16: Cancer du poumon et autres néoplasmes pulmonaires

Chapitre 16


Cancer du poumon et autres néoplasmes pulmonaires





Cancer bronchique






Épidémiologie: Dans le monde, le cancer du poumon représente environ 13 % des cancers. Plus de 1,1 million de cas de cancer du poumon sont diagnostiqués chaque année, et plus de 1 million de décès sont causés par la maladie. Aux États-Unis, 28 % de tous les décès annuels par cancer (30 % chez les hommes, 26 % chez les femmes) sont dus au cancer du poumon ; le cancer du poumon est la principale cause de décès par cancer chez les hommes et les femmes.


L’incidence et la mortalité du cancer du poumon chez les hommes et les femmes reflètent leurs habitudes de tabagisme. Les décès par cancer du poumon chez les hommes ont commencé à augmenter dans les années 1950 et, chez les femmes, 10 à 15 ans plus tard. Le taux de mortalité par cancer du poumon chez les hommes a diminué de 37 % entre 1990 et 2005, mais chez les femmes, le taux de décès par cancer du cancer du poumon entre 1991 et 2005 a augmenté d’environ 8 %. Au niveau mondial, l’augmentation des taux de cancer du poumon devrait continuer dans les pays les moins développés en raison de la consommation endémique croissante de tabac.


Selon le programme américain Surveillance, Epidemiology and End Results (SEER), 1 homme ou 1 femme sur 14 court le risque de développer un cancer du poumon au cours de sa vie. Les taux d’incidence et de mortalité varient selon la race/l’origine ethnique (tableau 16-1), les hommes afro-américains ayant une incidence plus élevée et un taux de mortalité plus élevé que les autres races/ethnies. Entre 2002 et 2006, les incidences du cancer du poumon chez les hommes et les femmes aux États-Unis étaient respectivement de 77,7 et 52,5 pour 100 000 habitants. L’âge médian au moment du diagnostic dans les deux sexes est de 71 ans.



Malheureusement, le tabagisme chez les lycéens a augmenté jusqu’au milieu des années 1990, mais maintenant il diminue lentement. Malgré cette baisse, 38 % des élèves les plus âgés des écoles secondaires sont fumeurs. Commencer à fumer à un âge précoce peut expliquer en partie l’apparition du cancer du poumon chez des patients jeunes.



Facteurs de risque:



Tabac: On estime que le tabagisme est responsable d’environ 85 à 90 % des cas de cancer du poumon, dont 90 % chez les hommes et 80 % chez les femmes. Plus de 40 agents cancérigènes ont été identifiés dans la fumée de cigarette. Le risque de développement de cancer du poumon est en corrélation avec le nombre de cigarettes fumées par jour, la durée et l’âge de début du tabagisme, le degré d’inhalation, la teneur en goudron et en nicotine des cigarettes et l’utilisation de cigarettes sans filtre. Si un non-fumeur à vie a un rapport de risque relatif de 1 de développer un cancer du poumon, les fumeurs de cigarettes de moins de 1 paquet/jour, de 1 paquet/jour, de 1 à 2 paquets/jour et de plus de 2 paquets/jour ont respectivement des rapports de risque de 15, 17, 42 et 64. Le rapport de risque chez les ex-fumeurs dépend de la durée de l’abstinence du tabagisme ; atteindre un rapport de risque de 1,5 à 2,0 nécessite une abstinence d’environ 30 ans.


La pipe et le cigare sont aussi des facteurs de risque de cancer du poumon, mais le risque est considéré comme inférieur à celui associé à la cigarette, peut-être parce que les produits du tabac ont tendance à être inhalés moins profondément que la fumée de cigarette. Fumer de la marijuana ou de la cocaïne augmente probablement le risque de cancer du poumon, mais la cancérogénicité de ces deux drogues est moins bien étudiée que celle de la cigarette.




Autre exposition: L’International Agency for Research on Cancer a classé les agents suivants dans le groupe 1 des cancérigènes prédisposant au cancer du poumon : le radon, l’amiante, l’arsenic, le béryllium, le bis(chlorométhyle), le cadmium, le chrome, le nickel, le chlorure de vinyle et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Les cancérigènes probables du groupe 2A comprennent l’acrylonitrile, le formaldéhyde et les gaz d’échappement des moteurs diesel. Les cancérigènes potentiels du groupe 2B comprennent l’acétaldéhyde, la silice et les fumées de soudage. On estime que 9 % des cancers du poumon chez les hommes et 2 % chez les femmes sont causés par une exposition professionnelle.


Le radon, un produit gazeux de désintégration de l’uranium-238 et du radium-226, endommage le tissu pulmonaire en émettant des particules alpha. L’exploitation minière souterraine d’uranium expose les mineurs au radon et à ses produits de désintégration, ce qui augmente leur risque de cancer du poumon. Le radon peut s’infiltrer dans les foyers, en particulier dans les sous-sols, car il est présent dans la roche du sol et des eaux souterraines et pénètre dans la maison par des défauts dans les tuyaux ou la fondation. Le niveau de radon à l’intérieur dépend de la concentration dans le sol et du degré de ventilation. Les données sont contradictoires sur le risque de cancer du poumon lié à l’exposition au radon domestique, mais le consensus est que le risque est accru.


Le personnel exposé aux fibres d’amiante travaille notamment dans les ateliers de réparation des voitures, les chantiers navals, les mines et les usines de textile et de ciment ainsi que dans la construction et l’isolation. Les travailleurs atteints d’asbestose, et non ceux qui ont été simplement exposés à l’asbeste, ont un risque accru de cancer du poumon. Les fumeurs de cigarettes exposés à l’asbeste ont un risque de cancer du poumon multiplié par 50 en comparaison aux non-fumeurs non exposés. La période de latence pour le développement du cancer du poumon chez les travailleurs exposés à l’amiante est de 25 à 40 ans.


L’arsenic, un élément d’origine naturelle, est un sous-produit de la fusion de minerais : cuivre, plomb, zinc, étain. Il est également présent dans les pesticides agricoles et les organismes marins. On y est exposé par l’air, le sol, l’eau et les aliments. L’exposition des fumeurs à l’arsenic amplifie nettement leur risque de cancer du poumon.


Le béryllium, un métal utilisé dans certains alliages, est un agent cancérigène pulmonaire. L’exposition se produit dans les mines et dans la fabrication de la céramique et de matériel électronique. Le bis(chlorométhyle) est un produit du processus de chlorométhylation qui intervient dans la fabrication de résines échangeuses d’ions, de polymères et de matières plastiques. Le risque relatif de cancer du poumon chez les travailleurs exposés est de 10, en particulier pour le CBPC. Le cadmium, qui augmente le risque de cancer du poumon, est un métal qui sert à la galvanisation des métaux, à la production de batteries, de matières plastiques et de pigments. Le chrome est couramment utilisé dans les alliages métalliques, les peintures, la galvanisation, le ciment, le caoutchouc, la photogravure et la composition de revêtement de sol. L’exposition au chrome augmente le risque de cancer du poumon de deux à trois fois. Le nickel est utilisé dans la galvanisation, la fabrication d’acier et d’autres d’alliages, de la céramique, des accumulateurs, des circuits électriques et dans la raffinerie du pétrole. L’exposition au nickel augmente de 1,56 fois le risque de cancer du poumon. Le chlorure de vinyle est utilisé pour fabriquer des plastiques, des matériaux d’emballage, des propulseurs dans les produits cosmétiques et les revêtements de sol en vinyle. Le risque de cancer du poumon est augmenté par l’exposition au chlorure de vinyle, mais il est considéré comme faible. Les HAP, qui sont formés à partir de la combustion incomplète de matière organique, proviennent de la fumée de cigarette, de la fonte de minerais contenant du nickel, de la production d’aluminium, de fer, d’acier et de coke, du goudron de houille et des gaz d’échappement des moteurs diesel. Le risque relatif de l’exposition aux HAP est de 1,5 à 2,5 pour le cancer du poumon.





Différences entre les sexes et les races: Les femmes qui fument ont un taux de risque plus élevé de 1,2 à 1,7 fois que celui des hommes, en particulier pour l’adénocarcinome et le CBPC. Les explications possibles de cette différence de risque sont : (1) les effets des hormones telles que les estrogènes sur le développement du cancer du poumon, (2) des différences entre les sexes dans le métabolisme de la nicotine, (3) des variations entre les sexes des enzymes cytochromes P-450 impliquées dans la bioactivation de composants toxiques dans le condensat de la fumée de cigarette.


Les fortes incidence et mortalité du cancer du poumon chez les hommes afro-américains peuvent être dues, en partie, à (1) un tabagisme plus important, (2) des différences dans le métabolisme de la fumée du tabac, et (3) une consommation plus élevée de graisses alimentaires.





Physiopathologie: Le cancer du poumon se développe en plusieurs étapes, partant d’une lésion précancéreuse pour aboutir après un certain nombre d’années au cancer invasif (fig. 16-1). La fumée de tabac ou d’autres substances cancérigènes favorisent la succession des modifications génétiques et épigénétiques qui entraînent la perte des mécanismes normaux de contrôle de la croissance cellulaire. (1) Ces changements affectent des oncogènes, homologues de gènes normaux, mais les produits de ces gènes sont rendus hyperactifs ou résistants à tout contrôle à la suite de mutations dites « gain de fonction ». (2) Les gènes suppresseurs de tumeurs, appelés « gènes du cancer », contrôlent la croissance des cellules ; des mutations dites « perte de fonction » suppriment l’activité inhibitrice des produits de ces gènes, favorisant ainsi la prolifération cellulaire3. Certains facteurs de croissance sécrétés par les cellules cancéreuses elles-mêmes contribuent au développement tumoral.




Oncogènes: Les oncogènes qui jouent un rôle dans la pathogénie du cancer du poumon comprennent : ras, la famille myc, HER-2/neu (ERBB2) et Bcl-2. La famille des oncogènes ras comporte trois membres principaux (H-ras, K-ras et N-ras), dont l’un, K-ras, est activé par des mutations ponctuelles dans le codon 12 des cellules du cancer pulmonaire. La mutation est présente dans 30 % des adénocarcinomes bronchiques, le plus souvent chez les patients ayant des antécédents de tabagisme, mais on ne la trouve pas dans le CBPC. À stade égal, le cancer associé à une mutation K-ras a un moins bon pronostic.


Dans 10 à 40 % des CBPC et dans 10 % des CBNPC, des oncogènes de la famille myc (a-myc, L-myc, N-myc) sont surexprimés, ou l’activité de leurs produits est amplifiée. Cependant, le gène le plus fréquemment altéré est c-myc, dont l’amplification dans les récidives de CBPC est associée à une survie plus courte. Cependant, la surexpression de l’oncogène myc n’est pas retrouvée dans la plupart des cancers du poumon ; sa surexpression n’est donc probablement pas un événement primaire.


Le gène HER-2/neu (ERBB2), qui code un récepteur de facteur de croissance ou p185 neu (une glycoprotéine à activité de tyrosine kinase), est activé dans les CBNPC, mais pas dans les CBPC. La surexpression de HER2/neu chez des patients atteints d’un adénocarcinome du poumon augure d’un faible taux de survie. Bcl-2, un oncogène qui code une protéine qui inhibe la mort cellulaire programmée (apoptose), est également surexprimé dans les cancers du poumon, en particulier dans les CBPC.



Gènes suppresseurs de tumeurs: Les gènes suppresseurs de tumeur sont notamment p53, Rb et 3p. La mutation de p53 est liée au tabagisme et a été détectée dans les lésions prénéoplasiques du poumon. Les mutations de p53 sont fréquentes dans les CBNPC (environ 50 %) et les CBPC (environ 80 %).


Dans les CBPC, Rb est souvent muté ou délété, de sorte que la protéine Rb n’est pas exprimée dans 90 % des CBPC. Dans le CBNPC, Rb est normalement exprimée, mais lorsque Rb est phosphorylée, la division cellulaire peut devenir incontrôlée dans les CBNPC.


L’une des anomalies génétiques précoces dans le cancer du poumon est la délétion de matériel génétique dans le bras court du chromosome 3 (3p) (p14-p23). La suppression survient dans environ 50 % des CBNPC et dans 90 % des CBPC. Le gène FHIT (fragile histidine triad) (3p14.2), qui peut fonctionner comme gène suppresseur de tumeur par inhibition de la croissance tumorale et activation de l’apoptose, est anormal dans de nombreux cancers du poumon.



Facteurs de croissance: Des facteurs de croissance sécrétés par les cellules de cancer du poumon peuvent affecter des cellules adjacentes ou régionales (paracrinie), ou provoquer une prolifération autonome des cellules qui les produisent (stimulation autocrine). Les cellules qui sont touchées par cette stimulation autocrine sécrètent un facteur de croissance biologiquement actif. Des anticorps qui se lient à ce facteur de croissance inhibent la croissance cellulaire.


Des facteurs de croissance autocrines (peptides) qui jouent un rôle important dans la croissance des cellules cancéreuses du poumon, en particulier les CBPC, sont notamment le GRP (gastrin-releasing peptide) l’IGF-I (insulin-like growth factor type I) et le facteur de croissance des hépatocytes. Le GRP est présent dans environ 20 à 60 % des CBPC et moins fréquemment dans les CBNPC. Le facteur de croissance des hépatocytes est exprimé principalement par les CBNPC.


L’oncogène c-erB-1 code le récepteur de facteur de croissance épidermique (epidermal growth factor receptor [EGFR]), une glycoprotéine de 170 kD à activité de tyrosine kinase. L’activation de l’EGFR déclenche l’autophosphorylation du récepteur et conduit finalement à la prolifération cellulaire. Des mutations activatrices du gène EGFR ont été retrouvées chez 10 à 17 % des patients atteints de CBNPC ; parmi eux, jusqu’à 75 % ont répondu aux inhibiteurs de tyrosine kinase que sont le gefitinib ou l’erlotinib.



Épigénétique: L’épigénétique fait référence à une modification, héritable, de l’expression génique, mais qui n’implique pas un changement dans la séquence de l’ADN. L’une de ces modifications épigénétiques consiste en une méthylation plus ou moins marquée de différents segments de l’ADN. Ces remaniements, qui sont très fréquents dans le cancer du poumon, peuvent consister en hypométhylation, en dérégulation de l’ADN méthyltransférase I et en hyperméthylation. Les gènes qui sont méthylés dans les CBNPC comprennent p16, RAR-β, RASSFIA, ainsi que les gènes de la méthylguanine méthyltransférase et de la DAP-kinase (death-associated protein kinase). Cette hyperméthylation peut réduire au silence des gènes suppresseurs de tumeurs, permettant ainsi une croissance cellulaire non régulée.



Manifestations cliniques: Jusqu’à 15 % des patients chez qui un cancer du poumon est diagnostiqué sont initialement asymptomatiques ; le diagnostic est posé incidemment sur une radiographie thoracique obtenue pour d’autres raisons (par exemple une étude préopératoire). Cependant, la plupart des patients présentent des symptômes et des signes qui sont causés : (1) par la tumeur elle-même, qui se manifeste par l’invasion ou l’obstruction liées à sa croissance locale ; (2) par la propagation régionale intrathoracique aux ganglions lymphatiques et aux structures adjacentes ; (3) par une expansion lointaine extrathoracique ; (4) par des syndromes paranéoplasiques. Des signes et symptômes non spécifiques comprennent l’anorexie chez environ 30 % des patients, la perte de poids, la fatigue chez un tiers des patients et de l’anémie et de la fièvre chez 10 à 20 %. Plus de 80 % des patients montrent initialement trois ou plusieurs signes ou symptômes liés au cancer du poumon.



Lésion pulmonaire: Les symptômes résultant d’un cancer primitif du poumon dépendent de l’emplacement et de la taille de la tumeur. Ils peuvent être secondaires à la croissance endobronchique ou périphérique de la tumeur primitive. Le plus fréquent est la toux, qui affecte environ 45 % des cas, mais elle est non spécifique et aussi fréquente chez les patients qui fument et qui sont atteints de MPOC. Une hémoptysie survient chez plus de 30 % des patients, mais la bronchite et les bronchectasies sont des causes plus fréquentes d’hémoptysie. Les patients, dans 30 à 50 % des cas, se plaignent de dyspnée. La respiration sifflante est rare comme premier symptôme ; elle peut être la manifestation d’une obstruction importante, potentiellement responsable d’une pneumonie postobstructive. Celle-ci pourrait ne pas être évidente sur les radiographies thoraciques et n’être diagnostiquée que face à l’échec d’un traitement standard. Au moment du diagnostic de cancer du poumon, la tumeur peut être cavitaire et former un abcès.


Des tumeurs pulmonaires périphériques peuvent être asymptomatiques, mais elles provoquent le plus souvent de la toux et des douleurs dues à une extension à la plèvre ou à la paroi thoracique. La douleur thoracique, dont souffrent plus de 25 % des patients, peut être sourde ou grave et persistante, particulièrement lorsque la paroi thoracique est envahie.

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May 6, 2017 | Posted by in IMAGERIE MÉDICALE | Comments Off on 16: Cancer du poumon et autres néoplasmes pulmonaires

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