16: La boîte crânienne et son contenu. Les tumeurs cérébrales

16 La boîte crânienne et son contenu


Les tumeurs cérébrales



La boîte crânienne et son contenu


La boîte crânienne est tapissée par la dure-mère, doublée à sa face interne par l’arachnoïde. Elle est cloisonnée par des expansions de la dure-mère : la tente du cervelet entre l’étage sus-tentoriel et l’étage sous-tentoriel, la faux du cerveau entre les deux hémisphères.


Le contenu de la boîte crânienne est représenté par l’encéphale, ses vaisseaux et le liquide céphalorachidien. Tous ces éléments étant incompressibles et la boîte crânienne inextensible (au moins chez l’adulte), le développement d’une néoformation ne peut se faire qu’à la faveur d’une réduction des espaces vasculaires et liquidiens, et éventuellement de transferts de volume vers les régions voisines : engagement sous la faux, à travers l’orifice de la tente, à travers le trou occipital.




Troubles de la circulation du LCR


Les troubles de la circulation du LCR conduisent à la constitution d’une hydrocéphalie :




D’une façon générale, une hydrocéphalie de constitution rapide entraîne précocement une hypertension intracrânienne. En revanche, certaines hydrocéphalies, en particulier du type communiquant, de constitution très progressive, peuvent donner lieu au tableau de l’hydrocéphalie dite à pression normale.


Hydrocéphalie dite à pression normale (syndrome d’Adams et Hakim) — Elle associe une détérioration intellectuelle de type frontal et des troubles de la marche qui est instable, ralentie, hésitante. L’imagerie montre une dilatation quadriventriculaire, l’absence d’atrophie corticale (fig. 16.1) et une résorption trans-épendymaire se manifestant sous la forme d’un liseré péri-ventriculaire hyperintense en T2. Ces lésions doivent être distinguées d’une leucoaraïose d’origine artériopathique.



Le LCR est normal mais la ponction lombaire « évacuatrice », retirant 30 à 40 mL de LCR, peut entraîner une amélioration temporaire de la marche et des fonctions cognitives. L’intérêt du diagnostic de l’hydrocéphalie à pression normale est que l’établissement d’une dérivation ventriculo-péritonéale est capable d’amener une régression remarquable des troubles neurologiques et de la détérioration (d’où le terme de « démence curable »). Cette évolution favorable est habituelle lorsque le syndrome est imputable à une cause précise, trouvée dans la moitié des cas, telle qu’un antécédent d’hémorragie méningée, de méningite, d’intervention neurochirurgicale. Dans les autres cas, les indications chirurgicales doivent être posées avec circonspection.



Hypertension intracrânienne


L’hypertension intracrânienne est la conséquence prévisible du développement d’un processus expansif dans un espace clos et rigide. Cette éventualité est cependant retardée pendant une période plus ou moins longue grâce à une réduction des espaces liquidiens et des espaces vasculaires, notamment veineux.


La décompensation de l’hypertension intracrânienne dépend de la rapidité d’expansion de la tumeur, de l’importance des réactions de voisinage (œdème) et de la situation stratégique de la néoformation par rapport aux voies d’écoulement du liquide céphalorachidien dont le blocage (tumeurs du troisième ventricule, de l’aqueduc de Sylvius, du quatrième ventricule) peut jouer un rôle déterminant.


La céphalée est un élément important quoique non constant de la sémiologie de l’hypertension intracrânienne. Elle peut être diffuse ou localisée à un hémicrâne dans les tumeurs hémisphériques, à la région occipitale dans les tumeurs de la fosse postérieure. Elle a parfois un aspect pseudo-migraineux trompeur, d’autant plus qu’elle peut s’accompagner de vomissements.


Les vomissements, notamment dans certaines tumeurs de la fosse postérieure, peuvent orienter à tort vers une affection digestive.


L’œdème papillaire est le signe objectif majeur mais inconstant, en particulier chez les sujets âgés. Difficile à affirmer au début – où il se traduit seulement par une légère dilatation veineuse et un flou du bord nasal de la papille – il évolue ensuite vers l’aspect caractéristique de la stase papillaire avec surélévation du disque papillaire, aspect coudé des vaisseaux qui l’abordent, distension veineuse, parfois hémorragies. L’œdème papillaire de l’hypertension intracrânienne ne s’accompagne pas au début d’une baisse notable de l’acuité visuelle, à la différence de celui observé dans les papillites inflammatoires. Cependant, si elle est importante, la stase papillaire peut donner lieu à des épisodes d’éclipse visuelle avant d’aboutir, si elle se prolonge, à une cécité en rapport avec une atrophie post-stase.


Une paralysie du VI, se manifestant par une diplopie, peut résulter de l’hypertension intracrânienne et n’a donc pas nécessairement la valeur d’un signe focal.



Pseudo-tumeur cérébrale


On décrit sous ce terme la survenue d’un syndrome d’hypertension intracrânienne, avec œdème papillaire bilatéral, en l’absence de processus expansif intracrânien ou d’hydrocéphalie. L’IRM peut être entièrement normale ou montrer de petits ventricules, parfois un aspect de selle turcique vide et une dilatation périoptique de l’espace sous-arachnoïdien. La composition du LCR est normale, mais sa pression est supérieure à 250 mm d’eau, mesurée sur le patient en décubitus latéral, aussi relaxé que possible, les membres inférieurs allongés.


Ce syndrome peut être secondaire, en relation avec diverses affections systémiques, notamment endocrinienne, l’utilisation de médicaments, dont la vitamine A et les tétracyclines. Surtout la thrombose d’un sinus veineux cérébral ou d’une veine jugulaire, plus rarement une fistule durale, peuvent se traduire uniquement par des céphalées associées à un œdème papillaire, ce qui souligne la nécessité d’éliminer une telle cause avant de retenir le diagnostic d’hypertension intracrânienne idiopathique. À noter que l’imagerie montre parfois un aspect de sténose d’un sinus transverse pouvant conduire à un traitement endovasculaire avec mise en place d’un stent. Toutefois, le caractère causal de cette sténose est discuté dans la mesure où cet aspect peut disparaître au décours d’une ponction lombaire.


L’hypertension intracrânienne idiopathique est donc un diagnostic d’élimination. Il s’agit d’une affection relativement fréquente chez la jeune femme obèse et au cours de la grossesse. Sa gravité potentielle tient au risque élevé d’une atteinte visuelle sévère, d’où la nécessité d’une surveillance ophtalmologique rigoureuse. Le traitement repose sur les diurétiques (acétazolamide), la ponction lombaire éventuellement répétée, et parfois le traitement chirurgical (fenestration de la gaine du nerf optique, dérivation lombo-péritonéale du LCR).



Engagements cérébraux


La masse encéphalique est relativement fluide, de telle sorte que la poussée résultant du développement d’un processus expansif se répartit dans toutes les directions et tend à produire des engagements aux points faibles du dispositif (fig. 16.2).



Engagement cingulaire sous la faux du cerveau — Il est surtout le fait des processus expansifs frontaux. Il contribue à l’aggravation du tableau clinique par compression de l’hémisphère controlatéral et des artères cérébrales antérieures.


Engagements trans-tentoriels — Ils peuvent se faire soit de bas en haut par engagement du lobe antérieur du cervelet dans les tumeurs sous-tentorielles, soit de haut en bas par engagement de l’uncus et de l’hippocampe dans les tumeurs supratentorielles. L’expression clinique de la hernie trans-tentorielle est variable, pouvant comporter une atteinte du III, souvent partielle (abolition du réflexe photomoteur, mydriase, ptosis), une hémiplégie homolatérale par compression du pédoncule contre le bord libre de la tente du cervelet, une hémianopsie latérale homonyme par compression de la cérébrale postérieure, des troubles de la conscience, une raideur de la nuque, des accès de rigidité de décérébration, tous signes traduisant la souffrance du tronc cérébral supérieur. Cette variété d’engagement se complique assez souvent d’hémorragies protubérantielles.


Engagement des amygdales cérébelleuses — L’engagement des amygdales cérébelleuses à travers le trou occipital est essentiellement le fait des processus expansifs de la fosse postérieure. La gravité de ce type d’engagement résulte de la compression du bulbe qui peut compromettre rapidement les fonctions vitales.


Traitement — L’existence d’un engagement, qui peut être décelé précocement par l’imagerie, indique l’urgence thérapeutique. Le traitement associe de façon variable la lutte contre l’œdème péritumoral (corticoïdes, mannitol), la réduction de la masse sanguine cérébrale par le contrôle de la ventilation et la baisse de la PaCO2, le traitement neurochirurgical du processus expansif en cause, éventuellement la dérivation du LCR.



Tumeurs cérébrales



Sémiologie


L’hypertension intracrânienne est habituellement une manifestation tardive des tumeurs cérébrales, qui se révèlent le plus souvent par des phénomènes épileptiques ou des signes déficitaires.




Sémiologie focale


La sémiologie dépend avant tout du siège de la tumeur, suivant qu’elle se développe dans une zone de grande importance fonctionnelle ou dans une zone relativement « muette ».


Elle dépend aussi de la nature de la tumeur. Un méningiome refoule, un astrocytome infiltre, de telle sorte qu’ils peuvent occuper un volume important au prix d’un minimum de signes déficitaires. À l’opposé, les tumeurs qui sont à la fois expansives et destructrices (glioblastomes) ont une sémiologie déficitaire précoce et importante.


Le déficit est régulièrement progressif, « en tache d’huile », avec une rapidité largement dépendante de la nature de la tumeur dont elle reflète la malignité. Toutefois, certains événements peuvent modifier cette évolution : survenue d’une hémorragie intratumorale, nécrose et fonte kystique de certaines tumeurs. Il faut surtout insister sur le rôle de l’œdème péritumoral, qui traduit une rupture de la barrière hémocérébrale. Son développement est plus marqué dans les tumeurs malignes (glioblastomes, métastases). Il est capable de donner lieu à des variations rapides de la sémiologie focale, dans le sens de l’aggravation, mais aussi de l’amélioration lorsqu’il régresse, spontanément ou sous l’influence d’une thérapeutique.



Tumeurs frontales


Les tumeurs développées dans la partie postérieure du lobe frontal, au niveau prérolandique, ont une sémiologie motrice : hémiplégie à début facial ou brachial pour les tumeurs de la convexité, à début crural pour les tumeurs parasagittales. Le déficit moteur est souvent associé à des crises bravais-jacksoniennes.


Les tumeurs à point de départ frontal antérieur donnent lieu tardivement à des signes neurologiques déficitaires. Les troubles cognitivo-comportementaux sont les premiers en date, associant une réduction progressive de l’activité, des troubles de l’attention et de la mémoire des faits récents, du désintérêt et de l’indifférence affective. On peut observer aussi un relâchement des conduites sociales. Des crises d’épilepsie sont fréquentes, volontiers inaugurales ; il peut s’agir de crises généralisées, de crises adversives, de crises de l’aire motrice supplémentaire associant une élévation du membre supérieur controlatéral vers lequel se tournent la tête et les yeux et des phénomènes palilaliques.


L’examen neurologique met souvent en évidence la libération de certains comportements (préhension, utilisation, imitation), des troubles des séquences gestuelles et une aphasie dynamique dans les lésions de l’hémisphère dominant. Dans les tumeurs développées à la base du lobe frontal, il est possible d’observer une anosmie ou une atteinte du nerf optique avec parfois syndrome de Foster-Kennedy (atrophie optique du côté de la tumeur, stase papillaire controlatérale). Les tumeurs frontales volumineuses, souvent fronto-calleuses, refoulant (engagement sous la faux) ou envahissant l’autre côté, associent un état démentiel, un grasping bilatéral, des troubles de l’équilibre à type de rétropulsion.










Examens complémentaires



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May 23, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 16: La boîte crânienne et son contenu. Les tumeurs cérébrales

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