimique se rapproche de celle de l’amphétamine [5]. Synthétisée en 1944, comme anthelminthique potentiel pour le bétail, la 1-benzylpipérazine a ensuite fait l’objet d’études dans les années 1970 pour ses propriétés antidépressives mais n’a jamais connu d’application médicale. La 1-benzylpipérazine est en outre le métabolite de la piberaline (1-benzyl-4-picolonylpipérazine), une autre pipérazine ayant été testée comme antidépresseur. De manière plus anecdotique, l’usage récréatif d’autres benzylpipérazines a également été rapporté : 4-méthyl-1-benzylpipérazine (MBZP), 1,4-dibenzylpipérazine (DBZP), 4-bromo-2, 5-diméthoxy-1-benzylpipérazine (2C-B-BZP) [6] et 3,4-méthylènedioxy-1-benzylpipérazine (MDBZP). Leurs structures sont détaillées dans le tableau 16.2. À l’instar de la 3, 4-méthylènedioxyamphétamine (MDA) pour l’amphétamine et de la 3, 4-méthylènedioxyméthamphétamine (MDMA) pour la méthamphétamine, la MDBZP constitue le dérivé méthylènedioxy de la 1-benzylpipérazine. La MDBZP est par ailleurs un métabolite du fipexide (1-[2-(4-chlorophénoxy)acétyl]-4-(3, 4-méthylènedioxybenzyl)pipérazine), principe actif psychostimulant commercialisé sous le nom de spécialité Vigilor®. Malgré son retrait du marché, le fipexide reste disponible sur les sites internet de vente par correspondance de « smart drugs » [7].


Substitués par un ou plusieurs hétéroatomes, un radical méthyle ou méthoxy, de nombreux dérivés de la phénylpipérazine sont susceptibles d’être consommés à des fins récréatives (tableau 16.2). La 1-(3-trifluorométhylphényl)pipérazine (TFMPP) et la 1-(3-chlorophényl)pipérazine (mCPP) sont les plus fréquemment rencontrées. Ces dernières sont employées depuis près de 25 ans en recherche en neuropharmacologie et en pharmacopsychiatrie pour l’exploration de la transmission sérotoninergique [5, 8]. La TFMPP est un métabolite de l’antrafénine, molécule analgésique principe actif de la spécialité Stakane®, retirée du marché français en 2000. La mCPP est quant à elle à la fois un précurseur de synthèse et un métabolite actif d’antidépresseurs comme la trazodone, la néfazodone et l’étopéridone ainsi que de l’anxiolytique mépiprazole. Parmi ces principes actifs, seule la trazodone est encore commercialisée dans certains pays d’Europe. En France, cette molécule (vendue sous les noms de Pragmarel® ou Pragmazone®) a fait l’objet d’un arrêt de commercialisation en 1996.




Un phénomène émergent


Les pressions croissantes sur le contrôle des précurseurs des amphétamines et de la MDMA en particulier, incitent les trafiquants à diversifier leur offre. De plus, l’émergence des nouvelles drogues de synthèse (pipérazines et cathinones notamment) s’explique en partie par le manque de disponibilité de la MDMA1. Ainsi, le Bureau des Nations Unies contre les drogues et le crime (United Nation Office on Drugs and Crime, UNODC) rapporte que dès le premier semestre 2009, un peu moins de la moitié des comprimés vendus comme ecstasy contenaient en réalité de la mCPP [9]. Cette tendance est remarquée au Royaume-Uni, tant dans les produits saisis que ceux remis spontanément par les particuliers aux forces de l’ordre. La mCPP a été détectée comme drogue de rue dès septembre 2004, par le service d’information sur les drogues des Pays-Bas, le DIMS [10]. Une étude rétrospective pour la période 1993 à 2008 sur la composition réelle des échantillons d’ecstasy aux Pays-Bas montre qu’au cours de l’année 2008, 310 échantillons (sur les 600 échantillons analysés) contenaient en réalité de la mCPP [11]. L’année précédente, soit 2007, il s’agissait de 222 échantillons sur les 453 analysés.


Considérées alors comme une alternative légale aux substances psychoactives illicites et présentant de moindres risques sanitaires, la 1-benzylpipérazine et la TFMPP, ont été fabriquées et commercialisées légalement en Nouvelle-Zélande jusqu’en 2008 sous l’appellation générique « herbal party pills » [5, 12]. L’usage toléré d’une substance psychoactive à l’échelle d’un État a sans doute contribué à la diffusion rapide, notamment grâce à Internet, de ces pipérazines au niveau mondial. L’innocuité de ces molécules s’est cependant vite révélée limitée et leur usage n’en restait pas moins susceptible d’ouvrir la voie à la consommation d’autres substances illicites moins inoffensives (gate-way drug). En 2010, Davies et al. ont étudié les « legal highs » vendus par 26 sites internet [13]. Ils constataient de grandes variations de composition. La formulation tendant à être proportionnelle au prix d’achat, le coût des comprimés de caféine ou d’éphédrine ne dépassait pas 4 £ (environ 4,60 €), celui des pipérazines était compris entre 4 et 5 £, les cathinones plus chères s’échangeaient à plus de 5 £ (5,75 €) l’unité.


Kelly Morris, en 2010, rapporte que sur 2 000 lecteurs du magazine MixMag (consacré à la danse music et à la culture « club ») interrogés à l’occasion d’une enquête par téléphone, 41,7 % avaient déjà consommé de la méphédrone et 10,8 % avaient déjà expérimenté la méthylone [14].


Le marché des ATS est en perpétuelle mutation, et pour mieux suivre ces changements très rapides, des programmes tels que Global SMART (Synthetics Monitoring : Analyses, Reporting and Trends) de l’UNODC ont été mis en place afin de collecter des renseignements sur la nature des substances disponibles sur le marché, en s’intéressant en particulier à la composition chimique et à l’identification de la substance active.



Législation, action des pouvoirs publics


En raison de la réglementation de plus en plus stricte concernant les amphétamines et dérivés, les laboratoires clandestins et les trafiquants ont synthétisé des molécules destinées à contourner les règlements nationaux et internationaux, soit par ajout soit par suppression d’un ou plusieurs radicaux, soit par substitution d’un atome halogéné par un autre.


De nombreuses structures administratives transnationales tentent d’organiser la lutte contre le trafic des substances illicites, parmi lesquelles l’UNODC. Ce dernier publie chaque année une synthèse des données nationales ayant trait aux substances illicites dans un rapport World drug report, ce document est disponible en ligne [9, 15].


Les nouvelles drogues sont le plus souvent synthétisées sur le continent asiatique (Chine, Thaïlande, Taïwan…). En l’absence de législation réprimant la fabrication ou l’usage de ces molécules, les laboratoires (dont la majorité existe de façon tout à fait officielle) produisent des lots pouvant atteindre plusieurs kilogrammes. Aucune formalité administrative particulière n’étant liée à l’exportation de cette matière première, elle peut donc facilement être commandée par internet et livrée partout en Europe.


Les mesures de contrôle et la réglementation mises en œuvre au niveau national par les différents pays européens pour lutter contre l’usage des substances de synthèse n’obéissent pas aux mêmes principes. Alors que jusqu’à présent, les autorités françaises privilégient l’inscription sur la liste des stupéfiants, substance par substance, certains pays, comme la Grande-Bretagne et l’Irlande, ont mis en place une législation visant à classer sur la liste des stupéfiants sous une dénomination générique l’ensemble des molécules de synthèse de certaines classes chimiques, susceptibles d’un mésusage récréatif.


L’historique de la mise en place de mesures de contrôle des cannabinoïdes de synthèse, constitue d’ailleurs une bonne illustration de cette problématique : en décembre 2008, leur usage détourné a été mis en évidence par l’identification de cannabinoïdes de synthèse dans des mélanges de plantes — vendus comme « parfums d’ambiance » — destinés à être fumées [16]. Dès lors les états membres de l’Union Européenne mettent en place tour à tour une législation sur les substances identifiées. Dès la mi-décembre 2008, l’Autriche prend une mesure sur le « spice » (parfum d’ambiance vendu sur des sites internet). Le 19 janvier 2009, l’Allemagne, dotée d’outils législatifs spécifiques, prend une « mesure transitoire en l’attente de données complémentaires » concernant les substances cannabinoïdes JWH-018, CP 47,497 et ses analogues présentant une chaîne latérale en C6, C8 et C9. La France, à la suite d’une évaluation du potentiel d’abus et de dépendance de ces substances par la commission nationale des stupéfiants et psychotropes de l’Afssaps sur les critères de l’Organisation Mondiale de la Santé [3] les a inscrites sur la liste des stupéfiants par un arrêté paru au JO du 27 février 2009 [17]. La liste française comporte en plus des JWH-018, CP 47,497 et apparentés, un autre cannabinoïde synthétique puissant, le HU-210, identifié dans l’entrefait dans un mélange de type « spice » aux États-Unis. Depuis, d’autres pays ont légiféré sur tout ou partie de ces substances, incluant parfois d’autres cannabinoïdes de structures chimiques proches, dont le détournement d’usage a été plus récemment identifié, au gré, notamment, des saisies douanières. Dès lors, la question d’une législation permettant un classement par classe chimique paraît devoir se poser.


Toutefois, des mesures législatives incluant d’emblée un grand nombre de molécules peuvent poser problème dans leur application. À titre d’exemple, nous constatons que parmi les nouveaux cannabinoïdes, se trouvent des substances aux noms très disparates et qui appartiennent à des classes chimiques différentes. De plus, pour des substances comme l’oléamide, aux nombreuses applications dans l’industrie cosmétique, la législation devra tenir compte de telles particularités afin de ne pas interdire leur usage dans les crèmes et autres topiques.


Au niveau de l’Union Européenne, la prise en compte des risques pour la santé publique liés à l’usage de substances synthétiques présente également des limites. Elle repose actuellement sur la décision du Conseil de l’Union Européenne du 10 mai 2005 [18] relative à l’échange d’informations, à l’évaluation des risques et au contrôle des nouvelles substances psychoactives, dont le but est de promouvoir l’échange rapide d’informations et l’évaluation des risques afin de permettre le cas échéant la mise sous contrôle des nouvelles substances psychoactives ne faisant l’objet d’aucune réglementation internationale. En application de cette décision, la mCPP a ainsi fait l’objet en novembre 2005 d’un rapport conjoint d’Europol (European Police Office) et de l’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies (OEDT), préliminaire à une évaluation des risques et à d’éventuelles mesures de contrôles. Cependant, la mCPP étant utilisée pour la fabrication d’un médicament ayant une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans certains états membres, la procédure s’est arrêtée à ce stade [8]. En revanche, sur la base de cette même procédure, le Conseil de l’Union Européenne a décidé en octobre 2007 [19] la mise sous contrôle de la 1-benzylpipérazine au sein de l’Union Européenne [5]. Cette décision s’est traduite en France par l’inscription de la 1-benzylpipérazine sur la liste des substances classées comme stupéfiants par l’arrêté du 5 mai 2008.


En France, les dernières molécules inscrites sur la liste des stupéfiants sont la 4-fluoroamphétamine (16 mars 2011), la 4-méthylmétcathinone (méphédrone, 7 juin 2010), et les cannabinoïdes de synthèse JWH-018, CP 47, 497 et HU-210 (24 février 2009) [17, 20, 21].



Usages et mésusages des nouvelles drogues


Les voies d’administration les plus fréquentes des nouvelles drogues sont la voie orale (en particulier lorsque la substance se présente sous forme de comprimés, de gélules ou d’autres formes solides), la voie nasale (« sniff », voie privilégiée pour la poudre de méphédrone) et la voie pulmonaire (plus spécialement pour les cannabinoïdes de synthèse). Bien que disponible sous forme de poudre, la dissolution dans un solvant approprié puis l’injection intraveineuse ou l’administration intrarectale sont rares [8, 22].


Ces nouvelles drogues sont rarement utilisées seules, il est fréquent d’observer une administration conjointe (éthanol, cocaïne, MDMA, cannabis, kétamine, GHB, méthamphétamine) soit par habitude d’usage, soit pour obtenir un effet synergique [12, 5, 8, 23, 24].


Pour la méphédrone, la dose moyenne est établie à près de 10 mg mais certains usagers cumulent ces doses dans le temps pour prolonger les effets. Enfin, certains usagers initiés à la méphédrone en l’absence de MDMA, de cocaïne ou en raison de la baisse de leur qualité, déclarent aujourd’hui une préférence pour la méphédrone. Même si cette substance a fait l’objet d’une classification comme stupéfiant dans de nombreux pays européens, son usage ne s’est pas tari. Son approvisionnement a pris alors les voies plus « classiques » de la vente par l’intermédiaire de « dealers » quoi qu’il semble encore possible de s’en procurer via internet, sous d’autres formes que celles précédemment retrouvées. Certains usagers confient qu’avant même la classification comme stupéfiant, ils achetaient leur méphédrone via des dealers plus discrets que les achats via internet [2].


Pour les pipérazines, en Nouvelle-Zélande, les quantités de substance active ne dépassaient pas 70 à 80 milligrammes de 1-benzylpipérazine par unité de prise en 2005. Elles approchaient les 500 milligrammes par unité de prise dès 2007 [12]. Dans une revue des saisies de 2010, l’auteur rapporte que les comprimés « Bliss » contenaient 100 mg de 1-benzylpipérazine et 50 mg de TFMPP, les comprimés « Charge » 50 mg de 1-benzylpipérazine et 200 mg de TFMPP, enfin les comprimés « Mash » 37,5 mg de pFPP. Par ailleurs, 9 % environ d’usagers de l’association 1-benzylpipérazine-TFMPP, consomment de façon concomitante le 5-HTP (5-hydroxytryptophane, précurseur de la sérotonine) présentée comme susceptible d’atténuer les effets secondaires de la prise. En Nouvelle-Zélande, ce mélange est dénommé « Recovery Pill » [25].


Pour la mCPP, les teneurs moyennes en principe actif sont proches de 30 mg par comprimé, soit les doses habituellement utilisées en recherche neuropharmacologique (0,25–0,75 mg/kg de masse corporelle) [10].



Données de pharmacologie, pharmacocinétique, pharmacodynamie


Les données de la littérature concernant les concentrations usuelles, toxiques ou létales sont encore parcellaires.



Cathinones


Présentes dans les feuilles de Khat, la cathinone et, dans une moindre mesure, la cathine possèdent des effets stimulants à l’origine de la consommation de cette plante. Lors du séchage ou de la décomposition des fragments végétaux, la cathinone est transformée irrémédiablement en cathine, réduisant ainsi le potentiel énergisant de cette consommation.


Dérivés synthétiques de la cathinone, les « cathinones » possèdent les mêmes propriétés pharmacologiques et sont plus stables. Elles disposent ainsi d’un potentiel de diffusion plus conséquent, ce qui expliquerait en partie l’émergence de leur consommation [26].


La consommation de méphédrone a récemment évolué et permet de considérer cette substance comme le nouveau chef de file de la famille des dérivés synthétiques de la cathinone [27]. Durant la période courant du 1er mars 2009 au 28 février 2010, le nombre de consultations auprès du National Poisons Information Service (Newcastle, Edinburgh et Cardiff) de professionnels de santé au sujet de la méphédrone (et dans une moindre mesure de la méthédrone et de la méthylone) est passé de 0 en juin 2009 à près de 600 en février 2010 [28]. Au Royaume-Uni, parmi les usagers de substances illicites, la méphédrone est même la quatrième substance la plus consommée après le cannabis, la MDMA et la cocaïne, et près de 40 % des personnes interrogées auraient testé la méphédrone [23].


Cette substance était décrite dès 1929 [29], et utilisée alors comme intermédiaire de synthèse de la p-méthyléphédrine. En 1969 [30], la méphédrone est identifiée comme impureté de synthèse des dérivés de l’éphédrine. Dans son usage détourné, cette substance apparaît sur le marché français dès 2007, sous forme de gélule vendue comme étant de la MDMA [31]. Dans son usage récréatif, la méphédrone est aussi dénommée « miaow-miaow » ; « 4-MMC » ; « meow-meow » ; « meph » ; « topcat » et a été retrouvée sous des appellations de sels de bains (bath salts) ou d’engrais (plant food ou plant feeder).


Les sensations rapportées par les usagers sont proches de celles ressenties après une prise de MDMA ou de cocaïne voire de kétamine : effets énergisant, stimulant, euphorisant et entactogène. Ces effets apparaissent après une latence de 15 minutes environ, et peuvent durer jusqu’à 3 heures [32, 33]. Certains usagers en prolongent les effets en cumulant les doses pendant plusieurs heures voire plusieurs jours [34].


Le mécanisme d’action pharmacologique est commun avec celui des autres dérivés de la cathine : inhibition des transporteurs des monoamines pour la dopamine, la sérotonine et l’adrénaline au sein du système nerveux central. De plus, comme pour les autres cathinones, la méphédrone augmente la libération présynaptique de catécholamines dont la noradrénaline [33, 35].


Le potentiel addictogène semble faible, pourtant, selon les usagers eux-mêmes, l’addiction est la raison citée pour consommer plus — et plus longtemps — de méphédrone que voulu. Aucun symptôme de manque n’est décrit, hormis une sensation de fatigue intense imputable à un déficit de sommeil lié au mode de vie de l’usager mais qui pourrait aussi correspondre à l’épuisement des ressources catécholergiques endogènes.


Comme toujours, en matière de nouvelles drogues, les études de pharmacologie exhaustives ne sont disponibles que de façon retardée par rapport à la diffusion de la méphédrone. L’OEDT, dans le cadre des missions qui lui ont été confiées par le conseil de l’Europe en décembre 2010, a procédé à une étude complète des risques liés à la consommation de méphédrone [36]. Ce document est rédigé à un moment où la substance est moins disponible. Entretemps de nombreux états européens, dont la France, ont déjà statué sur le caractère illégal de la détention et de la consommation de cette substance [37]. Cette étude présente une série de cas cliniques notifiés au Royaume-Uni. Pour tous ces cas, la présence de méphédrone a été confirmée par analyse toxicologique et les patients ont surtout présenté un toxidrome sympathomimétique : agitation, mydriases, tachycardie, hypertension et moins fréquemment arythmie et convulsions. Une proportion significative d’usagers par voie nasale a rapporté des effets locaux : congestion nasale, douleurs, irritation des cloisons nasales voire des saignements. Ces effets ont eu pour conséquence, le changement de mode de consommation et le recours à la voie orale.


Wood et al., dans une étude rétrospective de cas sur les années 2007 à 2009, indiquent qu’aucun cas d’intoxication à la méphédrone n’a été observé avant 2009 [38]. Depuis 2009, des patients ont été pris en charge par les services d’urgences suite à la prise de méphédrone et présentaient, le plus fréquemment, les symptômes suivants : agitation, transpiration, céphalées, palpitations et nausées [39].


Regan et al., rapportent, dans une étude couvrant la période du 1er décembre 2009 au 16 avril 2010, 89 cas d’admissions aux urgences suite à la consommation de méphédrone (seule ou en association). Les symptômes les plus fréquents étaient alors : agitation, douleurs thoraciques, paresthésies, palpitations et essoufflement [40].


La consommation régulière de méphédrone impacte la libido [41].


Le syndrome de descente après consommation de méphédrone s’apparente à celui d’un sevrage, avec tremblements, frissons, baisse de la température corporelle et paranoïa [42].


Par ailleurs, un cas de myocardite a été constaté après une prise isolée de méphédrone [43]. Un cas d’encéphalopathie, associée à une hyponatrémie, hypo-osmotique et euvolémie (liée vraisemblablement à une libération d’hormone antidiurétique induite par la sérotonine) a été décrit après ingestion de méphédrone [44].


L’intoxication à la méphédrone est potentiellement mortelle et quelques cas de décès imputés à cette substance ont été rapportés dans la littérature [45, 46].


Une étude récente a mis en évidence dans des urines humaines et de rat la méphédrone et ses métabolites suivants : nor-méphédrone, nor-dihydroméphédrone, hydroxytolyl-méphédrone et nor-hydroxytolyl-méphédrone, ces deux derniers métabolites étant émis pour partie sous forme de sulfoconjugués ou glucuroconjugés. Dans les urines d’usagers, un métabolite supplémentaire, peut-être spécifique de l’homme, a été mis en évidence : la 4-carboxydihydroméphédrone [47, 48].



Pipérazines



Benzylpipérazine


Au niveau présynaptique, la forte affinité de la 1-benzylpipérazine (BZP) pour le transporteur de la dopamine induit la libération de dopamine par un phénomène de diffusion facilitée (indépendant du calcium) dans lequel la 1-benzylpipérazine joue le rôle de substrat du transporteur. Selon le même mécanisme, mais dans une moindre mesure, l’affinité de la 1-benzylpipérazine pour le transporteur de la sérotonine (5-HT) et pour le transporteur de la noradrénaline provoque la libération de 5-HT et de noradrénaline dans la fente synaptique. Au niveau postsynaptique, le comportement antagoniste de la 1-benzylpipérazine pour le récepteur α2-adrénergique contribuerait à son action sympathicomimétique périphérique [5].


Ces propriétés pharmacologiques confèrent à la 1-benzylpipérazine une action amphétamine-like au niveau du système nerveux central. Chez le rat, Brennan et al. ont montré que les effets centraux de la 1-benzylpipérazine étaient similaires à ceux de la méthamphétamine, avec des phénomènes de sensibilisation croisée entre ces deux substances [49]. Chez l’Homme, l’administration d’une dose de 100 mg de 1-benzylpipérazine induit des effets subjectifs et physiologiques équivalents à ceux produits par 10 mg d’amphétamine [50]. De plus, le mécanisme d’action dopaminergique de la 1-benzylpipérazine est à l’origine de son potentiel de dépendance récemment confirmé par plusieurs études menées chez le rat et le singe rhésus. Les propriétés renforçatrices de la 1-benzylpipérazine demeurent toutefois moins intenses que celles de la cocaïne [5, 51]. Par ailleurs, l’administration par voie orale et la distribution lente de la 1-benzylpipérazine sont probablement à l’origine de l’absence de cas de dépendance avérée décrit dans la littérature, au regard de la consommation importante de cette substance, notamment en Nouvelle-Zélande [52].


L’excrétion urinaire de la 1-benzylpipérazine ne concernerait que 12 % de la dose administrée : elle est éliminée dans ce milieu sous forme inchangée ou métabolisée [53]. Le métabolite principal de la 1-benzylpipérazine est l’hydroxybenzylpipérazine (OH-BZP), sous forme de deux isomères : 4’-hydroxybenzylpipérazine (4-OH-BZP) et 3’-hydroxybenzylpipérazine (3-OH-BZP). La 4-OH-BZP étant l’isomère majoritaire. Ces métabolites sont produits par l’hydroxylation du cycle aromatique catalysée par les cytochromes P450 (isoformes 2D6, 1A2 et 3A4) [53]. L’OH-BZP est éliminée dans les urines sous forme glucoroconjuguée ou sous forme libre. Sous l’action de la catéchol-O-méthyltransférase (COMT), une partie de l’OH-BZP serait métabolisée en hydroxyméthoxybenzylpipérazine [5]. Ce dernier métabolite n’est toutefois pas mis en évidence dans toutes les études [53, 54]. Après une administration orale de 200 mg de 1-benzylpipérazine, la concentration plasmatique de 1-benzylpipérazine atteint un pic de 262 ng/mL (Cmax) au bout de 75 min (Tmax). Les métabolites 4-OH-BZP et 3-OH-BZP atteignent quant à eux une concentration plasmatique maximale respective de 7 ng/mL (60 min après l’administration) et de 13 ng/mL (75 min). La demi-vie d’élimination de la 1-benzylpipérazine est estimée à 5,5 heures. Administrée par voie orale à la dose de 200 mg, la 1-benzylpipérazine demeure détectable dans le plasma durant 30 heures environ [53, 54].


La 1-benzylpipérazine est employée pour ses propriétés stimulantes du système nerveux central. Elle provoque chez la plupart des usagers une augmentation de la vigilance, une élévation de l’humeur voire une euphorie. À fortes doses, des hallucinations peuvent être observées. Ces effets subjectifs apparaissent en général 2 heures après une administration orale [5].


Dans une étude rétrospective sur plusieurs années (avril 2005-juillet 2007) portant sur 184 patients consultant au service des urgences de Christchurch (Nouvelle-Zélande), Gee et al. ont étudié les principaux effets indésirables rencontrés au décours de la consommation de 1-benzylpipérazine [55]. L’anxiété et l’agitation sont les deux symptômes les plus fréquents (près de 40 % des cas) suivi de palpitations, confusion et vomissements (entre 20 et 30 % des cas). Plus rarement (10 à 20 % des consultants), d’autres effets indésirables peuvent survenir, par exemple vertiges, hyperventilation, insomnie, céphalées, trémulations, ou, plus grave, collapsus, convulsions et crise d’épilepsie. Dans les intoxications graves décrites dans la littérature, un état de mal épileptique, une hyperthermie, une coagulation intravasculaire disséminée, une rhabdomyolyse, une insuffisance rénale voire un coma profond peuvent être observés. Ces cas d’intoxication mettant en jeu le pronostic vital peuvent être dus à l’utilisation de 1-benzylpipérazine seule ou à la prise conjointe de 1-benzylpipérazine et d’autres substances psychoactives (telle que la MDMA par exemple) [5, 56]. En revanche, aucun cas de décès imputable à la seule consommation de 1-benzylpipérazine n’a été rapporté à ce jour. Dans les cas d’intoxication mortelle (cf. tableau 16.6, cas cliniques et cas médico-légaux concernant les pipérazines), le rôle de la 1-benzylpipérazine repose probablement, de part ses propriétés pharmacologiques et métaboliques proches, sur une synergie d’action avec les dérivés amphétaminiques.


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Aug 19, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 16: Nouvelles drogues

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