Chapitre 16 Anomalies thoraciques kystiques pulmonaires et hydrothorax
Les malformations bronchopulmonaires congénitales sont rares. Un diagnostic anténatal de ces malformations est possible grâce à l’échographie dans 50 % des cas [1]. Le terme le plus fréquent de diagnostic de ces malformations est le 2e trimestre. On dénombre plusieurs types de malformations pulmonaires et thoraciques chez le fœtus. Il s’agit d’un groupe de maladies hétérogènes quant à leur histoire naturelle et leur pronostic. Cependant, l’évaluation et la prise en charge ont beaucoup de points communs. Le diagnostic prénatal va surtout permettre d’évaluer le caractère isolé ou non de la malformation, son pronostic, de surveiller l’évolution et d’optimiser la prise en charge périnatale.
Diagnostic échographique
La figure 16.1 détaille les différents types d’anomalies thoraciques en fonction de leurs caractéristiques échographiques. Nous ne rentrerons pas dans les détails des hernies de coupole diaphragmatique qui font l’objet d’un chapitre à part (voir chapitre 17, « Malformations de la paroi abdominale et du diaphragme »).
Maladie adénomatoïde kystique du poumon
La maladie adénomatoïde kystique du poumon (MAKP) correspond à environ 25 % des malformations pulmonaires congénitales, avec une incidence de l’ordre de 1/30 000 grossesses. Cette anomalie est de survenue sporadique [2]. Elle résulte d’une absence de développement des alvéoles vers 5–8 semaines de gestation, avec une multiplication des bronchioles terminales, et correspond à un développement de type hamartome ou dysplasique du poumon. Elle est plus fréquemment située à gauche. La classification de Stocker est fondée sur les constatations histologiques. On utilise en échographie la classification d’Adzick qui distingue les MAKP macrokystiques (avec des kystes de plus de 5 mm de diamètre conférant un aspect globalement anéchogène à la malformation, correspondant grossièrement au type I de Stocker ; fig. 16.2 a à c), des MAKP microkystiques (avec des kystes de moins de 5 mm conférant un aspect globalement hyperéchogène correspondant approximativement au type III de Stocker ; fig. 16.2d). Il existe des formes mixtes correspondant approximativement au type II (de Stocker) histologique.
L’examen échographique recherche les signes de gravité que sont :
La mesure du CVR (cystic adenomatoid malformation volume ratio) a été rapportée et consiste à effectuer le rapport entre le volume de la MAKP (en cm3) et le périmètre céphalique (en cm) pour que le rapport tienne compte de l’âge gestationnel. Le pronostic semble moins bon en cas de CVR supérieur à 1,6 [2–4]. L’avènement de l’échographie 3D et du mode VOCAL TM (virtual organ computer-aided analysis) a permis d’améliorer l’évaluation des malformations pulmonaires fœtales par une meilleure acquisition de volume du poumon pathologique au sein du parenchyme pulmonaire sain [5, 6], de même que le Doppler couleur 3D est plus discriminant dans le diagnostic différentiel entre MAKP et séquestration pulmonaire en cas de masse pulmonaire hyperéchogène en mettant le vaisseau nourricier plus clairement en évidence qu’en 2D [7]. Enfin, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) thoracique fœtale contribue dès la période anténatale à une meilleure identification des anomalies thoraciques et à l’évaluation du retentissement sur la croissance du volume pulmonaire [8]. L’IRM fœtale peut permettre de différencier une séquestration pulmonaire d’une MAKP par la mise en évidence du pédicule nourricier, ce qui peut influer sur le traitement postnatal sans que cela ne change la prise en charge anténatale ni le pronostic vital fœtal.
Les MAKP suivent un schéma d’évolution variable : dans 20 % des cas, elles grossissent et peuvent s’aggraver sur le mode d’une anasarque résultant d’une compression locorégionale, avec un pic de survenue aux alentours de 27 SA. Dans environ 50 % des cas, elles restent stables et, dans 20 % des cas, elles régressent à l’échographie, la régression totale étant rapportée dans 5 à 10 % des cas [9]. Lors de MAKP volumineuses avec anasarque et placentomégalie, il existe un risque de syndrome en miroir maternel, correspondant à un tableau de pré-éclampsie avec vomissements, HTA, œdèmes périphériques et pulmonaires, et protéinurie. Cette complication pourrait résulter de la production de facteurs vasoactifs et peut perdurer après régression de la MAKP [10].
Globalement, le pronostic est bon à long terme en l’absence d’anasarque ou de malformations associées, avec un taux de survie avoisinant les 90–100 %. Toutefois, dans les cas rapportés par Thorpe-Beeston et Nicolaides, 4 enfants sur 36 dont la grossesse avait été poursuivie sont décédés malgré l’absence d’anasarque : l’un présentait des malformations associées et les trois autres sont nés prématurément (24, 26 et 33 SA) [11].
La présence d’une anasarque signe le tournant vers un stade plus sévère de la maladie, avec un taux de mortalité périnatale proche de 100 % des cas en l’absence de thérapeutique [2, 4, 7, 9], à l’exception de très rares cas de régression spontanée [12]. Après drainage in utero, le taux de survie atteint 60 à 79 % selon les séries [13]. Échographiquement, l’anasarque se traduit par un œdème sous-cutané, une ascite et/ou un épanchement pleural et péricardique. Elle est généralement associée à un hydramnios. Elle s’explique par les altérations hémodynamiques liées à l’obstacle au retour veineux et par la compression cardiaque qu’induit le volume de la tumeur. Après la résolution d’une anasarque, il faudra examiner soigneusement le cerveau du fœtus pour rechercher des lésions de leucomalacie provoquées par les troubles hémodynamiques.
Dans les cas de MAKP macroscopique avec anasarque ou hydramnios majeur, la simple ponction des kystes n’a qu’un effet transitoire, car le liquide se reforme dans les 24 heures. Le traitement le plus radical consiste à poser un drain de dérivation kysto-amniotique. Quand plusieurs macrokystes sont juxtaposés il est souhaitable d’effondrer la paroi des kystes pour les drainer dans le même temps.
Les formes de MAKP microkystiques avec anasarque sont de pronostic plus réservé car sans ressource thérapeutique efficiente. Une interruption médicale de grossesse peut être discutée avec les parents dans les cas de MAKP avec anasarque sans possibilité de traitement efficace. L’équipe américaine d’Adzick et Harrison a effectué plusieurs interventions de chirurgie fœtale in utero chez des fœtus porteurs de lésions microkystiques en anasarque, avec 8 succès sur 13 cas, la difficulté tenant au contrôle de l’accouchement prématuré [14]. D’autres équipes ont rapporté des tentatives de traitement par laser percutané qui semble être une technique prometteuse mais dont l’évaluation reste encore à établir [9]. Enfin, le traitement par bétaméthasone 12 mg à visée maturative a pu être associé à la régression du volume de certains cas de MAKP, sans que le mécanisme sous-jacent ne soit élucidé [12].
En période néonatale, un bilan morphologique postnatal incluant un scanner thoracique est réalisé. Dans la majorité des cas, la lésion pulmonaire est moins importante qu’attendu en anténatal. La lésion peut ne pas être vue sur une radiographie standard mais être retrouvée au scanner [9]. La prise en charge postnatale est discutée au cas par cas par les équipes pédiatriques : surveillance clinique et radiologique, exérèse de la lésion. Une intervention chirurgicale rapide s’impose lorsque le nouveau-né présente une détresse respiratoire (segmentectomie, lobectomie). Des complications postnatales ont été rapportées en cas d’expectative prolongée, à type d’infection, de pneumothorax, voire de très rares cas de dégénérescence maligne à type de rhabdomyosarcome et carcinome bronchiolo-alvéolaire [9].